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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 29 janvier 1835

(Moniteur belge n°30, du 30 janvier 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal.

La séance est ouverte à une heure.

M. Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. Il est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.

« Les habitants de grand nombre de communes du Luxembourg adressent des observations en faveur du projet de loi proposé par M. de Puydt relatif à la construction de routes et demandent la reprise des travaux du canal de Meuse et Moselle. »

« La régence de la ville de Dinant demande que le personnel du tribunal de première instance qui siège dans cette ville soit augmenté. »

« Le sieur Alexandre, licencié en philosophie et lettres, adresse des observations sur la manière dont sont répartis dans la province du Luxembourg les fonds alloués par l’Etat pour les athénées et collèges. »

« Plusieurs officiers volontaires des premier et deuxième bataillons des gardes civiques de la Flandre occidentale se plaignent de n’être pas admis à jouir du traitement de demi-solde. »


M. de Puydt. - J’ai déposé sur le bureau une pétition adressée à la chambre par les principales communes du grand-duché de Luxembourg ; elles ont pour objet de réclamer l’exécution des routes et canaux projetés dans ces contrées ; comme leur demande est importante, je proposerai d’en faire le renvoi à la commission des travaux publics, et au ministre de l’intérieur en même temps.

M. Desmanet de Biesme. - Je regrette que M. le ministre de l’intérieur ne soit pas présent : je lui aurais rappelé que l’année dernière des interpellations lui ont été faites par différents membres relativement à la non-exécution des travaux de canalisation du grand-duché de Luxembourg. Il nous avait promis des renseignements à cet égard ; mais on ne nous en a pas donné. Cependant il serait important de savoir si l’on pourrait prononcer la déchéance de la compagnie cessionnaire qui n’exécute pas les travaux qu’elle a entrepris.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je puis donner les renseignements réclamés par l’honorable préopinant. J’ai examiné très attentivement le contrat pour la canalisation dont il s’agit ; j’ai fait cet examen conjointement avec plusieurs jurisconsultes, et je dois déclarer que dans mon opinion il n’y a pas lieu à prendre des mesures contre la société parce qu’aux termes de l’engagement on ne peut pas la contraindre dans l’état actuel des choses. Mais il restera à examiner ultérieurement de quelle manière on pourra pourvoir à l’exécution du canal.

M. d'Hoffschmidt. - On prétend qu’il n’y a pas lieu à prendre des mesures coercitives envers la société du Luxembourg ; soit, mais l’important ce serait d’obtenir l’achèvement des travaux ; or, c’est ce qui aurait lieu si le gouvernement consentait à faire un prêt à cette société. Elle a déjà exécuté des travaux pour des sommes considérables, pour des millions, et par là elle présente des garanties suffisantes pour les sommes qu’on lui avancerait. Ce prêt ne serait donc pas une charge pour le trésor, puisqu’il en serait remboursé.

M. Pirson. - Cela n’empêche pas le renvoi au ministre de l’intérieur.

M. Watlet. - Je veux faire observer qu’il est très difficile de trancher tout d’un coup la question relative à la société du Luxembourg, et de savoir s’il y a des moyens de la faire renoncer à son contrat ou à la concession qui lui a été faite. J’ai examiné aussi ce contrat, et je crois qu’il pourrait être résilié. Quoi qu’il en soit, il est urgent de prendre des mesures envers cette compagnie. Et remarquez ici que ce n’est pas seulement l’existence du canal qui est en souffrance, il est d’autres intérêts qui réclament également une prompte décision.

On a donné à la société l’exploitation des usines, des carrières du Luxembourg ; tant qu’elle sera concessionnaire, qu’on n’aura pris aucune mesure contre elle, et qu’elle restera sans rien faire, non seulement le canal ne s’achèvera pas, mais les richesses enfouies dans le sein de la terre resteront sans exploitation. Il serait donc urgent, je le répète, de prendre un parti. Je demande le renvoi au ministre de l’intérieur pour qu’on nous fasse un rapport circonstancié : son prédécesseur avait déjà rassemblé de nombreux documents sur cette question. Sur le rapport qui nous sera présenté, nous verrons ce qu’il y aura à faire.

M. Gendebien. - Je n’étais pas ici au commencement de la séance. Je sais seulement que l’on a adressé des pétitions à la chambre relativement au canal du Luxembourg ; ces pétitions sont susceptibles de très graves discussions, et je ne sais pas si nous devons dévier de la marche ordinaire, ou s’il ne faut pas les renvoyer à la commission des pétitions, sauf à prier cette commission de faire promptement son rapport. Nous pourrions alors, avec connaissance de cause, renvoyer les mêmes pétitions à une commission quelconque nommée ad hoc, ou à la commission de l’industrie et de l’agriculture.

Avant de renvoyer à une commission autre que la commission des pétitions, il faut connaître au moins l’objet des réclamations, Je prie la chambre de ne pas s’engager dans de fausses voies. J’ai vu le contrat, le cahier des charges de la compagnie ; il y a beaucoup d’observations à faire sur son exécution ou sa résiliation, et nous serons peut-être fort embarrassés pour prendre une décision quand nous connaîtrons l’affaire.

M. le président. - M. Gendebien propose le renvoi à la commission des pétitions, en la priant de faire promptement son rapport.

M. d'Hoffschmidt. - La pétition ne soulèvera pas la question posée par l’honorable M. Desmanet de Biesme ; je crois donc que le renvoi à la commission des pétitions est inutile ; cette commission ne pourrait conclure qu’au renvoi du mémoire à la commission des travaux publics ; car il ne s’agit que de travaux, et c’est ce qui est demandé par M. de Puydt.

M. Gendebien. - Puisqu’on a nommé une commission des travaux publics, il est naturel en effet qu’on lui renvoie le mémoire.

M. le président. - Si le renvoi à la commission des travaux publics ne trouve pas d’opposition, il sera ordonné.

M. Watlet. - Si l’assemblée juge à propos de renvoyer la pétition à une commission, je demande que ce ne soit pas à celle des travaux publics. En voici les motifs. M. le ministre de l’intérieur vous a dit que c’était une question très grave que celle de savoir s’il y avait lieu de demander la résiliation du contrat de la compagnie du Luxembourg, quoiqu’elle n’exécute pas ses engagements. Il me paraît donc que la commission à laquelle il conviendrait de soumettre la pétition devrait être composée de jurisconsultes capables de donner des conclusions utiles dans cette circonstance. C’est pour cela que je préférerais le renvoi à une commission formée d’hommes spéciaux nommés ad hoc, ou à une commission formée des membres de la commission des travaux publics, à laquelle on adjoindrait des jurisconsultes.

M. de Puydt. - Si la pétition est renvoyée à la commission des travaux publics, elle fera un prompt rapport, et la chambre pourra juger s’il y a lieu de soumettre une question quelconque à des jurisconsultes. J’insiste donc pour le renvoi à la commission des travaux publics.

M. d'Hoffschmidt. - La pétition dont il s’agit, je le répète, n’agite pas la question relative à la résiliation de la concession ; et cette question ne sera probablement pas agitée dans le sein de la commission des travaux publics. Il s’agit de routes et de canaux, et de fonds pour achever les travaux commencés. M. le ministre de l’intérieur nous fera un rapport sur le canal ; c’est à lui à consulter les jurisconsultes s’il veut rompre le contrat. Je ne vois donc aucun obstacle au renvoi à la commission des travaux publics et au ministre de l’intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il me semble que le renvoi à une commission de jurisconsultes serait prématuré. J’ai promis de faire un rapport à la chambre.

- Le renvoi de la pétition à la commission des travaux publics et au ministre de l’intérieur est mis aux voix et adopté.


M. Pirson. - J’ai déposé sur le bureau une pétition par laquelle on demande que le nombre des juges du tribunal de Dinant soit augmenté. La même demande a été faite sous l’ancien ministère ; il devait faire un rapport à la chambre sur cet objet. Une demande semblable a été faite par le barreau de Charleroy, pour le tribunal de cette ville, et cette pétition a été renvoyée directement au ministre de la justice ; je réclame le même renvoi.

M. Verdussen. - A tout moment on vient demander le renvoi aux ministres des pétitions que la chambre ne connaît pas : cette marche est irrégulière. Il faut que les pétitions passent par la commission spéciale ; s’il y avait urgence dans les questions soulevées par les auteurs des mémoires, eh bien, on prierait la commission des pétitions de faire promptement son rapport. Mais pourquoi renvoyer à un ministre une pétition dont nous ne connaissons ni la forme, ni l’objet ?

M. Pirson. - J’ai déjà fait observer qu’une pétition tout à fait semblable à celle dont il s’agit a été présentée il y a huit ou dix jours et qu’elle a été renvoyée immédiatement au ministre. Le ministre jugera de la validité des motifs exposés dans le mémoire, et vous présentera un projet de loi s’il est nécessaire, ou le mémoire restera dans la poussière de ses bureaux si la demande n’est pas fondée.

- La chambre décide que la pétition sera soumise à la commission des pétitions.

Proposition de loi organisant la cour des comptes

Lecture, développements et prise en considération

M. le président. - Les sections ayant autorisé la lecture de la proposition déposée sur le bureau par M. Dumortier, l’honorable membre a la parole pour faire cette lecture.

M. Dumortier. monte à la tribune et lit le projet de loi ainsi conçu :

« Léopold, etc.,

« Vu l’article 116 de la constitution,

« Vu l’article 19 du décret du 30 décembre 1830.

« Nous avons, etc.

« Art. 1er. La cour des comptes est composée d’un président, de six conseillers et d’un greffier.

« Ils sont nommés tous les six ans par la chambre des représentants qui a toujours le droit de les révoquer.

« Le président et les conseillers doivent avoir au moins l’âge de 30 ans.

« Le greffier n’a pas voix délibérative ; il doit avoir au moins 25 ans. »


« Art. 2. Les membres de la cour des comptes ne peuvent être parents ou alliés entre eux jusqu’au quatrième degré inclusivement, ni, à l’époque de leur nomination, parents ou alliés au même degré d’un ministre ou d’un chef d’administration générale.

« Ils ne peuvent être membres de l’une ou de l’autre chambre législative, ni remplir aucun emploi salarié par le trésor, ni être directement ou indirectement intéressés dans aucune entreprise ou affaire sujette à une comptabilité envers l’Etat.

« Ils ne peuvent délibérer sur des affaires qui les concernent personnellement ou dans lesquelles leurs parents ou alliés, jusqu’au quatrième degré inclusivement, sont intéressés. »


« Art. 3. Indépendamment des attributions déférées à la cour des comptes par l’article 116 de la constitution, et du droit spécial qu’elle a de se faire fournir tous états, renseignements et éclaircissements relatifs à la recette et à la dépense des deniers de l’Etat, cette cour est chargée de se faire représenter, à la fin de chaque année, les livres de la trésorerie générale pour arrêter et constater les soldes qu’ils présentent. »


« Art. 4. Aucune ordonnance de paiement n’est acquittée par le trésor qu’après avoir été revêtue du visa de la cour. »


« Art. 5. La cour vérifiera et arrêtera les comptes des administrations générales, dans le délai de six mois, et elles transmettra avec ses observations le compte général de l’Etat à la chambre des représentants, dans le courant du mois de novembre de chaque année.

« A cet effet, le compte de l’Etat, appuyé des comptes de l’administration générale et d’un compte par province, sera déposé au greffe de la cour des comptes, le 31 décembre de l’année qui suit celle pour laquelle ils sont rendus. »


« Art. 6. La cour des comptes correspond directement avec les diverses administrations générales. Elle correspond également avec les comptables, pour ce qui concerne la reddition de leurs comptes.


« Art. 7. La cour fixe les délais dans lesquels les comptes des différents comptables en deniers de l’Etat doivent être déposés à son greffe, sans préjudice à toutes les mesures de surveillance que le chefs d’administration générale trouvent convenable de prescrire, et auxquelles les comptable sont tenus de se conformer rigoureusement. »


« Art. 8. La cour peut prononcer contre les comptables retardataires, entendus ou dûment appelés, une amende au profit de l’Etat, qui n’excède pas la moitié de leur traitement, remises ou indemnités, indépendamment de la suspension ou destitution qu’elle peut provoquer, s’il y a lieu.

« Quant à ceux qui ne jouissent d’aucun traitement, remises ou indemnités, la cour pourra prononcer à leur charge une amende, qui, en tout cas, n’excédera pas 2,000 francs. »


« Art. 9. Toute condamnation à des amendes est prononcée sur la réquisition du plus jeune des conseillers, qui remplit les fonctions du ministère public. »


« Art. 10. La cour veille à ce que les comptables du royaume fournissent exactement les cautionnements affectés à la garantie des fonctions conférées. »


« Art. 11. La cour règle et apure les comptes. Elle établit par ses arrêts définitifs si les comptables sont quittes, en avance ou en débet. Dans les deux premiers cas, elle prononce leur décharge définitive, et ordonne la restitution des cautionnements et, s’il y a lieu, la main levée et radiation des oppositions et inscriptions hypothécaires prises sur leurs biens, à raison de la gestion dont le compte est juge.

« Dans le troisième cas, elle les condamne à solder leur débet au trésor dans le délai prescrit.

« Dans tous les cas, une expédition de ses arrêts est adressée au ministre des finances, pour en faire suivre l’exécution.

« Dans les trois ans après la cessation de ses fonctions, le comptable aura une décharge définitive, s’il n’en a été autrement statué par la cour des comptes. »


« Art. 12. La cour, nonobstant un arrêt qui a définitivement jugé un compte, peut procéder à sa révision, soit sur la demande, appuyée de pièces justificatives recouvrées depuis l’arrêt, soit d’office, pour erreur, omissions ou double emploi, reconnu par la vérification d’autres comptes. »


« Art. 13. Les arrêts de La cour contre les comptables sont exécutoires.

« Dans le cas où un comptable, après avoir épuisé le recours en révision, se croit fondé à attaquer un arrêt pour violation de formes ou de la loi, il doit se pourvoir dans les trois mois pour tout délai, à compter de la notification de l’arrêt de révision, à la cour de cassation. Si l’arrêt est cassé, l’affaire est renvoyée à une commission ad hoc, formée dans le sein de la chambre des représentants, et jugeant sans recours ultérieur, selon les formes établies pour la cour des comptes. »


« Art. 14. Un double du grand livre de la dette publique est déposé à la cour des comptes.

