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d’intention
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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du lundi 1er février 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative au paiement des intérêts de
la dette publique inscrite à Amsterdam (Jullien)
2)
Rapport sur des pétitions relatives à l’organisation communale
3) Motion
d’ordre relative au budget du département des affaires étrangères pour 1836.
Traitements du personnel diplomatique (Dumortier)
4) Projet
de loi portant le budget du département de la justice pour l’exercice 1836.
Second vote des articles. Construction de bâtiments pour la cour de cassation
et la cour d’appel de Gand, fournitures pour le travail dans les prisons (Dubus, Ernst, Dubus,
Gendebien, Ernst, de Behr, Gendebien)
5) Projet
de loi portant le budget du département de la marine pour l’exercice 1836.
Discussion des articles. Magasins et construction de nouveaux navires (de Muelenaere, Gendebien, de Muelenaere), expéditions commerciales et
encouragements à la marine marchande, droits de pilotage à Ostende (Dumortier, de Muelenaere),
secours aux marins blessés (Legrelle, de Muelenaere, Rogier, Gendebien, A. Rodenbach, de Muelenaere)
6) Projet
de loi portant le budget de la dette publique et des dotations pour l’exercice
1836. Discussion des articles. Remboursement des emprunts (Dubus,
d’Huart, Verdussen, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubus, Dumortier, d’Hoffschmidt, A. Rodenbach,
Verdussen, d’Hoffschmidt,
Dumortier, Dumortier, d’Huart), dette flottante et société générale (Dumortier, d’Huart), pensions à
charge de l’Etat (notamment pensions militaires) (Dumortier,
d’Hoffschmidt, (+ophtalmie militaire) d’Huart, Dumortier, (+ophtalmie
militaire) d’Hoffschmidt), personnel du ministère
des finances (Duvivier)
(Moniteur belge
n°33, du 2 février 1836 et Moniteur belge n°34, du 3 février 1836)
(Moniteur
belge n°33, du 2 février 1836)
M. de Renesse
fait l’appel nominal à midi et demi.
M. Schaetzen. donne lecture du procès-verbal de la séance précédente
; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen lit
le sommaire des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« La régence de Bruges réclame le paiement des
intérêts arriérés des inscriptions du grand livre de la dette publique à
Amsterdam, qui appartiennent à ses établissements de bienfaisance. »
________________
« Le sieur Jean-Henri-Chrétien Lomnitz, né à Hambourg, sergent-major au 20ème régiment de
ligne, demande la naturalisation. »
________________
« Les
régences et un grand nombre de cultivateurs et habitants des communes de
Lummen, Tessenderloo, Meldert,
Linckhout et Zeelhem,
demandent la construction d’une nouvelle route projetée entre Diest et le camp
de Beverloo. »
________________
« Le
sieur P.-J. Claes, instituteur primaire, demande une loi sur l’instruction
primaire, et présente des observations sur cette loi. »
________________
« Le
sieur P. Visschers, professeur à Malines, exprime le
désir qu’une commission soit nommé pour prononcer sur les différences qui se
font remarquer dans la manière d’écrire la langue flamande dans les différentes
provinces du royaume. »
« Des
habitants des communes inondées de Lillo, Stabroek, Beerendrecht
et Zantvliet demandent que la chambre adopte des
mesures pour venir à leur secours. »
________________
« Des
habitants des communes du canton de Chimay se plaignent d’être réunis à la
commune de Chimay, en suite des opérations cadastrales. »
________________
- La pétition relative au projet d’une route entre
Diest et le camp de Beverloo est renvoyée à la
commission des travaux publics.
Les autres sont renvoyées à la commission des
pétitions.
________________
M. Jullien. - Parmi
les pétitions dont on vient de faire l’analyse, il en est une de la régence de
la ville de Bruges, qui réclame le paiement des intérêts et arriérés des
inscriptions au grand livre de la dette publique appartenant à des
établissements de charité de la ville de Bruges. Comme l’objet de cette
pétition se rattache au budget des dotations, je demanderai qu’elle reste
déposée sur le bureau pendant la discussion de ce budget. Si je le crois utile
dans l’intérêt de la ville de Bruges, je prierai la chambre de vouloir bien en
ordonner la lecture.
- La chambre décide que la pétition de la ville de
Bruges restera déposée sur le bureau.
RAPPORTS SUR DES PETITIONS
RELATIVES A L’ORGANISATION COMMUNALE
M. le président. -
La parole est à M. Zoude pour faire le rapport sur les pétitions relatives à la
loi communale.
M. Zoude, rapporteur.
- Conformément à la décision que la chambre a prise dans la séance du 30
janvier, je viens vous présenter le rapport de votre commission sur diverses
pétitions relatives à la loi communale et ayant pour objet de prier la chambre
de ne pas permettre la violation de l’article 108 de la constitution en ce qui
concerne l’élection des administrations communales.
Ces pétitions, au nombre de 13, expriment le vœu de
certain nombre d’habitants de 25 communes.
Voici l’analyse de ces pétitions : (Note de webmaster : le rapporteur rentre
alors dans le détail des pétitions. Cette analyse n’est pas reprise dans la
présente version numérisée. Le discours se poursuit comme suit :)
Messieurs, votre commission croit que dans une
question aussi grave il ne lui convient pas d’émettre son opinion, quand même
il n’y aurait pas eu de dissentiment dans son sein ; c’est pourquoi elle se
borne à vous proposer le dépôt de ces pétitions sur le bureau.
- Ce dépôt est ordonné.
En conséquence, les pétitions dont le rapport vient
d’être fait resteront déposées sur le bureau pendant la discussion de la loi
communale.
MOTION D’ORDRE RELATIVE AU
BUDGET DU DEPARTEMENT DES AFFAIRES ETRANGERES POUR 1836
M. Dumortier. -
Je demande la parole.
Messieurs, je n’ai pas l’habitude de réclamer
contre le compte-rendu des séances ; c’est, je crois, la première fois que je
le fais ; mais j’ai vu qu’on m’avait fait dire des choses tellement contraires
aux paroles que j’ai prononcées, que je crois devoir prendre la parole pour
rectifier ces faits.
Vous vous rappelez, messieurs, que, lorsque nous
discutâmes l’augmentation demandée pour notre chargé d’affaires à Stockholm, je
prétendis que la somme de 12,600 fr., allouée l’année précédente, était suffisante, et que le
ministre, m’ayant adressé une interpellation, m’ayant demandé si je voulais y
aller, je lui répondis que je n’étais pas décidé à débarrasser le gouvernement
de ma présence, que j’avais reçu un mandant du peuple, et que ce mandat, je le
remplirais jusqu’au bout.
Voici maintenait comment les journaux de Bruxelles
me font répondre :
« Je déclare que si elle m’était proposée,
j’accepterais très volontiers la résidence de Stockholm. »
Plusieurs
membres. - Mais le Moniteur
ne dit pas cela.
