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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 20 avril 1832 (séance du matin)
Sommaire
1) Interpellation relative à l’enlèvement du
gouverneur de la province du Luxembourg (Thorn) (de
Muelenaere)
2) Projet de loi portant le budget de l’Etat
pour l’exercice 1832 (département de l’intérieur). Financement du culte
catholique (de Theux, Barthélemy,
Jullien, de Theux, Fallon, Ch. Vilain XIIII, d’Elhoungne, Dewitte, Jullien, Barthélemy, de Haerne, Goethals, Dubus, Jullien, Dubus),
du culte protestant (Barthélemy, d’Huart)
et culte israélite (Lebeau, Angillis,
H. de Brouckere, de Theux, Dumortier, Ch. Vilain XIIII,
Lebeau, de Theux, A. Rodenbach), garde civique (Rogier,
Delehaye, Lebeau, Rogier, Jamme, Dumortier),
enfants trouvés et abandonnés (Barthélemy, Fallon, de Theux, Brabant, Angillis, Fallon, de Theux, Barthelémy, d’Elhoungne, Gendebien, Liedts, Fallon, Barthélemy, Rogier, Lebeau, Dumortier,
Jamme, Fallon, Devaux,
de Theux, Fallon, Barthélemy, Rogier, Jullien, de Theux, Fallon, Brabant, Rogier,
Dumortier)
(Moniteur belge n°112, du 21 avril 1832 et Moniteur belge n°113 du 22 avril 1832)
(Présidence
de M. de Gerlache.)
(Moniteur belge n°112, du 21 avril 1832)
La séance est
ouverte à 10 heures et un quart.
Après l’appel
nominal, M.
Dellafaille donne lecture du procès-verbal qui est adopté.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Liedts
analyse ensuite quelques pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
INTERPELLATION RELATIVE A L’ENLEVEMENT DU
GOUVERNEUR DE LA PROVINCE DU LUXEMBOURG (THORN)
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere) demande la
parole. (Mouvement de curiosité.) Il
s’exprime ainsi. - Messieurs, dans les séances d’hier plusieurs préopinants ont
signalé avec une juste indignation le crime qui avait été commis sur la
personne de M. Thorn, membre du sénat et gouverneur de la province du
Luxembourg. Ce fait que je me plaisais à croire jusqu’au dernier moment
exagéré, tant il y avait de déloyauté et de manque de bonne foi, nous a été
malheureusement confirmé hier soit par deux membres des états du Luxembourg.
Au sortir de votre
séance, je me suis empressé d’en référer à S. M. Le Roi, messieurs, pense qu’il
est de la dignité de son gouvernement et de la nation d’exiger réparation d’un
acte qui, s’il n’est pas désavoué par le gouvernement hollandais, doit être
considéré comme une violation scandaleuse du territoire et du droit des gens.
Des ordres ont été donnés à l’instant même pour prévenir le retour de pareils
actes dans cette province. Je me suis déjà occupé cette nuit et je vais
m’occuper encore des instructions qui m’ont été données.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE L’ETAT POUR L’EXERCICE
1832 (DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR)
Discussion des articles
L’ordre du jour
est la suite de la discussion du budget de l’intérieur.
Chapitre VIII. - Cultes
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Hier, messieurs, on m’a demandé des explications
sur les dépenses du culte catholique ; je vais les donner à l’assemblée. Ici,
l’orateur lit un tableau où se trouve désignées les différentes sommes
affectées à l’archevêque de Malines, et aux évêques de Liége, de Namur, de
Tournay et de Gand. Il ajoute : Vous voyez, messieurs, qu’il n’y a pas
absolument d’identité entre les allocations des divers évêchés ; mais cela
provient de l’ancienne organisation, et je crois qu’il n’y a pas lieu à toucher
à ce qui existe. Il sera plus tard présenté un rapport général à la législature
pour mettre à exécution l’article de la constitution relatif au paiement des
cultes. Quant à l’érection du nouveau siège de Bruges, la proposition en a été
faite par la section centrale, et la chambre a adopté hier la somme qui lui
était proposée.
M. Barthélemy fait remarquer que le palais de l’archevêché de
Malines, qui a coûté fort cher et qui est un bâtiment neuf et magnifique,
n’exige pas de réparations ; par conséquent, il ne conçoit pas la somme que
l’on demande pour cet objet. Il ne voit pas la nécessité d’accorder des
allocations pour dépenses diverses. Quant aux bourses et demi-bourses des
séminaires, il ne pense pas qu’elles soient mises à la charge de l’Etat par la
constitution, car il les regarde comme de pures gratifications et des actes de
bienveillance qu’on peut supprimer quand on voudra.
M. Jullien. - Je suis charmé de voir que, malgré la révolution,
il y a des places qui ne changent point ; par exemple, une place de chanoine
est toujours une place de chanoine. (Rire
général.) Je demanderai seulement si l’on a besoin de douze chanoines dans
l’archevêché de Malines, de neuf chanoines dans l’évêché de Tournay, etc. et si
l’on ne pourrait pas supprimer ces chanoines pour appliquer l’économie qui en
résulterait à ces pauvres desservants qui jouissent de si minces rétributions.
C’est parmi le bas clergé, messieurs, que j’ai trouvé ces bons pasteurs dont un
honorable membre nous a fait naguère un portrait si poétique, que nous avions
lu quelquefois (on rit), et je crois
qu’il mérite toute votre sollicitude.
L’orateur ne
trouve pas les explications fournies par M. le ministre suffisantes ; il désire
savoir, pour ce qui concerne les bourses et demi-bourses des séminaires,
comment et à qui elles sont données. Il termine en faisant observer que, sur la
somme globale demandée, on pourrait trouver de quoi payer l’évêché de Bruges.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je répondrai à l’observation de M. Barthélemy
relativement aux dépenses diverses, que ces espèces d’allocations ne sont pas
mises à la disposition des chefs de diocèses, mais ne sont employés que sur les
demandes de l’autorité provinciale. Quant au palais de l’archevêché de Malines,
il n’est pas terminé, et, d’après l’avis de l’architecte, il faudrait pour
l’achever une somme de 75,000 fl., que nous ne demandons point, et que la
chambre ne voudrait probablement pas accorder dans les circonstances actuelles.
Les bourses et
demi-bourses des séminaires sont déjà conférées ; il est impossible qu’on
veuille les supprimer en ce moment.
Quant aux
chanoines, ils sont payés en vertu d’arrêtés organiques, et le gouvernement ne
pouvait rien changer à leurs traitements. En résumé, je ne puis que répéter
que, pour mettre plus d’uniformité dans les dépenses des diverses provinces, il
sera soumis un rapport général à la législature.
M.
Fallon. - Messieurs, dans le détail dont M. le ministre vient
de nous donner communication, j’ai remarqué deux espèces de dépenses qui
doivent fixer plus particulièrement notre attention, ce sont les traitements
des professeurs près les séminaires et les bourses attachées à ces séminaires.
Je ne pense pas que le clergé soit d’intention de soumettre l’instruction des
séminaires à la surveillance et à l’inspection du gouvernement.
S’il en est ainsi,
la chambre ne peut voter une allocation pour ces sortes de dépenses, parce que
l’article 17 de la constitution s’y oppose. Cet article en effet ne charge le
trésor que des frais de l’instruction publique, tels qu’ils sont réglés par la
loi, et ne permet pas, par suite, de subsidier des établissements indépendants
de l’administration publique.
M. Ch. Vilain XIII. - Lorsqu’on a discuté l’article 117 de la
constitution au congrès, dont j’étais secrétaire, j’ai quitté la place où siège
maintenant M. Liedts, à côté de M. le président, et je me suis mis à la place
où siège en ce moment M. Leclercq, pour voter contre cet article ; mais,
puisqu’il a été adopté, je vais expliquer quel en a été le sens et le but. En
admettant cet article, le congrès a voulu que le clergé fût payé sur le pied où
il se trouvait organisé. On a voulu l’indemniser de la perte de ses biens
confisqués lors de la révolution française, et dont l’Etat belge avait hérité.