« Elle veille à ce que les transferts, les remboursements, ainsi que les nouveaux emprunts, y soient exactement inscrits.

« Elle tient également un registre de toutes les pensions à charge de l’Etat, à l’effet de constater la comptabilité de ces divers objets.

« Tous brevets de pensions, certificats d’inscription, de cautionnements et de rentes sur les livres de la dette publique, n’auront de légalité qu’autant qu’ils auront été soumis au visa et à l’enregistrement de la cour. »


« Art. 15. Il y a, près de la cour des comptes, un commis greffier nommé par elle de commun accord avec le greffier.

« A la cour des comptes appartient la nomination et la révocation de tous ses employés. Ceux-ci sont d’ailleurs assimilés aux employés de même grade dans les administrations générales. »


« Art. 16. La présence de la majorité des membres de la cour est requise pour arrêter et clore les comptes. »


« Art. 17. Le traitement du président de la cour de comptes est fixé à 8,000 fr., et celui des conseillers et du greffier à 7,000 fr. »


« Art. 18. Les dispositions légales et règlementaires non contraires à la présente loi continueront à sortir leur plein et entier effet. »

M. le président. - Quel jour M. Dumortier présentera-t-il les développements de sa proposition ?

M. Dumortier. - Si la chambre le permet. je présenterai sur-le-champ les développements de ma proposition ; je serai court. (Parlez ! Parlez !)

Messieurs, l’institution de la cour des comptes par le congrès a eu lieu en vertu d’un décret du 30 décembre 1830. Vous savez que cette cour est une des plus belles institutions que la révolution nous ait données. Par l’article 29 du décret d’institution, il est prescrit que le décret lui-même sera soumis à la révision en l’année 1832. Cependant l’année 1832 s’est écoulée sans remplir cette proposition ; et, depuis, deux autres années se sont écoulées encore sans qu’on ait procédé à la révision : la chambre des comptes est encore telle qu’elle a été organisée par le congrès. L’année dernière, j’ai pris l’engagement de déposer sur le bureau de la chambre un projet sur une nouvelle organisation de cette importante magistrature, et c’est cet engagement que je viens remplir aujourd’hui.

Le projet de loi dont je viens de donner lecture est à bien peu de chose près le même que celui que le congrès avait adopté. Je vais, messieurs, examiner l’un après l’autre les divers articles dont il se compose, et vous verrez que les diverses modifications que j’y ai apportées n’occasionnent aucun changement sensible.

L’article premier est le même que l’article premier du congrès. J’ai cru devoir maintenir le terme de six ans pour la durée des fonctions des magistrats de la cour des comptes afin de me conformer à l’article 116 de la constitution. Le premier paragraphe de cet article dit en effet que les membres de la cour des comptes sont nommés pour le terme fixé par la loi. Leurs fonctions doivent avoir un terme ; les rendre perpétuelles, ce serait s’écarter de la constitution.

L’article 2 est le même que celui du congrès.

L’article 3 ne diffère de l’article 3 du congrès qu’en ce qu’il exige, chaque année, la représentation à la cour des comptes, des livres de la trésorerie générale pour arrêter les soldes qu’ils présentent. Cette disposition était nécessaire et se comprend d’elle-même ; il faut que le solde des comptes soit constaté authentiquement chaque année, et cela ne peut avoir lieu que par la cour des comptes.

L’article 4 est encore le même que l’article 4 du congrès. Il est relatif à la nécessité du visa de la cour des comptes sur les ordonnances de paiement : ce visa est une des meilleure garanties que l’on puisse avoir d’une bonne gestion des finances de l’Etat. Il rentre dans les dispositions de l’article 116 de la constitution en empêchant qu’aucun article du budget ne soit dépassé et qu’aucun transfert n’ait lieu.

Par l’article 5, il est apporté une modification à ce qui existe. Dans l’état actuel des choses un exercice reste ouvert pendant trois ans, de sorte que la chambre ne peut avoir les comptes de l’Etat complètement terminés que la quatrième année après l’exercice même : ce terme est beaucoup trop long. Il n’a paru qu’il fallait laisser l’exercice ouvert pendant deux ans ; c’est ainsi que cela se pratique en France. En Angleterre on est beaucoup plus sévère ; et on accorde un délai très court après l’expiration de l’exercice.

Mais j’ai cru devoir adopter le système français ; il me semble préférable en ce qu’il laisse le temps nécessaire au gouvernement pour effectuer le paiement des dépenses ordonnées. Ces dépenses ne peuvent être ordonnancées pendant un exercice postérieur, que lorsqu’il y a eu un commencement d’exécution ; mais il faut bien accorder un terme pour faire face aux dépenses des travaux publics et autres qui ne peuvent s’effectuer qu’après un certain temps.

Les articles 6 et 7 ne sont que les mêmes articles du congrès.

L’articles 8 contient l’addition d’une pénalité contre les comptables qui ne jouissent d’aucun traitement et dont les comptes ne sont pas trouvés en règle. Il peut se trouver des personnes qui, sans exercer des fonctions rétribuées, aient en main la gestion de sommes considérables appartenant au trésor public ; il faut par conséquent une pénalité contre elles, dans le cas de dilapidation de leur part.

L’article 9 est le même que celui du congrès : le plus jeune des conseillers remplit les fonctions de ministère public. Cette disposition est infiniment préférable à celle qui existe dans la loi française.

Près la cour des comptes de France il y a un procureur général, ou un agent du pouvoir. Cela ne peut convenir chez nous. En France la cour de comptes ne fait que viser les dépenses faites ; ici sa mission est plus importante encore ; elle vise les dépenses à faire : la présence d’un agent du gouvernement près d’elle pourrait donc devenir dangereuse.

Il y a un article nouveau dans mon projet, c’est l’article 10. Il a pour but d’exiger que la cour des comptes veille à ce que les comptables fournissent exactement les cautionnements réclamés pour garantir la gestion des deniers publics. Il est arrivé que des comptables ont disparu sans que le gouvernement ait les moyens de recouvrer les fonds qu’ils emportaient. Il est donc indispensable que l’on soit assuré qu’un comptable a fourni son cautionnement.

Les articles 11, 12, 13 sont la transcription d’articles contenus dans le décret du congrès.

L’article 14 est le même que l’article 13 du décret du congrès, plus une addition qui soumet au visa de la cour des comptes les brevets des pensions, certificats d’inscription, de cautionnements et le rentes. Il faut, en effet, que la cour des comptes vérifie les brevets des pensions ; car par là on aura une garantie qu’on ne paiera que conformément aux lois, et qu’aucune gratification ne sera accordée à charge du trésor public sous le titre de pension.

L’article 15 établit un commis-greffier près la cour des comptes. L’expérience en a démontré la nécessité.

L’article 16 est tiré textuellement du décret du congrès.

L’article 17 est relatif aux traitements des membres de la cour des comptes. Le congrès, mu par des vues d’économie très louables mais qu’on n’a pas suivies, avait déterminé à un taux très bas les traitements des conseillers à la cour des comptes : il accordait 2,500 florins aux conseillers et 3,000 florins au président, Toutefois l’intention du congrès avait été que les membres de cette magistrature eussent rang entre les membres de la cour de cassation et ceux des cours d’appel. La cour des comptes a déjà fait sentir que ses traitements étaient peu considérables eu égard au rang qu’elle occupait, et vous avez reconnu que la réclamation était fondée ; je crois que voilà le moment d’y faire droit. Je propose donc d’accorder 7,000 fr. à chaque conseiller, et 8000 fr. au président.

Le traitement des membres de la cour d’appel est de 5,000 fr. ; celui des membres de la cour de cassation est de 9,000 fr. ; j’ai adopté la moyenne entre ces chiffres, ou le juste milieu, et c’est pour ce motif que je propose 7,000 fr. Je n’ai élevé le traitement du président que de 2,000 fr., parce qu’il jouit du logement, ce qui mérite d’être pris en considération.

L’article 18 dit que les dispositions légales et réglementaires qui ne sont pas contraires à la loi continueront à être exécutées. Cette disposition maintient par conséquent le règlement de la cour des comptes tel qu’il a été voté par le congrès.

Tel est, messieurs, le projet dont j’ai donné lecture. Je n’ai pas grand mérite à sa présentation parce qu’il est la reproduction et du décret du congrès et du projet présenté par la cour des comptes elle-même, à deux exceptions près. Il m’a paru que personne ne peut savoir mieux que la cour des comptes elle-même les modifications que doit éprouver son organisation.

Voici les deux exceptions. Par l’article premier la cour de comptes demandait que ses membres fussent nommés à vie ; je n’ai pas cru devoir admettre cette disposition, parce que l’article 116 de la constitution porte, comme je l’ai déjà dit, que les membres de la cour des comptes sont nommés par la chambre des représentants pour le terme fixé par la loi : si la durée est fixée par la loi, les fonctions doivent avoir un terme ; l’inamovibilité n’en a pas ; elle et indéfinie ; aussi la nomination à vie n’est pas en harmonie, n’entre pas dans l’esprit de la constitution. La manière très honorable dont les membres de la cour s’acquittent de leurs importantes fonctions ne doit pas leur inspirer de crainte de se voir remplacés, mais la chambre ne peut aliéner une de ses plus belles prérogatives constitutionnelles. La cour est une émanation, une véritable commission de la chambre ; elle perdrait ce caractère si on modifiait la durée de ses fonctions.

Personne ne pouvait savoir mieux que le congrès la durée que devaient avoir les fonctions des membres de la cour des comptes ; le congrès ayant fait la constitution, en connaissait parfaitement l’esprit ; puisqu’il a fixé cette durée à six années j’ai cru que l’on devait s’en tenir à cette fixation.

La seconde modification est relative au traitement. La cour des comptes, par un sentiment de convenance que l’on comprend, avait laissé en blanc les chiffres du traitement dans son projet ; j’ai exposé les motifs qui m’ont porté à proposer 7,000 fr. pour les conseillers et 8,000 fr. pour le président.

M. le président. - Il reste à prononcer sur la prise en considération.

M. de Robaulx. - Je suis d’avis que la proposition soit prise en considération. En général je trouve qu’il faut prendre en considération des propositions importantes ; celle-ci est du nombre. (Aux voix ! aux voix !) Un petit moment ; je n’abuserai pas de la permission. Je voudrais que l’auteur du projet y fît un amendement. Les employés dans les bureaux de la cour des comptes devraient être assimilés aux employés des bureaux des divers ministères. Les employés de la cour des comptes ne sont défendus ici par personne ; il en est autrement des employés ministériels : les ministres soutiennent leurs intérêts ; ce n’est pas une raison pour négliger les droits des premiers. Il faut qu’un chef de division à la cour des comptes soit traité comme un chef de division d’un ministère. Je demande que M. Dumortier prenne en considération ces observations ; c’est à lui à modifier son travail.

M. Desmanet de Biesme. - Si j’ai bien entendu la lecture de la proposition de M. Dumortier, il me semble que dans son projet il y a une disposition qui remplit le but de l’honorable membre. (Non ! Non !)

Maintenant que j’ai rempli l’engagement que j’avais pris envers vous, je demande que la chambre veuille prendre en considération ce projet et le renvoyer devant les sections conformément au règlement.

- La proposition est appuyée.

M. Gendebien. - La prise en considération ne préjuge rien ; il est inutile d’élever aucune difficulté à présent. C’est quand on aura examiné mûrement la proposition qu’on pensera à la compléter.

M. Duvivier. - Je serai un des premiers à prendre en considération les observations présentées par M. de Robaulx ; mais elles sont distinctes du projet de M. Dumortier. Les objets sur lesquels M. de Robaulx a attiré l’attention de la chambre regardent la cour des comptes elle-même ; c’est à elle ensuite à déterminer ce qui convient dans son organisation intérieure. Cette organisation sera mentionnée au budget, puisqu’on demandera les traitements des employés ; alors on pourra discuter ce qui est relatif aux employés, autrement on ferait de l’administration.

M. Gendebien. - Je ne partage pas l’opinion du préopinant, mais il ne s’agit pas de cela maintenant.

M. Duvivier. - Il nous faut d’abord organiser la cour des comptes ; quand cette opération sera terminée, la cour nous soumettra son budget, et nous traiterons de la question posée par M. de Robaulx.

M. de Robaulx. - Je veux dire deux mots. Quand on ne répond pas à un ministre ou à un ex-ministre, on présume qu’il a raison. Je ne suis pas de l’avis de M. Duvivier. Rien n’empêche que, dans la loi organique de la cour des comptes, on n’inscrive que ses employés seront assimilés aux employés des divers ministères. Ce n’est pas là faire de l’administration. M. l’ex-ministre s’est trompé quand il a cru que nous ne pouvions rien surtout à cet égard.

- La prise en considération de la proposition de M. Dumortier est mise aux voix et adoptée à l’unanimité.

Proposition de loi relative aux droits sur le coton

Lecture, développements et prise en considération

M. le président. - Les sections ont également autorisé la lecture d’une autre proposition déposée sur le bureau et signée par plusieurs députés.

M. Desmaisières, l’un des signataires, monte à la tribune et donne lecture de cette proposition. Elle porte modification des tarifs en ce qui concerne l’industrie cotonnière.

L’honorable M. Desmaisières fait ensuite lecture des développements de sa proposition.

(Nous donnerons ces documents dans un prochain numéro.)

M. le président. - La chambre va être consultée sur la prise en considération de la proposition présentée par l’honorable M. Desmaisières au nom de ses collègues signataires.

M. Fleussu. - Je m’oppose à la prise en considération immédiate de la proposition. Je demande que la chambre fixe un jour pour examiner s’il y a lieu de prendre en considération le projet qui vous est soumis.

Il faut que la prise en considération réponde au but pour lequel elle a été instituée. Lors de la discussion du règlement, lorsqu’il fut question de cette première décision de l’assemblée qui admet un projet aux honneurs de la discussion, l’on eut en vue de faire discuter préalablement par la chambre le principe même du projet. Si le principe était admis, l’on renvoyait le projet en sections qui étaient appelées à l’examiner. Si le principe n’était pas admis, on passait outre ; c’était une économie de temps pour l’assemblée, puisque dès lors il n’y avait pas lieu d’examiner les détails de la loi. Tel est le but, messieurs, de la prise en considération.