M. Dumortier. -
Le Moniteur n’a pas rendu
complètement ma réponse. Et comme je veux que mes commettants sachent bien que
je ne suis pas venu pour obtenir des emplois, des ambassades, et comme le pays
nous juge non d’après ce que nous disons, mais d’après ce qu’on nous fait dire,
j’ai cru devoir prendre la parole pour protester contre l’inexactitude avec
laquelle on a rendu ce que j’avais dit dans la dernière séance.
Plusieurs
membres. - Mais ce n’est pas dans le Moniteur. L’ordre du jour ! l’ordre du
jour !
PROJET DE LOI PORTANT LE
BUDGET DU DEPARTEMENT DE
Second vote des articles
Chapitres I à IV. Administration centrale.
La chambre maintient successivement et sans
discussion les amendements adoptés aux quatre premiers chapitres.
Chapitres V et VIII
M. le président. - Aucun
amendement n’a été adopté au chapitre V.
M. Dubus. - Je
demande la parole.
Messieurs, je demande la parole au moment où on
fait remarquer qu’il n’y a pas d’amendement adopté au chapitre V, parce que les
observations que j’ai à présenter portent sur les chapitres 5 et 8. C’est pour
épargner les moments de la chambre que je réunis les observations qui les
concernent.
Le budget de la justice présente, pour cette année,
pour 1836, sur le budget de l’année dernière, une augmentation d’un
demi-million, ce qui est énorme sur un budget de 5 millions. Cette augmentation
provient toute de dépenses extraordinaires, dont les dernières ont été
proposées à la chambre seulement à la séance où on les a votées, sans avoir été
soumises à l’examen de la section centrale. Moi-même, quand cette proposition a
été discutée, je n’avais pas pu apprécier la conséquence qui devait en résulter
sur le chiffre total du budget, et je m’étais trompé grossièrement, car je
pensais que l’augmentation du chiffre total du budget ne serait que de 125
mille francs, tandis qu’elle sera d’un demi-million. Il me semble qu’avant de
voter une augmentation aussi considérable, il faut y regarder de près et
examiner s’il n’y a pas possibilité de répartir des dépenses aussi
considérables sur plusieurs exercices au lieu de les faire peser sur un seul.
Parmi les dépenses extraordinaires figurent les
constructions pour la cour de cassation et la cour d’appel de Gand, chacune de
100 mille francs. Je reconnais que ces dépenses seront nécessaires. J’en parle
principalement pour appeler l’attention de la chambre sur la manière dont les
dépenses devront être exécutées. Car, pour ce qui concerne la cour de
cassation, j’ai entendu dire par des personnes qui paraissaient bien informées
que deux palais de justice n’étaient pas nécessaires à Bruxelles, et que le
palais de justice qui existe était tellement vaste, que si on voulait y faire
les constructions nécessaires, on pourrait y avoir réuni la cour de cassation,
la cour d’appel et le tribunal de première instance. J’ai entendu assurer cela.
Cependant je n’en fait pas l’objet d’une proposition, parce que cela ne regarde
que l’application de la dépense.
Le budget se borne à dire qu’il est alloué une
somme de cent mile francs pour construction pour la cour de cassation.. La somme pourrait être dépensée tout aussi bien en
adjonction aux constructions existantes au palais de justice qu’en élevant un
palais nouveau. Je prierai seulement le ministre d’examiner la chose avec
attention et de voir s’il ne serait pas possible et préférable de n’avoir qu’un
seul palais de justice à Bruxelles. On aurait l’avantage de réunir tous les
corps de la magistrature dans un même palais, comme on se propose de le faire à
Gand.
Je ferai une observations
à M. le ministre sur ces constructions ; je lui demanderai s’il est nécessaire
de les commencer cette année et si on ne pourrait pas les remettre à l’année
prochaine. On propose encore sur un autre chapitre une dépense extraordinaire
et considérable ; si on pouvait différer jusqu’à l’année prochaine les dépenses
de construction pour la cour de cassation et la cour d’appel de Gand, cela
soulageait un peu l’exercice 1836. Je reconnais que le ministre fait porter la
dépense de ces constructions sur plusieurs exercices. De sorte que si, comme
j’en énonce le désir, il diffère d’une année la dépense qu’il voulait faire
cette année, celle qu’il se proposait de faire l’année prochaine se trouverait
également différée d’un an. Il n’y a pas péril en la demeure, car il existe un
état de chose provisoire qui peut sans inconvénient se prolonger une année de
plus.
Voilà ce que j’avais à dire sur le chapitre V.
Je passe aux observations qui s’appliquent au
chapitre VIII. Là, messieurs, c’est une augmentation de 300,000 fr. qui nous a
été demandée à la séance même. Cette augmentation a pour objet une acquisition
beaucoup plus considérable de certaine matière première qui doit être
travaillée dans les prisons, une acquisition de lins. Sur ce point, je
remarque, en recourant aux détails qui avaient été précédemment fournis par le
ministre de la justice, qu’au 1er janvier 1831 il n’y avait dans les magasins
des prisons, en marchandises de cette nature, qu’un approvisionnement
insignifiant, puisqu’il était estimé en totalité à 38,000 fr. Cependant, on a
fait pour chacune des années 1831, 1832, 1833 et 1834 des acquisitions de ces
matières premières plus restreintes que celles qu’on veut faire aujourd’hui,
sans qu’on en ait ressenti d’inconvénient.
Je dis cela parce que, pour certaines de ces
années, non seulement les allocations se sont trouvées assez élevées, mais ont
présenté des excédants ; ce qui doit faire supposer que réellement on n’était
pas gêné par les limites mêmes du crédit. Ainsi, messieurs, en l’année 1831 on
n’a acheté que pour 378,000 fr. de matières premières ; en 1832, pour 431,000
fr. ; en 1833, pour 372,000 fr., et, en 1834 pour 442,000. L’année 1834 est
celle où les acquisitions ont été les plus considérables. Il a été fait en
1835, au moyen du transfert demandé, des acquisitions de 80,000 fr. supérieures
à celles de 1834.
Je vous prie de ne pas perdre de vue que c’est en
1834 que les acquisitions de matières premières avaient été les plus
considérables, et que celles de 1835 les ont dépassées de 80 mille fr.
Maintenant on demande un crédit de 270 mille fr. supérieur au montant des
dépenses de 1835, et par conséquent de 350 mille fr. supérieurs aux
acquisitions de 1834. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de pousser les
choses à ce point. Le ministre pourrait, ce me semble, sans inconvénient
augmenter dans une proportion moindre ces acquisitions et ne pas les porter de
suite à peu près double de celle qui se faisait précédemment. Si M. le ministre
voulait réduire sa demande de crédit à la moitié et demander l’autre moitié
l’année prochaine, il procéderait sur ce point comme sur l’autre, il
répartirait la dépense extraordinaire entre deux exercices, et nous n’aurions
pas un budget qui s’élèverait à 500,000 fr. de plus que celui de l’exercice
précédent. A coup sûr, il n’y a pas nécessité de dépenser autant pour cela ;
car si cette nécessité existait, je ne concevrais pas comment on a pu faire les
exercices précédents.
