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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 23
février 1838
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Rapports sur des pétitions relatives,
notamment, à une pension militaire et à la garde civique (Dumortier,
de Muelenaere, Dumortier,
A. Rodenbach, de Muelenaere),
au rétablissement des leges (A. Rodenbach, Dumortier, F. de Mérode, Gendebien, Duvivier, Dumortier, de Muelenaere, F. de Mérode, Duvivier, Dumortier, Dubus (aîné), Mercier, Andries), à un traitement
ecclésiastique (Andries, Metz, de Theux, de Muelenaere), au
refus de liquider une pension au-delà de 6,000 fr., à charge de la caisse de
retraite (de Renesse, de
Brouckere, Mercier, de
Renesse, de Brouckere, Dumortier,
de Brouckere, Mercier), aux
circonscriptions des justices de paix (de Behr, de Muelenaere)
3) Projet
de loi organisant le jury d’assises. Discussion des articles. Modalités de
délibération du jury (vote secret) (Ernst, Metz, Pollénus,
Metz, Ernst, , Gendebien,
Metz, Pollénus, de
Behr, Gendebien, Metz, Ernst), correctionnalisation de certains crimes (+réforme du
code pénal) (Ernst, Pollénus, Lebeau, Pollénus, Ernst,
Verhaegen, Ernst)
(Moniteur belge n°55, du 24 février 1838)
(Présidence
de M. Raikem.)
M.
B. Dubus fait l’appel nominal à une heure.
M.
de Renesse lit le procès-verbal de la séance précédente ;
la rédaction en est adoptée.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
«
Des distillateurs du canton de Deynze (Flandre orientale) demandent qu’il soit
apporté des modifications à la loi sur les distilleries. »
________________
« Les
juges de paix de l’arrondissement de Termonde demandent que leur traitement
soit augmenté dans la même proportion que ceux des autres membres de l’ordre
judiciaire. »
________________
« Plusieurs ex-receveuses de la loterie
royale des Pays-Bas demandent une pension. »
________________
-
Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
________________
M.
Lejeune informe la chambre que le décès d’un membre de sa famille l’oblige de
s’absenter pour quelques jours.
RAPPORTS SUR DES PETITIONS
M. le
président. - L’ordre du jour appelle en premier lieu le
rapport des pétitions.
M.
de Longrée, rapporteur. - « Par pétition du 27 décembre 1836, le conseil
communal de Venloo demande la construction du canal du Nord, projeté et exécuté
en partie par le gouvernement français. »
La
commission propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics et le dépôt
au bureau des renseignements.
-
Adopté.
________________
M.
de Longrée, rapporteur. - « Par pétition en date du 23 décembre 1836,
le conseil communal de Boom demande la construction d’un pont sur le Rupel. »
La
commission propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
-
Adopté.
________________
M.
de Longrée, rapporteur. - « Par pétition en date du 20 décembre
1836, le sieur Van Haelen, négociant à Bruxelles, réclame le paiement d’une
somme de 61,831 fr. 52 c., du chef de travaux faits au port d’Anvers. »
La
commission propose le renvoi à M.. le ministre des travaux publics.
M.
Verdussen. - Messieurs, je désirerais savoir si le pétitionnaire
s’est adressé au gouvernement ; en cas de négative, il y aurait lieu de passer
à l’ordre du jour ; car il est dans les attributions du gouvernement de
commencer l’instruction de cette affaire.
M.
de Longrée, rapporteur. - Je ne puis pas, pour le moment, donner tous
les renseignements désirables ; j’avoue franchement avoir perdu les notes sur
les pétitions.
-
Les conclusions de la commission sont adoptées.
M.
de Longrée, rapporteur. - « Par pétition en date du 8 décembre
1836, le sieur Page, ex-major de la garde civique mobilisée, et pensionné
depuis 1836, comme lieutenant adjudant-major, demande que sa pension soit
augmentée. »
La
commission propose le renvoi à M. le ministre de la guerre.
M.
Dumortier. - Messieurs j’appelle toute votre attention
sur la pétition dont il s’agit. Le pétitionnaire réclame, à mon avis, une chose
juste : avant la révolution il était lieutenant-adjudant-major dans l’armée des
Pays-Bas ; il fut mis à la retraite peu de temps avant la révolution, et reçut
la pension de retraite à raison de son grade de lieutenant-adjudant-major. A
l’époque de la révolution, il vint présenter ses services au gouvernement
provisoire ; il entra dans l’armée, fût promu à divers grades, et en dernier
lieu fut nommé, par le régent, major commandant d’un bataillon de la garde
civique mobilisée, M. Page est resté major commandant de ce bataillon pendant tout
le temps que la garde civique est restée sous les drapeaux. Après les
événements de 1831, il fut maintenu par le Roi Léopold.
Lorsque
le premier ban fut renvoyé dans ses foyers, le major Page qui, indépendamment
des services qu’il avait rendus sous le gouvernement précédent, avait commandé
pendant plusieurs années un bataillon de la garde civique et l’avait conduit au
feu ; le major Page fut mis à la retraite avec la pension de lieutenant, qu’il
avait avant la révolution, sans qu’on tînt aucun compte des services qu’il
avait rendus depuis lors.
Il
a adressé à cet égard une pétition à M. le ministre de la guerre ; mais ce
ministre, des procédés duquel il se loue, du reste, n’a pas liquidé sa pension
à raison de son dernier grade, et c’est là, messieurs, l’objet de la requête
qu’il vous a présentée.
Incontestablement, si M. le major Page eût été
nommé dans l’armée de ligne, il aurait obtenu, lors de sa retraite, la pension
de son dernier grade ; mais il a été détaché comme officier dans la garde
civique mobilisée qui s’est battue contre l’ennemi ; doit-il perdre ses droits,
parce qu’il a été détaché dans la gardé civique ? Pour moi, je ne le crois pas
; d’ailleurs le décret du congrès du mois de décembre 1830 est positif ; ce
décret dit que lorsque la garde civique est mobilisée, elle jouit de tous les
avantages dont jouit l’armée de ligne ; ces avantages, vous le savez, c’est la
solde, c’est la prestation en nature, c’est la pension, soit du chef des
services, soit du chef des blessures.
Si
M. le ministre de la guerre avait eu la garde civique dans ses attributions, il
n’aurait sans doute pas hésité de liquider la pension du major Page à raison de
son dernier grade.
Je
demande que la pétition soit renvoyée à M. le ministre de la guerre avec
demande d’explications ; par ce renvoi, le ministre de la guerre se trouvera,
je pense, suffisamment autorisé à liquider la pension du pétitionnaire d’après
son dernier grade.
M. de Muelenaere.
- Je ne m’oppose pas à ce que la pétition soit renvoyée à M. le ministre de la
guerre avec demande d’explications, mais je crois que c’est à cela que doit se
borner le renvoi ; il ne faut pas que M. le ministre de la guerre puisse, par
ce renvoi, se croire suffisamment autorisé à faire liquider la pension du
pétitionnaire en qualité de major ; il faut que M. le ministre de la guerre se
conforme à la loi, et s’il y a des doutes à cet égard, c’est à la chambre qu’il
doit s’adresser pour faire lever ces doutes d’une manière législative.
D’ailleurs, il est incontestable que les officiers de la garde civique
mobilisée, par suite de leur licenciement n’ont pas acquis des droits à la
pension.
Il
me semble que toute la question est celle de savoir si l’officier dont il
s’agit a été placé comme major de l’armée dans la garde civique. En cas
d’affirmative, alors il aurait des droits à obtenir une pension du chef de son
grade de major ; mais en cas du négative, il n’aurait pas des droits à cette
pension.
M. Dumortier.
- Messieurs, je n’ai pas dit que la chambre pouvait inviter M. le ministre de
la guerre à faire liquider la pension du major Page d’après son dernier grade,
j’ai dit seulement qu’il me paraissait que M. le ministre de la guerre se
trouverait suffisamment autorisé à liquider la pension sur ce pied :
l’honorable préopinant paraît avoir perdu de vue le décret du congrès qui dit
que, lorsque la garde civique est mobilisé, elle jouit des mêmes droits que
l’armée de ligne.
Lorsque
la garde civique est mobilisée, elle devient une fraction de l’armée, elle
n’est plus de la garde civique sédentaire.
M.
A. Rodenbach. - Je suis de l’opinion du préopinant que le
major Page mérite de la considération ; il est connu de tous les députés des
Flandres qu’il s’est vaillamment conduit au Pont-de-Paille ; mais je partage
aussi l’opinion de M. de Muelenaere qui demande le renvoi, mais sans rien
préjuger sur le fond de la question. Cette demande est rationnelle. Mais je
dois dire que la conduite du major Page le rend digne d’une récompense du
gouvernement.
M.
de Muelenaere. - Je ne conteste nullement les titres que peut
avoir le pétitionnaire à la liquidation de la pension.
Je
n’en ai jamais entendu parler que sous des rapports extrêmement avantageux ;
mais je demande que la chambre se borne à renvoyer avec demande d’explications
sans rien préjuge sur le fond. Le ministre viendra vous dire s’il se croit
autorisé en vertu de la loi à liquider la pension ; s’il n’est pas autorisé et que
le major Page ait rendu des services qui méritent qu’on fasse une exception en
sa faveur, il vous fera une proposition.
-
Le renvoi avec demande d’explications est adopté.
________________
M.
de Longrée, rapporteur. - « Par pétition sans date, le sieur A.
Jongelaelen, à Turnhout, chargé des expertises de la contribution personnelle
pour l’exercice 1835, réclame le paiement d’une somme de 20 fr. 75 c., qu’il
prétend lui revenir de ce chef, au lieu de celle de 7 fr. 41 c. qui lui a été
payée. »
-
La commission propose le renvoi M. le ministre des finances.
Adopté.
________________
M.
de Longrée, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 16
janvier 1837, le sieur Pierre Robert, domestique, à Bruxelles, demande une
indemnité du chef des pertes qu’il a essuyées par l’invasion hollandaise, en
1830, au faubourg de Schaerbeek, par le vol de ses effets. »
-
La commission propose l’ordre du jour.
Adopté.
________________
M.
de Longrée, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 25
décembre 1836, la dame veuve Cloquet, à Bruxelles, dont le mari est mort par
suite des blessures qu’il a reçues pour la cause nationale, demande une
pension. »
-
La commission propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
Adopté.
________________
M.
de Longrée, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 25
novembre 1836, la dame Catherine Preugnée, épouse de Pierre Buschots, demande
que son mari, qui a contracté des
infirmités en montant la garde bourgeoise, jouisse de la pension accordée aux
blessés de la révolution. »
-
La commission propose l’ordre du jour.
Adopté.
________________
M.
de Longrée, rapporteur. - « Par pétition datée du 7 décembre 1836, le
sieur A. Lœis, ci-devant procureur du Roi près le tribunal de première instance
Diekirch, mis à la pension depuis le 1er janvier 1834, demande l’arriéré de sa
pension depuis 1830. »
-
La commission s’étant convaincue, par l’examen des pièces jointes à cette
pétition, que M. le ministre de la justice se trouvait dans l’impossibilité de
satisfaire à la demande du pétitionnaire, vous propose l’ordre du jour.
Adopté.
________________
M.
de Longrée, rapporteur. - « Par pétition datée de Nodebais, le 31
décembre 1836, les propriétaires de chevaux et voitures de la commune de
Nodebais, qui ont été requis, en 1831, pour les transports militaires de
l’armée belge, réclament de ce chef le paiement de leur indemnité, s’élevant à
80 fr.»
La
commission propose le renvoi à M. le ministre de la guerre.