C’est la marche que l’on a suivie lors de la présentation d’une proposition qui intéressait tout le pays, je veux parler de la demande d’une enquête faite par plusieurs membres de cette assemblée. Nous avons commencé par discuter le principe de l’enquête, ce principe a été rejeté ; dès lors nous n’eûmes pas à nous occuper du projet même. Je demande donc que lorsqu’il s’agit d’une question aussi grave que celle que vient de soulever M. Desmaisières on en revienne aux véritables principes du règlement.

Placés que nous sommes en ce moment sous l’influence d’un seul orateur, nous ne sommes pas à même de voter sur la prise en considération. Je demande qu’on nous laisse le temps d’examiner le principe. Quand nous nous serons préparés sur la question, nous verrons s’il y a lieu d’admettre le principe du projet.

La proposition qui vient de vous être faite est tout un traité de commerce, si tant est qu’il y ait des traités de commerce. C’est tout un long cours d’économie politique, dont vous venez d’entendre les développements. Il faut que nous puissions apprécier les conséquences de la prise en considération.

C’est pourquoi je demande que l’on en fixe ultérieurement le jour, parce que nous pourrions combattre avec succès le principe du projet si nous ne l’admettons pas.

Messieurs, je me défie beaucoup du système dans lequel on entre depuis quelque temps, dans lequel paraissent vouloir nous engager les représentants des Flandres en matière d’industrie et de commerce. Jusqu’ici, vous n’avez voté sous ce rapport que des lois d’exception, que des mesures provisoires. Vous verrez qu’en fait d’industrie, c’est le provisoire qui tue ; c’est du définitif qu’il faut à l’industrie languissante. Des lois durables sont sa seule sauvegarde.

Je dis que vous aviez voté des lois d’exception. Je citerai la loi sur les céréales. Cette loi est restée stérile ; il n’en sera résulté que la mauvaise impression qu’elle a faite. La loi sur les toiles : cette loi qui, au dire de ceux qui l’on présentée, ne devait imposer aux produits étrangers qu’un droit de 10 p. c., a de beaucoup dépassé cette limite. L’expérience vient de prouver combien cette assurance est peu fondée. Savez-vous de combien est le droit qu’elle établit ? Il est de 20 p. c. C’est un membre de cette assemblée qui a fait venir une pièce de toile d’Allemagne dans le seul but de constater le fait. Aussi, le résultat de cette loi n’a-t-il été, en définitive, que de fournir un appât à la fraude.

La voie est ouverte. Bientôt vous verrez naître d’autres lois d’exception. On vous en a déjà annoncé une sur le café. On vous en présentera sur toutes les marchandises coloniales. Vous en verrez même sur les sabots. Car une pétition a été déposée sur le bureau par des fabricants qui vivent de cette humble industrie. Ce ne sera peut-être pas le coup de pied le plus fort que l’industrie recevra. (Hilarité.)

Je ne sais si les exigences des fabricants des Flandres sont plus fondées que celles des fabricants de Bruxelles. Mais ceux-ci voudraient seulement voir renforcer la ligne de douanes. Ils ne demandent pas autre chose. La seule mesure qu’ils réclament en faveur des produits nationaux, c’est la répression de la fraude. Les fabricant des Flandres au contraire vous demandent un système prohibitif.

La question qui vous est présente est donc une des plus graves que vous ayez eue à examiner. Je crois, messieurs, que le temps est venu de nous arrêter sur la pente où l’on veut nous entraîner. Je demande qu’il nous soit donné un jour pour examiner le principe.

Je désire que la commission d’industrie soit préalablement invitée à nous donner son avis sur la prise en considération. Dans aucun pays constitutionnel l’on n’improvise ainsi les lois. On cherche à s’éclairer. On fait une enquête pour constater les besoins de l’industrie. Aucune enquête n’a été faite. Nous n’avons sous les yeux que la demande des fabricants des Flandres, qui demandent des lois d’exception, et que le projet présenté à l’appui par la représentation de ces provinces.

En même temps que je demande l’avis de la commission d’industrie, je voudrais savoir s’il est vrai que cette commission ayant convoqué ses fabricants pour de simples investigations, les industriels de Gand se soient refusés à comparaître devant la commission et que ceux de Bruxelles s’y soient seuls rendus. C’est pourtant pour faire droit aux plaintes des fabriques de Gand que l’on vous a présenté un projet de loi.

Je termine en demandant que la commission soit consultée sur la question de principe avant que la chambre passe à la prise en considération de l’honorable M. Desmaisières.

M. H. Dellafaille. - Je ne crois pas que la prise en considération ait été prévue par le règlement pour que la chambre se fixât sur la question de principe. Il s’agit seulement par la prise en considération de savoir si la proposition renferme un but d’utilité suffisant pour mériter d’occuper l’assemblée. Si une proposition ne paraît pas devoir arriver à un résultat utile, l’assemblée passe outre.

L’honorable M. Fleussu, à l’appui de son opinion sur la prise en considération, a cité le projet d’enquête. La politique a été en grande partie la cause du rejet de la prise en considération. S’il s’était agi d’une loi particulière elle n’aurait souffert aucune difficulté. Mais la commission avait inséré dans la loi d’enquête un article dont la portée avait paru trop grande à la chambre. C’est cet article qui a fait rejeter la prise en considération.

L’honorable M. Fleussu entrant dans quelques détails sur les lois commerciales qui ont été adoptées comme très dangereuses a cité la loi sur les toiles et celle sur les céréales. Il en a oublié une dans son énumération. Je la lui rappellerai ; c’est celle sur les fers qui a été portée à la demande de la province de Liége.

M. Fleussu prétend que la loi sur les céréales a été sans efficacité. Si tel est le résultat de cette loi, il faut l’attribuer au désir de conciliation des membres qui l’ont proposée et qui ont cédé trop facilement aux objections de leurs antagonistes. Ils ont renoncé par leur trop grande facilité aux moyens qu’ils avaient de rendre la loi efficace.

Quant à ce que le préopinant a dit de la loi sur les toiles, je ne croirai à l’élévation du droit qu’il signale, que lorsqu’elle me sera démontrée.

On nous dit que les fabricants de Gand et de Bruxelles ont un intérêt différent. Je ne pense pas que l’on doive adresser ce reproche d’intérêt de localité à un changement que ceux-là demandent dans la loi des douanes.

La ville de Gand renferme 70 à 80 établissements industriels. Une proposition qui est réclamée par les fabricants des Flandres n’est donc pas d’un intérêt purement local, mais d’une importance générale. Si l’on admettait comme contrepoids l’opinion des fabricants de Bruxelles, je doute qu’ils figurassent pour beaucoup dans la balance, tandis qu’indépendamment de sa richesse industrielle les deux Flandres forment sous le rapport de la population, un tiers de la population totale du royaume.

C’est pour ces motifs que le projet qui vient de vous être présenté mérite toute votre attention. Il y a de graves questions à examiner. Aussi, nous ne demandons la prise en considération, que pour qu’elles soient abordées. Nous demandons que lorsqu’une industrie demande des mesures protectrices, on ne nous réponde pas par un refus d’y faire droit. Si la proposition est admise, l’industrie dira avec raison que nous n’avons pas voulu nous occuper de ses plaintes. Si après la prise en considération le projet est rejeté, vous aurez au moins le mérite de vous être prononcés en connaissance de cause. Ce n’est pas par déni de justice que vous convaincrez le public ni la nation.

J’insiste donc pour la prise en considération.

M. Desmet. - Il ne s’agit pas maintenant de discuter le principe qui est la question ; il s’agit de savoir si la proposition mérite l’attention de la chambre. C’est pour ce motif que je voterai en faveur de la prise en considération.

M. de Roo. - Le seul principe en matière de prise en considération est de savoir si l’objet d’une proposition est assez important pour qu’elle soit examinée. Le projet qui vous est présenté me paraît être de ce nombre et je pense que ce n’est pas à l’occasion de la prise en considération que l’on doit critiquer une proposition comme si elle avait déjà subi un premier examen, tandis qu’on lui refuse la possibilité de le subir. Il faut rentrer dans le véritable sens du règlement. Toute la question se borne à examiner si le projet mérite, oui ou non, l’attention de la chambre. La réponse de l’assemblée ne peut pas être douteuse. Je pense qu’elle prendra en considération une proposition qui se rattache aux intérêts de l’industrie cotonnière.

M. Dumortier. - J’ai entendu avec beaucoup d’étonnement l’honorable M. Desmaisières dans l’exposé des motifs à l’appui de sa proposition invoquer l’avis de la commission d’industrie. J’avoue, messieurs, que j’ai été peiné d’entendre cet honorable membre dire à l’assemblée que le projet qu’il présentait n’était autre chose que la pensée de la commission. Messieurs, déjà dans une circonstance précédente, une discussion incidente s’est élevée sur le rapport présenté au nom de la commission par quelques membres qui en faisaient partie. Les autres membres ont protesté et ont dit qu’ils n’avaient pas pris part à la délibération dont ce rapport était le résumé. Absent à la séance, je n’ai pu joindre ma voix à celles de ceux qui ont protesté.

Je répare cet oubli forcé et déclare que les membres de la commission d’industrie qui ont rédigé le rapport ont outrepassé leur mandat, attendu qu’en cette circonstance, le rapport avait été fait au nom de la commission, tandis que la séance n’avait été composée que de trois personnes, c’est-à-dire du cinquième du personnel de la commission. Pour ne pas assumer sur moi la responsabilité de ce rapport, j’ai dû, lorsqu’on est venu vous présenter un projet restrictif qui n’en est que la conséquence, faire connaître ma non-participation à cet acte.

Lorsque l’industrie cotonnière fit entendre par des pétitions ses plaintes dans le sein de cette assemblée, vous avez renvoyé ses doléances à l’examen de la commission d’industrie. C’est alors qu’un rapport prétendument rédigé par la commission fut déposé sur le bureau. Ce rapport a jeté les plus vives alarmes dans le pays (se tournant vers quelques membres.)

Que des membres qui n’ont jamais su ce que c’est que l’industrie rient ; ils ne comprennent probablement pas l’importance de la question. Je dis qu’ils rient, car je sais qu’ils ne parleront pas.

Oui, messieurs, le rapport a jeté de vives alarmes dans le pays. Peu de jours après des pétitions vous furent envoyées dans le but d’empêcher les résultats que promettait le rapport. Vous avez chargé votre commission d’industrie d’examiner ces pétitions. Et comme l’a très bien rappelé l’honorable M. Fleussu, la commission a cru de son devoir de faire une enquête, une investigation des faits qui permît d’apprécier le degré de vérité des plaintes élevées par l’industrie cotonnière.

Nous avons écrit aux principaux industriels pour les engager à venir nous faire connaître les considérations qu’ils auraient à présenter. Les fabricants de Bruxelles et d’Anvers ont répondu à notre appel. Je dirai plus tard le résultat de leurs réponses. Quant aux industriels de Gand, aucun d’eux n’a comparu devant la commission. Ils se sont concertés entre eux sur la réponse à faire à notre convocation, et dans la crainte sans doute de se compromettre par leurs réponses, ils ont refusé d’y venir. C’est ainsi qu’ils ont reconnu tacitement leur impuissance.

C’est en présence de pareils faits que l’on vient demander une loi en quelque sorte prohibitive. Je demande, messieurs, comme l’honorable M. Fleussu, qu’on fixe un jour pour la prise en considération. Dans tous les cas, je demande, comme lui, que la proposition soit renvoyée à la commission d’industrie et qu’elle soit, non chargée de faire une simple investigation, mais qu’elle soit constituée en commission d’enquête.

Il faut que l’on sache si les plaintes de l’industrie gantoise sont fondées, et il est temps de mettre fin aux projets de loi en faveur de telle ou telle province. Si les choses doivent continuer ainsi, que l’on établisse tout de suite une ligne de douanes entre chaque province ; mais que l’on ne force pas la chambre à adopter des mesures qui amèneraient la ruine de l’industrie tôt ou tard.

M. Fleussu. - L’on ne paraît pas avoir compris la portée de ma motion. Je n’ai pas prétendu qu’il ne fallait pas prendre en considération le projet présenté par l’honorable M. Desmaisières. Je n’ai pas prétendu que la chambre devait faire la sourde oreille aux plaintes des fabricants de Gand. J’ai dit qu’il y avait un principe à examiner et qu’il fallait nous donner du temps pour faire cet examen. Il me semble que pour examiner la question soulevée par le projet avec connaissance de cause (puisque l’on s’est servi de ce terme), nous avons besoin de beaucoup de renseignements. Cela est d’autant plus nécessaire qu’il paraît que les fabricants de Gand eux-mêmes ne sont pas d’accord sur les mesures protectrices à prendre afin de rendre à l’industrie cotonnière la prospérité dont elle jouissait avant la révolution,

Les fabricants de Bruxelles et d’Anvers se contenteraient d’une ligne de douane plus fortifiée. Ils ne demandent qu’une chose : la répression de la fraude. Voila le langage de ces industriels. Ceux de Gand, au contraire, bien qu’ils se soient refusés à toute espèce de communication, comme il résulte de la déclaration de l’honorable M. Dumortier, veulent des mesures plus dangereuses qui sont en opposition avec les intérêts bien entendus de l’industrie elle-même, mesures qui sont combattues par tous les auteurs qui ont écrit sur l’économie politique.

On me reproche de m’être montré plus complaisant lorsqu’il s’est agi des intérêts de la province de Liége. Je ne connais pas la loi à laquelle un honorable préopinant a fait allusion. Je demanderai à mon tour si c’est dans l’intérêt de la province de Liége que nous avons voté (et moi comme les autres) la libre importation des machines avec exemption de droits. Ce n’est certes pas dans l’intérêt des maîtres de forges, des propriétaires de hauts fourneaux que cette loi a été admise. Du reste, j’ai déjà fait ma profession de foi à cet égard ; lorsque l’intérêt général est en jeu, je dépouille tout esprit de localité pour ne songer qu’au bien-être du pays.

Est-il vrai, comme on me l’a dit dernièrement, que lorsque l’on a envoyé des navires pour chercher de nouveaux débouclés les fabricants de Gand se soient refusés à donner des échantillons de leurs produits ? Est-il vrai que les personnes qui ont parcouru les différents établissements industriels de cette ville à cette époque, aient trouvé tous les ateliers en activité et les magasins vides ?

Vous voyez bien, messieurs, que nous avons besoin de nous entourer des renseignements avant de voter une loi attentatoire aux véritables principes d’économie politique. Je ne crois pas avoir entamé la question du fond. J’ai exposé la nécessité de n’aborder l’examen de cette question qu’avec maturité, qu’en connaissance de cause. J’ai voulu démontrer le but de la prise en considération. On a cru me répondre en disant que toute proposition tant soit peu importante doit être prise en considération.