Je remarque que jusqu’à la fin de l’exercice
dernier on ne s’était jamais plaint de l’insuffisance des moyens de travail. A
la fin de l’année dernière, dit-on, on a été obligé de demander un transfert ;
mais de cette manière, on n’a pas augmenté le chiffre du budget, on a demandé
un transfert sur le crédit demandé pour l’entretien et la nourriture des
détenus.
Je ferai remarquer que pour
ces frais on demande encore beaucoup plus que la dépense réelle des années
antérieures. Si on consultait l’expérience des années précédentes on verrait
qu’une somme moindre peut suffire pour cet objet. Il résulte des renseignements
donnés par le ministre, que la dépense en 1834, ne s’est élevée qu’à 622,000
fr., et qu’en 1835, au 25 novembre, la dépense ne s’élevait qu’à 524,000 fr. Le
ministre, en vous proposant un transfert de 100,000 fr., jugeait que l’excédant
serait notablement supérieur à cette somme. On peut prévoir qu’en 1835 la
dépense ne sera pas plus élevée qu’en 1834. Voilà l’expérience de deux années
successives.
Si vous remontez aux années antérieures, vous
trouverez une dépense plus élevée en 1832, mais qui diminue en 1833. La raison
en est connue, on a donné un supplément de crédit pour les dépenses
extraordinaires qu’on a dû faire pour changer le régime et l’entretien des
prévenus lors de l’invasion du choléra. La différence de la dépense est très considérable.
Aussi a-t-on vu la dépense baisser progressivement aussitôt que cette hausse a
cessé, et dans la même proportion. Vous pouvez donc regarder la somme de la
dépense des années 1834 et 1835, comme le taux normal.
Si M. le ministre de la justice voulait consentir à
réduire l’article 1er du chapitre VIII à 650 mille fr., il est évident que dans
toute hypothèse, ce crédit serait suffisant ; s’il voulait ensuite réduire le
crédit extraordinaire demandé pour acquisitions de matières premières à 150 mille
fr., sauf à demander les autres 150 mille fr. l’année prochaine, en supposant
qu’il lui fût impossible de différer la dépense pour construction de palais de
justice, vous n’augmenteriez notre budget de la justice que de 200 mille fr. et
vous répartiriez la dépense extraordinaire entre deux exercices, ce qui me
paraît tout à fait nécessaire.
J’attendrais les observations de M. le ministre de
la justice.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - D’après ce que vient de dire l’honorable préopinant, la
dépense du budget de la justice pour l’exercice 1836 présente une augmentation
de 500 mille fr. sur le budget précédent. L’honorable membre a fait tomber ses
observations sur le chap. V et sur le chap. VIII. Le chap. V présente en effet
deux dépenses nouvelles, chacun de 100,000 fr., l’une pour la construction de
la cour de cassation et l’autre pour la construction de la cour d’appel à Gand.
Il a été reconnu par la section centrale, en suite des pièces et explications
données, que ces deux dépenses sont à la charge de l’Etat et qu’il est urgent
d’y satisfaire. La chambre a tellement reconnu la nécessité de cette dépense,
qu’au premier vote, aucune objection n’a été faite à l’allocation de ce crédit.
Des observations ont été faites dans les journaux sur l’exécution des
constructions.
On y a émis l’opinion qu’il serait préférable de
faire les constructions nécessaires pour la cour de cassation, dans l’ancien
palais de justice, que de les faire sur un terrain nouveau. Cette considération
n’a pas été négligée dans mon département ; je me suis entouré de tous les
renseignements possibles, j’ai consulté la cour de cassation, et j’ai mis la
section centrale à même d’apprécier le pour et le contre. Après avoir tout
pesé, la section centrale a pensé qu’il était plus convenable de faire pour la
cour de cassation une construction nouvelle sur l’emplacement de l’ancien
ministère de la justice. Je pourrais entrer dans de longs développements qui,
j’en suis sûr, convaincraient la chambre, comme ils ont convaincu la section
centrale, mais je ne crois pas qu’il soit dans l’intention de la chambre que
j’entre ici dans ces développements.
Pour ce qui concerne les 300 mille francs dont j’ai
demandé l’augmentation à l’art 6 du chapitre VIII, je ferai observer qu’il ne
s’agit pas ici d’une dépense, ainsi que j’ai eu l’honneur de le dire, mais de
faire faire au trésor de plus grands bénéfices et de procurer dans tous les
temps du travail aux prisonniers. En augmentant le chiffre de l’article 6, on
ne grossit donc pas le budget des dépenses, on ne fait qu’ouvrir un compte au
gouvernement qui lui permette d’atteindre le double but que je viens d’avoir
l’honneur d’indiquer.
Je ne puis à mon grand regret accueillir la demande
de l’honorable préopinant, de réduire à 150 mille francs l’allocation que je
réclame pour achat de matières premières, parce qu’il a été reconnu que la
somme de 300 mille francs était absolument nécessaire pour mettre les ateliers
à même d’avoir du travail pendant toute l’année et de mettre le gouvernement à
même de faire les acquisitions dans les moments les plus favorables.
La chambre a tellement reconnu la validité des
motifs que j’ai longuement développés lorsque j’ai fait ma proposition que je
n’a pas cru nécessaire de la soumettre à l’examen de la section centrale.
J’aurai l’honneur de répéter qu’il ne s’agit pas de
grossir les dépenses, mais d’ouvrir un compte. Je prie l’honorable préopinant
de faire attention à cette observation. Un négociant qui serait dans la même
position n’aurait pas besoin de 1,250 mille francs : la moitié lui suffirait,
parce que quand les premiers six mois sont expirés, au commencement du
troisième trimestre, je commence à verser au trésor les produits du premier
semestre, de manière que le trésor rentre, pendant le second semestre, dans les
fonds qu’il avait avancés pendant le second semestre, dans les fonds qu’il
avait avancés pendant le premier et reçoit même plus.
Que ferait un négociant dans cette position ; à
mesure que son capital rentrerait, il l’emploierait de nouveau ; je ne puis
agir de même, je ne puis pas redemander les 600,000 fr. de produits que j’ai
fournis. Je dois user toujours de mon crédit, si j’en emploie la moitié pendant
le premier semestre, je continue à l’employer pendant le second, et la somme des
produits continue également à être versée au trésor.
De sorte que le trésor n’est jamais à découvert
d’une somme de 1,250,000 fr., mais seulement de la
moitié.
Il n’est donc pas à craindre que l’équilibre entre
les recettes et les dépenses soit détruit, ainsi que je l’ai démontré d’après
les renseignements que m’a donnés mon honorable collègue le ministre des
finances.
Je dois rencontrer quelques observations présentées
par l’honorable préopinant. Je le ferai de la manière la plus brève possible.
L’honorable membre a demandé comment on avait fait
pendant les exercices précédents où on avait une somme moindre. Je répondrai
d’abord qu’en 1831, 1832 et 1833, nous ne fournissions pas, à beaucoup près,
autant à l’armée.