Il est juste que la nation, qui a profité de cette confiscation, soit chargée
de pourvoir aux besoins du clergé.
Autrefois,
messieurs, il n’y avait pas de bourses de séminaires, mais le clergé admettait
gratis les jeunes gens dans des établissements ecclésiastiques. Qui lui a
enlevé la faculté de le faire ? C’est la confiscation dont a profité l’Etat
belge. Or il est juste que les frais de ces bourses soient supportés par
l’Etat.
Quant au palais de
Malines, il a été commencé sous les proportions beaucoup trop belles et trop
grandioses par l’ancien gouvernement ; mais il est loin d’être achevé. Le roi
Guillaume, qui était très bien alors avec M. de Méan, archevêque de Malines,
l’avait fait construire pour allécher en quelque sorte les autres chefs du
clergé ; mais en 1825 et 1826, lors de la fameuse discussion du collège
philosophique, le roi fit abandonner ces palais, de sorte qu’il était
inhabitable. Ce n’est que depuis un an qu’il a été préparé, et dans ce moment
l’archevêque y habite, mais il n’est pas achevé. Il n’est donc pas exact de
dire qu’il n’exigera pas de réparations.
(Moniteur
belge n°116, du 25 avril 1832) M. d’Elhoungne. - Je ne reprends la parole dans la discussion
actuelle que pour combattre une opinion émise par l’honorable préopinant, que
je regarde comme erronée en fait et en droit, et comme conduisant aux
conséquences les plus dangereuses pour la fortune publique et partant pour la
tranquillité du pays.
L’honorable
préopinant vous a dit, messieurs, que le clergé catholique jouit de traitements
à titre d’indemnité pour les biens qu’il a perdus pendant notre réunion à la
France.
Ce n’est pas la
première fois que cette opinion a été professée à cette tribune : d’autres
membres l’avaient déjà émise. Pour empêcher qu’on ne la regarde comme
l’expression de l’opinion de la chambre, je crois devoir la réfuter.
En effet,
messieurs, si le clergé catholique figure à notre budget, c’est uniquement en
exécution d’une disposition de la constitution : « Les traitements et
pensions des ministres des cultes, porte l’article 117, sont à la charge de
l’Etat. » Aussi, les ministres des cultes dissidents, ceux du culte
israélite figurent-ils à notre budget aussi bien que le clergé catholique ; et
tous au même titre, en exécution de l’article 117 de la constitution.
Si le clergé
catholique avait obtenu ces traitements à titre d’indemnité il est évident que
nous n’aurions rien à accorder aux ministres des autres communions religieuses.
Quels biens possédaient ces dernières dans nos provinces ? Qu’est-ce que la
publication des lois françaises est venue leur enlever chez nous ? Messieurs,
qu’on daigne se rappeler l’état des cultes israélite et réformé avant notre
réunion à la France ; qu’on daigne se souvenir que ceux qui professaient ces
cultes étaient à peine tolérés, et que leur culte, tout au plus célébré en
secret, n’y possédait rien, et l’on conviendra de bonne foi que ce n’est pas à
titre d’indemnité que les ministres de tous les cultes sont salariés par le
trésor.
A quoi tient cette
disposition ? A nos mœurs actuelles, à une nécessité du moment, à une déférence
pour des habitudes fort anciennes. Jusqu’à ce que l’esprit de tolérance
religieuse ait modifié davantage nos mœurs, on tentera en vain de faire
pourvoir aux frais de chaque culte par ceux qui le professent. En attendant, le
congrès a pris les ministres des cultes dans la position qu’ils avaient en
1830, et a voulu les y maintenir, c’est-à-dire que le trésor continuera à les
salarier tous, ainsi qu’ils l’étaient précédemment.
L’opinion que je
combats ne m’aurait pas fait prendre la parole, si, en même temps qu’elle me
semble une erreur, je ne l’avais pas crue dangereuse.
Messieurs,
la révolution française a froissé une multitude d’intérêts. Le temps, et les
immenses bienfaits sortis de cette révolution ont cicatrisé les plaies. Mais
consacrez l’opinion que le clergé catholique a obtenu des traitements pour les
ministres, à titre d’indemnité, et bientôt vous vous verrez assaillis d’une
énorme masse de réclamations ; et je vous le déclare d’avance, messieurs, la
Belgique n’est pas assez riche pour réparer tous les malheurs individus occasionnés par les commotions politiques qui remontent à
1787. L’adoption du principe de l’indemnité pour le clergé catholique légitimerait
toutes les réclamations que vous ne pourriez rejeter sans occasionner les
grands mécontentements qu’excite tout acte qui blesse le premier principe de la
justice distributive, l’égalité de tous devant la loi, et que vous ne pourriez
admettre sans ruiner le trésor, obérer le pays et l’exposer à tous les dangers
inhérents aux désordres dans les finances.
(Moniteur belge n°112, du 21 avril 1832)
M. Dewitte. - La majoration pour l’érection d’un évêché à Bruges
a été admise sur la proposition de M. Jullien…
M. Jullien. - Ce n’est pas moi qui l’ai faite.
M. Dewitte. - Sur la proposition de M. de Roo. Il est toujours
constant qu’elle a été appuyée et adoptée. Or, je trouve maintenant très
étonnant qu’on n’accorde pas pour les autres évêchés ce qu’on a accordé pour
celui de Bruges.
M. Barthélemy répond à M. d’Elhoungne que le principe d’une indemnité envers le clergé
a été consacré par un décret de l’assemblée nationale, pour confiscation de ses
biens, et que, les Etats ne mourant pas, cette obligation a passé à la charge
des successeurs du gouvernement français ; mais comme la dette ne s’étend
qu’aux nécessités du culte, il pense que le ministre de l’intérieur aurait dû
interpeller les chefs de diocèse pour savoir quels sont leurs besoins, car si
la piété des fidèles leur apporte des dons, il en résultera que le gouvernement
doit moins avoir à leur payer.
M. l’abbé de Haerne.
- Ce n’est point par erreur, comme on l’a dit, que M. Charles Vilain XIII a
expliqué que les dépenses du culte catholique étaient mises à la charge de
l’Etat en compensation des biens qui lui ont été confisqués ; c’est un principe
généralement admis par le clergé, et, si l’on soutenait le principe contraire,
je crois qu’il préférerait renoncer à la somme qu’on lui alloue, plutôt que
d’en subir les conséquences. C’est pour avoir perdu de vue ce principe qu’un
membre de cette assemblée vous a adressé plusieurs questions sur les chanoines,
sur les bourses des séminaires. Mais qui a privé le clergé de la faculté de
faire lui-même le fonds de ces bourses et de s’entretenir à ses frais ? Voilà
ce que je lui demande à mon tour.
L’orateur combat ensuite la conclusion qu’a tirée M.
d’Elhoungne de ce qu’une somme est aussi portée au budget pour le culte
protestant, qui n’a pas été dépouillé de ses biens, et il fait remarquer en
passant que le culte protestant compte des désignations sur lesquelles on
pourrait bien demander des renseignements, telles, par exemple, que celles des
diverses personnes attachées au culte, de lecteurs, de pensions d’enfants et de
marguilliers, etc. Il ajoute que dans ce culte un pasteur de la Flandre occidentale
jouit d’une pension de 1,400 fl., tandis que le premier curé de la ville de
Gand, qui a 14,000 ouailles, n’a qu’un traitement de pareille somme.
M. Goethals, d’après les explications de M. le ministre de
l'intérieur, déclare retire son amendement.
M. Dubus fait observer que la somme demandée est loin
d’atteindre le chiffre du budget décennal et même celui de 1830. Quant à la
question soulevée à l’occasion de l’article 117 de la constitution, il ne doute
pas qu’il y avait en faveur du clergé un droit préexistant résultant de la
confiscation de ses biens, qui s’élevaient, dit-il, à 2 ou 3 milliards sans
compter les dîmes. Il ne conçoit pas les sarcasmes qu’on a lancés contre les
chanoines, et qu’on trouve leurs traitements exagérés. Il ajoute que, si l’on
supprimait un chanoine à 80 fl. pour répartir l’économie sur 800 curés, il
n’aurait qu’un florin chacun.