Non messieurs, le but du règlement est de discuter le principe d’une proposition, parce que si vous n’adoptez pas le principe, il y a économie de temps pour l’assemblée. J’ai déjà cité un exemple. J’en citerai un autre plus convaincant encore. MM. Seron et de Robaulx avaient présenté une loi sur l’instruction publique. Le principe de la loi fut examiné et n’ayant pas été admis par la chambre, le projet ne fut pas renvoyé à l’examen des sections.

M. de Brouckere. - Le seul principe que l’on se soit propose de mettre en pratique par la prise en considération, c’est qu’aucune proposition faite par un membre ne peut être discutée avant d’avoir été prise en considération. On a voulu gagner du temps, en n’admettant pas à l’honneur d’un examen en sections les propositions qui n’auraient pas l’assentiment de la chambre. En ce moment, messieurs, nous nous écartons du règlement.

En effet, une proposition a été faite par M. Desmaisières. L’objet qu’elle traite est de la plus haute importance. Il s’agit actuellement de savoir si une délibération sera ouverte sur ce projet, s’il sera pris en considération, L’on veut que la commission nous fasse un rapport sur le projet avant que la chambre admette la prise en considération. Mais c’est procéder d’une manière contraire au règlement. D’après les articles 35 et 38 de notre règlement, toute proposition présentée par un membre de cette assemblée après qu’il en a été donné lecture doit être préalablement appuyée par cinq membres ; alors la chambre est consultée sur la prise en considération, si elle décide affirmativement, elle est renvoyée dans les sections ou à une commission.

Après l’avoir examinée, la section centrale ou la commission présente son rapport à la chambre. Vous voyez que la marche proposée par l’honorable M. Fleussu n’est pas admissible. Car, outre qu’elle est contraire au règlement, loin de nous faire gagner du temps, elle nous en fait perdre ; car nous discutons sur le renvoi à la commission d’industrie. Si le renvoi était admis, nous discuterions sur la prise en considération. En troisième lieu, sur la proposition elle-même.

M. Duvivier. - L’honorable M. Fleussu a développé suffisamment sa proposition. Je l’appuie de tout mon pouvoir. Car il faut prendre garde que la prise en considération ne soit la discussion du principe qui fait la base du projet de l’honorable M. Desmaisières.

Si la prise en considération n’était que la faculté pure et simple d’examen accordé au projet, je ne verrais pas d’inconvénient à ce qu’on l’admît. Mais si, comme l’a démontré M. Fleussu, c’est l’adoption du principe, je m’opposerai, pour ma part, à ce que l’assemblée prenne sans renseignements suffisants un engageaient pareil. J’ai cru devoir appeler l’attention de la chambre sur la valeur du vote qu’elle émettrait si la prise en considération était admise. L’honorable M. Fleussu a cité un précédent qui prouve suffisamment la portée de la prise en considération. L’assemblée a rejeté, à cause de ce principe, la prise en considération du projet de loi sur l’instruction publique, présenté par MM. Seron et de Robaulx, projet que je m’étais empressé d’appuyer.

M. le président. - Voici la proposition de M. Fleussu telle qu’elle a été formulée par lui :

« Je demande que la discussion sur la prise en considération de la proposition de M. Desmaisières soit fixée après le vote du budget de l’intérieur.

M. H. Dellafaille. - Je pense qu’on rejette la prise en considération d’une proposition, quand on croit qu’elle ne peut pas amener de résultat utiles ; mais je ne pense pas que la prise en considération emporte l’adoption du principe. Cela veut dire seulement qu’on délibérera sur la proposition. Les autres questions se présentent lors de la discussion de la proposition, et l’opinion de chaque membre est subordonnée aux lumières qu’il puise dans cette discussion.

L’honorable M. Dumortier s’est élevé contre un passage du rapport de M. Desmaisières. Je me bornerai pour lui répondre à rappeler un fait. La commission d’industrie ne pouvait pas se réunir parce que quelques-uns de ses membres étaient retenus par indisposition et que les autres n’assistaient pas à ses séances. Pressée par la chambre qui lui avait renvoyé diverses pétitions en lui demandant des rapports, la commission crut devoir délibérer au nombre des membres présents. Les autres ayant été dûment convoqués, s’ils ne se sont pas présentés, c’est qu’ils ne voulaient ou ne le pouvaient pas.

Quant à la conduite des fabricants de Gand, je ne l’approuve pas. Si j’avais eu un conseil à leur donner, je leur aurais dit de se rendre à l’invitation de la commission d’industrie. Je pense qu’ils se sont trompés sur les intentions de la commission. Comme ils avaient déjà donné tous les renseignements qu’on leur avait demandés, voyant qu’on faisait une nouvelle enquête, peut-être pensèrent-ils qu’on voulait seulement revenir sur le premier rapport et refusèrent-ils de se prêter à ce rôle.

On a opposé aux plaintes des fabricants de Gand, que toutes les fabriques de Gand étaient en activité : cela ne prouve rien et n’est pas même étonnant, c’est que les fabriques de Gand travaillent sans bénéfice et tant qu’elles peuvent le faire sans perte. Relativement aux commandes auxquelles les fabricants de Gand n’auraient pu satisfaire, il faudrait voir de quelle nature étaient les propositions, car peut-être les conditions qu’on leur proposait étaient-elles inacceptables.

Enfin, on a fait observer que la proposition dont il s’agit soulevait une grande question de principe. C’est précisément pour ce motif que la prise en considération doit être prononcée, qu’on doit déclarer que cette proposition mérite d’être l’objet des méditations de l’assemblée.

Il y a des personnes qui paraissent tellement prévenues contre la proposition qui vient d’être faite, qu’elles ne veulent pas même aborder la discussion ; qu’elles proposent de la repousser par une fin de non-recevoir. Autant vaudrait dire aux fabricants de Gand : Nous ne nous occupons pas de vos plaintes, vous ne méritez pas que nous nous occupions de vous.

On épargnera les moments de la chambre en prenant la proposition en considération, et en remettant à une autre époque tout ce qui a trait à la discussion.

M. Zoude. - En ma qualité de rapporteur de l’ancienne commission, d’industrie je crois devoir répéter ce que j’ai déjà eu l’honneur de vous dire : que la commission s’était réunie plusieurs fois pour s’occuper des réclamations de cotonnière de Gand, que ces réclamations avaient été examinées et discutées. M. Davignon lui-même en est convenu lorsqu’il a dit qu’il les avait repoussées parce qu’il les trouvait inopportunes à cause des négociations entamées avec la France. J’en appelle aux procès-verbaux de la commission d’industrie, ils prouveront que la question a été discutée plusieurs fois. Quand j’ai présenté le rapport à la commission, nous étions cinq et il y en a quatre qui ont donné leur assentiment au rapport et un a exprimé une opinion contraire. La majorité a donc appuyé le rapport.

J’ai cru devoir répéter ces explications, parce qu’on paraissait vouloir insinuer que j’avais surpris un rapport à mes collègues. Mais déjà la chambre m’a rendu justice à cet égard, et je me tiens pour satisfait.

M. Desmaisières. - Messieurs, toutes les objections qui ont été faites rentrent dans le fond de la question et on ne peut, au reste, discuter le principe de la proposition que j’ai eu l’honneur de vous présenter, sans y entrer.

Je m’étonne qu’au moment même où la chambre vient de décider que la prise en considération d’une proposition ne préjuge rien, et par suite de prendre en considération une proposition de M. Dumortier, on sanctionne le contraire à propos de celle que j’ai présentée.

Quant aux diverses objections qui rentrent dans le fond de la discussion, je me réserve d’y répondre plus tard, et j’espère même le faire d’une manière satisfaisante.

Je dois dire que c’est à tort qu’on m’a attribué la proposition, car je n’en suis l’auteur que conjointement avec les honorables membres qui l’ont signée avec moi.

J’ajouterai que nous avons tellement entendu ne rien préjuger sur le principe que dans les développements que j’ai eu l’honneur de vous présenter, j’ai fait cette réserve, que chacun de nous avait entendu en signant la proposition ne se lier aucunement sur les questions qu’elle soutenait. Nous avons voulu seulement appeler une discussion sur des questions importantes. C’est à tort qu’on prétendrait que ces questions n’intéressent qu’une localité, car toute question industrielle intéresse le pays tout entier.

M. de Robaulx. - Je désirerais comme mon honorable collègue M. Duvivier, que l’on fût bien fixé sur l’importance de la prise en considération. On a rappelé la proposition dont mon honorable ami M. Seron et moi avons occupé la chambre. Cette proposition était relative à l’instruction primaire. On vous a rappelé aussi la discussion qui s’est élevée après nos développements, discussion qui n’a eu lieu que trois semaines après ces développements. Si on croit devoir suivre la même marche, et demander un délai avant de discuter la prise en considération, si la chambre pour juger avec plus de maturité, s’il y lieu de prendre en considération la proposition de M. Desmaisières qui soulève des questions très importantes, croit devoir remettre la discussion à huit jours au plus, je ne m’y opposerai pas.

Mais ce que je ne veux pas admettre, c’est que la prise en considération préjugerait le principe. Je sais qu’on a eu le tort grave à propos de la proposition sur l’instruction primaire, de prétendre que prononcer la prise en considération, c’était admettre le principe. C’est au moyen de ce subterfuge qu’on est parvenu à faire rejeter une proposition que j’ai proclamée, et que je proclame, la plus libérale qui ait été faite dans cette enceinte. Aucun parti ne l’a appréciée, cette proposition ; elle ne l’a été que plus tard, mais il n’était plus temps. Et si on n’avait pas employé le moyen auquel on a en recours pour la faire rejeter par des opinions qui ne devraient pas dominer dans cette enceinte, on aurait apprécié la véritable importance de la proposition, et on aurait rendu plus de justice à nos intentions.

Je désire que la même chose pas n’arrive pas à la proposition faite dans l’intérêt de l’industrie cotonnière, quoique beaucoup des membres qui ont signé la proposition n’en aient pas agi de même avec nous. Mais je suis d’avis qu’il ne faut pas rendre le mal pour le mal. Je pense d’ailleurs que nous ne sommes pas ici pour nous occuper de susceptibilités personnelles, mais bien pour discuter les intérêts de l’Etat.

Selon moi la prise en considération veut dire simplement qu’il y a lieu de délibérer sur une proposition, que l’objet est assez important pour qu’on s’en occupe ; à tel point que tel membre qui aura voté pour la prise en considération sera en droit de rejeter le principe lors de la discussion du fond, si telle est son opinion. Voilà ce que j’entends par la prise en considération.

Maintenant, si la chambre juge à propos de remettre à un autre jour la discussion sur la prise en considération, je ne m’y oppose nullement ; et si l’ajournement est rejeté, je voterai pour la prise en considération, car je ne veux pas, je le répète, rendre aux auteurs de la proposition le mal qu’ils nous ont fait en ne rendant pas justice à nos intentions.

M. Dumortier. - Messieurs, la question est extrêmement simple.

Les uns disent que la prise en considération, c’est l’adoption du principe. Je ne reconnais pas que la prise en considération d’une proposition soit l’adoption de son principe.

D’autres prétendent que la prise en considération est une déclaration qu’il y a lieu à délibérer. Cela n’est pas exact non plus. Les deux propositions sont trop absolues. Le règlement a établi en quelque sorte trois lectures, ainsi que cela existe en Angleterre et dans d’autres pays constitutionnels, D’abord la lecture à la tribune autorisée par les sections. Que signifie cette lecture ? Les sections en l’autorisant, reconnaissent qu’il y a lieu à délibérer. Après avoir déclaré qu’il y a lieu à délibérer, la chambre examine s’il y a lieu à prendre la proposition en considération. La prise en considération ne peut donc plus être la question de savoir s’il y a lieu à délibérer, puisque cette question a été décidée par les sections en autorisant la lecture,

Qu’est-ce donc que la prise en considération ? C’est l’examen du projet dans son ensemble, de manière que la chambre puisse rejeter le projet par un vote sans examiner les détails. La prise en considération n’est pas l’adoption, mais l’examen du principe. Plus tard après avoir renvoyé le projet dans les sections, la chambre l’examine dans ses détails.

Comment pourrait-il en être autrement ? Il plairait à un membre de venir déposer un projet en deux ou trois cents articles, et pour que la chambre pût déclarer qu’elle ne veut pas l’examiner, il faudrait qu’elle commençât à discuter ces trois cents articles avant d’émettre un vote ; cela mènerait extrêmement loin. Ce n’est jamais ainsi qu’on a entendu la prise en considération. J’en appelle aux membres de la première législature, à ceux qui étaient présents lorsque le règlement a été fait ; toujours on a entendu par la prise en considération, l’examen du principe de la proposition. S’il ne convient pas on rejette le projet, et si la prise en considération est adoptée, on le renvoie dans les sections et on s’occupe ensuite de la discussion des détails.

Mais, dit-on, vous venez de prendre en considération la proposition de M. Dumortier ; pourquoi ne voulez-vous pas adopter avec la même facilité la proposition que j’ai présentée ? Mais, messieurs, je ferai observer qu’il y a une différence immense entre la proposition que j’ai faite et celle de l’honorable membre. Ma proposition n’était que la reproduction d’une loi existante, l’exécution de la constitution. Personne ne pouvait contester qu’il y avait lieu à examiner cette proposition. Mais ici c’est tout autre chose ; il s’agit d’un nouveau système en matière d’industrie, il s’agit de savoir s’il est nécessaire d’entrer dans cette ornière funeste dans laquelle on nous pousse.

Vous ne pouvez pas dire qu’une proposition semblable doit être examinée avant d’avoir pu en peser les conséquences. La prise en considération ne peut donc pas être considérée comme une simple formalité. C’est, au contraire, une chose très importante. Elle peut avoir une grave influence sur le commerce et l’industrie.

J’appuie donc la demande de M. Fleussu, et il me semble que les auteurs de la proposition ne peuvent pas la repousser. Eux seuls ont pu se préparer à soutenir la discussion, nous ne le sommes pas. A moins qu’ils ne regardent la prise en considération comme une vaine formalité, ils ne peuvent pas nous empêcher de prendre part à une discussion aussi grave.