Mais, depuis 1833, l’armée
a augmenté successivement ses commandes ; et les prisons ont travaillé
davantage. Je l’ai déjà dit, c’est un bien, puisque l’armée se procure de cette
manière de meilleurs marchandises et à meilleur marché. C’est donc parce que
nous fournissons davantage à l’armée que nous avons besoin d’un capital plus
fort. C’est ensuite pour ne pas être exposé à devoir laisser chômer les
ateliers de prisons. Quand j’ai visité la prison de Vilvoorde, j’y ai vu plus
de cent prisonniers sans travail, les magasins ne pouvant pas fournir de
matière première en quantité suffisante.
Où seraient donc les inquiétudes que pourraient
faire naître l’allocation que je demande ? Serait-ce en ce qu’elle donnerait au
gouvernement le moyen de faire travailler davantage dans les prisons ? Quel mal
peut-on y trouver ? Aucun. Le chiffre du budget n’en sera pas plus élevé.
Quiconque s’entend aux affaires ne confondra pas les 1,250,000
fr. dont il s’agit avec des dépenses véritables. En effet, considérerait-on
comme dépenses chez un négociant l’encaisse qui sert à faire marcher son
établissement ? Il en est ainsi de l’allocation que je demande. Je prie la
chambre de maintenir son premier vote et j’espère que l’honorable préopinant
n’insistera pas davantage, sur ses observations.
On a parlé des 700 mille fr. demandés pour
l’entretien et la nourriture des détenus. J’espère que cette somme ne sera pas
employée et que 650 mille fr. suffiront ; mais comme l’ont fait observer le
rapporteur de la section centrale et un honorable député d’Alost, il ne serait
pas prudent de réduire l’allocation à ce chiffre, car il pourrait arriver
qu’une somme plus forte fût nécessaire, et on serait obligé de demander un
nouveau subside.
M. Dubus. - Les
observations que j’ai faites relativement à l’emplacement sur lequel on se
propose de construire un nouveau palais de justice, ont été l’objet d’une
courte réponse du ministre : il a dit avoir présenté à la section centrale les
motifs qui déterminent le gouvernement à faire cette construction, et qu’ainsi
elle a eu ses apaisements ; mais ces observations tendaient à obtenir pour
moi-même les renseignements qui lui ont été donnés, car il paraît qu’elle a
gardé pour elle ce qui lui a été communiqué ; cependant, il me paraîtrait utile
que la chambre tout entière connût les motifs du gouvernement. Sur ce point,
j’ai fait observer que la formule des articles du budget ne tranchait pas la
question, et qu’elle laisse toute latitude pour l’application de la dépense ;
aussi, je ne puis qu’insister sur les observations que j’ai faites, et engager
le ministre à y regarder à deux fois. Cependant comme le ministre ne croit pas
pouvoir différer jusqu’à l’année prochaine, et comme la somme a été votée, je
ne persisterai pas.
J’arrive au chapitre VIII, et je ferai remarquer
que les articles de ce chapitre ont une certaine connexité entre eux ; et nous
avons vu plusieurs fois le ministre nous demander des transferts d’un à
l’autre.
La chambre a donc pu allouer d’autant plus
facilement les 700,000 fr. pour le premier article, que jusqu’alors il n’avait
pas été demandé d’augmentation sur l’art. 6.
Relativement à cet article 6 le ministre dit que ce
n’est pas proprement une dépense qu’il énonce ; qu’il ne s’agit que d’un compte
ouvert ; que les sommes qui y sont spécifiées sont employées en acquisition des
matières premières et en paiement de salaires, et seront recouvrées par le
trésor ; que ce n’est pas son département qui fait ce recouvrement et qui peut
de nouveau employer ces fonds comme ferait un fabricant : cette observation est
juste ; cependant les réponses du ministre ne me satisfont pas entièrement, et
je vais dire sous quels rapports.
Il semblerait que cette
année on va fabriquer davantage que les années précédentes, qu’on va employer
davantage de matières premières ; car sans cela je ne comprendrais pas comment
on demanderait davantage pour acheter de ces matières ; cependant le ministre
ne demande que les mêmes frais pour les salaires et les gratifications des
détenus.
Si on ne demande que 100,000 fr. comme auparavant,
c’est qu’on ne fera que le même travail ; or si on ne fait que le même travail,
l’augmentation de crédit sera une avance sur les années futures, afin de faire
une espèce de magasin ; alors je demande que cette avance, au lieu de la former
dans un seul exercice, on le fasse aux dépens de deux exercices, afin de
réduire le chiffre du budget de cette année. Le ministre n’est pas obligé de
créer, dès cette année, un approvisionnement de plus de 300,000 fr.,
approvisionnement qui n’a pas existé depuis 1831. Il peut faire son magasin
avec 150,000 francs, pris sur une année, et avec 150,000 fr. pris sur l’année
suivante.
Quoi qu’il en soit, je ne comprends pas comment les
bénéfices seront plus grands, puisqu’on ne demande que le même salaire et la
même gratification pour les détenus, c’est-à-dire 150,000 francs : on n’a pas
demandé autre chose en 1835.
Je persiste à penser que les modifications que j’ai
proposées pourraient être adoptées.
M. Gendebien. -
Ainsi que l’a fait remarquer l’honorable M. Dubus, il est impossible que nous
portions au budget un crédit de 100,000 francs qui sera majoré de plus de
140,000 fr. sans savoir pourquoi : nous ne pouvons allouer cette somme sans
connaissance de cause ; or, le rapport de la section centrale ne nous donne
aucun renseignement d’après lequel nous puissions établir un jugement.
On se propose d’établir le palais de la cour de
cassation sur le terrain de l’ancien palais de justice sous le roi Guillaume ;
eh bien ce serait une fort mauvaise entreprise. Il existe au palais de justice
actuel, des terrains assez grands pour construire les bâtiments nécessaires à
quatre cours de cassation ; et il resterait encore des terrains à vendre.
De plus, on pourrait disposer de la totalité des
terrains de l’ancien hôtel Van Maanen, que l’on veut
consacrer au palais de la cour de cassation.
En ouvrant une rue dans cette partie de la ville,
de la rue des Petits-Carmes à celle de
Je demande avec instance que vous n’allouiez pas le
crédit demandé, à moins qu’on ne vous soumette les plans comparatifs d’un
palais construit près de la cour d’appel et d’un palais construit sur
l’emplacement de l’hôtel Van Maanen. Vous verriez,
d’après ces plans comparatifs, à quels résultats économiques on parviendrait ;
et je suis persuadé que vous n’accorderiez pas la somme demandée. Pourquoi,
d’ailleurs, deux palais différents pour la cour d’appel et pour la cour de
cassation ? Il en naîtra de grands inconvénients.
Comment les avocats et les avoués près la cour de
cassation pourront-ils suivre les affaires qu’ils auront près la cour d’appel ?