M.
Verdussen. - Le pétitionnaire s’est-il adressé au
ministre de la guerre pour obtenir le paiement de cette somme ?
M.
de Longrée, rapporteur. - Oui.
-
Les conclusions de la commission sont adoptées.
________________
M.
de Longrée, rapporteur. - « Par pétition du mois de juin 1836, le
sieur J.-G. Douhet, soldat au 11ème régiment d’infanterie, demande qu’il lui
soit accordé un congé illimité. »
La
commission propose l’ordre du jour.
-
Adopté.
________________
M.
de Longrée, rapporteur. - « Par pétition datée de Rixingen, le 19
janvier 1837, le sieur Henri Tielens, milicien de 1823, demande une pension du
chef d’infirmités contractées au service. »
La
commission propose l’ordre du jour.
-
Adopté.
________________
M.
de Longrée, rapporteur. - « Par pétition sans date, des
propriétaires du canton d’Oirsbeek, district de Maestricht, se plaignent d’une
surtaxe en fait d’impositions foncières, comparativement aux autres cantons de
la province de Limbourg. »
La
commission propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances.
-
Adopté.
________________
M.
de Longrée, rapporteur. - « Par pétition datée de Couthuin, arrondissement
de Huy, le 10 janvier 1837, le sieur Jean-Nicolas Guillitte, fils unique et
milicien de 1833, se plaint d’avoir été désigné pour le service, contrairement
à l’article 15 de la loi du 27 avril 1820, et demande que la chambre
intervienne pour faire prononcer son licenciement. »
La
commission propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
-
Adopté.
________________
M.
de Longrée, rapporteur. - « Par pétition datée de Mons, le 11
décembre 1836, le sieur A. Duplat, marchand boucher, à Mons, demande que la
livraison de la viande pour la garnison de cette ville soit mise au concours. »
La
commission propose l’ordre du jour.
-
Adopté.
________________
M.
Andries, deuxième rapporteur. - « Par
pétition présentée à la séance du 27 mai 1836, le conseil de fabrique de
Notre-Dame, à Verviers, demande que la chambre prenne une disposition qui
assure aux vicaires le paiement de leur arriéré. »
« Par
pétition présentée à la séance du 15 novembre 1836, les vicaires de plusieurs
paroisses de la ville de Liége demandent le paiement de l’arriéré de leur
traitement. »
La
commission propose le renvoi de ces deux pétitions au ministre de l’intérieur.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Ces pétitions
sont de 1836, c’est un objet terminé. Il a été fait à ces vicaires une avance
égale à l’indemnité due par les régences, en réservant au gouvernement le
recours contre les régences.
-
L’ordre du jour est mis aux voix et adopté pour les motifs énoncés par M. le
ministre de l’intérieur.
________________
M.
Andries, rapporteur.
- « Par pétition présentée à la séance du 30 mai 1836, le conseil de
fabrique de l’église annexe de Koekelberg (Brabant) demande que les traitements
des desservants d’annexes soient mis à la charge de l’Etat, comme l’est celui
des desservants de succursales, et portés à la même somme de 800 fr. »
La
commission propose le renvoi à M. le ministre de l’intérieur,
-
Adopté.
M. Andries, rapporteur.
- « Par pétition présentée à la séance du 3 juin 1836, un grand nombre de
négociants de Bruxelles demandent l’abrogation de l’arrêté du gouvernement provisoire,
qui supprime les leges de douanes. »
La
commission propose le renvoi au ministre des finances.
M.
A. Rodenbach. - Je suis étonné de voir des négociants venir
demander des leges en faveur des employés, car ce ne sont pas les négociants
qui ont été froissés dans leurs intérêts par la suppression de ce qu’on
appelait avec raison, du temps du congrès, un pourboire administratif. On s’est
alors beaucoup récrié contre ces leges. Je demande qu’on ne renvoie pas la
pétition au ministre des finances, mais qu’on se borne à en ordonner le dépôt
au bureau des renseignements. Je devrais demander l’ordre du jour.
M.
Dumortier. - Je demande l’ordre du jour.
M.
A. Rodenbach. - Je me rallie à cette proposition.
M. Dumortier.
- Lorsque la révolution a éclaté, on a supprimé les leges. Cet acte a été reçu
avec reconnaissance par tout le pays. Le congrès a maintenu cet acte et on lui en
a su gré dans le pays. Le rétablissement des leges serait une disposition
fâcheuse. Si des négociants veulent payer des leges, qu’ils en paient, personne
ne le trouvera mauvais. Mais qu’on ne contraigne pas à en payer ceux qui ne
veulent pas en payer.
Cette
disposition doit être envisagée sous plus d’un rapport. Dans l’état actuel des
choses, on rétablit généralement sur les objets soumis aux droits de douanes un
droit de sortie de 10 p. c. par 100 kilog. Précédemment il y avait libre sortie
et l’on ne devait pas prendre d’acquit. Lorsque le droit de 10 p. c. est
rétabli, on doit prendre un acquit. Jusqu’ici le gouvernement a eu le soin de
prescrire aux employés de ne pas exiger d’acquit de sortie pour ne pas gêner le
commerce interlope. Vous concevez, en effet, quelle gêne ce doit être pour le
commerce interlope qu’il faille, pour une livre de café ou de tabac, aller au
bureau de douanes prendre un acquit. Je pense donc qu’il y a lieu de prononcer
l’ordre du jour. Si les pétitionnaires veulent accorder des leges, qu’ils les
accordent. Mais le gouvernement provisoire a bien fait de les supprimer, et on
aurait tort de les rétablir.
M. F. de Mérode. - Je ne
comprends pas pourquoi on s’oppose au renvoi à M. le ministre des finances. La
pétition est signée par un grand nombre de négociants. Je ne sais pas sur quels
motifs elle est fondée ; mais il faut croire qu’elle est fondée sur des motifs
quelconques ; car on ne demande pas à payer pour le plaisir de payer. Les leges
ont été abolis ; à l’époque où on a pris cette mesure, on a cru bien faire ;
niais s’il y a des motifs pour rétablir les leges, je ne vois pas pourquoi on
ne les rétablirait pas. Le renvoi à M. le ministre des finances n’est pas le
rétablissement les leges. Si ce renvoi était le rétablissement d’un abus, je
voterais contre. Mais il ne s’agit pas de cela ; il s’agit simplement d’un
renvoi, c’est-à-dire d’examiner la question. S’il ne convient pas de rétablir
les leges, le ministre des finances vous le déclarera, après examen. En tout
cas, la chambre décidera. Je ne vois pas pourquoi on repousserait la pétition,
que la commission appuie sans doute par des motifs légitimes.
M. Gendebien.
- Quand nous avons aboli les leges, nous avons cru faire une bonne chose. Mais
il est possible que nous nous soyons trompés. Je serais porté à le croire, vu
la demande extraordinaire des négociants de Bruxelles, qui demandent à payer
les leges. Je crois qu’il serait dangereux de prononcer le renvoi au ministre
des finances, qui est une espèce de recommandation. Il convient de s’éclairer
avant de renvoyer la pétition ; j’en demande le dépôt au bureau des
renseignements ; nous pourrons l’examiner, et si, en abolissant les leges, nous
avons commis une erreur, je serai le premier à en demander le rétablissement.
M. Duvivier.
- Je ne puis m’empêcher de relever certaines erreurs que l’on a commises à
l’occasion de la pétition dont il s’agit. Quel que soit le sort de cette
pétition, il n’est pas juste de dire que les employés peuvent toucher des
leges, de la main à la main, comme générosité des négociants envers eux. Il est
impossible que l’administration tolère pareille chose ; assurément elle ne le
tolérerait pas ; ce serait un cas de destitution.
On
a eu tort de parler de « pourboire administratif. » Cette expression
est inconvenante. Il ne s’agit pas de pourboire administratif. Les leges ont
été touchés par les employés, non en vertu des lois, je le reconnais, mais par
suite d’arrêtés, pris par le souverain en vertu des lois. Il n’y a donc pas là
de pourboire ; l’expression est impropre, J’ai cru devoir la relever. Car les
leges étaient perçus légalement par les employés, en vertu de décrets relatifs
à l’organisation des entrepôts et pour délivrance des expéditions. Aujourd’hui
les leges sont supprimés ; mais il est possible, comme l’a dit un honorable
membre, qu’il y ait eu erreur dans cette suppression. Je ne vois donc pas
d’inconvénient à ce que M. le ministre des finances soit chargé, par le renvoi
qui lui serait fait de la pétition, d’examiner si on a bien ou mal fait de
supprimer les leges. Mais je déclare, et je suis persuadé que j’aurais
l’approbation de M. le ministre des finances, s’il était présent, que les
employés ne peuvent rien recevoir qu’en vertu des lois, ou de dispositions
prises en vertu des lois.
M. Dumortier.
- Nous savons bien que les employés ne doivent rien recevoir, qu’en vertu des
lois. Nous croyons que dans notre pays les employés ne reçoivent rien qu’en
vertu des lois, quoiqu’il n’en soit pas ainsi dans tous les pays. Mais ce n’est
pas là la question. La question est de savoir s’il faut renvoyer la pétition à
M. le ministre des finances. Comme l’a dit l’honorable M. Gendebien, il n’est
pas douteux que le renvoi au ministre des finances est un préjugé en faveur de
la question, et vous aurez décidé ainsi que vous approuvez la proposition de
rétablir les leges. M. le ministre des finances n’a pas besoin que la pétition
lui soit renvoyée pour examiner la question. Ne connaît-il pas les faits ? Les
pétitionnaires ne peuvent-ils pas s’adresser à lui ? Ne sont-ils pas aussi près
de M. le ministre des finances que de nous ? La chambre ne doit renvoyer des
pétitions aux ministres que pour qu’il y soit fait droit. Autrement vous
devenez un bureau de poste aux lettres, et on ne s’adressera jamais aux
ministres sans employer votre intermédiaire. Tout ce que vous pouvez faire,
c’est d’ordonner le dépôt de la pétition au bureau des renseignements, ainsi
que l’a proposé l’honorable M. Gendebien. Ensuite, si quelque membre veut faire
une motion, il lui sera libre de le faire.
Quant
à moi, je regarde les leges en matière de douanes comme une chose préjudiciable
au commerce et vraiment déplorables. Je demande donc le dépôt au bureau des
renseignements ou l’ordre du jour. Quant au renvoi à M. le ministre des
finances, je n’y oppose parce qu’il préjugerait votre assentiment au
rétablissement des leges, sans que vous ayez examiné la question.
M. de Muelenaere.
- Que la pétition soit renvoyée au ministre des finances ou soit déposée au
bureau des renseignements, cela m’est assez indifférent. Il est vrai que le
gouvernement provisoire a supprimé les leges ; je crois même que ce fut un des
premiers actes du gouvernement provisoire. Mais il avait un motif grave pour
prendre cette mesure. Des doutes s’étaient élevés sur la légalité de la
perception des leges ; il est possible que le gouvernement provisoire ait été
déterminé par ce motif et qu’il ait supprimé cette perception comme illégale.
Mais
maintenant convient-il ou ne convient-il pas de rétablir les leges ? C’est une
question sur laquelle je ne suis pas fixé. Après tout le renvoi à M. le
ministre des finances n’offre aucun inconvénient. C’est un renvoi pur et simple
; ce n’est pas une recommandation.
Le
renvoi ne sera autre chose qu’une invitation faite au ministre d’examiner la
question. Et d’ailleurs, il est de fait, aujourd’hui, que les leges ne peuvent
être perçus qu’en vertu d’une loi ; eh bien, le ministre des finances verra
s’il croit devoir proposer le rétablissement des leges soit dans l’intérêt de
l’administration, soit dans l’intérêt des employés.