- On demande la
clôture.
M. le président se dispose à mettre aux voix l’article.
M. Jullien
propose de prendre la somme de 21,155 fl. pour l’érection d’un évêché à Bruges
sur la somme globale de la lettre A, affectée aux évêchés et à l’archevêché.
M. Dubus
fait observer que ce serait contraire à l’opinion de la section centrale et au
vote de la chambre, qui ont entendu majorer l’article de cette somme et non pas
le diminuer en l’y comprenant. Il demande en conséquence la question préalable.
M. Jullien
demande à développer son amendement. Il déclare, relativement à l’article 117
de la constitution, partager l’avis de M. d’Elhoungne ; or, si l’on veut,
dit-il, que ce soit une indemnité qu’accorde la constitution, cette indemnité
ne peut s’étendre qu’aux sommes absolument nécessaires pour le culte. Quant aux
chanoines, sur lesquels on a dit qu’il avait lancé des sarcasmes amers, il n’en
voit pas la nécessité, si le culte peut marcher sans ces chanoines. Du reste,
il fait observer qu’on présente toujours la question de spoliation comme si
elle avait été entière, tandis qu’on a accordé à des moines des bons avec
lesquels ils ont acheté de belles propriétés, et qu’on a rendu aux fabriques
les biens des églises qui n’avaient pas été aliénés.
- La question
préalable proposée par M. Dubus est mise aux voix et adoptée.
Le chiffre total
de l’article premier s’élevant à 160,292 fl. est également adopté.
« Art. 2.
Culte réformé. Traitements des ministres et autres frais : fl. 33,260. »
M. Barthélemy., d’après les termes généraux de la constitution, ne
voit pas la nécessité de payer les pensions de tous les cultes, et il demande
la suppression de l’article.
M. d’Huart. - Je ne m’attendais pas, messieurs, à ce qu’un membre
de cette assemblée vînt contester…
De toutes parts. - Il est le seul, c’est inutile.
Après un léger
débat, l’allocation est adoptée.
« Art. 3.
Culte israélite. Traitements et autres frais : fl. 2,500. »
M. Lebeau. - Je viens demander la réparation d’une erreur de
chiffre. On a consulté, pour fixer cette allocation, le budget de 1831, et l’on
n’a pas fait attention que la somme n’était que pour un semestre. Je propose
donc de majorer l’allocation de 2,500 fl. qui sont nécessaires pour le culte
israélite, et, si le consistoire n’a pas élevé plus haut sa demande, c’est
qu’il a apprécié les circonstances où se trouve le pays. Je ne pense pas que
l’on se refuse à une allocation aussi juste et je fais appel à toutes les
opinions de cette chambre parfaitement concordantes sur le principe de la
liberté des cultes. (Appuyé ! appuyé !)
M. Angillis combat cette majoration.
M. H. de Brouckere. - Je ne conçois pas la manière de M. le ministre de
l'intérieur de défendre un budget. On propose des majorations et des
diminutions, cela lui est égal ; il ne fait pas connaître quelle est son
opinion sur ces amendements.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) répond que s’il n’a pas pris plus tôt la parole,
c’est qu’il est d’usage de laisser d’abord développer et discuter un
amendement, sauf aux ministres à demander la parole quand il leur paît. Du
reste, il n’approuve pas la majoration ; car, comparant l’état de choses actuel
avec ce qui existait, sous le gouvernement hollandais, et prenant la moyenne du
chiffre des années précédentes, il trouve l’allocation suffisante.
M. Dumortier
combat cet argument de M. le ministre de l'intérieur, et appuie l’amendement de
M. Lebeau.
M. Ch. Vilain XIIII appuie aussi la proposition de M. Lebeau, et il fait
valoir pour motif la nécessité d’un nouveau consistoire, par suite de la
séparation avec la Hollande, et d’un grand rabbin qui doit être versé dans la
langue hébraïque et dans l’étude de la Bible.
M. Lebeau insiste par le même motif pour la majoration qu’il
demande, et annonce qu’un homme très distingué et très instruit attend que
cette somme soit versée pour venir se mettre à la tête du culte israélite.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) déclare que du moment où l’on croit qu’un grand
rabbin est nécessaire, il ne s’oppose pas à la majoration.
M. A. Rodenbach. - Je ne veux pas circonscrire le traitement des
Juifs. (On rit.) Mais je ferai
remarquer qu’il serait dangereux de toujours faire ainsi des majorations.
- La majoration
proposée par M. Lebeau est adoptée.
Le chiffre total
de l’article s’élevant à 5,000 fl. est également adopté.
Chapitre IX. - Garde civique
Article
premier
« Art.
1er. Frais de voyage de l’inspecteur-général et de ses aides de camps : fl.
8,000. »
La section
centrale propose de n’allouer que 2,000 fl.
M. Ch. Rogier
appuie la réduction de la section centrale, mais il appelle l’attention du
gouvernement sur la garde civique et demande que l’inspecteur-général remplisse
exactement ses fonctions. Il nie que tout le mal dont on se plaint provienne
des vices de la loi sur la garde civique, mais il dit qu’il faut l’attribuer à
ce que cette loi n’est pas exécutée à la lettre.
M. Delehaye pense que le mal vient en premier lieu de la
constitution qui prescrit l’élection des officiers par les gardes, et qu’il
faudrait commencer par provoquer un changement à cet égard dans la loi
fondamentale.
M. Lebeau fait remarquer qu’il est toujours dangereux de
toucher à la constitution, mais que rien n’empêche de faire une loi organique
qui exige pour la nomination des officiers des conditions d’éligibilité.
M. Ch. Rogier
observe que, d’après les paroles de M. Delehaye, il résulterait que ce n’est
pas aux vices de la loi sur la garde civique qu’il faudrait attribuer le mal,
mais à la constitution. Il croit qu’il faut attendre le temps nécessaire pour
que le principe de l’élection des officiers produise tous ses résultats, et il
ajoute que si la garde civique était aussi bien soignée que la troupe de ligne,
elle marcherait avec le même pied.
M. Jamme
pense que le mauvais choix des officiers vient d’un défaut de civisme, qui
empêche que tous les gardes électeurs se réunisse à leur poste.
M. Dumortier
répond qu’il y a encore du civisme et de l’énergie dans la nation, mais que
c’est au gouvernement à entretenir dans le cœur des citoyens le feu sacré de
l’indépendance. Quant à la loi sur la garde civique, il la trouve vicieuse sous
plusieurs rapports.
M. Jamme. - L’honorable membre a mal interprété mes paroles ;
je n’ai point entendu inculper la masse de la garde civique, mais son
organisation défectueuse.
- On demande la
clôture.
La réduction
proposé par la section centrale est adoptée.
Article
2
« Art. 2.
Frais de bureau du grand état-major : fl. 7,750. »
La section
centrale propose de n’allouer que 3,000 fl.
Le chiffre ainsi
réduit est adopté.
Chapitre XI. - Etablissements de charité
M. Barthélemy propose de supprimer ce chapitre parce que, selon
lui, il ne faut pas accorder aux établissements de charité une somme à titre de
secours, mais un chiffre déterminé égal à leurs dépenses d’après liquidation,
et d’y substituer une allocation de 300,000 fl. pour les enfants trouvés.
M.
Fallon. - Dans le développement des motifs de l’amendement que
j’ai proposé pour faire cesser le régime vicieux des enfants trouvés et
abandonnées, et forcer le gouvernement à rentrer dans la voie légale, j’ai
invoqué le jugement que l’assemblée constituante, la convention nationale et le
corps législatif ont successivement porté sur cette matière d’intérêt général,
et j’ai appelé votre attention sur les hautes considérations d’économie
administrative qui ont motivé ce jugement, et qui avaient été puisées dans les
leçons de l’expérience.