Ce qui prouve que la prise en considération d’une proposition n’est pas une vaine formalité, mais un examen du principe, c’est ce qui s’est passé pour la proposition de M. Gendebien relativement à la mise en accusation des ministres : la lecture de la proposition a été autorisée par les sections ; et lorsqu’il s’est agi de la prise en considération, elle a été écartée. Ce que vous avez fait alors, faites-le aujourd’hui. Il s’agit d’un principe dont l’admission doit amener des changements immenses dans l’économie industrielle et commerciale, il faut que toutes les personnes qui s’occupent de cette matière aient le temps d’examiner la proposition.

Je demande qu’on fixe un jour pour la discussion de la prise en considération de la proposition dont il s’agit ; et si la chambre décide que cette discussion aura lieu aujourd’hui, je demanderai la parole sur le fond.

M. Rogier. - La chambre et le gouvernement ont reconnu à plusieurs reprises dans ces derniers temps la nécessité de procéder avec une sage lenteur à l’égard des propositions qui on pour objet des modifications au tarif des douanes. La question qui se présente aujourd’hui est tellement grave, que je ne pense pas que dans cette circonstance, la chambre et le gouvernement puissent changer de manière de voir. Sans vouloir retarder une discussion que je regarde comme nécessaire, je pense cependant que nous ne pouvons pas prononcer immédiatement la prise en considération qui, quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, implique jusqu’à certain point l’adoption du principe. D’après le règlement, il est certain que la prise en considération doit être précédée d’une discussion. Car voici comment s’explique l’article 37 :

« Si la proposition est appuyée par cinq membres au moins, la discussion est ouverte. M. le président consulte la chambre pour savoir si elle prend en considération la proposition qui lui est soumise, si elle l’ajourne ou si elle déclare qu’il n’ya pas lieu à délibérer. »

Vous voyez que ce n’est qu’après la discussion que la proposition peut être prise en considération.

Maintenant, ouvrirons-nous la discussion immédiatement après les développements de M. Desmaisières que les conversations particulières ont empêchés de parvenir à la connaissance de beaucoup de membres, et notamment à la mienne ? La question est donc de savoir si nous discuterons sur un rapport que nous n’avons pas entendu. Il me semble qu’il serait sage d’ordonner l’impression de ce rapport et du projet de loi qui le suit, et de fixer le jour pour la discussion de la prise en considération. Si après cette discussion la chambre décide qu’il y a lieu de prendre la proposition en considération, nous verrons s’il convient de la renvoyer aux sections ou à une commission.

Ce qui doit prouver à la chambre combien elle doit être circonspecte, c’est la déclaration faite par un des membres de la commission d’industrie, qui s’occupe de la question soumise en ce moment à la chambre, suivant les formes les plus protectrices et les plus propres à éclairer son jugement, en un mot par voie d’enquête. Si la commission d’industrie a été arrêtée dans ses recherches toutes constitutionnelles, nous avons vu par la faute de qui. Conviendrait-il, je vous le demande, d’encourager par une prise en considération immédiate les démarches de ceux qui n’ont pas voulu se rendre à l’invitation si naturelle, si sage de votre commission d’industrie ?

Il ne faut pas perdre de vue, messieurs, qu’à la session dernière, la chambre a procédé avec une promptitude déplorable, dans des circonstances analogues à celles où nous nous trouvons. Vous vous rappellerez qu’en 24 heures, la chambre décida qu’un projet serait discuté immédiatement, alors même que le gouvernement déclarait qu’il n’était pas en mesure de discuter convenablement la proposition, faute d’avoir pu réunir les renseignements nécessaires. Cependant, la chambre passa outre. Si le projet qui vous est soumis était renvoyé aux sections, il se pourrait que la section centrale vînt vous présenter un rapport plus ou moins favorable ou défavorable pour l’industrie du pays, et que dans leur ardeur de venir au secours de l’industrie cotonnière, certains membres missent aussitôt à l’ordre du jour la discussion de ces graves questions.

Je pense que l’ajournement de la discussion de la prise en considération ne sera pas préjudiciable au pays. Si la chambre décide qu’elle veut avoir recours à des moyens restrictifs pour protéger l’industrie cotonnière, la discussion qui aura lieu ensuite en sera d’autant plus abrégée, car ce sera là un point important qu’elle décidera par la prise en considération. Si au contraire la prise en considération est rejetée, il en résultera que la chambre repousse un système dans lequel les signataires de la proposition voudraient la faire entrer, système qu’elle a suivi l’année dernière jusqu’à certain point, mais dans lequel il n’est pas démontré qu’elle soit disposée à persister.

Je crois que le règlement agit très sagement, quand il exige une discussion avant la prise en considération. Le règlement, en accordant conformément à la constitution, le droit d’initiative aux chambres, n’a pas voulu trop favoriser l’exercice de ce droit, il n’a pas voulu qu’il dépendît d’un ou de plusieurs membres d’absorber tous les moments de la chambre, en déposant des projets de loi plus ou moins importants et en exigeant qu’ils fussent immédiatement pris en considération. A moins de supposer bien de la frivolité on de la futilité aux auteurs des propositions, les projets présentés auraient toujours, sous un point de vue ou sous un autre, un degré d’importance tel qu’ils méritent au moins d’être examinés. Je ne pense pas qu’un seul membre qui se respecte fasse jamais une proposition sur laquelle on pourra dire qu’il n’y a pas lieu de procéder à son examen.

Messieurs, en prononçant la remise de la discussion après le budget de l’intérieur, la chambre agira sagement, car le gouvernement pourra lui soumettre les renseignements qu’il a pu recueillir sur la question. Il serait important aussi de savoir jusqu’à quel point la société de commerce, dont le gouvernement a encouragé la création en lui affectant un fonds de 300,000 fr., est venue au secours de l’industrie cotonnière, et jusqu’à quel point aussi les industriels ont profité des débouchés que cette société pouvait offrir à leurs produits. Les renseignements que le gouvernement a recueillis sur ce point sont de nature à jeter un grand jour sur la question. La commission d’industrie a également recueilli des renseignements ; il serait également bien utile que tout cela fût porté à la connaissance de la chambre avant la discussion et la prise en considération.

Mon intention n’est pas d’ajourner par des moyens indirects la discussion de la proposition qui vous est soumise. Je pense au contraire que, dans l’état des esprits, il est important de discuter cette question, qui depuis longtemps occupe la chambre, et a déjà jeté jusqu’à certain point l’alarme dans le pays.

Je crois que pour le pays, comme pour l’industrie cotonnière, la discussion ne pourra porter que d’heureux fruits ; et la décision que vous prendrez fera cesser une incertitude qui ne peut avoir qu’une influence fâcheuse sur toute notre industrie ; mais je demande que cette discussion ne soit pas précipitée et qu’on procède avec toute la maturité que commande la gravité des questions qu’elle soulève.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, la solution de la question qui s’agite en ce moment doit exercer une grande influence sur les intérêts matériels du pays, quelque soit le parti que la chambre adopte ; mais ce n’est pas dans ce moment que ces intérêts se présentent. Il ne s’agit à présent que d’une question d’ordre pour vos délibérations : Quel est le mode à suivre pour arriver aux résultats les plus avantageux sur cette question ? Et d’un autre côté quel est le mode qu’on doit préférer dans l’intérêt des travaux de la chambre ? n’est-il pas plus urgent de s’occuper de doter le pays d’une organisation définitive ?

Voilà les deux questions sur lesquelles je me propose de vous présenter quelques considérations.

L’honorable M. Fleussu propose de renvoyer immédiatement après le budget de l’intérieur la discussion de la prise en considération de M. Desmaisières.

Mais, messieurs, je demande à quoi aboutira la fixation d’un ajournement ? Aurez-vous le temps d’examiner d’ici à 3 ou 4 jours le volumineux mémoire dont vous a donné lecture l’honorable M. Desmaisières, ainsi que toutes les questions de fait qui se rattachent à ce mémoire ? Vous allez avoir une discussion embrouillée et sans résultats. Quel est donc le meilleur parti à prendre ? La chambre a nommé dans son sein une commission d’industrie qui s’est déjà occupée de cette grave question ; il me semble que si on prenait en considération le projet présenté et que si on le renvoyait en même temps à la commission d’industrie, nous aurions de cette commission un rapport lumineux, concluant, et qu’alors il pourrait s’établir une discussion utile au pays. C’est après un rapport sérieux et mûri, que la chambre jugera si elle doit adopter la mesure de protection, ou si elle doit la rejeter ; dans ce dernier cas, les industriels verront qu’on n’a repoussé leurs plaintes qu’après avoir examiné profondément la question.

Indépendamment du rapport de la commission d’industrie, je demanderais qu’il fût laissé, entre ce rapport et le moment de la discussion, un temps suffisant pour acquérir des renseignements et méditer soigneusement la question qui est l’objet de nos discussion. Si, au contraire, vous adoptez la proposition de l’honorable M. Fleussu, la discussion qui s’ouvrira la semaine prochaine n’aura aucun résultat. D’un autre côté, cela ajournera indéfiniment la loi communale, et il est évident que cette année, vous n’aurez aucune loi organique : je crois donc, sans rien préjuger sur le rejet ou l’adoption du projet, que nous devons prendre en considération, puis faire le renvoi à la commission d’industrie, et laisser entre ce rapport et la discussion un laps de temps suffisant pour que l’on ait pu prendre des renseignements et méditer mûrement la matière.

M. C. Vilain XIIII. - Messieurs, l’honorable M. Fleussu, et après lui MM. Dumortier et Rogier, ont fait un grand crime à MM. les membres de la société cotonnière de Gand de ne pas s’être présentés à la commission d’enquête commerciale ; je vais prouver qu’ils ne sont pas si coupables que veulent bien le dire ces honorables membres.

Ils s’étaient rendus à 2 ou 3 séances de la commission d’industrie légalement constituée, à l’effet d’examiner la position des industriels. Si MM. les membres de cette commission n’ont pas été présents, ce ne fut pas la faute des négociants qui venaient comparaître devant eux. Ils ont refusé de se rendre à la séance d’enquête, ordonnée après la présentation du rapport de la commission d’industrie, parce qu’ils ont cru voir un atermoiement dans cette mesure tardive. Ils ont déclaré depuis qu’ils étaient prêts à se rendre devant la section centrale ou toute autre commission créée par la chambre par suite de la présentation du projet de loi toutes les fois qu’ils en seraient requis.

L’honorable M. Fleussu a ajouté que des échantillons demandés par un armateur du gouvernement avaient été refusés. Par un ou deux commerçants, cela est possible, mais il est inexact que ce soit par toute la fabrication de Gand. Ces échantillons ont été fournis.

Il a dit aussi : « Mais les ateliers sont en pleine activité. » Cela ne prouve rien et je me charge de le démontrer, lors de la discussion générale. Car on peut travailler toute une année et n’avoir rien gagné au bout de ce temps. « Les magasins sont vides, » ajoute-t-on. Je nie le fait et fussent-ils vides, cela ne prouverait pas grand chose. La question est de savoir combien il y a eu de pièces fabriquées et vendues, et pour arriver à ce but, il faut nommer une commission et le plus tôt que cela sera possible, et il me semble que si nous chargions aujourd’hui la commission d’industrie de ce soin on en arriverait promptement à ce résultat.

M. H. Dellafaille. - A mon avis, la prise en considération ne préjuge rien. Quant à moi, qui suis un des signataires, je déclare que je m’y opposerai, s’il m’est démontré qu’elle n’est pas avantageuse et utile. Une prise en considération ne signifie que de voir s’il y a lieu ou non à suivre une proposition, mais rien au-delà.

Je répondrai à l’honorable M. Rogier, qui a dit que c’était agir contre le règlement, que d’adopter la prise en considération, en lui opposant le règlement lui-même qui s’exprime ainsi :

« Art. 38. Si la chambre décide qu’elle prend la proposition en considération, cette proposition est renvoyée à une commission ou à chacune des sections, qui la discutent et en font rapport. »

« Art. 39. La discussion qui suivra le rapport de la section centrale ou de la commission est divisée en deux débats ; la discussion générale et celle des articles. »

« Art. 40. La discussion générale portera sur le principe et sur l’ensemble de la proposition. Outre la discussion générale et la discussion des articles, la chambre pourra ordonner une discussion sur l’ensemble de chacune des divisions d’une proposition. »

Ainsi donc la discussion sur le principe n’a pas lieu lors de la prise en considération, mais lors de la deuxième discussion. La discussion de principe ne peut précéder la prise en considération, mais doit la suivre. Cela est clairement expliqué par les articles susdits. Quant au fait de la prise en considération, il ne faut pas la refuser, car ce serait dire aux industriels : Vos plaintes ne sont pas dignes d’être écoutées ; et jugez quel effet cela pourrait produire quand il s’agit de questions ainsi graves pour l’intérêt de pays.

- Un grand nombre de membres. - Aux voix ! aux voix !

M. Duvivier. - Je consens volontiers à céder la parole à l’honorable M. Davignon. Mais je n’avais qu’un mot à dire, c’était que la marche que veut nous faire suivre M. ministre de l’intérieur n’est pas conforme au règlement.

M. Davignon. - Ayant dû m’absenter avant que la discussion, à laquelle je ne m’attendais pas, ne fût entamée, je sais à peine de quoi il est question ; je ne prends la parole que pour répondre à quelques faits avancés par un honorable députe des Flandres. Je prendrai la confiance de rappeler à la chambre qu’une pétition très pressante signée d’un grand nombre de fabricants fut adressée en janvier 1834. La commission d’industrie se réunit en février suivant. Je fus malade et ne pus malheureusement prendre part à ses travaux qu’en juillet et j’appris alors qu’il n’avait été pris aucune décision dans la commission ; ce n’était pas la faute du vice-président qui avait fait tous ses efforts pour réunir les membres qui la composaient : le rapport a été fait à la chambre dès les premiers jours de la présente session.

Peu après une pétition lui fut adressée par des négociants de Bruxelles ; celle-ci fut renvoyée à la commission d’industrie qui, pour éclaircir les faits allégués de part et d’autre, crut ne pouvoir mieux faire que d’appeler devant elle une partie des signataires de ces pétitions, et d’établir ainsi une espèce d’enquête contradictoire.

A cet effet nous avons convoqué des fabricants de Gand, de Bruxelles et d’Anvers. Les industriels de ces deux dernières villes se sont rendus à notre invitation, et ont répondu avec convenance et lucidité aux questions qui leur ont été posées ; ceux de Gand n’ont pas jugé à propos d’obtempérer au vœu de votre commission. C’est à la chambre à apprécier ce procédé.