M. F. de Mérode. - M. de Muelenaere vient de développer ma
pensée ; le renvoi ne préjuge rien, il signifiera : Examinez.
M. Duvivier.
- Je suis fort loin d’attribuer au renvoi à M. le ministre des finances
l’importance que veut lui donner M. Dumortier. Il s’agira seulement par le
renvoi d’engager ce haut fonctionnaire à examiner la question, et rien de plus.
On
a dit que les employés recevaient des aliments suffisants par leurs traitements
: c’est une erreur. Quand les leges existaient, on en calculait le montant
probable, et l’on donnait en conséquence un traitement fixe à l’employé qui
avait ainsi deux traitements, l’un constant, l’autre variable : quand on a
supprimé les leges on n’a pas augmenté les traitements fixes, et ils se sont
trouvés dans une plus mauvaise position qu’avant la révolution.
M. Dumortier.
- Je demande la parole pour un fait personnel. L’honorable M. Duvivier m’a
accusé d’erreur, et je tiens à démontrer que c’est lui qui est dans l’erreur.
Il est tellement vrai que les leges ne figurent plus dans le traitement des
employés qu’en 1834 on a augmenté le traitement des teneurs de livres par suite
de la suppression des leges.
M.
Dubus (aîné). - Je crois qu’on doit accueillir la pétition
par un ordre du jour. Le gouvernement provisoire a aboli les leges parce que
cet impôt était établi par arrêté royal : c’était une mesure de réparation que
le peuple avait droit de demander. Que demande-t-on maintenant ? On demande
d’abroger l’arrêté du gouvernement provisoire ; ainsi on demande l’abrogation
d’un acte qui a fait droit à un grief manifeste, ou on veut le rétablissement
des leges par arrêté royal.
M.
Mercier. - Il me semble, messieurs, que nous ne devons
pas nous arrêter au mot « abrogation ; » c’est la chose qu’il faut
voir. Des négociants s’adressent à la chambre pour réclamer une disposition
législative ; ils nous demandent une loi pour rétablir les leges, pour qu’ils
soient perçus légalement et non en vertu de simples arrêtés du pouvoir
exécutif. En décidant le renvoi de cette pétition au département des finances,
la chambre ne préjuge rien : le gouvernement aura à examiner s’il juge
convenable de présenter ou de ne pas présenter une loi aux chambres sur cet
objet, et, dans l’affirmative, le pouvoir législatif se prononcera pour ou
contre l’adoption du rétablissement des leges. Il n’y a donc pas le moindre
inconvénient à renvoyer la pétition au ministre des finances.
-
L’ordre du jour ayant la priorité est mis aux voix. Deux épreuves par assis et
levé sont douteuses ; on procède à l’appel nominal.
60
membres sont présents.
25
répondent oui ;
31
répondent non ;
4
s’abstiennent.
En
conséquence, l’ordre du jour est rejeté. Ont répondu oui : MM. Bekaert-Baeckelandt,
Dechamps, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Renesse, de Roo, Desmaisières,
Desmet, Doignon, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Hye-Hoys, Jadot,
Keppenne, Morel-Danheel, Pirmez, Pollénus A. Rodenbach, Scheyven, Seron,
Thienpont, Ullens, Vandenbossche, Vergauwen, Peeters.
Ont
répondu non : MM. Andries, Angillis, Coppieters, Corneli, de Behr, de
Brouckere, de Florisone, de Langhe, de Longrée, F. de Mérode, de Muelenaere, de
Puydt, Dequesne, de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, Duvivier, Eloy de
Burdinne, Ernst, Lebeau, Lecreps, Maertens, Mercier, Metz, Milcamps, Nothomb,
Raymaeckers, Rogier, Stas de Volder, Van Volxem, Verdussen.
Les
membres qui se sont abstenus sont invités à motiver leur abstention.
M. Gendebien.
- Je me suis abstenu, messieurs, parce qu’il s’agit d’un acte dans lequel je
suis intervenu autrefois, et parce qu’on a trouvé de l’inconvenance dans la
pétition qui demande l’abrogation de cet acte.
M.
Dubois. - Je me suis abstenu parce que je n’ai pas
assisté à la discussion.
M. Heptia
et M. Zoude déclarent s’être abstenus par les
mêmes motifs que M. Dubois.
M.
Andries, rapporteur.
- Je dois vous faire remarquer, que lorsque la pétition a été déposée sur le
bureau, l’analyse en a été faite d’une manière quelque peu inexacte ; ce n’est
pas précisément l’abrogation de l’arrêté du gouvernement provisoire que les
pétitionnaires demandent, c’est seulement le rétablissement des frais
d’expédition de douanes.
-
Le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi à MM. les ministres de
l’intérieur et des finances sont successivement mis aux voix et adoptés.
________________
M.
Andries, rapporteur.
- « Par pétition, présentée à la séance du 6 juin 1836, le sieur Moraux,
ex-employé des douanes, admis à la retraite, réclame le paiement d’une somme de
61 fr. qui lui revient du chef de sa pension pour le premier semestre 1832.
La
commission propose le renvoi au ministre des finances.
-
Adopté.
________________
M.
Andries, rapporteur.
- « Par pétition présentée à la séance du 11 novembre 1836, le sieur Jacques
Marechal, batelier à Jemeppe (Liége), demande une indemnité de 500 fr., du chef
de dégâts essuyés par son bateau qui a servi à l’établissement d’un pont sur le
canal de Maestricht à Bois-le-Duc en 1831, pour le passage des troupes. »
La
commission propose le renvoi au ministre de la guerre.
-
Adopté.
________________
M.
Andries, rapporteur.
- « Par pétition présentée à la séance du 11 novembre 1836, des habitants
notables du faubourg de Schaerbeek demande une pension pour la veuve du notaire
Herman, ex-bourgmestre de cette commune. »
La
commission propose le dépôt au bureau des renseignements.
M.
Milcamps. - Les pétitionnaires retirent leur demande.
________________
M.
Andries, rapporteur.
- « Par pétition présentée à la séance du 12 novembre 1836, le sieur J.-A.
Borrekens, à Ixelles, demande qu’il soit fait rapport, par la commission des
pétitions, de la requête du sieur Derudder, d’Anvers, tendant à ce que le gouvernement
se constitue garant, comme l’avait fait l’ancien gouvernement aux porteurs
d’actions créées pour la construction d’un entrepôt à Anvers. »
La
commission propose le renvoi à MM. les ministres de l’intérieur et des
finances, avec demande d’explications.
-
Adopté.
________________
M.
Andries, rapporteur.
- « Par pétition présentée à la séance du 12 novembre 1836, le sieur
François Callens, ébéniste, à Bruxelles, demande le remboursement, à titre
d’indemnité, d’une somme de 2,000 fr. qui lui a été enlevée par les Hollandais
en 1830. »
La
commission propose le dépôt sur le bureau pendant la discussion de la loi sur
les indemnités.
-
Adopté.
M.
Andries, rapporteur.
- « Par pétition présentée à la séance du 12 novembre 1836, le sieur
Antoine, desservant de Compogne (Luxembourg) demande le paiement du secours qui
était payé à son parent Antoine (Nicolas-Joseph), desservant démissionnaire
pour infirmités, en remplacement de la pension à laquelle il avait droit en
vertu de l’arrêté du 21 août 1816 ; secours qui n’a pas été payé depuis le 1er
janvier jusqu’au 4 mai 1836, jour de son décès, et dont on refuse le paiement,
parce qu’il n’y a pas eu d’arrêté de continuation de secours antérieur au
décès. »
D’après les renseignements que la commission
s’est empressée de prendre, il paraît que le réclamant a pris chez lui un
desservant démissionnaire pour cause d’infirmité, qui, sous l’ancien régime,
jouissait d’une pension, en vertu de l’arrêté du 21 août 1816. Comme du temps
du gouvernement hollandais, les pensions étaient accordées en vertu d’un
arrêté, on n’a pas pu, sous le régime constitutionnel, continuer à payer les
pensions accordées de cette manière ; mais depuis la révolution on a payé aux
titulaires de ces pensions, à titre de secours, les mêmes sommes qu’ils
recevaient auparavant. Dans le cas dont nous nous occupons, il est arrivé que
l’arrêté ministériel accordant le secours ne devait être rendu qu’au mois de
juin, tandis que le titulaire est mort dans le mois de mai, de sorte que le
sieur Antoine qui a prodigué ses soins à celui-ci, qui a payé les frais de la
maladie n’a rien reçu en compensation de ses dépenses pendant quatre ou cinq
mois. Il a fait une réclamation au ministère de l’intérieur, il lui a été
répondu que le secours ne pouvait pas lui être payé parce que l’arrêté qui
l’accorde est postérieur au décès. Il me paraît, messieurs, qu’il n’y a
d’autres moyen de satisfaire à la juste réclamation du pétitionnaire que de
voter un crédit supplémentaire lorsque nous nous occuperons du budget de
l’intérieur ou de demandes de crédit pour dépenses arriérées de ce département.
La
commission, messieurs, a l’honneur de vous proposer le renvoi de la pétition à
M le ministre de l’intérieur.
M. Metz.
- J’appuierai vivement, messieurs, toute mesure qui tendrait à faire droit à la
pétition ; j’ai déjà eu l’honneur de vous dire, dans une autre occasion, que
dans la province de Luxembourg la position des ecclésiastiques est plus dure
que partout ailleurs ; la position des ecclésiastiques démissionnaires est
encore plus dure que celle des autres ; ils se retirent ordinairement lorsque,
par leur âge avancé, ils sont sujets à de nombreuses infirmités ; ils sont
presque toujours dépourvus de fortune. Le sieur Antoine s’est retiré après
cinquante ans de service ; il a été reçu par le pétitionnaire qui se
contentait, de recevoir, en dédommagement de ses soins et de ses frais, la
modique pension du démissionnaire. Je pense, messieurs, que le pétitionnaire a
fait preuve d’une charité louable pour qu’il ne faille pas l’encourager.
Je
voterai, en conséquence, pour le renvoi de la pétition à M. le ministre de
l’intérieur, avec prière d’y avoir tous les égards possibles.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux).
- Messieurs, l’inconvénient dont il s’agit ne pourra plus se présenter à
l’avenir, parce que dernièrement il a été pris un arrêté royal d’après lequel
les secours accordés aux ecclésiastiques, pour leur tenir lieu de pension,
seront réglés jour par jour. Quant au passé, le sieur Antoine n’est pas le seul
qui se trouve dans la position dont il se plaint ; on a suivi un principe
général en matière de secours, c’est que, si l’individu qui jouit d’un secours
vient à mourir avant la signature de l’arrêté qui l’accorde, ce secours n’est
point payé, parce qu’on regarde la chose comme purement personnelle. Cependant,
comme les ecclésiastiques ne peuvent pas souffrir le retard qui a été apporté à
la loi des pensions, j’ai proposé au Roi l’arrêté dont je viens de parler. Je
crois qu’il est réellement juste de payer aux ecclésiastiques le secours qui
remplace leur ancienne pension, jusqu’au jour de leur décès. Je me propose donc
de présenter à la chambre une demande de crédit pour faire face à ces dépenses
que je considère comme arriérées ; je crois qu’elles peuvent s’élever en
totalité à 11,000 fr. depuis l’époque de la révolution.
M.
de Muelenaere. - Messieurs, comme M. le ministre de
l’intérieur vient d’annoncer qu’il présentera un projet de loi tendant à faire
droit à la réclamation dont il s’agit, je n’ai plus rien à dire.