Ce sera une gêne des plus grandes. S’il y a deux locaux séparés pour ces deux
cours, il faudra qu’ils restent quelquefois deux ou trois jours près la cour de
cassation, en attendant leur tour pour plaider ; pendant ce temps ils pourront
arrêter le service de la cour d’appel. Toutes les fois que des avocats plaidant
à la cour d’appel et à la cour de cassation, auront commencé une plaidoirie en
appel, force sera de suspendre lorsqu’ils auront des affaires au rôle de la
cour de cassation, ce qui entravera le service de la cour d’appel ; tandis que
si les deux cours étaient dans le même local ils pourraient continuer devant la
cour d’appel, et souvent achever les affaires au moment où la cour de cassation
les appellera pour y plaider. Le bon ordre et le service public comme les
convenances pour les avocats seraient donc satisfaits en adoptant mes
observations.
Je ne sais pas pourquoi on
compterait pour rien la gène que l’on cause aux
avocats ; c’est une classe d’hommes qui mérite au moins quelques égards.
Si on veut considérer la question sous le rapport
financier, il y aurait perte ruineuse pour le gouvernement. Si on la considère
sous le rapport du service, il y aurait de graves inconvénients à adopter le
projet du ministre, tandis qu’en construisant près de la cour d’appel il y
aurait bénéfice et convenance pour tout le monde.
Les architectes, il est vrai, n’auront pas
l’occasion de faire une belle façade, un beau péristyle sur la place du Sablon,
mais, il ne s’agit pas ici des intérêts d’amour-propre des architectes...
J’invite le ministre à examiner de près la chose, de prendre des renseignements
ultérieurs.
Quant à la somme pétitionnée par le ministre, pour
augmenter l’achat des matières premières nécessaires aux ateliers des prisons,
je ne trouve pas d’inconvénient à voter aujourd’hui comme j’ai voté
précédemment. Mais, puisqu’on est revenu sur cette question, je demanderai ce
que deviennent les bénéfices sur le travail des ouvriers ? et
où il en est rendu compte ? la délicatesse du ministre
est à couvert, puisqu’il ne touche pas un sou ; toutefois, il faut que le pays
sache quel usage on fait de ces bénéfices.
Il me semble que l’on ne porte tous les ans aux
voies et moyens qu’une somme égale à celle que l’on pétitionne pour l’achat des
matières. On nous parle sans cesse des bénéfices des travaux dans les prisons ;
on vous annonce que la somme supplémentaire de 300,000 fr. qui porte le chiffre
total à 1,250,000 fr. n’est qu’une avance qui rentrera
avec des bénéfices considérables. Je demande si l’on rendra compte un jour de
ces bénéfices qu’on évalue si haut lorsqu’il s’agit d’obtenir un crédit
supplémentaire.
J’invite surtout le ministre à examiner la question
concernant les constructions pour la cour de cassation avant de prendre un
parti définitif.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - L’honorable préopinant a raison de dire qu’avant
d’entreprendre des constructions, il faut y regarder à deux fois et s’entourer
de tous les renseignements positifs ; aussi, je le prie de croire que c’est ce
qui a été fait. Un premier projet était de construire dans l’ancien palais de
justice, à côté de la cour d’appel, et si on ne le suit pas il ne faut pas
croire que les architectes aient eu de l’influence sur la décision de la
question. Il a été reconnu qu’il y avait perte pour le trésor en construisant
sur les terrains de l’ancien palais de justice. Je ne puis entrer ici dans de
grands détails pour prouver qu’il en serait ainsi ; je les ai développés devant
la section centrale, et je puis communiquer tous les renseignements désirables
à MM. Gendebien et Dubus, relativement à ce point.
Si on construisait dans ce vieux palais, ce serait
s’engager à le conserver et à réparer de vastes bâtiments dégradés ; tandis
qu’on peut tirer un grand parti des terrains immenses qu’offre cet emplacement,
en y traçant des rues. L’ouverture de ces rues donnerait de grands bénéfices en
vendant le terrain.
Un plan a été fait pour bâtir sur le terrain de
l’ancien hôtel Van Maanen, et on a reconnu que ce
projet était meilleur que le premier. Ce n’est pas un nouveau palais de justice
qu’on projette, mais seulement les constructions nécessaires pour la cour de
cassation ; et si un jour on voulait construire des bâtiments pour y réussir
tous les corps judiciaires, ce qui serait à désirer, l’édifice que nous allons
élever pourrait servir à la cour d’assises, qui se trouverait très bien placée
à côté de la prison des Petits-Carmes.
Je dirai que toutes les raisons données par
l’honorable préopinant nous étaient connues et ont été pesées. Le gouvernement
n’a d’autres motifs de préférence que l’économie et les convenances, motifs qui
ont été appréciés et accueillis par la section centrale. Les architectes n’ont
eu aucune influence sur le choix de l’emplacement du nouveau
bâtiments, ils n’ont fait que tracer les plans qui leur ont été
demandés.
Je reviens aux 300,000
francs pour achat de matières premières et salaires des prisonniers.
L’honorable député de Tournay n’a fait qu’une
observation nouvelle sur ce point. Ce qui prouve, a-t-il dit, que l’intention
du gouvernement n’est pas d’augmenter le nombre des travailleurs dans les
prisons, c’est qu’il demande la même somme pour le salaire des prisonniers.
Mais où le préopinant a-t-il trouvé que je ne demandais que la même somme de
100,000 fr. ? Dans les documents que j’ai soumis à la chambre, j’ai porté la
somme de 100,000 francs comme le minimum de la somme destinée aux salaires,
mais il serait absurde de supposer que l’on demandât un capital plus fort pour
les matières premières et qu’il n’y eût pas augmentation de salaires.
L’honorable député de Mons demande où sont les
bénéfices des prisons : d’abord dans les voies et moyens on voit figurer une
somme plus forte que celle des avances ; ajoutez à cela que les prisonniers
font les vêtements dont ils ont besoin, qu’ils fabriquent tous les instruments
nécessaires à leurs travaux ; qu’ils font des constructions. Si l’on
déterminait la valeur de ces vêtements, de ces instruments et de ces
constructions, il en résulterait un bénéfice considérable.
Au reste, messieurs, je ne laisserai rien à désirer
à la chambre ; je lui présenterai dans le courant de l’année une statistique
sur les prisons. Nous n’avons qu’à gagner en faisant connaître ce qui se passe
dans ces établissements : ainsi que je l’ai dit, ils font l’admiration des
étrangers ; j’invite les honorables membres de cette assemblée de saisir
l’occasion qui leur est offerte de les visiter. Je suis persuadé qu’ils en
seront également satisfaits.
M.
de Behr, rapporteur. - Nous avons parlé dans le rapport de ce qui est
relatif à la construction d’un palais pour la cour de cassation sur
l’emplacement de l’ancien hôtel du ministère de la justice ; et voici comment
nous nous exprimons dans ce rapport :
« Le local où siège la cour de cassation est
tout à fait insuffisant et fort incommode pour le service. Ce local est
d’ailleurs devenu nécessaire pour le logement du tribunal de première instance
et de la cour d’appel qui l’occupait auparavant. Une construction nouvelle et
spécialement destinée au premier corps de la magistrature est donc inévitable.