Je dirai encore que ce n’était pas au corps industriel que notre invitation était adressée, mais bien à chaque fabricant nominativement et séparément.

L’on a pensé, dit l’honorable préopinant, que cet appel n’était qu’un nouvel atermoiement à une affaire qui traînait déjà depuis si longtemps. C’est une grande erreur, messieurs ; des faits et des calculs opposés l’un à l’autre nous étant présentés, votre commission a été d’avis que le meilleur moyen de l’éclairer et d’assurer la solution de la question, c’était de mettre les deux opinions en présence. Du reste messieurs, cette espèce d’enquête sera mise en règle sous peu, et alors, elle sera soumise à la chambre.

Je le répète, messieurs, je ne m’attendais pas à cette discussion, et n’ayant pas entendu les développements de la proposition je demande qu’on en ordonne l’impression, pour pouvoir juger en connaissance de cause.

M. Dumortier. - Les industriels de Gand n’ont pas déclaré qu’ils paraîtraient chaque fois, ils ont déclaré au contraire ne vouloir point paraître.

M. Fleussu. - Je ferai remarquer à M. C. Vilain XIII, que je ne fais un crime à qui que ce soit, pas plus aux fabricants de Gand qu’à tous autres. J’ai signalé un fait : c’est que ces industriels ne se sont pas rendus à la convocation : les faits subsistent, et il est impossible de les nier. Je ferai encore une autre observation. C’est que bien loin de détruire ce que j’ai dit, les motifs présentés par M. le ministre de l’intérieur et M. Vilain XIIII, viennent à l’appui de mes assertions.

M. le ministre de l’intérieur a dit : Vous ne pouvez pas avoir saisi tout ce que contient le volumineux rapport de l’honorable M. Desmaisières. Il n’y a qu’un seul moyen, pour arrivera un but utile, c’est d’admettre la proposition de prise en considération et d’envoyer ce rapport à une commission. J’adopte cette proposition : oui, vous avez raison : il ne faut pas agir avec trop de hâte ; il faut user de réserve. Cela doit être dans tous les gouvernements constitutionnels. Mais je dis moi qu’il ne faut pas prendre en considération en ce moment, ou vous en arriverez à de mauvais résultats. Lorsque vous aurez des renseignements suffisants, alors vous pourrez prendre ou non en considération ; vous devez encore examiner la loi, alors même que les renseignements que vous recueillerez prouveraient que la loi ne vaut rien. Quand vous aurez tous ces renseignements, procédez avec connaissance de cause, et de cette façon, bien pénétrés de la matière que vous aurez à juger, vous rejetterez la loi, si elle est inutile ou nuisible, et vous l’adopterez, si elle est utile ou favorable à l’industrie.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant, en me répondant, a omis deux considérations. J’ai dit qu’en fixant la prise en considération immédiatement après le budget de l’intérieur, on n’en retirerait aucun fruit. Je crois le fait incontestable. J’ai ajouté en second lieu que cela nous ferait perdre un temps précieux, destiné à la discussion de la loi d’organisation communale.

L’honorable M. Duvivier a dit que le renvoi à la commission d’industrie était contraire au règlement. Il est dans l’erreur, voici ce que dit le règlement :

« Art. 39. La discussion qui suivra le rapport de la section centrale ou de la commission est divisée en deux débats ; la discussion générale et celle des articles. »

« Art. 40. La discussion générale portera sur le principe et sur l’ensemble de la proposition. Outre la discussion générale et la discussion des articles, la chambre pourra ordonner une discussion sur l’ensemble de chacune des divisions d’une proposition. »

Eh bien, si vous renvoyez à la commission d’industrie, elle vous fera un rapport sur la matière et alors vous pourrez procéder en toute connaissance de cause.

M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, une trop prompte prise en considération peut exercer une très grave influence relativement à nos relations commerciales avec nos voisins ; n’oubliez pas que nous avons envoyé une commission à Paris, pour y négocier un traité de commerce : si nous démontrons aux gouvernements avec lesquels nous négocions, que nous sommes toujours tentés au premier abord de prendre des mesures prohibitives, nous ne pourrons jamais les amener à diminuer leurs droits, but où doivent tendre tous nos efforts, car nous regorgeons de produits, et ce n’est pas en votant des lois comme celle dont il s’agit, et celle sur les toiles et les céréales, que nous amènerons l’étranger à les diminuer. La chambre paraissant très empressée de clore cette discussion, je bornerai là mes observation qui suffisent d’ailleurs pour me déterminer à appuyer de tout mon pouvoir la proposition de l’honorable M. Fleussu.

M. Duvivier. - Je maintiens toute mon observation. M. le ministre a dit qu’il était des cas où le règlement permet de renvoyer à des commissions permanentes : cela est exact : mais ces renvois ne sont pas, comme dans le cas actuel, précédés d’une prise en considération. Or, je crois qu’ici il faut ajourner la prise en considération jusqu’à ce que vous ayez assez d’éléments pour la discuter convenablement.

M. Gendebien. - Vous voulez passer immédiatement à la prise en considération, par économie de temps ; j’applaudis au motif qui vous guide ; mais vous arriverez à un résultat tout contraire.

Si vous prenez la proposition en considération, sans discussion préalable, vous n’en serez pas moins obligés, après le travail des sections et de la section centrale, d’entendre son rapport et un nouveau développement de la proposition. Vous arriverez à la discussion générale où l’on agitera la grave question du principe et de l’opportunité de la proposition. Sous ce rapport non seulement il n’y aura pas économie de temps, mais perte d’un temps plus grand.

Veuillez remarquer que la discussion générale portera non seulement sur le principe et l’opportunité de la proposition, mais aussi sur l’ensemble et les articles de la loi.

Voulez-vous savoir quelle sera la différence dans le parti que vous prendrez ? C’est que si vous discutez séparément et avec maturité la prise en considération, vous pourrez soit ajourner la proposition, soit la rejeter, en vous bornant à discuter les principes généraux, et l’opportunité qui est nécessairement subordonnée au système prohibitif ou libéral sur lequel vous devez nécessairement prendre un parti, afin de faire cesser l’incertitude qui est cent fois plus désastreuse que le parti que vous prendrez quel qu’il soit.

Si vous passez, sans examen, à la prise en considération, vous vous condamnez à discuter plus tard le principe général et en même temps l’ensemble et les articles de la loi, pour arriver en définitive peut-être à une solution en principe ou à un ajournement qui eussent pu être prononcés sur la prise en considération, en vous dégageant de l’obligation de subir la discussion des détails de la loi.

D’ailleurs, messieurs, est-il bien convenable de scinder la discussion des budgets, pour arriver à quoi ? A adopter avec précipitation ce que certaines localités appellent un principe de vie et ce que l’immense majorité de la Belgique considère comme un principe de mort.

Je demande donc qu’on remette à 15 jours ou 3 semaines la discussion de la prise en considération. La question est assez grave pour justifier cette mesure prudente que plusieurs antécédents légitiment. Je vous conjure par amour pour l’économie de temps, d’ajourner la prise en considération et de passer à la discussion du budget de l’intérieur.

- La clôture est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - Il y a trois propositions : celle de M. Fleussu, qui demande l’ajournement de la prise en considération, celle de M. Rogier, qui ajoute la demande de l’impression, et celle de M. le ministre de l'intérieur, qui propose de procéder incontinent à la prise en considération et postérieurement au renvoi à la commission d’industrie.

M. Desmanet de Biesme. - Je demande que la proposition de M. Fleussu ne soit applicable qu’après la discussion des budgets.

M. Fleussu. - Je me rallie à cette proposition.

- La proposition de M. Fleussu est mise aux voix et adoptée.

Sur la demande de M. Roger, l’impression et la distribution de la proposition concernant les cotons est ordonnée.

M. Rogier. - Je demanderai en outre que la commission de l’industrie publie au plus tôt son rapport sur l’enquête qu’elle est chargée de faire, c’est-à-dire que le gouvernement soit invité à faire ces publications.

M. Dumortier. - Je voudrais que l’on renvoyât la proposition à la commission d’enquête d’industrie, afin qu’elle fît une enquête spéciale sur cette proposition. Le travail que la commission a fait jusqu’à ce jour n’a rien de commun avec le projet qui nous est soumis aujourd’hui par nos honorables collègues. Ce projet est extrêmement complexe ; il renferme beaucoup d’objets sur lesquels la commission n’a pas porté ses investigations.

Il faut donc que la commission soit chargée de faire une enquête spéciale, en l’invitant à présenter son rapport dans le plus bref délai.

M. H. Dellafaille. - Comment peut-on renvoyer à la commission d’enquête une proposition dont il n’est pas décidé qu’on s’occupera ? (C’est vrai ! c’est clair !)

M. Dumortier. - Je réserve ma proposition, et je la renouvellerai si la prise en considération est admise.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1835

Rapport de la section centrale sur certains amendements

M. le président. - La parole est à M. H. Dellafaille, rapporteur de la section centrale.

M. H. Dellafaille, rapporteur, s’exprime en ces termes. - Messieurs, trois amendements proposés dans le cours de la discussion du budget de l’intérieur ont été renvoyés à l’examen de la section centrale. Le premier, présenté par M. Legrelle, tend à faire allouer, à titre de secours, une somme de fr. 300,000 aux victimes de l’agression hollandaise on des ravages de la guerre ; le second, présenté par M. Simons, a pour but une somme de fr. 50,000 à des réparations urgentes aux rives de la Meuse ; le troisième, présenté par M. le ministre de l’intérieur, élève à fr. 89,410 le chiffre de l’article unique du chapitre X.

En acquit de mon mandat, je viens, messieurs, vous soumettre les conclusions de votre section centrale sur ces amendements.

La section centrale n’a pas recherché s’il y avait lieu d’accorder aux victimes des désastres de la guerre une indemnité intégrale ou seulement un dédommagement partiel. Elle a laissé intacte cette question dont elle ne s’est pas regardée comme saisie, et qui viendra se présenter plus tard, lorsque vous aurez à discuter le projet de loi relatif à cet objet, dont vos sections se sont déjà occupées. Elle s’est bornée à examiner s’il convenait d’accorder dès à présent un secours provisoire, ou s’il était préférable de renvoyer la concession de toute indemnité intégrale ou partielle, après le vote sur le projet de loi déjà présenté à la chambre, sauf à réclamer la discussion immédiate de cette loi.

En faveur de cette dernière opinion, on a fait valoir la difficulté de faire une répartition convenable de la somme demandée. Il a été observé qu’on ne pouvait la distribuer entre tous les intéressés en proportion de leurs pertes ; que cette allocation n’était et ne pouvait être destinée qu’aux plus nécessiteux, et que cette classification des personnes qui ont souffert des événements de la guerre donnerait probablement lieu à des difficultés inextricables.

La discussion immédiate de la loi sur les indemnités aurait, disait-on, pour avantage non seulement de fixer enfin d’une manière définitive le sort des réclamants, mais en outre de débarrasser le gouvernement d’un travail excessivement difficile qui satisferait, à la vérité, quelques personnes, mais qui en mécontenterait peut-être un plus grand nombre parmi ceux-qui ne se verraient pas appelés à prendre part au secours.

Il a été répondu qu’en supposant le rapport sur cette loi fait dans un bref délai, et sa discussion fixée à un jour peu éloigné, il serait cependant difficile de prévoir l’époque à laquelle ce projet pourra être converti en loi. En admettant même que les diverses branches du pouvoir législatif s’accordent de prime abord sur les questions très graves qui seront agitées, il serait impossible, a-t-on dit, que la répartition des fonds alloués suive immédiatement la promulgation de la loi. Or, parmi les réclamants, il en est qui ont conservé des ressources ou qui même n’ont essuyé que des faibles pertes ; mais il en est d’autres auxquels les malheurs de la guerre ont ôté tous leurs moyens d’existence et dont les besoins réclament un secours immédiat.

La section centrale a senti la justesse de ce raisonnement ; mais avant de prendre aucun parti, elle a cru devoir s’informer s’il y avait moyen de parvenir à effectuer la répartition de ce crédit sur des bases convenables. A cet effet elle a invité le ministre de l’intérieur à se rendre dans son sein pour lui donner les explications désirées.

M. le ministre de l'intérieur a fait connaître que non seulement la classification, par degrés de fortune, des personnes qui avaient souffert des événements de la guerre était possible, mais qu’elle se trouvait toute faite. C’est sur cette base qu’a été distribué, en 1831, le secours de 150,000 florins affecté à cet usage, et la répartition de cette somme n’a donné lieu à cette époque à aucune réclamation. Ce dernier fait nous a été confirmé par l’honorable auteur de la proposition qui, par sa position, s’est trouvé plus qu’un autre à même d’apprécier l’usage qui a été fait de ce crédit.

Rassurée sur les doutes qu’elle avait conçus, relativement à la possibilité d’effectuer une répartition satisfaisante de la somme demandée, la section centrale a pensé qu’il ne fallait pas hésiter à soulager immédiatement l’infortune de plus de 4,000 malheureux, pour lesquels la promptitude du secours sera peut-être un aussi grand bienfait que le secours lui-même.

Cette décision a été prise par cinq voix contre une. Le membre dissident demandait que la section centrale chargée de l’examen de la loi sur les indemnités fût également chargée d’examiner la proposition de M. Legrelle et incitée à faire son rapport dans le plus bref délai possible.

En adoptant la proposition de M. Legrelle, la section centrale a cru devoir la rédiger de manière à la restreindre aux seuls nécessiteux belges. En conséquence elle a de vous proposer l’article additionnel suivant qui formerait l’article 5 du chapitre II :

« Secours aux nécessiteux belges, victimes de l’agression hollandaise ou des ravages de la guerre : fr. 300,000. »


En ce qui concerne les réparations aux rives de la Meuse, la section centrale a jugé utile de rechercher à qui devaient incomber ces dépenses qui se reproduisent chaque année.

L’article premier de la loi du 30 floréal an X porte :

« Il sera perçu dans toute l’étendue de la république, sur les fleuves et rivières navigables, un droit de navigation intérieure, dont les produits seront spécialement et limitativement affectés au balisage, à l’entretien des chemins et ponts de halage, à celui des pertuis, écluses, barrages et autres ouvrages d’art établis pour l’avantage de la navigation. »

L’article 33 de la loi du 16 septembre 1807 porte :

« Lorsqu’il s’agira de construire des digues à la mer, ou contre les fleuves, rivières et torrents navigables ou non-navigables, la nécessité en sera constatée par le gouvernement et la dépense supportée par les propriétés protégées, dans la proportion de leur intérêt aux travaux sauf les cas où le gouvernement croirait utile et juste d’accorder des secours sur les fonds publics.