Mais
il me semble aussi que cette réclamation est éminemment juste.
Le
desservant dont il s’agit était pensionnaire en vertu de l’arrêté de 1816.
Toutes ces pensions ont été converties en secours ; ces secours se paient par
semestre ou par trimestre.
Il
est incontestable que les anciens desservants de cette catégorie n’ont pour la
plupart d’autres ressources que leur modique pension ; s’ils ne les reçoivent
pas en temps utile, ils sont obligés de faire des dettes, et c’est dans
l’espoir d’être remboursée lors du paiement de leur pension, qu’on leur accorde
les avances dont ils peuvent avoir besoin. Je conçois fort bien que le mandat
qui a été délivré après le décès du desservant ne puisse être liquidé au profit
du sieur Antoine. mais il peut l’être au profit de ses héritiers sauf au sieur
Antoine à s’entendre avec ces héritiers pour être payé de la somme qu’il a
avancée.
________________
M.
Andries, rapporteur.
- « Par pétition présentée à la séance du 15 novembre 1836, la dame
baronne de Messemaere, née de Doncker, demande que ce qu’elle reçoit du
gouvernement à titre de secours, soit porté de 200 à 300 fl. »
La
commission propose le renvoi au ministre de l’intérieur.
-
Adopté.
________________
M.
Andries, rapporteur.
- « Par pétition présentée à la séance du 15 novembre 1830, un grand
nombre d’habitants de Zeelhem (Limbourg) demandent
« 1°
Que l’élection qui a eu lieu le 5 novembre 1836, en remplacement d’un membre du
conseil communal qui avait donné sa démission, soit annulée ;
« 2°
Que l’ancien bourgmestre qui fait de nouveau partie du conseil soit maintenu
dans ses fonctions. »
La
commission propose l’ordre du jour.
-
Adopté.
M.
Andries, rapporteur.
- « Par pétition présentée à la séance du 17 novembre 1830, la dame veuve
du sieur Mersch, conservateur des hypothèques, à Liége, demande que sa pension
de la caisse de retraite lui soit payée en intégralité, par conséquent soit
portée de 6,000 à 9,902 fr. »
La
commission propose le renvoi à la section centrale chargée du rapport du projet
de loi relatif aux pensions.
M.
de Renesse. - Messieurs, la pension de Mme la veuve Mersch
a été liquidée à la somme de 9,902 fr. par résolution du conseil d’administration
de la caisse de retraite, en date du 22 janvier 1836, et sur le pied des
retenues considérables opérées pendant de longues années sur le traitement de
M. Mersch, en son vivant directeur de l’enregistrement et conservateur des
hypothèques à Liége. D’après les règlements et arrêtés sur la caisse de
retraite, Mme la veuve Mersch avait un droit acquis à cette pension de 9,902
fr., à raison des 36 ans 7 mois et 27 jours de services de son mari, et d’un
traitement de 19,810 fr. 95 c. ; mais, par un arrêté du 2 mai 1836, il fut
décidé qu’il ne serait alloué à la pétitionnaire que, jusqu’à une disposition
contraire, une pension annuelle de 6,000 fr. ; cette décision fut fondée sur ce
que, dans l’état de la discussion, actuellement pendante devant la législature,
en ce qui concerne les pensions de la caisse de retraite, il était rationnel de
n’allouer définitivement aucune pension dépassant le
taux de 6,000 fr. Mme la veuve Mersch, alarmée par le motif de cet arrêté,
s’est adressée à la chambre des représentants de l’avis de plusieurs
jurisconsultes distingués de Liége qui, dans un mémoire joint à la pétition,
prouvent à l’évidence que la pétitionnaire est fondée en droit, et conformément
à l’article 11 de la constitution, de réclamer la pension telle qu’elle a été
liquidée par le conseil d’administration d’après les arrêtés et règlements sur
la caisse de retraite, et qu’il serait d’ailleurs de toute injustice de
liquider cette pension d’après toute autre base que celle sur laquelle toutes
les autres pensions de la caisse de retraite avaient été liquidées, aussi
longtemps qu’aucune nouvelle loi n’aurait réglé cette matière. Par ces motifs,
que je crois très fondés, et, tout en appuyant la juste réclamation de Mme la
veuve Mersch, j’ai l’honneur de demander le renvoi de la pétition à M. le
ministre des finances, et, en outre, à la section centrale qui sera chargée de
l’examen du projet de loi qui vient d’être présenté sur toutes les pensions
civiles et ecclésiastiques, et qui, en examinant cette réclamation, pourra
faire une proposition à la chambre si M. le ministre des finances ne croit pas,
pour le moment pouvoir faire droit à la juste réclamation de Mme la veuve
Mersch.
M. de Brouckere.
- Messieurs, le mari de la pétitionnaire était conservateur des hypothèques à
Liége. A l’époque de la mort de son mari, on a liquidé la pension à laquelle
elle avait droit sur la caisse de retraite, et le montant de cette pension, en
vertu des dispositions en vigueur, était de 9,902 fr. Mais vous vous rappelez
que M. le ministre des finances, par suite des discussions qui avaient eu lieu
les années antérieures dans la chambre, avait pris vis-à-vis de nous
l’engagement de ne plus payer de pension qui fût supérieure à 6,000 fr., et de
réduire provisoirement à ce taux les pensions dont le montant était plus fort.
Cette
mesure a été appliquée à la pétitionnaire, à laquelle, dans les premiers temps,
on n’a payé que 6,000 fr. ; mais depuis lors la chambre a voté une loi sur la
caisse de retraite, et je suppose que maintenant on paie à la pétitionnaire
toute la pension à laquelle elle a droit d’après les dispositions qui étaient
en vigueur au moment de la mort de son mari.
Au
reste, avant de prendre une décision sur la pétition, il faudrait attendre la
présence de M. le ministre des finances.
M. Mercier.
- Je vais donner quelques éclaircissements à la chambre : Aucune loi des
pensions n’a été votée depuis la réclamation de la pétitionnaire, et elle se
trouve encore dans la même position que lorsqu’elle s’est adressée la chambre.
Depuis plus de deux ans, par suite du vœu exprimé par la chambre et de
l’engagement que je pense avoir été pris par M. le ministre des finances,
aucune pension n’a été fixée par arrêté royal à un taux supérieur à six mille
francs, lors même qu’en vertu du règlement quelques-unes eussent dû dépasser
cette somme.
Je
crois qu’il n’y a nul inconvénient à renvoyer la pétition à M. le ministre des finances,
et j’appuie la proposition faite à cette fin par l’honorable M. de Brouckere .
M. de Renesse.
- Messieurs, il résulte des explications que l’honorable M. Mercier vient de de
donner, que la veuve Mersch est toujours en réclamation auprès du ministre des
finances, et qu’elle n’a pu obtenir le paiement de sa pension, telle que cette
pension a été liquidée à l’époque du décès de son mari.
Je
pense, en conséquence, que la pétition devrait être renvoyée à M. le ministre
des finances.
M.
de Brouckere. - S’il en est ainsi, et l’on ne peut pas en
douter après les explications de l’honorable M. Mercier, j’appuie le renvoie de
la pétition à M. le ministre des finances.
M.
Dumortier. - Messieurs, quant à moi, j’appuie la
proposition de la commission des pétitions, tendant à renvoyer la pétition à la
section centrale chargée de l’examen du projet de loi concernant les pensions.
Je
pense que lorsqu’on jouit d’une pension de 6,000 francs, on n’est pas encore à
rien ; il me semble qu’une pension de 9,902 fr., qui ressemble beaucoup à une
pension de 10,000 fr. est très considérable, surtout alors qu’il s’agit d’une
pension de veuve.
Le ministre des finances a pris l’engagement de
ne plus payer de pension à un taux supérieur à 6,000 fr. ; et jusqu’à ce qu’une
loi soit intervenue à cet égard, il me paraît qu’il y a lieu de laisser les
choses dans l’état où elles sont. Il est probable que l’on discutera la loi sur
les pensions dans le courant de la session, et la pétition dont nous nous
occupons en ce moment pourra nous fournir alors d’utiles renseignements.
Je
pense donc qu’il faut s’en tenir aux conclusions de la commission des
pétitions. Le renvoi au ministre des finances pourrait avoir des inconvénients.
Nous ne devons pas préjuger ces questions, ces questions ne sont pas toujours
ce que les pétitionnaires prétendent. Ainsi, dans plusieurs fonctions de
l’ordre financier, il existe, indépendamment du traitement, des sommes qu’on
alloue aux employés à titre d’abonnement ; il existe encore d’autres bénéfices.
Or, il y a des fonctionnaires qui prétendent que leur pension soit liquidée,
non seulement à raison de leur traitement, mais encore en tenant compte de
l’abonnement dont ils ont joui.
M. de Brouckere.
- Je n’entends pas que la chambre décide aujourd’hui qu’il fallait payer à la
pétitionnaire la pension de 9,902 francs, il n’est pas question de cela. Voici
simplement de quoi il s’agit. Le mari de la pétitionnaire est mort sous
l’empire de dispositions qui avaient été exécutées jusque-là. Elle a demandé
qu’on exécutât aussi ces dispositions à son égard, puisqu’elles n’étaient pas
abrogées au moment de la mort de son mari. Eh bien, c’est une question à
examiner : je ne prétends la trancher ni dans l’un ni dans l’autre sens ; mais
je vous demande si une question aussi importante ne doit pas faire l’objet d’un
examen, non seulement de la part de chacun de nous, mais encore de la part du
gouvernement. Eh bien, que faisons-nous, en renvoyant au ministre des finances
la pétition, ainsi que la consultation dont est accompagnée et qui est signée
par trois avocats du barreau de Liége ? Nous ne faisons pas autre chose
qu’engager le ministre à examiner une question qui mérite une attention
sérieuse ; on fait valoir des droits acquis, et d’autres considérations très
graves. Le ministre examinera sans doute la question, avant que nous discutions
la loi sur les pensions. Je ne propose que le simple renvoi de la pétition au
département des finances, sans demander d’explications.
Je
persiste à demander le renvoi au ministre des finances.
M.
Mercier. - Je n’ai demandé la parole que pour faire observer
que ce qui vient d’être allégué par l’honorable M. Dumortier prouve qu’il y a
nécessité de hâter la discussion de la loi sur les pensons qui a été présentée
à la chambre par le gouvernement, mais ne prouve rien contre l’objet de la
pétition dont nous nous occupons en ce montent. Quand on a nommé une commission
pour réviser les pensions, c’était pour examiner si elles étaient établies
d’après les dispositions existantes et non pour les fixer arbitrairement.
J’appuie
la proposition de l’honorable M. de Brouckere qui tend au renvoi de la pétition
à M. le ministre des finances.
-
Le renvoi à la section centrale qui sera chargée de l’examen du projet de loi
sur les pensions est adopté.
La
chambre adopte également le renvoi au ministre des finances.
M.
Andries, rapporteur.
- « Par pétition présentée à la séance du 28 novembre 1836, le sieur
Victoor, notaire à Messines (Flandre occidentale), adresse des observations sur
le projet de nouvelle circonscription judiciaire, et demande qu’en cas de
modification des cantons actuels, on modifie l’article 5 la loi de ventôse an
XI. »
La
commission avait proposé le renvoi au ministre de la justice, mais depuis
qu’elle a examiné cette pétition, un projet de loi ayant été présenté à la
chambre, elle a conclu au renvoi à la section centrale chargée de l’examen du
projet de loi relatif aux circonscriptions des justices de paix.