Je ne vous
retracerai pas de nouveau ces diverses considérations : l’humanité qui, comme
la justice, est un des principaux devoirs du législateur ; l’impérieuse
nécessité de prévenir les infanticides et d’éviter tout ce qui peut offenser et
alarmer la morale publique ; l’impossibilité de constater le véritable domicile
de secours de l’enfant trouvé, puisque le lieu de l’exposition est rarement
celui de la conception de la naissance de l’enfant ou du domicile de la mère,
vous ont convaincu suffisamment sans doute que, puisqu’il n’existe pas de moyen
d’asseoir, sinon arbitrairement, l’obligation de l’entretien sur la commune de
l’exposition, cette obligation doit naturellement peser sur l’Etat.
Telle était,
messieurs, la doctrine de la loi du 27 frimaire an V, développée dans le décret
du 19 janvier 1811, et cette doctrine avait gouverné la Belgique depuis trente
ans, lorsque l’arrêté inconstitutionnel du 6 novembre 1822 substitua, au régime
de la loi, un régime de désordre, d’inhumanité et d’injustice, mesure d’autant
plus brutale et inconsidérée qu’on n’avait pas même réfléchi que, si la fiction
du domicile de secours pouvait convenir à l’avenir, il était inapplicable au
passé.
En effet, pour ne
pas créer un odieux effet rétroactif, il fallait tout au moins prendre une
mesure transitoire à l’égard des enfants que certains villes avaient recueillis
du dehors, sous la foi de la législation existante.
Appliquer aux
enfants trouvés, alors existants, le système de l’exposition comme domicile de
secours, c’était une violation par trop révoltante du principe législatif le
plus élémentaire.
C’est notamment
sur la ville de Namur que cette brutale absurdité vint peser de tout son poids.
Elle s’était
empressée de se conformer à la loi du 27 frimaire an V, et, en cela, elle avait
devancé la ville de Liége, celle de Luxembourg et le département des Ardennes.
Les barques établies sur la Meuse, qui chaque jour mettait cette ville en
relation avec Huy et Liége, Dinant et Givet, offraient des moyens de transport
très commodes, et l’on en profitait amplement comme l’on en profite encore.
Ne croyant pas,
messieurs, qu’appartenant à la ville de Namur, je me laisse entraîner ici à
quelque exagération. J’invoque le témoignage des chiffres, et ce témoignage ne
peut être suspect.
Vous connaissez,
comme moi, l’énorme différence de population entre la province de Namur, celle
de Liége, le Luxembourg et le département des Ardennes.
Voyez cependant le
chiffre : à la fin de 1821, à l’époque de l’innovation hollandaise, l’hospice
de Liége n’avait que 280 enfants, la ville de Luxembourg n’en avait que 264,
tandis que l’hospice de Namur en comptait 958. Il y a plus, et cela prouve
combien il est difficile de rompre les habitudes et de brusquer un changement
de législation, c’est que la suppression des tours, bien loin de faire
descendre le chiffre dans le dépôt de Namur, n’y avait produit qu’une forte
augmentation. Un an après la nouvelle mesure, en 1823, on y comptait 1,159
enfants, 1,083 au-dessous de 12 ans, et 76 au-dessus de cet âge1.
Aussi, comme je
l’ai déjà fait observer, en 1823 le budget de cette ville avait été forcé par
ordre supérieur, de vingt mille florins à compte seulement d’un contingent de
41,139 fl. 99 c., et son budget de 1825 se trouva grevé de la même manière,
c’est-à-dire aussi despotiquement, de 84,997 fl. 49 c. pour les premiers
exercices de 1823, 1824 et les deux premiers trimestres de 1825 ; et vous
savez, messieurs, que cette ville ne contient pas 20,000 âmes de population.
IL n’y avait
évidemment pas de moyen de supporter une charge aussi accablante, et cependant
le gouvernement n’en resta pas moins tenace. Il essaya d’engager les états
provinciaux à venir au secours de la ville ; mais le système du lieu de
l’exposition pour domicile de secours, appliqué surtout au passé, n’était pas
une moindre injustice pour la province que pour la ville, et ils se bornèrent à
établir un impôt provincial sur les chiens, dont une partie insignifiante,
égale à peu près à ce qu’elle fournissait elle-même à l’impôt, fut attribué à
la ville.
Aussi, ayant en
vain frappé à différentes reprises à la porte du ministère, elle a fini par
saisir la planche de salut que lui offraient nos nouvelles institutions, et
elle n’a plus porté une obole pour les enfants trouvés dans les budgets de 1831
et de 1832.
Permis sans doute
aux partisans du système hollandais de critiquer cette mesure et de la taxer
d’inhumanité, mais il n’en restera pas moins vrai que cette ville ne fait
qu’user de son droit.
Elle n’est tenue
d’obéir qu’à la loi, et le seul régime légal existant est celui de la loi du 27
frimaire an V, qui, à coup sûr, n’a pu être abrogé par l’arrêté
inconstitutionnel du 6 novembre 1822.
L’article 110 de
la constitution ne permet pas de la grever d’une charge quelconque que du
consentement de son conseil communal ou par une loi non seulement
exceptionnelle mais encore « nécessitée par l’expérience. » Tels sont
ses termes.
Donc, aussi
longtemps que cette loi ne sera pas faite, et sans doute l’expérience
repoussera celle qui voudrait légaliser le système du lieu de l’exposition pour
domicile de secours, il n’y a pas de moyen de forcer la ville de Namur à
s’imposer davantage pour les enfants trouvés.
Quant à la
province, pas de moyen non plus de la forcer à remplir le déficit, car à son
égard non seulement il n’existe pas de loi qui lui en impose l’obligation, mais
il y a même absence d’arrêté.
Dans cet état de
choses, il y a donc, pour le gouvernement, nécessité absolue de fournir des
subsides pour les enfants trouvés, jusqu’à ce que la législature ait substitué,
s’il y a lieu, un nouveau régime au seul régime actuellement existant, à celui
de la loi du 27 frimaire an V et du décret du 19 janvier 1811.
Pressé par ces
diverses considérations, il était impossible au ministre de l’intérieur de
justifier l’arrêté inconstitutionnel du 6 novembre 1822 ; aussi n’a-t-il
invoqué que des moyens bien faibles dans la défense de ce système.
Il a dit que me
prévalant de la loi du 27 frimaire an V, j’avais oublié la loi du 19 juillet
1819 qui, en France a mis l’entretien des enfants trouvés à la charge des
départements et des communes.
A semblable
objection la réponse est facile.
Si telle loi
existe, il ne faut pas me reprocher de l’avoir oubliée, car je ne l’ai pas
connue, et aucun de nous n’a dû et ne doit la connaître.
Cette loi
exotique, si elle existe, est tout à fait étrangère à la Belgique, et ne peut
pas conséquent justifier la dérogation au système légal qui nous régit.
Si M. le ministre
pense qu’en cette matière il convient que la Belgique imite la France, il lui
sera libre de concevoir un projet de loi, et d’argumenter de la loi du 19
juillet 1819 pour l’appuyer.
Nous aurons alors
cette loi sous les yeux, nous pourrons en apprécier le mérite, nous verrons le
moyen qui y a été employé pour accommoder le passé au futur et éviter l’effet
rétroactif, et nous verrons surtout si elle peut germer à côté de l’article 110
de la constitution.
Entre-temps, il
serait fort imprudent de se laisser ainsi entraîner sans examen à l’adoption
d’une innovation étrangère, et, à cet égard, la chambre a fait preuve tout
récemment de toute sa circonspection lorsqu’il s’est agi de l’administration de
l’enregistrement.
M. le rapporteur
de la section centrale insistait sur le nouveau système français, plus économique,
qui avait remplacé, par des traitements fixes, les traitements proportionnels
aux produits ; et la chambre a agi fort sagement en se réservant d’y prendre
égard ; alors que l’expérience aura pu justifier de l’utilité de la mesure.
La loi française
du 19 juillet 1819 doit donc être mise hors cause.
La ville de Namur,
étant celle qui se trouve le plus cruellement maltraitée par le système
néerlandais, était précisément celle que, par ma position, je pouvais plus
aisément citer comme exemple.