D’après ces dispositions, les dépenses relatives à l’entretien des fleuves et rivières se divisent en deux catégories bien distinctes ; celles qui ont pour but d’entretenir le fleuve dans un bon état de navigabilité sont à la charge de celui qui reçoit les péages établis pour et spécialement affectés à ce service : celles qui concernent les digues élevées contre le fleuve incombent aux propriétés protégées par ces ouvrages, sauf les secours que le gouvernement se réserve d’accorder lorsqu’il y a lieu.

Les travaux relatifs à la navigabilité ont été à la charge du gouvernement jusqu’en 1819, époque à laquelle la province a été sous ce rapport substituée à l’Etat.

L’arrêté qui opère ce changement est du 17 septembre 1819.

A partir de l’époque où cet arrêté a été mis à exécution, les administrations provinciales ont perçu les droits de navigation à la charge d’exécuter à leurs frais les ouvrages énumérés à l’article premier de la loi du 30 floréal an X.

Jusqu’au moment de la révolution, les travaux à faire à la Meuse, dans le Limbourg, n’ont donné lieu à aucune difficulté. La province tirait des péages au produit de 20,000 fl. Cette somme servait à couvrir les frais d’entretien à la charge de la province, et à accorder quelques subsides aux communes riveraines menacées d’inondation.

Depuis le mois de décembre 1830 jusqu’en 1833, la navigation de la Meuse a été interrompue ; la province de Limbourg privée de ses péages a cessé d’exécuter les travaux auxquels ces revenus étaient spécialement affectés, et les rives de ce fleuve sont demeurées dans un état à peu près complet d’abandon.

En 1833, à la suite de la convention de Zonhoven, l’administration du Limbourg a rétabli la perception des droits, mais le gouvernement n’a pas tardé à l’interdire.

Nous n’examinerons pas si, en strict droit, la province de Limbourg était fondée, avant 1833, à refuser de satisfaire à ses obligations, par le motif que la guerre lui enlevait la branche de ses revenus qui était destinée à les couvrir ; mais nous ferons remarquer que l’équité réclamait pour elle au moins, la concession d’un subside, faveur que le gouvernement, par l’article 33 de la loi du 16 septembre 1807, reconnaît devoir être quelquefois accordée même à des particuliers.

Depuis 1833, la cause du Limbourg ne peut plus offrir le moindre doute. C’est par le fait du gouvernement et pour cause d’intérêt public que cette province se voit privée des revenus qui devaient subvenir aux frais d’entretien de la Meuse.

Il a toutefois été observé, dans la section centrale, qu’en admettant que l’Etat dût intervenir dans les travaux à faire à la Meuse, il ne fallait pas confondre ceux qui regardent la navigabilité de cette rivière avec ceux relatifs aux digues destinées à protéger les propriétés riveraines. Les premiers, a-t-on dit, sont les seuls qui concernent la province, et par conséquent les seuls auxquels l’Etat soit, par l’effet des circonstances, obligé de subvenir. Quant aux seconds, ils regardent les propriétaires ; et nul motif n’oblige le trésor à se charger de ces frais. Il paraît cependant que, l’année dernière, il n’a été tenu aucun compte de cette différence.

D’après ces observations, le ministre de l’intérieur a été prié de s’expliquer sur l’urgence des travaux, ainsi que sur les mesures que le gouvernement comptait prendre, soit pour faire concourir les propriétaires aux dépenses dans la proportion qui leur incombe, soit pour faire rentrer l’Etat dans les avances déjà faites.

Le ministre a répondu que les travaux étaient de la plus grande urgence, que rien ne se ferait en 1835 si le gouvernement ne pouvait venir au secours des endroits calamiteux et de quelques petits propriétaires hors d’état de subvenir à la dépense ; que l’effet d’un ajournement serait de rendre, pour 1836, les dégâts plus grands et les dépenses plus considérables.

En ce qui concerne le concours des riverains, le ministre a fait connaître que deux des plus grands propriétaires avaient déjà exécuté à leurs frais le long de leurs possessions des ouvrages définitifs très considérables ; que des démarches avaient été faites pour faire contribuer les autres riverains, et que l’intention du gouvernement était de poursuivre le recouvrement des avances.

Enfin, le ministre a ajouté que, pendant le cours de cette année, il s’occuperait du soin d’améliorer l’administration de la Meuse.

M. le ministre a déclaré que la somme de fr. 40,000 suffirait pour les travaux à faire cette année ; il a proposé pour le libellé de l’article une rédaction qui a obtenu les suffrages de la section centrale comme propre à éviter la confusion entre les charges publiques et les charges particulières.

Par les motifs qui vous ont été exposés, la section centrale vous propose d’ajouter au chapitre IX un article additionnel a intercaler entre les articles 2 et 3, et ainsi conçu :

« Travaux à la Meuse conformément aux lois et arrêtés sur la matière : fr. 40,000. »


Le troisième objet dont votre section centrale s’est occupée, est le supplément du crédit de fr. 4,410 réclamé par le ministre de l’intérieur pour la création de trois nouvelles places de conducteurs des mines.

Le ministre a fait connaître qu’il se proposait de créer ces trois nouvelles places dans le Hainaut, où le personnel paraît insuffisant.

En effet il a été remarqué qu’il y avait pour les provinces de Liége et de Limbourg quatre ingénieurs, un sous-ingénieur et neuf conducteurs, et pour les provinces de Namur et Luxembourg deux ingénieurs, deux sous-ingénieurs et cinq conducteurs, tandis que le Hainaut, province qui compte le plus de mines de toute espèce, n’a qu’un ingénieur, deux sous-ingénieurs et sept conducteurs.

On a encore fait observer que tous les ans le nombre des établissements, usines et exploitations, s’augmentait dans cette province et que l’insuffisance du personnel devenait de plus en plus sensible.

Ces raisons ont paru valables à votre section centrale, qui, en conséquence, a l’honneur de vous proposer l’adoption de la majoration demandée, ce qui porterait le chiffre de l’article unique du chapitre X à fr. 89,410.

- La chambre ordonne l’impression de ce rapport dans le Moniteur.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XI. Lettres, sciences et arts

Article premier

M. le président. - Nous en sommes au chapitre XI dont l’article premier est relatif aux sciences, lettres et arts. Le gouvernement demande 186,740 fr.

M. C. Rodenbach. - Messieurs, à l’occasion de l’allocation demandée par M. le ministre de l'intérieur pour l’encouragement des sciences et des arts, je lui demanderai s’il a le projet de faire continuer la construction du palais des arts, des sciences et de l’industrie, sur le terrain de l’ancien ministère de la justice, au Petit-Sablon.

Ce monument a eu l’année dernière un commencement d’exécution ; les murs de fondation pour les galeries latérales de la grande salle sont même finis.

Comme je ne vois rien figurer au budget de ce chef, je crois devoir appeler l’attention de la chambre sur un monument éminemment national et qui est en quelque sorte le complément des quatre arrêtés du 7 janvier de cette année, relatifs à un musée national, galeries de statues des hommes illustres, exposition, etc. arrêtés qui ont obtenu l’approbation de tous ceux qui aiment les arts et s’intéressent à la gloire du pays.

Le projet, dont M. l’architecte Suys est l’auteur, est déposé au ministère de l’intérieur.

Ce monument contiendrait :

1° De vastes salles pour l’exposition des objets de l’industrie ;

2° Des salles pour l’académie des sciences, belles lettres et arts : institut à l’instar de celui de France ;

3° Des salles pour l’école des beaux arts, peinture, sculpture et architecture, etc. ;

4° Des salles et classes pour le conservatoire de musique ;

5° Des salles pour la bibliothèque de Bourgogne ;

6° Des salles pour les collections appartenant à l’Etat, etc.

J’invite donc M. le ministre de l'intérieur à ne pas abandonner l’exécution du monument dont il s’agit, et qui doit contribuer puissamment à former notre nationalité et à attirer l’étranger dans le pays.

On pourrait peut être m’objecter que le moment n’est pas opportun pour faire de grandes dépenses pour la construction de monuments nationaux. Je répondrai que la dépense pourrait se diviser en plusieurs années ; 8 à 10 par exemple. De cette manière la somme à employer annuellement ne pourrait jamais être considérable.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai déjà déclaré à la chambre que je ne prendrais sur moi de faire continuer les travaux commencés que lorsqu’un subside spécial m’aura été accordé par la chambre. Je ne crois pas devoir en faire la demande actuellement. J’attendrai qu’une commission d’architectes m’ait fourni des renseignements sur la construction à faire. Je ferai un rapport circonstancié à la chambre qui accordera le subside si elle le juge convenable.

M. Verdussen. - Je crois qu’une somme de 15,000 francs peut être réduite. En effet ces 15,000 fr. ont été demandés pour faire face aux frais qu’occasionnera l’exposition des produits des beaux-arts en 1835. Depuis un arrêté a ajourné à l’année 1836 l’exposition qui devait avoir lieu cette année à Bruxelles. J’ai vu cet ajournement avec plaisir parce qu’il n’y aura pas la même année une exposition à Gand et une à Bruxelles. Dès lors les 15,000 fr demandés deviennent inutiles et si M. le ministre s’opposait à la suppression totale de cette somme, il pourrait consentir du moins à ce qu’elle fût diminuée de 7,000 francs.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne partage pas l’opinion de l’honorable préopinant. S’il ne doit pas y avoir d’exposition à Bruxelles, en 1835, il y en aura une à Gand. La somme demandée servira aux achats de tableaux que le gouvernement croira devoir faire. La somme demandée pour l’encouragement des beaux-arts, loin d’être trop élevée, est évidemment trop faible, si l’on considère toutes les allocations qui seront imputées sur ce crédit.

M. H. Dellafaille, rapporteur. - Il faut remarquer que sur la somme de 75,000 fr. demandée pour les beaux-arts il y a une somme de 40,000 fr. engagés. Cet engagement du gouvernement consistait dans les subsides accordés aux écoles de dessin, aux académies et ainsi que dans les secours ou pensions alloués par le gouvernement à de jeunes artistes.

Il ne reste donc de disponible qu’une somme de 35,000 francs qui doit subvenir aux différentes dépenses que nécessite l’encouragement à donner aux beaux arts. Ainsi, des subsides seront accordes pour l’érection d’académies à Bruxelles et à Anvers. L’exposition de Bruxelles aurait nécessité un crédit de 8,000 fr. Il sera dépensé en achat de tableaux et d’objets qui peuvent être envisagés comme des ouvrages de l’art lors de l’exposition de Gand.

Je soumettrai à M. le ministre de l'intérieur une observation déjà présentée par l’honorable M. de Brouckere l’année passée. Il est important que le gouvernement s’attache à n’acheter que des tableaux de maîtres. On achète la plupart du temps des ouvrages de jeunes gens à peine entrés dans la carrière des beaux-arts. Il en résulte que des ouvrages très faibles sont exposés dans les musées où leurs auteurs eux-mêmes rougissent plus tard de les voir figurer.

Je crois que l’on encouragera mieux les jeunes talents en leur donnant des subsides qui leur permettent d’aller étudier les principes et les modèles de la peinture en Italie. Je ne puis que conseiller au gouvernement de faire de bons achats en fait de tableaux. Je crois qu’en supposant le subside trop élevé, il vaut mieux ne pas gêner le gouvernement dans les achats qu’il croirait devoir faire dans l’intérêt des arts.

M. Coghen - J’ai demandé la parole pour appuyer la proposition de 15,000 fr. Si cette somme n’était pas accordée au gouvernement, il serait obligé de n’acheter que des objets d’art d’une valeur peu considérable et de voir enlever par les particuliers ou les étrangers des tableaux qu’il aurait voulu placer dans les musées nationaux.

Puisque j’ai la parole, qu’il me soit permis de rectifier une inexactitude avancée dans la séance précédente, à propos de la direction du chemin de fer. J’ai eu sous les yeux le procès-verbal de la séance du conseil de régence de Bruxelles, où l’on s’est occupé de cet objet. Treize membres étaient présents ; 7 membres ont voté pour la direction de la rue Neuve ; 5 membres pour la direction de l’Allée-Verte, le treizième a voté pour une direction différente. L’honorable M. Gendebien qui n’était pas présent à la séance envoya son opinion par écrit.

M. Gendebien. - Puisque l’honorable M. Coghen est revenu sur la discussion d’une séance précédente, qu’il me soit permis de répondre. L’honorable préopinant avait avancé que le conseil de régence et la chambre de commerce étaient d’avis que l’on fît aboutir le chemin de fer à l’Allée-Verte. J’ai répondu que quoique j’eusse l’honneur de faire partie du conseil de régence, je n’avais pas connaissance d’une décision de cette nature. Le conseil de régence attache une grande importance à ce que l’on sache que ce n’est pas par suite de son contentement que la direction actuelle du chemin de fer a été adoptée. Je ferai insérer au Moniteur le procès-verbal de la séance et la lettre que j’ai envoyée au conseil de régence. Tous les membres pourront en prendre connaissance.

Un seul membre s’est opposé aux deux directions proposées. Il voulait que le chemin traversât la Senne et franchît le canal de manière à longer la rive gauche et à aboutit au canal de Charleroy. De cette manière, le chemin aurait débouché à la jonction des deux canaux, au centre des arrivages de Charleroy et d’Anvers. Je pris M. le ministre de l'intérieur de prendre note de cette opinion parce qu’il est temps encore de la peser mûrement et de la mettre à exécution.

La direction que proposait ce membre du conseil de régence n’était pas exclusive de la direction actuelle. C’eût été un embranchement qui se fût dirigé vers l’endroit où débouchera le chemin de fer vers la France, si on l’exécute.

M. le ministre de l'intérieur pourrait soumettre ce plan aux ingénieurs, et je suis persuadé qu’ils seront de l’avis de l’échevin dont je rapporte l’opinion.

M. Dumortier. - Je viens demander une réduction sur le chiffre proposé pour l’encouragement des sciences et des arts. Quoique j’aime autant que tout autre les sciences et les arts, je ne veux pas que l’on augmente le budget pour les choses que j’aime.