M. de
Behr. - Les rapports ont été faits ; la section
centrale est dessaisie ; je crois qu’il vaudrait mieux ordonner le dépôt sur le
bureau, quand on discutera le projet de loi.
M.
de Muelenaere. - Je demanderai le renvoi au ministre de la
justice. La pétition renferme probablement quelques vues. Je crois que le
gouvernement est décidé, avant de provoquer la discussion de ce projet
d’attendre les observations des conseils provinciaux sur la matière.
M.
le ministre a demandé en dernier lieu que les conseils provinciaux voulussent
exprimer leur opinion sur les différents projets de circonscription antérieurs.
Les conseils provinciaux ne se sont pas encore occupés de cette matière, parce
qu’ils ont pensé qu’ils ne pourraient le faire que quand la chambre se serait
prononcée sur la loi de compétence des justices de paix. Si la pétition
renferme des vues utiles, et je le pense, car elle émane d’un notaire de la
Flandre occidentale, il convient de la renvoyer au ministre de la justice, afin
qu’il puisse la communiquer au besoin au conseil provincial de la Flandre
occidentale.
-
Le renvoi proposé est adopté.
________________
M.
Andries, rapporteur.
- « Par pétition présentée à la séance du 29 novembre 1836, le sieur
Herla, ancien directeur des contributions directes, etc., renouvelle sa demande
que sa pension liquide en 1827 à fl. 1,617, et portée en 1828 sous la forme de
toelage à fl. 4,000, lui soit payée sur ce dernier pied. »
La
commission avait d’abord proposé l’ordre du jour, la chambre ayant refusé au
ministre des finances les moyens de satisfaire aux pensions de la nature de
celle dont il s’agit. Mais depuis cette décision, une commission ayant été
chargée d’examiner la question d’attente, la commission des pétitions vous
propose maintenant de renvoyer la pétition du sieur Herla à cette commission
spéciale.
-
Ce renvoi est adopté.
PROJET DE LOI ORGANISANT LE JURY D’ASSISES
Discussion des articles
Article 5
M. le
président. - Nous en étions restés à l’article 5 dont les
diverses dispositions ont été adoptées avec les amendements de MM. Liedts et
Devaux. Il nous restait à voter sur l’ensemble de cet article que je vais
mettre aux voix.
-
L’ensemble de l’article 5 est adopté tel qu’il a été amendé.
Article 6
« Art.
6. Après la délibération, chaque juré recevra un de ces bulletins, qui lui sera
remis ouvert par le chef du jury.
« Le
juré effacera ou raiera le mot « non » s’il veut répondre oui ; il
effacera ou raiera le mot « oui, » s’il veut répondre non.
« Il
fermera ensuite son bulletin et le remettra au chef du jury, qui le déposera
dans une urne à ce destinée. »
M. le
président. - C’est ici que vient l’amendement de M.
Devaux adopté hier, et dont il a demandé le transfert à cet article.
« Dans
les provinces où les langues flamande ou allemande sont en usage, chaque juré
recevra, indépendamment du bulletin français, un bulletin flamand ou
allemand. »
-
L’article 6 avec cet amendement est adopté.
Articles 7 à 9
«
Art. 7. Les jurés voteront séparément et distinctement, d’abord sur le fait
principal ; ensuite sur chacune des circonstances aggravantes ; et, s’il y a
lieu, sur chacune des questions posées dans les cas prévus par les articles 339
et 540 du code d’instruction criminelle. »
-
Adopté.
________________
«
Art. 8. La table servant aux opérations du jury sera disposée de manière que
personne ne puisse voir ce qui sera fait par chaque juré. »
-
Adopté.
________________
« Art. 9. Après chaque scrutin, le chef du
jury le dépouillera en présence des jurés, et consignera immédiatement la
résolution en marge de la question, sans exprimer le nombre de suffrages, si ce
n’est dans le cas où la déclaration affirmative sur le fait principal n’aurait
été formée qu’à la simple majorité. »
-
Adopté.
« Art.
10. Le bulletin sur lequel les mots « oui » et « non
« seraient tous les deux effacés ou rayés, ou ne le seraient ni l’un ni
l’autre, sera compté comme portant une réponse négative à la question
posée. »
M. le ministre de la justice (M. Ernst).
- Je crois qu’il faudrait substituer aux mots « négative à la question
posée, » ceux-ci : « favorable à l’accusé. »
En
voici la raison : c’est qu’il pourrait arriver que la question tombe sur une
excuse. Dans ce cas, ne pas voter, c’est admettre l’excuse. Considérer le vote
comme négatif, c’est rejeter l’excuse. Ce n’est pas comme cela que l’a entendu
la section centrale.
M. le
président. - M. Metz propose à l’article 10 un amendement
ainsi conçu : « Les bulletins sur lesquels les mots « oui » et
« non » seraient tous deux effacés ou ne le seraient ni l’un ni
l’autre, de même que les bulletins manquants et les billets blancs trouvés au
dépouillement, seront comptés comme portant une réponse favorable à l’accusé. »
M. Metz.
- Vous voyez, messieurs, que j’ajoute que s’il arrivait qu’au dépouillement du
scrutin on ne trouvât pas le nombre complet des bulletins ou qu’on y trouvât
des bulletins blancs, l’absence d’un ou de plusieurs bulletins et la présence
de bulletins blancs seront interprétées en faveur de l’accusé. Je pense que
cela ne peut pas rencontrer de difficulté.
Il
pourrait arriver qu’un chef du jury, voyant une condamnation imminente et
voulant du bien à l’accusé, supprimât un bulletin. Le cas n’étant pas prévu par
la loi, ce scrutin serait nul, il faudrait renvoyer à une autre session. Il en
serait de même si, par les mêmes motifs, un juré mettait dans l’urne un billet
blanc au lieu du bulletin qui lui est remis.
Voilà
les inconvénients auxquels mon amendement a pour but de parer.
M. Pollénus. - Je crois que
l’amendement proposé par M. Metz est inadmissible. En effet, cet honorable
membre propose d’admettre d’autres bulletins que ceux remis aux jurés ; mais ce
serait admettre une disposition contraire à l’article 6 déjà voté. Il me semble
impossible de considérer comme votes favorables à l’accusé des votes manquants,
à moins que vous ne vouliez dispenser des jurés de voter. S’il manque des
bulletins, c’est probablement qu’il y a eu erreur, et dans ce cas je ne vois
aucun motif pour ne pas recommencer. Je ne vois donc aucune raison pour
admettre cet amendement. Quant aux billets blancs, les dispositions déjà votées
ne permettent pas d’y avoir égard.
M. Metz.
- Je suis étonné que l’honorable préopinant ne puisse concevoir l’utilité de ma
proposition. C’est autoriser, dit-il, un juré à ne pas voter. Si telle était la
conséquence de mon amendement, je ne l’aurais pas proposé. J’ai voulu parer à
des inconvénients qui, s’ils ne sont pas probables, sont au moins possibles. Il
peut arriver qu’un juré ayant une opinion favorable à l’accusé mette dans
l’urne un bulletin où il aura effacé le oui et le non, ou un bulletin où il
n’aura effacé ni l’un ni l’autre.
Dans ces deux cas l’opinion personnelle du juré
sera favorable à l’accusé, mais cette opinion n’empêchera peut-être pas la
condamnation parce que, à côté de ce vote favorable, il peut y avoir 11 votes
défavorables qui entraîneront la condamnation. Mais il peut arriver aussi, si
la loi ne prévoit pas le cas, qu’un juré conserve le bulletin imprimé qui lui
aura été remis, plie un billet blanc et le remette au chef du jury qui déposera
dans l’urne ce billet blanc. Dans ce cas, direz-vous, si la loi ne prévoit pas
le cas, le vote sera nul, et il faudra recommencer. Mais le juré pourra
continuer de remettre des billets blancs, et vous pourrez recommencer ainsi 25
fois de suite sans résultat. Il faut prévoir ce cas qui est possible ; il faut
donner à la société la garantie que le
coupable sera puni ; vous arrivez à ce résultat en considérant le billet blanc
comme favorable à l’accusé.
Les
mêmes motifs doivent vous faire regarder comme favorables à l’accusé les
bulletins manquants.
Je
crois avoir justifié mon amendement, j’espère que la chambre l’adoptera.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - La loi ayant
indiqué le vote par bulletins imprimés comme seule manière de voter, le juré qui
n’a pas voté de cette manière n’a pas voté ; il n’y a pas eu vote de tous les
jurés, il faut donc recommencer.
On
pose deux hypothèses ; l’une où il y aurait un bulletin de moins, hypothèse
difficile à réaliser, mais qui n’est pas absolument impossible. Dans ce cas,
tout le monde n’ayant pas voté, on recommencera l’opération. Il n’est pas à
croire que ce cas extraordinaire se représente plus d’une fois ; s’il pouvait
se présenter plus d’une fois dans le vote par bulletins, il aurait pu se
présenter aussi bien dans le vote oral, et cela n’est jamais arrivé.
Le
deuxième cas est celui où il se trouve un billet blanc dans l’urne. Le juré ne
voudrait-il pas répondre par bulletins imprimé ? Cela n’est pas supposable ; au
reste, s’il y a un billet blanc, tout le monde n’ayant pas voté, on
recommencera. On ne doit pas prévoir ce cas dans la loi ; c’est comme si dans
le vote oral un juré se refusait à répondre par oui ou par non.
M. Metz.
- Dans ce cas la loi le punit.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - Nous n’avons pas
besoin de prévoir ce cas, parce que dans le vote secret on ne pourrait savoir
qui a remis le bulletin blanc. Mais la loi punît-elle le juré, il n’en est pas
moins vrai qu’il n’y aurait pas de vote, la difficulté serait la même. Je ne
pense pas que la loi puisse donner une valeur à un bulletin blanc, puisqu’elle
réprouve tout vote autre que par bulletins imprimés. Elle ne peut autoriser la
violation du devoir qu’elle impose. Par ces motifs, je m’oppose à l’amendement.
M. Metz.
- M. le ministre de la justice dit que vous ne pouvez pas admettre une autre
manière de voter que celle par bulletins imprimés admise dans un précédent
article ; cependant, après avoir dit que le juré devait effacer le oui ou le
non, vous dites que s’il n’efface ni l’un ni l’autre, ou s’il efface tous les
deux, son vote est considéré comme favorable à l’accusé. Ici la loi prévoit le
cas où le juré n’obéira pas à la loi. Que demandé-je de plus par mon amendement
? Songez que si vous ne l’adoptez pas, il y a des cas où la condamnation ne
pourra avoir lieu. M. le ministre de la justice dit qu’il n’est pas à supposer
qu’un juré remette un bulletin blanc au lieu d’un bulletin imprimé.
Mais,
messieurs, si pour chercher à sauver un accusé dont la condamnation est très
probable, un juré se fait comprendre dans le jury du jugement comme je l’ai vu
cent fois, il ne manquera pas, si vous ne prévoyez pas le cas d’un bulletin
blanc, de substituer un bulletin blanc au bulletin imprimé pour annuler le
vote. Comment saurez-vous quel est le juré qui remit ce bulletin blanc, et si
on recommence le vote, qui empêchera le juré de remettre encore un bulletin
blanc ? M. le ministre de la justice dit qu’il en est de même pour le vote oral
; c’est une erreur que je ne conçois pas de la part de M. le ministre de la
justice.
Quand
un juré est appelé hautement par le chef du jury, en présence de ses collègues,
et quand il a promis de parler avec la fermeté qui convient à un homme probe et
libre, comment pourrait-il refuser de répondre ? S’il pouvait oublier ses
devoirs, au point de ne pas répondre, la loi est là pour le punir.