Toutes les sections ont reconnu cette nécessité, en témoignant toutefois le
regret de n’avoir pas eu communication des plans et devis de la construction
projetée. M. le ministre s’est empressé de faire venir les pièces à la section
centrale. Entre divers projets le gouvernement s’est arrêté à celui de
construire un palais sur le terrain de l’ancien hôtel du ministère de la
justice ; le plan en a été dressé par l’ingénieur en chef de la province, et
soumis à la cour de cassation, qui l’a agréé, sauf quelques changements importants
dans la distribution intérieure. Le devis estimatif en fixe la dépense à fr.
240,000, somme moindre de 10,000 fr. que celle qui avait d’abord été jugée
nécessaire. Une section a demandé si la ville de Bruxelles ne pourrait pas
intervenir dans cette dépense. Votre section centrale n’a pas trouvé qu’il fût
juste ni rationnel d’imposer une charge à la commune, à l’occasion d’une
dépense qui est toute d’intérêt public, et doit comme telle incomber à l’Etat.
Elle a d’ailleurs été convaincue que la situation financière de la ville
capitale ne lui permettait pas de supporter un sacrifice de ce genre ; elle a
donc partagé l’opinion générale des sections et voté l’allocation proposée, en
mentionnant au budget que le total de la dépense ne pourrait excéder la somme
de fr. 240,000.
Ainsi, nous avons indiqué le plan auquel la cour de
cassation a donné son assentiment.
M. Gendebien. -
J’ai dit que c’était dans cette chambre que j’avais appris pour la première
fois qu’il était question de construire le palais de justice sur l’emplacement
de l’ancien hôtel Van Maanen ; et la raison est toute
simple pour qu’il en soit ainsi : c’est que j’étais absent quand on a discuté
pour la première fois le budget de la justice. Je louerai d’ailleurs l’honorable
susceptibilité de M. le rapporteur de la section centrale.
Quant aux comptes à rendre des bénéfices sur les
travaux des prisonniers, je ne suis pas satisfait des détails que vient de
donner le ministre sur ce point. Il paraîtrait que l’on ferait des
constructions avec ces bénéfices, c’est-à-dire que l’on ferait des dépenses
sans allocation spéciale. Mais comme le ministre a promis des détails
statistiques, j’attendrai qu’ils soient présentés pour asseoir mon jugement.
- Le chiffre 1,250 000 fr. mis aux voix est adopté.
Chapitres IX et X
Les chapitres 9 et 10 n’ayant pas été amendés ne
donnent lieu à aucun début.
Dispositions légales
Le budget de la justice se résume dans les articles
suivants :
« Art. 1er. Le budget du département de la justice
pour l’exercice 1836 est fixé à la somme de 5,744,915
fr., conformément au tableau ci-joint. »
« Art. 2. la présente loi sera obligatoire au
moment de sa promulgation. »
- Ces articles sont adoptés.
Vote sur l’ensemble du
projet
On procède à l’appel nominal sur l’ensemble du
budget de la justice.
69 membres sont présents
4 se sont abstenus.
63 ont voté l’adoption.
2 ont voté le rejet.
En conséquence, la loi est adoptée.
Ont voté l’adoption : MM. Beerenbroeck, Bekaert-Baekelandt, Berger, Bosquet, Coppieters, Cornet de Grez, de Behr, de Jaegher. de Meer de Moorsel, W. de
Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Renesse, de Roo, de Sécus,
Desmaisières, Desmet, de Terbecq, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubois, Dubus aîné,
Bernard Dubus, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Hye-Hoys,
Lardinois, Liedts, Manilius, Mast de Vries, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb,
Pirmez, Pirson, Polfvliet, Quirini, Raikem, A.
Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Rouppe, Schaetzen, Scheyven, Scheyven, Simons, Stas de Volder,
Thienpont, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Vanden Wiele, Vanderbelen, Verdussen, Vergauwen, L. Vuylsteke, Watlet et Zoude.
Ont voté le rejet : MM. Frison et Seron.
MM. Gendebien, Jullien, Smits et H. Vilain XIIII se
sont abstenus.
M. Gendebien. -
Je me suis abstenu parce que je n’ai pas assisté à la discussion.
M. Jullien. - Je
me suis abstenu par le même motif.
M. Smits. - Et moi
aussi.
M. H. Vilain XIIII.
- Et moi également.
PROJET DE LOI PORTANT LE
BUDGET DU DEPARTEMENT DE
Discussion des articles
Chapitre Ier. Administration centrale
M. le président. -
L’ordre du jour est la continuation de la discussion du budget de la marine. Le
premier article du chapitre Ier, administration centrale, a été adopté.
Article 2
« Art.
2. Matériel : fr. 3,500.
- Adopté.
Chapitre II. Bâtiments de guerre
Article premier
« Art. 1er. Personnel : fr. 330,524. »
- Adopté.
Article 2
« Art. 2. Matériel : fr. 303,804. »
M. le président. -
La section centrale propose de réduire cette allocation de 19,927 fr., et, par conséquent,
d’en fixer le chiffre à 283,877 fr.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, la section
centrale a proposé sur les vivres une réduction de 19,927 fr. Le calcul de M.
le rapporteur de la section centrale a été établi d’après les procès-verbaux
d’adjudication qui lui ont été remis par le ministre de la marine. Il y avait
cependant alors une partie des vivres qui n’était pas adjugée, notamment les
vivres secs et le genièvre. Cette adjudication a eu lieu seulement le 25 ou 26
décembre, et de ce chef il y a eu une légère augmentation.
Toutefois, M. le rapporteur de la section centrale
dans les calculs qu’il a faits et que d’ailleurs, je reconnais être entièrement
exacts, n’a pas tenu compte d’un article du cahier des
charges, d’après lequel, il faut bonifier
à l’adjudicataire 8 p. c. de la valeur de l’adjudication pour la
livraison des futailles.
Il n’a pas été tenu compte de ces 8 p. c. dans les
calculs faits par le rapporteur de la section centrale. Mais le soin qu’on a
mis à conserver les futailles livrées les années précédentes permettra de se
servir des mêmes futailles. De manière que nous pourrions faire une réduction
de 14 ou 15 mille fr. Ensuite nous avons obtenu une légère diminution sur
l’adjudication des vivres, du pain et de la viande ; par ces considérations, je
ne vois aucun motif pour m’opposer à la réduction de 19,927 fr. que propose la
section centrale. Mais j’ai voulu en expliquer les motifs à la chambre.
D’abord c’est que la somme est purement éventuelle,
qu’elle dépend des adjudications ; et ensuite, le principal motif pour lequel
je peux me rallier à la section centrale, c’est qu’on pourra se passer de
futailles cette année, et se servir de celles livrées par les adjudicataires
les années précédentes. Mais il est à craindre que l’année prochaine on ne
puisse plus s’en servir, il faudra une augmentation pour de nouvelles
futailles.
- La réduction proposée par la section centrale est
adoptée.