Or, voyez,
messieurs, comment M. le ministre s’est impitoyablement attaché à soustraire
cet exemple à votre attention.
La réclamation de
cette ville, dit-il, serait fondée si elle eût été obligée d’avoir un tour our
recevoir le dépôt des enfants ; mais cette obligation n’existe plus depuis
longtemps.
Est-ce bien
sérieusement qu’il m’a opposé une exception aussi inexacte en fait qu’elle est
inhumaine ?
Depuis la loi du
27 frimaire an V jusqu’à l’arrêté arbitraire du 6 novembre 1822, c’est-à-dire
pendant 26 ans, la ville de Namur a été obligée d’avoir un tour pour recevoir
les enfants, et elle s’est soumise à cette obligation. Après 1822, cette
obligation a cessé, et à comme ailleurs le tour a été supprimé.
Mais alors que
cette obligation a cessé, le dépôt se trouvait peuplé d’enfants qui n’y avaient
été reçus que pour le compte du gouvernement.
Sur ce point
l’argument ministériel n’a donc d’autre mérite que d’esquiver la question ;
car, à coup sûr, on n’ira pas jusqu’à prétendre que le système du lieu du dépôt
doit être le lieu du domicile de secours.
Quant à ceux qui y
sont entrés après 1822, en supposant qu’il soit vrai que cette ville ne se soit
pas autant empressée que d’autres villes à fermer le tour, ce qui n’est
nullement exact, ne serait-ce pas outrager la morale que de convertir un acte
d’humanité en une fin de non-recevoir ? M. le ministre ignore-t-il, d’ailleurs,
que la suppression tardive, si suppression tardive a eu lieu, n’avait produit
d’autre effet que de faire remplacer le tour par le seuil de la porte de
l’hospice, où l’on déposa ensuite nuitamment ces innocentes victimes ?
Au surplus, dit M.
le ministre, il n’y a pas de système uniforme dans le royaume. Dans des
localités, les maisons d’enfants trouvés sont à la charge des provinces, et
dans d’autres à la charge des communes. Je prends acte de cet aveu, parce qu’il
justifie à lui seul l’amendement que je propose.
En effet, c’est
précisément parce qu’il n’y a pas de système uniforme qu’il faut s’empresser de
faire cesser ce désordre et rentrer dans le système légal, qui ne permet moins
encore de prendre le lieu de l’exposition pour base d’une répartition
quelconque. Il faut une loi pour cela, et elle n’existe pas.
Il y aurait
injustice, ajoute M. le ministre, à charger le trésor de la dépense, parce que
c’est dans les grandes villes que l’on expose les enfants ; et il cite pour
exemple la province de Luxembourg où, dit-il, il n’y a pas d’enfants trouvés.
Ces exemples ne
pouvaient pas être plus mal choisis.
Sans doute, c’est
dans les villes que l’on expose les enfants et la raison en est simple. C’est
que c’est dans les villes que se trouvent les établissements destinés à les
recueillir, et qu’en conséquence ils y sont apportés des communes rurales.
Quant au
Luxembourg, si M. le ministre n’y entend pas parler d’enfants trouvés, ce n’est
pas du tout parce que ce pays serait plutôt frappé de stérilité que tout autre
ni à cause que les filles mères y seraient plus disposées qu’ailleurs à
conserver le témoignage de la faiblesse ou du libertinage, mais bien parce que
la ville de Luxembourg ne s’occupe pas de son administration intérieure. C’est
dans cette ville et dans celle de Namur que sont les enfants qu’il ne trouve
pas dans le Luxembourg.
Enfin, sentant
bien que, malgré toutes ces exceptions dilatoires, il n’est pas possible de
dévier plus longtemps du régime légal, il avoue qu’il serait équitable que
l’Etat fût chargé d’une partie de la dépense ; que c’est à cause de cela qu’il
a demandé une somme de 100,000 florins pour venir au secours des établissements
de bienfaisance, et qu’une partie de cette somme pourra être employée à
secourir les hospices d’enfants trouvés, au moins dans certaines villes, que
l’existence de leurs tours expose plus particulièrement à recevoir des enfants
qui leur sont étrangers.
J’avoue que je ne
conçois rien à ce système bâtard ; et d’abord je prierai M. le ministre de
traiter plus logiquement la ville de Namur.
Il n’y a qu’un
moment qu’il repousse les doléances de la ville de Namur, en lui opposant
qu’elle n’avait qu’à fermer son tour, et voilà tout à coup qu’il veut accorder
une part privilégiée dans le subside aux villes qui tiendront leurs tours
ouverts, de manière que la ville de Namur serait punie parce que prétendument
elle n’a pas fermé assez tôt son tour, et qu’elle serait encore punie parce
qu’elle ne le rouvrirait pas.
Que veut dire,
d’ailleurs, ce nouveau système d’équité au moyen duquel le ministère ouvrirait
ou fermerait la bourse à volonté ?
Ce n’est pas le
secours de l’équité que je réclame, c’est celui de la justice. C’est le régime
de la loi dont je demande l’exécution, et, sous ce régime, il n’est pas libre
au ministre, dans la répartition du subside, de créer des privilèges pour
certaines villes, et c’est partout que les tours doivent se trouver ouverts
jusqu’à ce qu’une loi vienne les fermer.
Ce n’est pas non
plus globalement et avec tout autre genre de secours à donner aux
établissements de bienfaisance que le subside peut être voté, puisqu’ainsi il
pourrait être distrait de sa destination ; et la matière vaut bien la prime
d’une allocation spéciale.
Si
donc M. le ministre insiste pour obtenir quelque chose pour secours aux
établissements de bienfaisance, secours dont la nécessité ne me paraît pas
démontrée, j’espère que la chambre voudra bien faire de mon amendement un
article séparé.
Quant au chiffre
que je demande, il est certain que si, comme il est urgent de le faire, on
rentre franchement dans le régime légal, il est loin d’être exagéré, puisqu’il
faut pourvoir aux frais des deux exercices, et que, dans tous les cas, il ne
sera disposé du crédit que jusqu’à concurrence des besoins.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, l’honorable M. Barthélemy a critiqué la demande
que j’avais faite de la somme pour subsides à accorder aux établissements de
bienfaisance ; il a dit que, si elle a pu être convenable en 1831, elle ne
pouvait l’être pour 1832. Je ferai observer à l’honorable membre qu’il faut,
pour apprécier ma demande, se rappeler les circonstances dans lesquelles nous
nous trouvions lorsque j’ai présenté mon budget. Je ferai observer en outre
qu’il est possible que certains établissements de bienfaisance, dont les
ressources ne seraient pas suffisantes, aient besoin de recourir aux caisses de
l’Etat dans le courant de l’année.
La section
centrale a reconnu cette nécessité, et, sous ce rapport, je ne m’opposerai pas
à la réduction qu’elle a proposée. Maintenant M. Barthélemy s’oppose à
l’allocation demandée pour les établissements de bienfaisance, parce qu’il
voudrait qu’une loi en réglât la répartition. Mais, en attendant que cette loi
existe, ne faut-il pas mettre le gouvernement à même de pouvoir venir au
secours des établissements de charité ? Il y a d’ailleurs des engagements pris
avec certains de ces établissements, il y a dette contractée et à laquelle on
ne peut se soustraire. Répondant maintenant à ce que vient de dire l’honorable
préopinant, je ne dirai que mon opinion n’est pas que l’on puisse invoquer aujourd’hui
les lois françaises pour mettre la dépense des enfants trouvés à charge de
l’Etat. Il est survenu, en effet, de grands changements dans ce qui était
observé à cet égard, avant l’arrêté royal qui met cette dépense à la charge des
communes.