Sous le roi Guillaume aucune somme semblable n’était portée au budget. Ce qui me fait d’autant plus désirer une diminution sur le chiffre, c’est qu’il est le résultat d’augmentations successives, et qu’il est temps qu’on y mette un terme. Sur les 150,000 fr. proposés, on a l’intention de prélever des subsides pour l’érection à Bruxelles et à Liége d’académies semblables à celle d’Anvers.

Je désire vivement que ces académies soient érigées, mais je veux qu’elles le soient aux dépens des régences, comme cela a lieu pour l’académie de Tournay. Si vous accordez un subside pour les villes de Liége et de Bruxelles, il n’y a pas de motif pour que celles de Tournay, Mons, Namur, Malines ne viennent réclamer la même faveur. Chacune de ces villes aura les mêmes droits et leurs demandes devront être admises.

Je pense qu’il faut en rester au point où en est le gouvernement. Il y a une école des beaux-arts à Anvers et à Gand ; cela suffit. Il y a à Bruxelles et à Liége un conservatoire de musique, cela suffit encore ; si Liége et Bruxelles veulent avoir des académies des beaux-arts, qu’elles les établissent au moyen de leur budget. De même, si Anvers et Gand veulent avoir un conservatoire de musique, qu’elles le fondent également au moyen de leur budget. Je ne vois pas de motif qui pourrait vous porter à refuser à Anvers et à Gand une école de musique si ces villes vous en demandaient, lorsque vous auriez accordé à Liége et à Bruxelles une académie des beaux-arts.

Il ne faut pas ainsi fonder aux frais de l’Etat des établissements qui doivent être à la charge des localités. Si une ville veut avoir une école de beaux-arts elle doit la salarier. La ville de Tournay a une académie des beaux-arts, elle l’a établie et elle l’entretient à ses frais. Si le gouvernement persiste à vouloir en fonder à Liége et à Bruxelles, je demanderai une allocation pour celle de Tournay, et j’engagerai chacun de mes collègues à faire la même demande pour sa localité.

M. de Foere. - Messieurs, on motive l’allocation de 35 mille francs demandés sur les engagements pris par le gouvernement. C’est toujours la même doctrine des engagements pris à l’avance lors qu’ils devraient toujours être postérieurs au budget. Je m’étonne que la section centrale encourage une marche aussi inconstitutionnelle.

Je partage l’opinion que vient d’émettre l’honorable député de Tournay, la chambre ne remarque pas où nous conduiront ces majorations continuelles. Calculez les sommes portées au budget, et vous verrez quels résultats effrayants vous aurez. Calculez seulement le chiffre qu’on vous demande pour l’article dont il s’agit, il représente le produit d’un capital de 3 millions et demi. Si vous continuez à majorer vos budgets, vous arriverez à un état de choses auquel notre budget ne pourra pas suffire. Déjà notre budget des recettes est une charge accablante pour le pays.

Je crois que dans aucun autre pays on n’alloue relativement à la population des sommes aussi fortes que chez nous, pour les lettres, les sciences et les arts.

Je prie la chambre de prendre en considération ces réflexions. Pour ma part je me refuse à voter la somme demandée.

M. H. Dellafaille, rapporteur. - Je répondrai à l’honorable préopinant que les encouragements ont été pris sur les fonds alloués pour les années précédentes, et que le gouvernement a cru pouvoir compter sur la continuation du subside. La somme pour laquelle il a pris des engagements est de 40 mille fr. et l’allocation était de 60 mille fr. Il a donc tenu un tiers de l’allocation disponible.

Je crois que M. Dumortier se trompe en disant que sous le précédent gouvernement aucun subside n’était accordé pour les lettres, les sciences et les arts, il devait y avoir nécessairement un fonds pour les beaux-arts, car l’académie d’Anvers recevait un subside, on en donnait encore à différentes écoles de dessin, il fallait un crédit quelconque.

L’honorable membre a combattu l’allocation demandée pour Liége et Bruxelles. Il n’a sans doute pas remarqué qu’il ne s’agissait pas d’une allocation perpétuelle, mais d’un subside une fois donné, pour faciliter l’érection de ces deux écoles de beaux-arts. Quoique ce soit plus ou moins un objet d’intérêt communal, je crois que c’est une mesure sage que d’encourager l’érection de ces établissements.

Je ferai observer que l’article entier n’est que de 186,740 fr. Il y a bien une majoration de 15 mille fr. sur la lettre A, mais en revanche, l’augmentation sur tout l’article n’est guère que d’un millier de fr., parce qu’il y a eu des réductions sur d’autres littera.

Il s’agit d’une somme de 25 mille fr. une fois payée, et d’après l’impulsion que le gouvernement se propose de donner aux arts cette somme ne peut pas paraître trop forte.

M. Rogier. - Il n’est pas exact de dire que les arts fleurissaient sous l’ancien gouvernement sans qu’aucun subside leur fût alloué. Il a déjà été dit que le gouvernement hollandais, outre les subsides partiels qu’il donnait, allouait une somme de 20,000 florins destinés à l’achat d’objets d’art. Un arrêté de mars ou avril 1827 avait affecté un subside à l’encouragement de la gravure.

Messieurs, pour mon compte, j’appuie la majoration demandée. Je voudrais que l’on pût encourager les communes qui désirent entrer dans la voie des améliorations. C’est avec beaucoup de plaisir que je verrais venir à leur secours : Si Liége voulait joindre une école de beaux-arts à son conservatoire de musique, si Louvain veut créer un établissement de ce genre, si Gand veut être placé sur la même ligne que Bruges, je ne vois pas pourquoi le gouvernement n’encouragerait pas ces villes en leur accordant des subsides. Le gouvernement ne subsidie pas la ville de Gand pour son école des beaux-arts, mais je crois que l’intention du ministre, est de le faire et je l’en félicite.

La ville de Tournay a le même droit que les autres localités d’obtenir des subsides pour des établissements semblables. Si ses ressources financières ne lui permettent pas de faire face à ces dépenses, elle fera bien de réclamer le concours du gouvernement. D’ailleurs je ne vois pas que la ville de Tournay ait à se plaindre, elle touche 20,000 francs pour son collège. C’est un subside assez considérable, comparé à celui qu’on propose d’accorder pour une école de beaux-arts qui a tout autant de droit à la protection du gouvernement qu’une école grecque et latine.

M. Dumortier. - Je suis étonné qu’on vienne reprocher à la ville de Tournay le subside de 20,000 fr. qu’elle reçoit pour son athénée, alors que l’université de Liège coûte 300,000 fr. à l’Etat. D’ailleurs ce n’est pas 20,000 fr. que reçoit l’athénée de Tournay, mais seulement 15,000 fr. Si une ville a été favorisée depuis la révolution, ce n’est certainement pas Tournay, et cependant c’est la sixième ville du royaume. On ne lui a pas voté de route en fer coûtant de 15 à 20 millions. On lui a refusé un établissement qu’elle avait demandé, on s’est conduit vis-à-vis d’elle avec la plus grande injustice et nous n’avons jamais réclamé. Nous avons fondé notre école des beaux-arts, sans subside, nous avons fait nos affaires en famille et je voudrais que toutes les villes fissent comme nous. Nous avons prouvé qu’une administration communale peut marcher sans subside.

Maintenant, quant à ce qu’a dit M. le rapporteur, je lui répondrai que je ne vois pas de motif pour accorder un subside aux villes de Liége et de Bruxelles pour fonder des écoles de beaux-arts, ces subsides fussent-ils temporaires.

Si l’on veut créer une école des beaux-arts à Liége pour faire honneur au bourgmestre, aux échevins et aux conseillers, je ne vois pas pourquoi l’Etat voudrait faire les frais de l’honneur qu’on veut répandre sur le conseil de régence de Liége. Que chaque localité s’administre à sa guise et comme elle l’entend, rien de mieux, mais je ne vois pas pourquoi on donnerait un subside à la ville de Liége et on n’en donnerait pas à la ville de Louvain, qui se suffit et ne se plaint pas, quoique ses intérêts aient été sacrifiés par la route en fer, tandis que Liége, dont la position a été améliorée par cette même route, pourrait très bien faire son école elle-même.

Il y a trois ou quatre villes en Belgique qui ont le monopole des faveurs. Si vous accordez à ces villes des écoles de beaux-arts, des conservatoires de musique, pourquoi n’accorderez-vous pas à toutes les villes, quelles qu’elles soient, aux villes des Ardennes comme aux autres, ces institutions agréables qui seraient si capables de former les habitants ?

Ces villes, assurément, verraient avec plaisir créer chez elles des établissements de ce genre aux frais du gouvernement.

- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !

M. Gendebien. - Si vous voulez fermer la discussion sur la partie de l’article dont il s’agit, je ne m’y opposerai pas, mais je veux parler de la bibliothèque des manuscrits de l’Etat, dite des ducs de Bourgogne. Je demande une majoration de traitement de 850 fr. pour le directeur de cette bibliothèque. (Appuyé ! appuyé !)

Je propose d’élever son traitement à 4,000 fr. C’est un homme très instruit, très capable, qui indépendamment de sa capacité et des services qu’il rend tous les jours comme archiviste, a rendu de grands services lors de la révolution. Il est à remarquer aussi qu’il est père de famille. Malgré toutes ces considérations on ne lui donne qu’un traitement de 3,150 fr., tandis que l’architecte du royaume a 5,200 fr. d’appointement, logement et lumière. Je ne trouve pas mauvais qu’on donne cela à l’architecte du royaume, bien qu’il soit célibataire, mais je pense que le conservateur de la bibliothèque des ducs de Bourgogne mérite au moins le même traitement, puisqu’il n’a pas le logement. C’est là un point sur lequel il n’y a pas à lésiner. C’est un ancien fonctionnaire de l’empire qui a rempli de hautes fonctions et que son excessive modestie a fait relégué dans un très petit emploi.

On publie en ce moment les Chroniques Belges. Je suis étonné qu’on l’ait exclu de la commission chargée de ce travail, alors que sous Guillaume, l’archiviste avait toujours fait partie de cette commission.

Je demande, messieurs, une majoration de 3,000 fr., en tout 2,150 fr., pour relier une quantité de manuscrits qui tombent en pourriture, à défaut de reliures. Nous avons deux mille volumes ou manuscrits prêts à être perdus s’ils ne sont pas reliés. Que l’on mette tous les ans une pareille somme à celle que je demande aujourd’hui et nous conserverons une foule d’ouvrages précieux. Autrefois il y avait tous les ans une somme appliquée à cet usage, je ne sais si on ne l’accorde plus, parce que c’est le brave major Scavaye, qui a rendu de si grands-service dans notre révolution, qui se trouvait chargé de ce travail. Car il excelle dans cette profession et il a été forcé, par la manière dont on agit envers lui de reprendre son état qu’il fait beaucoup mieux qu’on ne le fait en France et au moins aussi bien qu’en Angleterre. Je pense que si on voulait faire ce qu’il y a d’essentiel à faire pour les manuscrits de la bibliothèque de Bourgogne, on dépenserait au moins 5,000 par an. Je me borne ici à demander une majoration de 3,000 francs, 850 pour augmenter le traitement du directeur et 2,150 pour frais de reluire.

M. H. Dellafaille, rapporteur. - Je crois en effet que le traitement accordé au directeur de la bibliothèque est trop faible, et je m’associe à la proposition de l’honorable M. Gendebien. Quant à la question personnelle, cela est de toute justice pour le directeur de cette bibliothèque, mais quant au traitement cela me semble également indispensable ; car admettez que la place devienne vacante, il faudra pour directeur de la bibliothèque de Bourgogne un homme de mérite et de probité, et pour convenablement rétribuer un homme qui vous présenterait toutes les conditions exigibles, ce traitement est beaucoup trop faible. Je ne trouve aucune espèce de crédit pour suppléer à cela, mais je crois que M. le ministre doit y faire attention et nous dire quelle somme il lui faudrait pour subvenir à l’accroissement de dépenses qu’il serait utile de faire pour l’entretien de la bibliothèque de Bourgogne.

M. Coghen - Je n’ai rien à ajouter après ce qu’a dit l’honorable rapporteur de la section centrale. Je dirai seulement que j’appuie fortement la majoration de traitement en faveur du directeur de la bibliothèque de Bourgogne, qui est un ancien préfet de l’empire et de plus un homme de beaucoup de mérite.

M. Dumortier. - Je me rallie bien volontiers à la proposition des honorables préopinants en ce qui concerne la majoration de traitement du directeur de la bibliothèque de Bourgogne.

Puisque l’on a parlé des manuscrits, je demanderai à M. le ministre de l'intérieur d’employer tous les moyens possibles pour que les manuscrits qui sont encore dans le pays ne nous échappent pas. Ce sont les archives de la nation. Lorsqu’un Etat se constitue, c’est là une des choses les plus essentielles pour consacrer sa nationalité.

Après l’empire, messieurs, il est venu en Belgique un agent anglais qui a dévasté toutes les bibliothèques et qui en a établi une aux environs de Londres qui contenait plus de 6,000 volumes à nous appartenant. Il est des manuscrits dont il est essentiel de faire l’acquisition ; si M. le ministre de l'intérieur a besoin d’un crédit pour cela, qu’il le demande à la chambre et je suis assuré d’avance que la chambre l’accordera. J’insiste donc pour que l’on fasse l’acquisition de tous ces manuscrits et pour que l’on se mette en mesure de parvenir à pouvoir faire cette précieuse acquisition.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je partage entièrement l’avis de l’honorable préopinant, qu’il faut conserver dans le pays les manuscrits les plus précieux. Aussi en a-t-il été acheté un assez grand nombre. Une somme de 4,800 fr. a été employée pour ce fait. Quant à la majoration proposée, je l’appuie et demande même que le chiffre soit porté à 5,000 fr., et je vais en déduire les motifs. La régence de Bruxelles a mis à ma disposition une nouvelle salle pour la bibliothèque de Bourgogne, il est nécessaire d’y faire construire des armoires, et c’est dans ce but que j’ai demandé qu’on fît monter le chiffre à la somme de 5,000 fr.

M. Gendebien. - J’appuie ce qu’a dit M. le ministre de l'intérieur. Il y a nécessité de pourvoir, non à un mobilier, mais à une table ; car elle manque, on ne pourra me dire que l’archiviste de la bibliothèque ait même une chaise. Rien ne s’y trouve. J’appuie donc la proposition de M. le ministre.

- Le chiffre de 191,740 fr. est adopté.