Le chiffre de l’article 2 se trouve réduit à
283,877 fr.
Chapitre III. - Magasin de la marine
Article unique
« Art. unique.
Magasin de la marine : fr. 11,200. »
M. Gendebien. -
Je ne crois pas pouvoir me dispenser de rappeler ici les observations que je fais
chaque année. C’est probablement encore en vain que je les répète, mais je le
fais pour l’acquit de mon devoir. Je répète qu’il est fâcheux qu’un magasin
pour lequel on nous demande 8 mille fr., nous coûte 1,200 fr. de loyer et 2
mille fr. pour un garde du génie et l’ouvrier. Nous avons alloué l’année
dernière 8 mille f. pour objets à acheter.
Le crédit est le même cette année que les années
précédentes. En supposant qu’il reste la moitié des objets achetés l’année
dernière, nous aurions pour une valeur de 12 mille fr. en magasin, et nous
paierions pour le loyer de ce magasin 1,200 fr., c’est-à-dire 10 p. c. pour
abriter les valeurs qui s’y trouvent.
Je suis très raisonnable ; je ne crois pas probable
que les objets achetés conservent plus de la moitié de leur valeur après un an.
Si vous ajoutez à cela le traitement du garde-magasin et des ouvriers, vous
avez une dépense de 3,200 fr. pour conserver une valeur de 12,000 fr. au plus.
De sorte que cela nous coûte 30 p. c. par an de conservation.
Il faut avouer que quand on reste dans des
proportions si mesquines, on devrait tout autant supprimer notre marine. Je ne
demande pas qu’on la supprime, mas qu’on fasse quelque chose qui cesse d’être
ridicule.
J’avais demandé qu’on fasse quelque chose d’utile,
qu’on construisît des bâtiments à vapeur. Ce serait un excellent moyen de
défense vis-à-vis de
Il serait aussi d’une grande utilité pour la
douane. Eh bien, mes observations sont restées et resteront encore probablement
sans résultat. Je les renouvelle par forme de protestation, car je n’ai aucune espoir que le gouvernement en tienne compte plus que
les autres années.
Je le demande, qu’est-ce
que la dépense d’un bateau à vapeur ? Il entre dans sa construction du fer, du
bois et de la main-d’œuvre. Toute la dépense se fait dans le pays.
Le pays ne sera pas plus pauvre et l’Etat aura des
moyens de guerre qui pourraient être d’une grande utilité pour la douane, en
attendant que l’occasion d’en faire un autre usage se présente. Peut-on faire
une proposition plus rationnelle que celle-là ?
Je le répète, plutôt que de conserver notre marine
dans des proportions aussi mesquines, il vaudrait mieux la supprimer tout à
fait. Remettre d’année en année l’établissement futur d’un commencement de
marine quelconque, c’est véritablement une dérision. Dans un pays où il y a du
bois, de la houille et du fer en abondance, où tout le monde ne demande qu’à
travailler, je ne conçois pas cette apathie.
Chacun peut apprécier les services que ces
bâtiments pourraient rendre, soit en escortant nos bâtiments marchands, soit en
remorquant les bâtiments qui par les gros temps ne peuvent pas arriver à Anvers
et sont obligés de rester plusieurs jours à l’embouchure de l’Escaut. Ce serait
un moyen d’attirer le commerce à Anvers. Je désire que le ministre m’écoute et
fasse quelque attention à ce que je dis. Mais je n’en espère aucun fruit, et
comme je l’ai déjà dit, c’est plutôt par forme de protestation que je
renouvelle mes observations.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - L’honorable préopinant a
fait, sur le prix du loyer du magasin de la marine, une observation qui est
très juste. Ce loyer m’a paru aussi très élevé ; mais les locaux pour magasin à
Anvers sont extrêmement chers. Il n’a pas été possible à l’administration de
trouvé un magasin au-dessous de ce prix.
Je ferai remarquer à l’honorable préopinant qu’il
est dans l’erreur sur le peu d’importance des objets qu’il s’agit de conserver
dans ce magasin. D’abord, le magasin de la marine n’est pas seulement destiné à
recevoir les objets dont il est parlé au n°4 de l’article unique du chapitre 3,
c’est-à-dire des objets à renouveler pour tenir le magasin de rechange au
complet, il est destiné à recevoir des objets essentiellement distincts, de
ceux énumérés à cet article ; il est en outre destiné à recevoir tous les
objets mentionnés à l’art. 2, quand ces objets ne se trouvent pas à bord des
bâtiments. Il est des époques où une partie de bâtiments sont désarmés.
Dernièrement plusieurs canonnières ont été désarmées pendant assez longtemps,
parce que les matelots qui étaient à bord de ces canonnières avaient reçu une
autre destination. On rentre alors dans le magasins
les objets dont la conservation ne pourrait pas avoir lieu à bord des
canonnières.
En outre, je vous ferai remarquer qu’il résulte
d’un inventaire qui se trouve entre les mains de M. le rapporteur de la section
centrale, si je ne me trompe pas, que les objets consignés dans ce magasin ne
représentent pas seulement, comme l’a dit l’honorable préopinant, une valeur de
12,000 fr., mais que cette valeur monte au moins à 50,000 fr.
Messieurs, un magasin est une chose indispensable
non pas tant pour les objets qu’il s’agit de renouveler chaque année sur les
fonds de l’allocation en discussion et qui ne sont que peu d’importance,
puisqu’on ne demande que 8,000 fr. ; ce magasin est surtout nécessaire pour
constater la réception et pour la conservation des objets mentionnés à
l’article précédent lorsqu’ils sont déposés dans ces magasins ; ce qui arrive
chaque fois qu’ils ne peuvent être utilement ou avantageusement conservés à
bord des navires. C’est pour éviter parfois des dommages considérables qu’un
magasin est indispensable.
Je conviens que le loyer du
magasin est élevé. Dans toute autre localité on l’obtiendrait peut-être à un
prix plus bas. Mais il faut avoir égard aux localités. Il a été impossible de
trouver un moyen à un prix moins élevé dans la ville d’Anvers.
L’honorable préopinant a émis le vœu que la marine
nationale ne fût pas restreinte dans des proportions aussi mesquines que celles
où elle se trouve aujourd’hui. Je me félicite de partager entièrement à cet
égard la manière de voir de l’honorable préopinant.
Je pense que, dans l’état où se trouve le personne de la marine en Belgique, nous pourrions en
retirer des avantages plus considérables pour le pays. Je crois aussi qu’il
serait indispensable que la chambre s’occupât de la question de savoir s’il ne
convient pas de faire quelques constructions.
Mais les hommes de l’art que j’ai consultés tout
récemment encore sur cette question ne pensent pas comme l’honorable préopinant
qu’il faudrait construire des bateaux à vapeur. Ils sont d’avis que le pays
retirerait un plus grand avantage de la construction de quelques corvettes qui
rendraient de plus grands services à l’Etat. Si la chambre, sur cette question,
était du même avis que l’honorable préopinant, je ne verrais aucun inconvénient
à faire de ce chef une proposition spéciale.