La
législature elle-même s’est soumise à cet arrêté en ne portant pas cette
dépense aux budgets postérieurs ; Convient-il maintenant de mettre les enfants
trouvés à la charge de l’Etat ? Décider la question affirmativement, ce serait,
je pense, favoriser beaucoup l’abandon des enfants, en enlevant à leurs parents
l’inquiétude qu’ils doivent avoir sur leur droit. Tous les enfants abandonnés
n’appartiennent pas à des familles inconnues, et je n’en veux pour preuve qu’un
fait que vous connaissez tous ; je veux parler de la suppression du tour à
Maestricht : cette suppression eut lieu, on renvoya les enfants à leurs
parents, qui presque tous étaient connus. En attendant qu’une loi règle le sort
des enfants trouvés, j’ai cru devoir demander un faible crédit pour les établissements
qui en ont le plus besoin. Du reste, la question traitée par les orateurs qui
m’ont précédé est grave et mérite une discussion approfondie, qui ne pourrait
avoir lieu qu’à l’occasion d’une loi sur la matière, et non incidemment au
budget. Quant aux amendements de MM. Fallon et Barthélemy, ils pourraient venir
lors de la discussion sur les lois provinciale et communale, parce qu’alors on
devra régler ce qui est à charge des communes et des provinces ; par ces divers
motifs, je crois qu’il n’y a pas lieu d’adopter ces amendements.
M. Brabant.
- Messieurs, on répété bien souvent, depuis que nous discutons les lois
financières, que le budget était une loi d’exécution, et cependant on recule aujourd’hui
qu’il faut exécuter une loi. Il s’agit, en effet, ici, de savoir si la loi de
l’an V, qui n’a pas été révoquée légalement (car c’est un arrêté du roi qui en
a suspendu l’effet,) sera ou non exécutée. Or, il ne peut y avoir de difficulté
sur cette question. On veut ajourner le règlement du sort des enfants trouvés
jusqu’à la discussion d’une loi sur la matière ; et, en attendant, que
fera-t-on ? On ne le dit pas. Je dis, moi, qu’il faut que la loi de l’an V
s’exécute sous peine de mort des enfants trouvés.
M.
Fallon vous a dit, et ce n’est pas un tableau imaginé tout exprès pour vous
attendrir qu’il vous a présenté, M. Fallon a dit : « Je vous ai dit que
800 enfants étaient à la charge de la commune de Namur ; j’ajouterai que le
budget de la ville porte pour cet objet une dépense de 16,000 fl., outre
laquelle la province contribue pour celle de 9,000 indépendamment de quelques
communes rurales qui y contribuent pour plus de 300 fl. ; en tout, près de
26,000 fl. Je vous le demande, messieurs, une commune comme celle de Namur
peut-elle supporter de semblables charges ? Pût-elle les supporter, il serait
encore injuste de l’en accabler, car ces enfants ne sont pas les siens, et il
est impossible que, sur une population de 20,000 âmes, il y eût 800 enfants
trouvés de 1 jour à 14 ans, âge auquel la loi de l’an V n’accorde plus de
secours à ces enfants. On vient de tout le royaume conduire des enfants à
Namur, et à mon dernier voyage j’ai dressé procès-verbal de l’abandon d’un
enfant âgé de 3 ans qui avait été laissé au milieu de la rue et qui était
évidemment de la campagne. Je le répète, si on ne veut pas exposer 800 enfants
à mourir de faim, il faut adopter l’amendement de M. Fallon.
(Moniteur
belge n°116, du 25 avril 1832) M. Angillis. - Messieurs, deux orateurs ont soulevé une question
importante, savoir : si l’entretien des enfants trouvés doit être une charge de
l’Etat, ou si elle est une charge de chaque localité. Cette question,
messieurs, se rattache à une autre, celle de savoir si on ne peut pas
restreindre l’exposition des nouveaux-nés sans multiplier l’infanticide.
L’examen de ces deux questions, surtout de la dernière, exigerait de longs
développements ; mais, comme ce n’est pas le moment de la traiter dans toute son
étendue, de l’analyser dans ses causes les plus intimes, j’ajournerai doc mes
idées pour un temps plus opportun.
Il y a, messieurs,
diversités d’opinions, d’abord sur l’utilité des hospices destinés à recevoir
les enfants trouvés, et ensuite sur la question soulevée par les honorables
membres.
Le préjugé en
faveur des maisons d’enfants trouvés est général dans les pays catholiques ;
c’est sans doute un préjugé bien respectable, mais il ne s’ensuit pas, de ce
qu’un préjugé soit respectable, qu’il faille lui sacrifier la raison et tout le
bien que la vérité peut faire à la société.
Je dois faire
remarquer, messieurs, que la dernière législation française dans la Belgique,
sur les enfants trouvés, avait quelque tendance pour mettre l’entretien de ces
enfants à la charge des villes et communes ; le décret du 11 juin 1810 en
fournit la preuve. Ce décret statue qu’en cas d’insuffisance des fonds
affectés, les préfets affecteront à cette dépense ce qui pourrait rester
disponible sur le montant de la retenue faite sur les revenus des communes,
pour la compagnie de réserve du département, et que si, après cette
affectation, il y a encore insuffisance, ils proposeront un prélèvement
additionnel sur les revenus des communes. Le décret du 19 janvier 1811, qui
accorde une somme annuelle de quatre millions pour contribuer au paiement des
mois de nourrices et des pensions des enfants trouvés, charge en dernier lieu,
comme le décret précédent, les communes de suppléer à l’insuffisance. Vous
voyez, messieurs, que dès cette époque on voulait faire supporter une partie de
cette dépense par les communes. Cependant le principe restait toujours, et
c’est pour avoir aboli le principe posé par une loi, par une loi qui jamais n’a
été abrogée légalement, qu’on réclame aujourd’hui avec raison.
Le roi Guillaume,
qui exerçait en Belgique l’autorité d’un souverain absolu, avant même que la
souveraineté ne lui fût octroyée par les puissances (et à cet égard, l’histoire
n’oubliera pas que, par un simple arrêté du 6 novembre 1814, il supprima le
jugement par jury en matière criminelle, et que le lendemain 7 novembre, dans
son discours d’ouverture aux états-généraux de la Hollande, il répéta que rien
de positif n’était encore décidé sur le sort des Pays-Bas : probablement que la
promesse de vendre la Belgique existait déjà, et que le futur acquéreur voulait
appliquer le principe que la promesse de vendre vaut vente, lorsqu’il y a
consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix) ; le roi
Guillaume, qui paraissait avoir une affection toute paternelle pour le régime
des ordonnances, déclaré en 1814, par un arrêté qui ne paraît pas avoir été
publié, que l’entretien des enfants trouvés serait à la charge des communes.
Cet arrêté légal ou illégal n’a jamais été exécuté, et a même été peu connu ;
mais un arrêté du 1er juin 1816, arrêté que j’ai vainement cherché dans la
collection des lois qui se trouve dans notre greffe, ordonne de former un fonds
commun dans les provinces méridionales, pour subvenir à l’entretien des enfants
trouvés et abandonnés. Pour faire la répartition de ces frais, on prit pour
base la population, et le contingent dans la Flandre occidentale (je dis la
Flandre occidentale, parce qu’il paraît qu’il y a des provinces, où cette
répartition a été inconnue) a dû payer à raison de sa population, dans les
années 1816 et 1817, 77,876 fl., tandis que ses propres frais ne se sont élevés
qu’à 26,127 fl. au-delà des dépenses qu’elle a été tenue de faire pour
l’entretien des enfants à sa charge. Sur nos réclamations aussi nombreuses que
pressantes, le ministre a enfin répondu, le 8 mai 1818, que S. M. avait décidé
qu’il était impossible de revenir sur ce qui avait été fait, mais que les
motifs de notre réclamation seraient pris en grande considération à l’avenir.
Voilà, messieurs, de quelle manière on disposait de l’argent du peuple par de
simples arrêtés, inconstitutionnellement rendus, et sans aucune justification
de l’emploi des sommes ainsi extorquées. Et un fait digne de remarque, c’est
que dans ce premier prétendu fond commun, les provinces septentrionales n’y ont
rien fourni ; toute la sollicitude du gouvernement était tournée vers les
provinces méridionales. En 1818, les contingents ont été diminués partout, ce
qui justifie mon accusation de tripotage. Par un arrêté interprétatif, en date
du 17 juin 1823, le roi a décidé que les enfants abandonnés, dont le domicile
pourra être déterminé d’après la loi du 28 novembre 1818, seront entretenus aux
frais des communes où ils auront été exposés ou abandonnés à la commisération publique.