Mon amendement donne une sorte de sanction à
votre loi qui consacre le vote secret, quoique je ne sois pas partisan de cette
manière de voter ; mais je l’ai proposé consciencieusement. L’expérience que
j’ai du jury m’apprend que l’on fera cent fois usage du moyen que j’indique.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - Quel intérêt un
juré peut-il avoir à remettre deux fois un billet blanc ? C’est d’empêcher une
condamnation ; mais il remplit cette intention par un vote favorable à
l’accusé.
M. Metz.
- Mais le billet blanc rend le scrutin nul.
M. le ministre de la justice (M.
Ernst). - Je viens de dire que le juré n’a aucun
intérêt à déposer un billet blanc, car le billet blanc serait un vote favorable
selon l’amendement du préopinant ; il est probable que le billet blanc est le
résultat d’une erreur, et il ne faut pas supposer qu’un juré dépose plusieurs
fois, successivement, un tel billet.
Dans
les réponses orales par oui et par non, il n’y a pas d’exemple qu’un juré se
soit refusé de répondre ; il n’y aura pas non plus d’exemple qu’un juré se
refuse de répondre par scrutin secret. Tous les jurés réunis, quand ils
verraient constamment arriver un bulletin blanc, en témoigneraient leur
indignation et finiraient bien par s’apercevoir d’où vient ce billet blanc. Il
suffira donc de recommencer quelquefois le scrutin pour que cette manœuvre ne
se renouvelle plus.
M.
Gendebien. - La discussion qui s’élève prouve que l’on
est dans une fausse voie ; plus on avancera dans l’examen de la loi et plus on
en sera convaincu. L’amendement de M. Metz est le complément nécessaire de la
loi ; mais comme il s’applique à une loi mauvaise, il ne peut être bon, il
pourrait même conduire à de fâcheux résultats. Si un chef du jury est favorable
à un accusé, s’il veut le faire absoudre, il retiendra un ou deux billets qui
portent condamnation ; quelle en sera la conséquence ? En supprimant un billet,
il fournit deux votes favorables à l’accusé ; s’il retranche un vote qui
condamne, il diminue le nombre des votes pour la condamnation, et il augmente
en même temps ceux pour l’absolution, puisque l’absence d’un vote compte pour
l’absolution. Voilà où conduit l’amendement.
On
ne peut se dissimuler que la chose ne puisse arriver. Le chef du jury pénétrera
facilement l’opinion de ceux qui seront défavorables à l’accusé, puisqu’on
prend toujours pour chef du jury l’homme qui paraît le plus habile des douze
jurés. Eh bien, il pourra retenir un billet défavorable ; personne n’a contesté
la possibilité du fait ; tous les orateurs, au contraire, l’ont reconnue ;
seulement les uns veulent que l’absence d’un billet soit favorable à l’accusé,
les autres disent qu’il faudra recommencer : recommencer ! mais combien de fois
? Quel moyen coercitif avez-vous pour mettre un terme à cette manœuvre ? Vous voyez
que les plus simples objections vous arrêtent, vous voyez que les embarras se
multiplient sous vos pas ; vous voyez combien votre système est incomplet et
combien vous vous êtes témérairement lancés dans une fausse voie. Pour les
réponses orales, rien n’est plus simple : si quelqu’un refuse de répondre, il y
a moyen de l’y contraindre. Pour le vote secret, avez-vous un moyen de
contraindre un membre du jury qui refuserait de remettre son bulletin ? Vous
n’avez pas même prévu ce cas qui ne manquera pas de se présenter. Il y a une
autre observation à faire sur les bulletins, et cette observation a été faite
par M. Persil, ministre de la justice en France. On peut plier le bulletin sur
lequel on vient d’effacer le oui ou le non, de façon que ces deux mots
s’appliquent l’un sur l’autre ; la barre qui a effacé l’un d’eux pourra
s’empreindre sur l’autre ; il en résultera, d’après l’article 10, un billet
favorable à l’accusé dans le cas même où le juré aurait été pour la
condamnation ; encore une fois, voilà un billet pour la condamnation qui, par
un événement indépendant du jury, procurera un double vote favorable à
l’accusé, Ainsi plus vous avancez, plus vous augmentez les chances d’erreur et
les chances d’absolution que vous voulez diminuer.
Maintenant
je demanderai ce qui arrivera si le corps du jury trouve à propos de ne pas
procéder par bulletins et s’il déclare d’emblée que l’accusé est innocent ou
coupable sans procéder par bulletins ? Que fera-t-on, en effet, dans ce cas ?
La loi ne le prévoit pas. Elle devrait s’expliquer d’autant plus que le
ministre vient de dire que l’on ne pouvait procéder légalement que par
bulletins, et que la loi l’exige. Mais si le jury vote autrement, cela
entraînera-t-il un moyen de cassation ? C’est ce qu’on devrait dire dans la
loi, si on veut une sanction. De deux choses l’une : ou vous voulez que la loi
s’exécute et alors il fait à la loi une sanction qui, à peine de nullité,
contraindra les jurés à procéder à la longue et fastidieuse opérations des
bulletins et des nombreux dépouillements, alors même qu’ils seraient tous
d’accord, en entrant dans la chambre du conseil, de condamner ou d’absoudre
même à l’unanimité, ou il faudra abandonner à la volonté ou au caprice des
jurés, ou même de quelques-uns d’eux, l’exécution du vote par bulletins, et
dans ce dernier cas la loi est impuissance et tombera bientôt dans le ridicule
de la désuétude.
Vous voyez que non seulement les inconvénients
se multiplient à mesure que nous avançons, mais que la loi se montre à chaque
instant plus incomplète. J’avais donc raison de dire qu’il faut et qu’il serait
plus facile de faire une loi complète. Je voterai contre celle qui est en
délibération, comme je vote contre l’article en délibération.
M. Metz.
- Je retire la partie de mon amendement relative aux bulletins manquants, la
disposition qui ordonne que chaque juré remettra son bulletin au chef du jury
la rend inutile. Je n’avais fait la proposition que parce que je croyais que la
loi ordonnerait que chaque juré mettrait lui-même dans l’urne son bulletin.
Je
maintiens la partie de mon amendement relative au bulletin blanc qui sera dans
l’urne ; tout bulletin blanc rend le scrutin valable et est compté en faveur de
l’accusé.
M.
Pollénus. - Messieurs, j’ai entendu dire, par les
partisans de l’amendement, qu’il faut tout prévoir dans la loi ; je crois,
néanmoins, qu’il est certaines choses qu’il faut éviter de prévoir, c’est
l’absurde. Si l’on suppose qu’il y aura des jurés qui se refuseront de voter
dans la forme prescrite par la loi, il faut pousser la prévision plus loin, et
supposer que plusieurs jurés et même tous les jurés pourraient refuser de
voter, ou d’émettre un vote dans les formes prescrites ; dans ces cas-là, et
autres cas possibles qui ne se présentent pas à mon esprit, quelle est la
sanction de la loi, demande-t-on ?
Messieurs,
s’il était possible de prévoir qu’en Belgique on trouvera des jurés qui
refusassent d’émettre un vote ou s’obstinassent à vouloir paralyser l’action de
la justice répressive, ce qu’il y aurait à faire ? Ce serait de supprimer le
jury, de l’effacer de nos lois, parce que cela démontrerait que le peuple n’est
pas mûr pour cette institution. Mais cette supposition est absurde, et le
législateur ne doit pas admettre des suppositions semblables.
En admettant l’amendement de M. Metz, par lequel
on serait censé donner un vote favorable à l’accusé en donnant un billet blanc,
ce serait admettre une disposition contraire à l’article 5 que vous avez voté.
Cet article 5 parle des bulletins que le chef du jury est seul autorisé à
recevoir ; or, il ne peut recevoir que les bulletins portant le timbre de la
cour d’assises ; et si un juré présentait au chef du jury un bulletin qui
serait dépourvu des caractères déterminés par la loi, le chef du jury devrait
refuser de mettre dans l’urne un semblable bulletin ; et le juré qui refuserait
d’émettre son vote dans la forme déterminée, devrait être considéré comme
refusant de voter et de remplir les devoirs de son poste.
Vous
voyez donc, messieurs, qu’en présence des votes que la chambré a émis, il est
impossible d’adopter l’amendement de l’honorable M. Metz qui est en opposition
directe avec les dispositions précédemment votées par la chambre.
M. de Behr, rapporteur.
- Messieurs, j’ajouterai aux observations de l’honorable préopinant que c’est
précisément pour empêcher la substitution de billets que les bulletins doivent
être marqués du timbre de la cour. Quand un juré remettra son bulletin, le chef
du jury examinera si ce bulletin porte l’empreinte prescrite, et s’il ne la
porte pas, le juré sera invité à déposer ce bulletin timbré ; si après cela le
jury refuse, il sera considéré comme ne voulant pas voter, et il encourra de ce
chef les peines comminées par la loi. Je ne vois donc pas que l’inconvénient
signalé par l’honorable M. Metz puisse réellement exister.
M. Gendebien. - M. le ministre de
la justice vous a dit tout à l’heure, messieurs, que la seule manière de
procéder en chambre du conseil, c’est de déposer les bulletins remis par le
président de la cour au chef du jury, et par le chef du jury, à chacun des
jurés ; mais ainsi que je l’ai déjà dit, si le jury tout entier croyait inutile
de procéder de cette manière, et s’il opérait comme actuellement ou d’une autre
façon, y aurait-il un moyen de cassation parce que le jury n’aurait pas procédé
conformément à la loi, alors que le jury à l’unanimité aurait cru ne pas devoir
observer dans tous ses détails le mode de voter prescrit par la loi ? Qu’on
veuille bien me répondre, la chose en vaut la peine, croyez-moi, car plus d’un
arrêt sera cassé, plus d’une procédure devra être recommencée.
M. de
Behr, rapporteur. - Je ne vois pas, messieurs, pourquoi les
jurés ne seraient pas obligés d’émettre leur vote de la manière établie par la
loi ; s’il arriverait qu’un jury n’eût pas voté selon le mode prescrit par la
loi, le président de la cour le ferait rentrer dans la salle des délibérations,
et si le jury persistait, il serait condamné à l’amende ; je ne vois aucune
difficulté à cela.
M. Metz.
- Messieurs, vous venez d’entendre l’honorable rapporteur de la section
centrale et l’honorable M. Pollénus, qui supposent que la loi a déjà prévu
l’inconvénient que j’ai signalé ; les bulletins remis aux jurés porteront le
timbre de la cour d’assises, et, dès lors, disent les honorables préopinants,
il n’y a plus d’erreur possible ; d’abord, messieurs, la loi n’a pas encore dit
que le timbre se trouvera à l’extérieur du bulletin, et s’il en était autrement
on ne pourrait faire la vérification sans que le secret du vote ne fût trahi ;
mais il est une autre observation, messieurs : de quel droit obligerez-vous les
jurés à plier leurs bulletins de manière que le timbre soit visible ? Si un
bulletin est plie de manière que le timbre se trouve à l’intérieur, il faudra
donc que le chef du jury l’ouvre pour découvrir s’il porte réellement le
timbre, et alors le secret du vote n’existera plus.
M. le ministre de la justice a dit qu’un juré ne
pourra pas persister plusieurs fois à déposer un billet blanc, parce que dans
ce cas les autres jurés s’écrieraient : « Ce n’est pas moi, car j’ai voté
dans tel ou tel sens. » Mais alors, messieurs, que devient le secret du
vote ?