On voit dans toutes ces ordonnances le même arbitraire, les mêmes
inconstitutionnalités.
Au reste,
messieurs, je pense que la dépense qui résulte de l’entretien des enfants
trouvés, doit être une dépense commune ; en effet, un enfant abandonné par ses
parents, par des parents inconnus, n’appartient à aucune localité particulière
; c’est donc un enfant de la patrie, et la patrie doit se charger de son
entretien.
Il est si facile,
d’ailleurs, de déposer le nouveau-né dans un autre lieu que celui de sa
naissance ; et, à l’exception des grandes villes, on n’exposera jamais l’enfant
dans le lieu du domicile de ses parents ; et même dans les grandes villes, un
grand nombre d’étrangères s’y rendent pour faire leurs couches et se défaire de
l’enfant à peu de frais et sans honte. Je pense donc que la justice et
l’humanité réclament également en faveur de cette mesure : la justice, parce
qu’il est impossible de déterminer la localité à laquelle le nouveau-né
appartient, dès lors il appartient à la société entière ; l’humanité, parce que
quand les frais sont supportés en commun, on recueillera avec plus de soin ces
malheureuses victimes de la barbarie de leurs parents, et le premier de tous
les sentiments, l’humanité, y gagnera. Cette opinion, messieurs, est née avec
le christianisme ; qu’il me soit permis de vous citer la belle loi que fit
proclamer Constantin en 315.
« Si un père
ou une mère, dit-il à ses fonctionnaires, vous apporte son enfant qu’une
extrême indigence l’empêche d’élever, les devoirs de votre place sont de lui
procurer et la nourriture et les vêtements, sans nul retard, parce que les
besoins d’un enfant qui vient de naître ne peuvent être ajournés. Le trésor de
l’empire et le mien, indistinctement, fourniront à ces dépenses. » Je vais
encore, messieurs, et pour finit vous citer quelques lignes d’une ordonnance,
et si je ne vous disais pas à quel pays elle appartient, vous ne le devineriez
jamais. « Les enfants trouvés, fruits malheureux du crime ou de la misère,
ont droit à la pitié des hommes. Celui qui trouve un enfant dans tout lieu
quelconque doit lui procurer tous les secours de la charité et de la
bienfaisance.
« Si
aucun individu ne se charge d’un enfant trouvé, il appartient à l’Etat, et
c’est des deniers publics qu’il doit être nourri et élevé. »
Eh bien !
messieurs, cette ordonnance, qui ferait honneur à une nation chrétienne, est
extraite du code civil de la Turquie.
(Moniteur belge
n°112, du 21 avril 1832) M. Fallon. - Je suis extrêmement malheureux, messieurs, dans
toutes les propositions que je fais. A chacune d’elles, M. le ministre oppose
une fin de non-recevoir, prise de la nécessité d’ajourner la discussion jusqu’à
une loi à présenter ultérieurement. Heureusement que, pour le coup, il m’a
fourni lui-même le moyen de la repousser. M. Barthélemy a dit qu’il fallait
attendre une loi pour régler la répartition de la somme demandée pour les
établissements de bienfaisance. A cela, qu’a répondu le ministre ? qu’il
fallait bien, en attendant, mettre le gouvernement à même de secourir les
établissements qui en auraient besoin. Eh bien ! moi je m’empare de sa réponse,
et je lui dis : La loi existe, il n’est pas besoin de l’attendre ; elle règle
le sort des enfants trouvés, pour lesquels mon allocation est demandée : exécutez-la.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant vient de faire une
singulière argumentation à propos d’une observation que j’avais adopté à la chambre.
Il suivrait de ce qu’il vent de dire que j’ai adopté en entier son système sur
les enfants trouvés. Il n’en est rien. J’ai dit au contraire que je voyais des
inconvénients graves à charger l’Etat de cette dépense, et qu’il serait
imprudent d’adopter un principe dont il est impossible de prévoir la portée et
de calculer les conséquences.
(Moniteur belge n°113, du 22 avril 1832)
M. Barthélemy. - En effet,
messieurs, comme vient de le dire M. Fallon, nous n’éprouvons, de la part de M.
le ministre, que des fins de non-recevoir. Il dit qu’il faut attendre la
discussion d’une loi ; mais nous en avons une, pourquoi ne pas l’exécuter ? Le
ministre fait une autre objection. Ce n’est pas à l’occasion du budget, dit-il,
que l’on peut discuter cette question ; et, chaque fois que la matière lui
déplaît, il nous fait la même réponse. Le budget est fait pour régler toutes
les dépenses de l’Etat ; une loi met celle des enfants trouvés à sa charge ; je
propose 300 mille fl. Pour cet objet, M. Fallon 250 mille : choisissez.
Mais, si vous
adoptez le principe, nous dit-il encore, on en sait pas où cela ira, ni à quoi
se portera la dépense. Vous le saurez quand vous voudrez. Il n’y a pas si
longtemps que la dépense a été supprimée. Reportez-vous aux années qui ont
précédé l’arrêté de 1822, et vous saurez ce qu’il en coûtait alors. J’ai appris
dans vos bureaux, moi, que les dépenses qui font actuellement les communes se
portent à 325,000 fl. ; mais, comme il y a diverses fondations affectées à ce
service, je n’ai proposé que 300,000 fl. Maintenant, dit le ministre, la
dépense augmentera, si vous consacrez le principe. Eh ! non, et elle
n’augmentera pas ; elle n’a pas augmenté depuis que vous en avez chargé les
communes, et, depuis 20 ans que je m’occupe de ces questions, elle a été
toujours la même. Ainsi, cette objection ne signifie rien. D’ailleurs, vous
avez la ressource dans la loi de l’an V elle-même, qui dit que, si les fonds
alloués par l’Etat ne sont pas suffisants, les communes y pourvoiront.
Vous
ne pourriez et vous n’oseriez soutenir que l’arrêté de 1822 ait été porté
légalement ; la loi qu’il révoquait à la charge de l’Etat les dépenses des
enfants trouvés. Cette opinion peut être soutenue sans doute, mais l’opinion
contraire peut l’être aussi, et ce n’est pas en une séance que les arguments
pour et contre peuvent être pesés et jugés. Je trouve prématurée la proposition
de M. Barthélemy, et je demande qu’en attendant l’allocation demandée par le
ministre soit maintenue.
M. d’Elhoungne. - Il me semble, messieurs, que la question peut être
réduite à des termes très simples. Il s’agit de savoir si c’est l’Etat ou si ce
sont les communes qui doivent supporter la dépense des enfants trouvés.
L’auteur de la proposition vous a cité une loi qui met cette dépense à charge
de l’Etat. A cela, il est impossible de rien opposer, à moins de rapporter une
loi abolitive de la première. Rapporte-t-on cette loi ? Non. Qu’oppose-t-on
donc ? un arrêté royal de 1822. Or, le roi pouvait-il abroger une loi par un
arrêté ? Non ; il n’exerçait pas le pouvoir législatif seul et sans le concours
des chambres ; son arrêté n’était pas une loi, et une loi ne peut être abrogée
que par une autre loi. La loi de l’an V subsiste donc toujours. Il faut qu’elle
soit mise à exécution. Mais, dit-on, cela augmentera de beaucoup le chiffre du
budget. C’est fort douloureux sans doute ; mais, puisque la loi existe et
qu’elle a imposé une dette à l’Etat, il faut de cette dette soit payée ; aussi
bien est-ce une dette sacrée, tant par sa nature que par l’acte qui l’a fondée.
Je ne vois donc aucune raison d’écarter la proposition de l’honorable M.
Fallon.