Messieurs,
si vous inscrivez dans la loi que lorsqu’il y a un billet blanc, le vote sera
nul, un juré dévoué à l’accusé déposera 25 fois des billets blancs pour rendre
le jugement impossible. Il me semble donc qu’il vaut beaucoup mieux dire que
s’il y a un billet blanc, il comptera en faveur de l’accusé.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, la
discussion sur le vote secret ne sera pas sans utilité pour le gouvernement qui
aura à prendre certaines mesures d’exécution. C’est ainsi que les observations
de M. le rapporteur me suggèrent un moyen bien simple quant au timbre des
bulletins : on pourra placer ce timbre à l’extérieur et aux quatre coins du
bulletin, de manière que de quelque façon qu’il soit plié, le président du jury
verra de suite si le bulletin déposé par un juré est réellement celui qui a été
donné.
-
L’amendement de M. Metz est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
L’amendement
qui consiste à remplacer les mots : « négative à la question posée, »
par ceux-ci : « favorable à l’accusé, » est mis aux voix et adopté.
L’article
10 ainsi modifié est également adopté.
Articles 11 et 12
« Art.
11. Après le dépouillement de chaque scrutin, les bulletins seront brûlés en
présence du jury. »
-
Adopté.
_______________
« Art.
12. Le président de la cour d’assises, en remettant les questions aux jurés,
les avertira sur la manière dont ils doivent procéder et émettre leurs votes.
« Les
articles 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11 seront imprimés en gros caractères et affichés
dans la salle des délibérations du jury. »
-
Adopté.
M. le
président. - Désire-t-on maintenant passer à l’article 13
ou revenir à la partie de l’article premier qui n’est pas encore adoptée ?
M. le ministre de la justice (M. Ernst).
- Je crois, messieurs, que le plus rationnel serait de continuer jusqu’à la fin
le projet de la section centrale, d’autant plus que l’adoption ou le rejet de
l’article qui concerne le moyen de correctionnaliser certains crimes peut
exercer de l’influence sur la question du cens. D’ailleurs, la discussion de
l’article 13 me paraît devoir être peu étendue, et il serait possible qu’elle
fût terminée encore aujourd’hui.
M.
Pollénus. - Je pense, au contraire, qu’il est plus
rationnel de terminer d’abord tout ce qui concerne le jury, et de n’entamer la
discussion des modifications à introduire dans le code pénal qu’après que la chambre
se sera prononcée sur toutes les dispositions relatives au jury. Il est très
probable que la discussion de l’article premier ne sera pas très longue, tandis
que l’article 13 pourra soulever des débats assez étendus, car je rappellerai à
la chambre qu’au début de la discussion, l’honorable M. Demonceau a appelé
l’attention de la chambre sur la portée immense de la disposition du projet,
sur la gravité qu’il pourrait y avoir à détruire d’un seul trait de plume toute
l’harmonie du code pénal. Je crois donc, messieurs, qu’il faut terminer en
premier l’article premier.
M. Lebeau.
- Je crois, messieurs, qu’il convient de procéder comme l’a proposé M. le
ministre de la justice, car si vous réduisez le nombre des causes qui seront soumises
aux cours d’assises, il est évident que vous pourrez sans inconvénient réduire,
dans la même proportion, le nombre des personnes appelées à faire partie du
jury. Si vous diminuez de moitié, le nombre des causes sur lesquelles le jury
aura à se prononcer, vous aurez alors à examiner s’il ne convient pas, dans
l’intérêt de la bonne composition du jury de réduire de moitié le nombre des
personnes appelées à exercer les fonctions de juré. Je pense donc qu’il faut
s’occuper, en premier lieu, des articles qui permettent de renvoyer aux
tribunaux correctionnels certaines causes qui n’ont été soumises jusqu’ici
qu’aux cours d’assises.
M.
Pollénus. - Je persiste à croire, messieurs, que l’ordre
naturel exige qu’on termine ce qui est relatif au jury avant de s’occuper des
modifications à introduire dans le code pénal. L’honorable M. Lebeau objecte la
corrélation intime qu’il y aurait, selon lui, entre l’article 13 et l’article
premier ; mais je ferai remarquer à l’honorable membre que si cette corrélation
existait, il s’en serait sans doute aperçu lorsqu’il a présenté le projet de
loi ; cependant les articles 13 et suivants ne se trouvaient pas dans le projet
qu’il nous a soumis, c’est la section centrale qui les a proposés. Il m’est
donc permis de ne pas être d’accord avec l’honorable M. Lebeau sur la
corrélation qu’il prétend exister entre les articles premier et 13, corrélation
qu’il paraît ne pas avoir aperçue en présentant, comme ministre, le projet qui
nous occupe.
Quant
à moi, il me semble que dans l’ordre même qu’a procédé la section centrale, il
faut achever l’article premier avec les amendements qui s’y rapportent, avant
de nous occuper de ce qui est relatif au code pénal ; il me paraît que cela est
rationnel. Au reste, je ne tiens pas le moins du monde à ce que la chambre
discute l’un avant l’autre, c’est dans le seul intérêt de la discussion que
j’ai présenté ces observations.
-
La proposition de M. le ministre de la justice, tendant à ce que la chambre
aborde la discussion de l’article 13, est mis aux voix et adoptée.
« Art.
13 (proposé par M. le ministre de la justice, et remplaçant les articles 13 et
14 du projet de la section centrale). Dans les cas où le fait imputé est
punissable de la réclusion, si, sur le rapport fait à la chambre du conseil,
les juges sont unanimement d’avis qu’il y a lieu de commuer cette peine en
celle de l’emprisonnement, par application de l’arrêté du 9 septembre 1814
(Bulletin officiel, n°34), ils pourront renvoyer le prévenu au tribunal de
police correctionnelle en exprimant les circonstances atténuantes, ainsi que le
préjudice causé.
« La
chambre des mises en accusation pourra, à la simple majorité, exercer la même
faculté.
« Le
ministère public et la partie civile pourront former opposition à l’ordonnance
de la chambre du conseil, conformément aux dispositions du code d’instruction
criminelle. »
M.
Pollénus. - Messieurs, voici en peu de mots les motifs
pour lesquels il m’a été impossible de me rallier à l’opinion de la majorité de
mes honorables collègues de la section centrale.
Il
m’a paru qu’une disposition générale, au moyen de laquelle on change l’économie
de tout notre système pénal, présentait du danger à être introduite
incidemment.
Si
j’ai considéré les premiers articles du projet comme une amélioration pour le
jury, je dois déclarer que j’envisage l’article dont nous nous occupons comme
une disposition contre l’institution du jury, puisqu’au moyen de cette
disposition, on veut soustraire à la connaissance du jury à peu près toutes les
causes criminelles qui occupent aujourd’hui nos cours d’assises.
Tous
les faits auxquels s’applique la peine de la réclusion pourront ainsi être
jugés par les tribunaux correctionnels ; le faux, le viol et plusieurs autres,
car je crois que si l’on fait la nomenclature des articles du code pénal où la
peine de la réclusion est comminée, on en trouvera au moins trente, et ce sont
précisément les crimes les plus fréquents ; les autres heureusement sont rares.
Ainsi,
pour tous ces faits, ce n’est plus le jury qui devra les apprécier, ce sont les
tribunaux qui seront appelés à les connaître.
Je
partage, messieurs, l’avis de ceux qui veulent introduire des améliorations dans
notre système pénal, et désirerais abaisser des pénalités qui sont en général
hors de proportion avec la gravité des faits. Mais veuillez remarquer qu’en
correctionnalisant des faits qui sont déclarés crimes par les lois actuelles,
vous n’abaissez l’échelle des peines que pour ceux de ces faits auxquels
s’appliquent la peine de la réclusion. Pour les cas qui ne diffèrent de ceux-ci
que du plus au moins, et auxquels s’applique la peine des travaux forcés à
temps, ou les travaux forcés à perpétuité, les cours d’assises continueront à
appliquer ces peines ; de manière qu’il arrivera que des faits qui ne diffèrent
entre eux que par des nuances légères, seront jugés les uns par les tribunaux
correctionnels, les autres par les cours criminels.
De
l’avis de tous les criminalistes, c’est au haut de l’échelle des peines que le
code pénal présenté les plus grands défauts ; la peine de mort y est prodiguée
; nulle proportion entre un grand nombre de faits et les pénalités terribles
qui s’y rattachent. Vous voulez réformer la législation pénale et vous
maintenez ce qu’elle présente de plus disparate. C’est donc par le haut de
l’échelle qu’il faudrait commencer.
D’après
ces considérations, il me semblait qu’en attendant la réforme de notre
législation pénale, il était préférable de laisser au jury la connaissance des
affaires qui lui sont attribuées aujourd’hui. Je pensais qu’en appelant le jury
à juger fréquemment, on le mettait à même, par cet exercice fréquent de ses
fonctions, à comprendre l’étendue de ses devoirs et les besoins du pays.
Voici
donc en deux mots où se trouve le grand inconvénient que je viens de signaler ;
c’est qu’au moyen d’une disposition générale, vous introduisez une innovation
pour des faits punissables de la peine de la réclusion, et vous maintenez ce
qui existe actuellement pour tous les cas indistinctement où le carcan, la
peine des travaux forcés et la peine de mort sont appliqués. L’échelle des
peines est donc rompue ; la règle dans leur application est détruite, et avec
elles s’évanouissent les bienfaits de la législation modifiée : les crimes
redeviendront arbitraires.
Mais
je m’attends à cette objection : que la loi a posé des limites, limites qui se
trouvent consignées dans les conditions exprimées dans la loi, notamment dans
les circonstances atténuantes, et dans l’évaluation d’un préjudice de 50
francs. Les circonstances atténuantes ! Mais, messieurs, vous savez ce qu’on
est convenu d’entendre par là. Quelle garantie a présentée l’article 363 du
code pénal ? Le juge ne se donne pas seulement la peine d’exprimer les
circonstances atténuantes. Tout fait, l’honneur du citoyen, du magistrat, est
souvent évalué au-dessous de 25 francs.
Mais, dit-on, la garantie est dans cette limite,
que le préjudice causé n’excède pas 50 francs. Dans le cas d’un des crimes que
j’ai cités tout à l’heure, dans le cas du viol, par exemple, vous admettez donc
qu’au moyen de votre disposition générale, vous pouvez apprécier le dommage et
le réduire à 50 francs : n’est-ce pas une amère dérision ?
Messieurs,
c’est en examinant de près une disposition générale qui détruit l’économie de
notre système pénal, que je trouve le danger de voter une semblable disposition
; il me semble qu’on ne peut adopter une pareille mesure, sans avoir fait une
étude approfondie de notre système pénal. Qui de nous a médité la portée du
projet ? Qui pourra me dire quelle sera la portée de son vote ? C’est pour ce
motif que je ne me suis pas rallié à l’opinion de la section centrale dont le
système, à mon avis, va trop loin, mais qui, une fois admis, doit être porté
plus loin et s’appliquer à toute l’échelle des peines établies par le code
criminel.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs,
l’honorable préopinant objecte qu’on laisse subsister des peines très fortes,
par exemple les travaux forcés à temps et à perpétuité, dans des circonstances
où il serait juste de modifier les lois pénales, et qu’on vient improviser en
quelque sorte une disposition pour des peines inférieures, pour la réclusion.
J’aurai
l’honneur de répondre que si les peines des travaux forcés à temps et à
perpétuité ne sont pas encore réduites dans les cas où les progrès du droit
pénal et l’opinion publique semblent réclamer un adoucissement, ce n’est certes
pas la faute du gouvernement, puisque, ainsi que l’a dit mon honorable
prédécesseur, la chambre est saisie d’un projet complet de révision du code
pénal. Mais on a prévu combien il faudrait encore attendre avant que ce projet
fût converti en loi, et il est urgent d’introduire les améliorations indiquées
par l’opinion unanime de la magistrature.
Et
ici je réponds d’une manière indirecte à une autre observation de l’honorable
préopinant. L’on improvise, dit-il, des modifications importantes. Mais,
messieurs, l’on ne peut pas dire que rien soit improvisé dans la disposition
dont nous nous occupons. Tous les jurisconsultes sont depuis longtemps d’accord
sur ce point, qu’il y a lieu d’autoriser les chambres de conseil et des mises
en accusation de correctionnaliser certains faits emportant la peine de la
réclusion.
Messieurs,
il n’y a rien de plus arbitraire que la loi qui caractérise les crimes et les
délits. Souvent un fait est qualifié crime et punissable de la réclusion,
tandis que, d’après les circonstances de l’action, il n’a pas plus de gravité
que tel autre fait qui n’est qu’un délit punissable de l’emprisonnement. Il
n’est pas juste de traîner devant la cour d’assises celui qui, d’après la
nature du fait bien apprécié, ne devrait paraître que devant le tribunal
correctionnel.
Messieurs,
l’opinion publique établit une différence immense entre la comparution d’un
homme devant une cour d’assises, et sa comparution devant un tribunal
correctionnel, alors même que la cour d’assises ne prononce contre lui qu’une
peine correctionnelle. Aussi les magistrats ont en quelque sorte anticipé sur
cette innovation dans la législation. Personne n’ignore que fréquemment, quand
il s’agit de coups et blessures, de vols de peu d’importance, le fait se
présente aux yeux des magistrats comme n’étant pas un crime, d’après l’esprit
de la législation, d’après l’équité.
J’en conviens, il vaut mieux suivre la loi ;
c’est précisément pour concilier les bienfaits de la jurisprudence actuelle
avec le respect de la loi, que j’ai eu l’honneur de vous faire la proposition
dont vous êtes saisis. Quant aux garanties, vous en avez de suffisantes ; ce ne
sera jamais que dans l’intérêt du prévenu que le fait sera correctionnalisé, et
non pour soustraire l’affaire au jury ; cette pensée, on ne peut la supposer.
M. le
président. - M. Verhaegen vient de déposer l’amendement
suivant :
« La
cour d’assises pourra, dans tous les cas, mitiger d’un degré la peine comminée
par le code pénal. »
M.
Verhaegen. - Messieurs je partage l’avis du ministre de
la justice, et je crois que la disposition de l’article 13 est très utile.
L’inconvénient que vient de signaler M. Pollénus n’existe pas ; s’il existait,
ce serait dans l’arrêté du 9 septembre 1814 qui est encore en vigueur. Il se plaint
que l’économie du code pénal serait détruite. Mais si cette économie est
détruite, ce n’est pas par la disposition proposée, mais par l’arrêté que je
viens de citer, qui permet de commuer la peine de la réclusion en celle de
l’emprisonnement. Quelle est la question qui vous est soumise ? C’est celle de
savoir s’il y a lieu de porter devant les cours d’assises ou devant les
tribunaux qui, ordinairement, jugent les délits pareils, les délits qui ne sont
punis que de peines correctionnelles, les faits prévus par l’arrêté de 1814. Je
ne vois à cela aucun inconvénient. Dès qu’on adopte le principe, il faut en
subir les conséquences. Je vois là une amélioration.
Il
n’est pas rare de voir comparaître devant les cours d’assises des individus
qui, en dernière analyse, ne sont condamnés qu’à des peines correctionnelles.
Si on considère la perte de temps qui en résulte pour les magistrats composant
la cour d’assises et pour les jurés, qui regardent comme une charge très lourde
de rester longtemps occupés d’affaires criminelles, on sentira la nécessité de
renvoyer devant les tribunaux correctionnels les affaires qui, en définitive,
ne sont considérées que comme correctionnelles, telles qu’un vol domestique de
peu de valeur, un vol d’une gerbe de blé ou de quelques pommes dans la
campagne, délits qui, en dernière analyse, ne sont punis que d’’un mois de
prison, de quinze ou même de huit jours de prison : on en a des exemples. Je le
répète, du moment qu’on admet le principe, il faut aussi admettre les
conséquences.
L’honorable
M. Pollénus ne critique pas l’arrêté de 1814, mais seulement le renvoi devant
le tribunal correctionnel, lorsque les juges qui auront examiné l’affaire
auront pensé, d’après les circonstances, qu’il n’y a lieu d’appliquer qu’une
peine correctionnelle. Je vois que les juges, dans la chambre du conseil,
doivent être unanimement d’avis qu’il y a lieu de commuer la peine de la en
réclusion en celle de l’emprisonnement, et, dans la chambre des mises en
accusation, il faut la majorité. Ne pouvez-vous pas vous en rapporter à cette
majorité, lorsqu’une majorité aussi imposante aura déclaré que le fait dont il
s’agit ne peut pas entraîner plus qu’une peine correctionnelle ?
Puisqu’on
a touché tant soit peu au code pénal, il me semble qu’il y a un pas de plus à
faire. C’est ce qui m’a donné l’idée de vous présenter la proposition que je
viens de déposer sur le bureau. L’arrêté de 1815 est en quelque sorte le
complément de l’arrêté pris en 1814. D’après l’arrêté de 1815, on peut commuer
en la peine de la réclusion la peine des travaux forcés à temps. On a senti
que, dans certaines circonstances, la peine des travaux forcés à temps est
encore trop rigoureuse. L’expérience a démontré que plusieurs autres peines
sont aussi trop rigoureuses, et que le jury recule devant une déclaration
affirmative en raison de l’énormité de la peine qui doit en être la
conséquence.
Hier,
on vous a parlé d’acquittements scandaleux, c’est l’expression dont on s’est servi
; on ne peut les attribuer qu’à l’énormité de la peine que le jury a toujours
devant les yeux, peine qui n’est pas toujours proportionnée au fait.
En
matière d’infanticide par exemple, vous verrez rarement une condamnation. Le
jury recule devant une déclaration de culpabilité parce qu’il sait qu’une tête
doit tomber quand il aura prononcé le oui fatal. On sait qu’aujourd’hui on n’a
pas cela à craindre ; mais la peine est là, elle existe ; si elle n’existe pas
en fait, elle existe en droit. Pour le crime d’incendie, encore, le crime de
fausse monnaie, l’énormité de la peine arrête le jury. Si on laisse à
l’arbitrage de la cour d’assises de descendre d’un degré, le juré n’assumant
pas sur lui d’une manière absolue la conséquence de sa déclaration pour un fait
d’assassinat, dira : oui, parce que cette déclaration n’entraîne pas
nécessairement la peine capitale, la cour d’assises pouvant abaisser la peine
d’un degré.
Vous
pouvez laisser à l’appréciation de la cour d’assises la question de savoir s’il
y a lieu de commuer la peine capitale en celle des travaux forcés à perpétuité.
S’il arrivait qu’elle fît à tort une commutation de la peine capitale en celle
des travails forcés à perpétuité, le mal ne serait pas grand, la société n’en
serait pas plus en danger.
Mais
le jury serait plus à son aise quand il dirait oui ; la responsabilité de
l’application de la peine capitale ne tomberait pas sur lui, mais sur la cour
d’assises.
Voilà
comment vous éviterez les acquittements scandaleux. Si vous voulez des
condamnations dans l’intérêt de la vindicte publique, vous pourrez les obtenir
quand il y aura lieu. Je crois que M. le ministre de la justice n’est pas
éloigné de mon idée, car il a dit que déjà le gouvernement y avait songé ; mais
il a pensé qu’il serait trop difficile de refondre le code pénal. Il ne s’agit
pas ici de refondre le code pénal, mais d’une seule disposition qui autorise de
mitiger les peines trop rigoureuses, de commuer la peine capitale en celle des
travaux forcés à perpétuité, la peine de travaux forcés à perpétuité en celle
des travaux forcés à temps, et ainsi de suite en descendant d’un degré.
Je ne fais qu’étendre le principe admis dans
l’arrêté de 1815 qui est le corollaire de celui de 1814. Alors le système me
paraîtrait assez complet. Je ne verrai pas le moindre inconvénient pour les cas
qui entraînent la réclusion ; quand la chambre d’accusation pensera que, par
les circonstances qui les accompagnent, ils sont de nature à être punis
correctionnellement, on les renvoie devant les tribunaux correctionnels. Pour
les autres crimes, quand il s’agit des travaux forcés à temps, des travaux
forcés à perpétuité ou de la peine capitale, si vous autorisez la cour
d’assises à appliquer la peine immédiatement inférieure à la peine encourue, le
jury pourra tout à son aise donner une déclaration sans assumer cette grande
responsabilité.
Je
dis grande responsabilité ; car, pour une personne qui connaît son devoir, la
conséquence de la déclaration ne doit pas être considérée, elle ne doit pas la
voir, elle doit prononcer son verdict suivant sa conscience. Mais, si tout le
monde faisait son devoir, il ne faudrait pas de vote secret. C’est là la
meilleure preuve de la faiblesse des hommes. Puisque vous l’avez décrétée en
principe, puisqu’il en est ainsi, il faut prendre les choses où elles en sont
et arriver à donner aux jurés le moins de responsabilité possible. C’est le but
que vous vous êtes proposé. Je pense que cette disposition est de nature à
fixer votre attention. Je trouve très bon le système des amendements présentés
par M. le ministre ; je pense qu’en y réfléchissant mûrement, il trouvera que
ma proposition additionnelle n’est que le complément de son système.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - Je regrette de ne
pouvoir user de réciprocité à l’égard de l’honorable préopinant, en appuyant
son amendement comme il a bien voulu appuyer le mien. L’honorable membre m’a
mal compris quand il m’a fait dire que le gouvernement s’était déjà occupé
d’une disposition analogue à celle qu’il présente. J’ai dit que, dans certains
cas où des peines trop fortes sont comminées, il serait nécessaire de les
descendre d’un degré ; que vous étiez saisis d’un projet sur lequel je
désirerais vous voir prendre une décision le plus tôt possible. Mais investir
la cour d’assises du droit d’abaisser d’un degré l’échelle des peines pour
quelque crime que ce soit, jamais je ne donnerai mon adhésion à ce système. Si
c’était le moment de le discuter, je développerais mon opinion. Comment ! celui
qui commettra un assassinat accompagné de vol ne saura pas que la mort l’attend
si le fait est déclaré constant ! Pour ces crimes-là, la peine de mort doit
toujours rester dans nos lois pénales.
Il
ne faut pas qu’il dépende des magistrats de ne pas appliquer la loi. Le
préopinant a dit que la peine de mort était dans le droit et pas dans le fait.
Je conteste cette proposition.
J’ai
pensé et je pense encore que l’intérêt du pays exige que dans certaines
circonstances il soit donné de grands exemples de sévérité. Malgré les grands
exemples qui ont été donnés, nous avons vu récemment la sécurité de la capitale
et celle d’une ville voisine troublées par des assassinats atroces.
La
proposition que je combats n’a d’ailleurs aucun rapport avec la loi que vous
discutez. Mon amendement soulève la question de savoir si tels ou tels crimes
seront renvoyés devant les tribunaux correctionnels ou continueront à être
jugés par le jury, et se rattache ainsi à l’organisation du jury. Mais il en
est tout autrement de l’amendement de l’honorable M. Verhaegen. De quelque
manière que vous décidiez sur sa proposition, les affaires qu’elle concerne ne
resteront pas moins des affaires criminelles et du ressort de la cour
d’assises.
-
La discussion est renvoyée à demain,
La
séance est levée à 5 heures.