M. Gendebien. - J’avais demandé la parole pour présenter à la chambre
l’observation de M. d’Elhoungne ; j’ajouterai à ce qu’il a dit que, puisque la
question est décidée par une loi non abrogée, il est impossible au gouvernement
de se soustraire à son obligation ; mais, quand la loi n’existerait pas, il
n’en faudrait pas moins adopter la proposition. Messieurs, il y a deux manières
de régler le sort des enfants trouvés. C’est de ne rien faire pour eux, ou de
leur fournir tout ce qui est nécessaire pour les introduire dans le monde. Ne
leur accorder rien, ce serait une atrocité qui n’aurait pas de nom. Il faut
donc leur fournir tout ce qui est nécessaire ; et ne craignez pas la dépense,
elle ne sera pas énorme. Que leur faut-il en effet ? Donnez-leur une éducation
élémentaire qui ne vous coûtera pas cher, le lecture, l’écriture, le calcul ;
faites-leur apprendre un métier, et qu’en récompense des services qu’ils auront
reçus de l’Etat, ils soient obligés de le servir pendant 15 ou 20 ans.
Faites-leur apprendre le métier des armes, et ils ne seront pas plus malheureux
que les miliciens que vous arrachez à leurs foyers, et ils diminueront d’autant
le contingent de la milice, tout en donnant à l’armée de bons soldats, de bons
tailleurs, de bons cordonniers. (Aux voix
! aux voix ! La clôture !)
M. Liedts. - Je dois relever une erreur de fait qui a été
avancée dans la discussion. On a dit que les lois françaises mettaient les
enfants trouvés à la charge de l’Etat ; c’est une erreur. Voici le décret de
1811, qui règle au contraire, en exécution de la loi de l’an V, qu’une somme de
4 millions de fr. sera répartie entre les divers départements, en proportion du
nombre des enfants trouvés de chacun d’eux.
La répartition de
cette somme eût donné à la Belgique une somme de 500,000 francs.
M.
Fallon. - Eh bien ! je ne demande que 250,000 florins.
M. Barthélemy insiste pour que la loi de l’an V soit exécuté et pour l’adoption de
son amendement.
M.
Fallon. - Je prie M. Rogier de résoudre ce problème. Il y a 8
ou 900 enfants trouvés à Namur ; la commune a refusé de faire des fonds pour
eux : qui pourvoira à leurs besoins ?
M. Rogier. - S’il prend envie à la commune de refuser des fonds
qu’elle a alloués jusqu’ici, il me serait assez difficile de dire comment on y
suppléera ; mais il y aurait quelque moyen administratif à prendre. Si j’étais
membre de la députation des états, je refuserais d’approuver le budget de la
commune si elle n’avait pas refusé légalement.
Plusieurs voix. - Ah ! légalement, vous voyez bien.
M. Rogier. - M. Fallon m’interpelle ; je réponds, et, laissant
de côté la question de légalité, je persiste à dire que je refuserais mon approbation
au budget tant que la dépense n’y serait pas portée. Je crois au reste que
c’est trop s’alarmer pour l’année à venir sur le sort des enfants trouvés. Si
la ville de Namur, sans s’inquiéter du sort de ces enfants, rejette tout
allocation, je dirais qu’indépendamment du reproche d’inhumanité dont on
pourrait la taxer, la province, dont le budget n’est pas encore réglé, devra
suppléer au refus de la commune.
M.
Lebeau. - Il me semble, messieurs, qu’ici il y a deux
questions à examiner : la question de légalité et la question d’humanité.
Toutes les autres, agitées à cette occasion, ne me semblent pas ici à leur
place. En votant sur l’amendement de M. Fallon, je n’entends nullement me
prononcer sur le principe, et la question de savoir qui de l’Etat ou des
communes doit supporter la dépense restera intacte.
L’orateur dit que
la question de légalité ne peut faire la matière d’un doute, et que la loi de
l’an V n’est pas abrogée. Quant à la question d’humanité, si les communes, les
provinces et l’Etat, chacun la loi à la main, refusent de venir au secours des
enfants trouvés, pendant ce conflit ces enfants seront exposés à mourir de
faim, et c’est sans doute ce que personne ne voudrait. Il faut donc voter une
somme pour cette dépense.
La clôture est
réclamée avec instance.
M. Dumortier
et M. Jamme
parlent contre la clôture ; ils ne trouvent pas la question assez éclaircie.
M. Dumortier obtient, après un léger débat, la parole sur le fond
de la question. Il conteste que les lois françaises aient mis la dépense à
charge de l’Etat, et il en donne pour preuve l’observation faite par M. Liedts.
L’honorable membre pense qu’il y aurait injustice à obliger toutes les
provinces à contribuer à la dépense, puisque toutes n’ont pas d’enfants
trouvés, celle de Luxembourg notamment. Il remarque ensuite que les enfants
trouvés sont en bien plus grand nombre dans les villes de garnison, et il
trouve juste que celles qui ont l’avantage d’une garnison en aient aussi les
inconvénients. (Hilarité générale.)
L’orateur termine en disant qu’il n’est pas éloigné d’accorder un subside, mais
sans rien préjuger sur le principe.
M. Fallon. - Je consens à ce qu’on rédige l’article ainsi :
« Subsides pour les enfants trouvés. »
M. Devaux. - Je demande la parole pour une motion d’ordre ; il me
semble qu’il serait raisonnable de renvoyer les amendements à la section
centrale. Il est évident qu’il n’y a ici qu’une opinion préparée à la
discussion ; le renvoi à la section centrale donnerait à chacun le temps et le
moyen d’examiner les questions qui viennent d’être soumises à la chambre, et on
prendrait ensuite une décision bien plus réfléchie.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) appuie le renvoi à la section centrale.
M.
Fallon. - Le renvoi est inutile ; il y a huit jours que mon
amendement a été inséré au Moniteur ;
il est connu de tous, et chacun a eu le temps d’y songer.
- Le renvoi à la
section centrale est mis aux voix et rejeté.
M. Barthélemy
et M. Fallon s’entendent pour réduire leur demande à 200,000 fl.
M. Rogier. - Quand M. Barthélemy a proposé le chiffre de 300,000
fl., il avait fait ses calculs ; comment se fait-il maintenant qu’il le réduise
de 100,000 fl. ? Je demande des explications à cet égard.
M.
Jullien.-
Le chiffre est réduit, parce qu’il ne s’agit que de secours provisoires, en
attendant que les difficultés soulevées dans la discussion soient résolues. Je
ne trouve pas juste que la ville de Namur supporte seule la dépense des
nombreux enfants trouvés qu’on y porte de tout le royaume. (Oh ! oh !) Oui, messieurs, de tout le
royaume. On porte bien des enfants trouvés de Bruges au tour de Dunkerque. J’ai
vu plus d’une fois l’hospice de Dunkerque réclamer le paiement de sommes qui
étaient dues pour des enfants portés de la Flandre occidentale. On va porter
les enfants trouver aussi loin que l’on peut, parce que, dans ces sortes
d’affaires, il y a presque toujours une honte à cacher.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux).
- Je demande qu’on supprime dans l’article le mots « enfants
abandonnées, » parce que ceux de cette catégorie dont le domicile de secours
serait connu ne doivent pas venir diminuer les secours accordés aux enfants
trouvés.
M.
Fallon. - C’est juste.
M.
Brabant. - Il est impossible que M. Fallon l’entendît
autrement. (Aux voix ! aux voix !)
M. Rogier. - Je demande à faire une réduction.
M. le président. - Voici un amendement de M. Dumortier tendant à réduire l’allocation à
100,000 fl.
M. Rogier. - C’est mon amendement, je demande à le développer.
Voix nombreuses.-
Non ! non ! Il est plus de deux heures et demie.
M. Rogier. - Eh ! messieurs, il s’agit de 100,000 fl. ; vous
vous êtes souvent montrés plus scrupuleux pour une somme de 1,000 fl.
M. le président. - La suite de la discussion est renvoyée à ce soir.
M. Rogier. - Je demande la parole pour ce soir.
- La séance est
levée à 3 heures moins un quart.