M. Dumortier. -
Quoique je ne sois pas partisan de dépenses nouvelles, je pense que si le
gouvernement a l’intention de continuer à faire des expéditions commerciales
dans divers pays, ce que j’approuve fort, il trouverait une plus grande
économie à construire quelques navires qu’à en louer pour ces expéditions. Je
pense que M. le ministre de la marine ainsi que M. le directeur du commerce,
dans le cas où le gouvernement ne renoncerait pas au système des expéditions
commerciales, devrait examiner cet objet important de près.
Ces expéditions auxquelles je donne mon plein et
entier assentiment, car je les regarde comme extrêmement utiles pour le pays,
pourraient se faire d’une manière beaucoup plus économique, si l’Etat possédait
quelques bricks et qu’il les destinât à ces expéditions. D’abord, quant aux
marins, que le gouvernement les emploie dans des navires à lui ou dans des
bâtiments loués, c’est exactement la même chose. Mais ensuite, si le commerce
belge était attaqué par des pirates, nous aurions au moins les moyens de faire
respecter notre pavillon. Ce serait un grand avantage pour le pays.
Il me semble que le gouvernement ne doit perdre
aucune occasion pour apporter tous ses soins à l’amélioration de notre marine.
J’ai déjà eu l’honneur de le dire : que c’est une chose triste et déplorable
que l’état de notre marine marchande. Il fut un temps où le pavillon belge
sillonnait toutes les mers et faisait le commerce de toutes les parties du
monde. Aujourd’hui, je pose en fait que notre marine marchande ne compte pas
au-delà de 100 navires.
N’oubliez pas, messieurs, que les revenus du
commerce maritime constituent un des plus grands bénéfices de l’Etat. D’abord
les transports sont une source de richesses pour le trésor. Puis, si ce sont
des navires belges qui apportent les produits coloniaux dans notre pays, ils ne
quittent pas nos ports sans exporter les produits de nos manufactures dans les
colonies, et vous créez ainsi, pour l’industrie nationale, un débouché réel et
considérable, qui ne coûtera rien à l’Etat. Mais si, comme cela se fait
aujourd’hui, nous recevons les denrées coloniales que nous consommons par
navires étrangers, il arrivera que ces navires, après avoir déposé leur
cargaison, s’en retourneront pour charger une cargaison qui doit faire le
retour. C’est ainsi que
Je déplore que, depuis la révolution, nous n’ayons
rien fait pour nous créer une marine quelconque. Je désire donc que le
gouvernement prenne l’initiative pour créer en Belgique une marine marchande
réellement importante.
Puisque j’ai la parole sur le budget de la marine,
je dirai quelques mots concernant le pilotage de la ville d’Ostende.
Le pilotage, messieurs, est
organisé dans le principal port du royaume à Anvers, d’une manière économique
tout à fait dans l’intérêt du pays. Ce pilotage forme dans ce port une espèce
d’association qui baisse le prix des pilotes au fur et à mesure que les revenus
de la masse sont plus grands. L’on ne conserve en caisse qu’un fonds nécessaire
pour le service des pensions des veuves.
Par ce procédé le commerce trouve à Anvers le
pilotage à un prix excessivement modéré. Il n’en est pas de même à Ostende.
Depuis la révolution, la régence de cette ville s’est emparée du pilotage. Ce
n’est pas dans l’intérêt du commerce qu’elle fixe le prix du pilotage, mais
uniquement dans l’intérêt de sa caisse municipale. Aussi, chaque année, la
régence fait des bénéfices considérables sur cette branche de revenus.
Dans les sessions précédentes, nous avons, à
plusieurs reprises, appelé l’attention du gouvernement sur cette question. Nous
nous sommes dit qu’il n’était pas juste que la régence d’Ostende s’emparât d’un
revenu qui pourrait procurer des bénéfices au trésor.
Si l’on veut exploiter les ressources du pilotage,
que l’on rétablisse au moins ce qui existait sous le roi Guillaume ; que ce
soit le trésor de l’Etat qui fasse ce bénéfice.
Et remarquez que ce bénéfice monte à une somme notable ; car si je m’en
souviens bien, il était de 30,000 fr. ou florins sous le gouvernement
précédent.
Il me semble que, conformément aux anciennes
conclusions de la section centrale, la ville d’Ostende ne doit pas percevoir
les bénéfices du pilotage. Sous le gouvernement précédent, elle n’avait droit à
rien de ce chef. Si, depuis la révolution, elle s’est emparé
de cette branche de revenus, il faut réprimer cet abus, car il ne faut pas
permettre qu’une régence détourne, à son profit, des bénéfices qui reviennent
de droit au trésor public. Je demanderai donc au gouvernement ce qu’il a fait
pour s’assurer du revenu du pilotage d’Ostende, qui devrait être versé dans les
caisses de l’Etat.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je pourrais donner des
explications au sujet de l’interpellation de l’honorable préopinant. Mais je me
permettrai de lui faire observer que cela rentre dans les attributions de M. le
ministre de l'intérieur et que c’est par conséquent au budget de ce département
que cette doit être soulevée.
Quant à ce que l’honorable préopinant a dit des
expéditions commerciales que l’on a faites dans quelques pays, je lui dirai
qu’il est dans l’erreur s’il croit que le gouvernement loue des navires pour
faire ces expéditions. Le département de la marine fournit uniquement le nombre
de marins nécessaires pour le navire frété par l’expéditeur.
Toute autre stipulation, comme celle relative aux
primes, enfin tout ce qui concerne l’expédition en elle-même, est encore dans
les attributions de M. le ministre de l'intérieur. Je ne me permettrai pas
d’entrer à ce sujet dans des détails qui concernent plus particulièrement mon
honorable collègue.
- Le chiffre en discussion est mis aux voix et
adopté.
Chapitre IV. - Dépenses éventuelles
« Art. unique.
Dépenses éventuelles : fr. 4,200. »
M. le président. -
La section centrale propose de changer l’intitulé et de dire : « Secours
aux marins blessés : fr. 4,200. »
M. le président. - M. Legrelle, qui n’est pas présent à la
séance, a proposé l’amendement suivant :
« Je propose de rédiger comme suit l’intitulé
du chap. IV :
« Secours aux marins blessés et aux veuves des
officiers de marine qui, sans avoir droit a la pension se trouvent dans une
position malheureuse. »
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il figure une
demande au budget qui forme l’objet du chap. IV. Elle a été ainsi intitulée
jusqu’à présent : « Secours aux marins blessés. » Vous voyez que
cette demande est purement éventuelle. L’honorable M. Legrelle a déposé sur le
bureau un amendement qui consiste en ce sens qu’il propose d’ajouter à l’intitulé
que je viens de rappeler les mots suivants : « Et aux veuves d’officiers
de marine qui, sans avoir droit à la pension, sont dans une position
malheureuse. »
L’honorable député d’Anvers demande donc que sur ce
fonds on puisse au besoin accorder des secours à des veuves d’officiers de
marine qui, sans avoir droit à la pension, se trouvent dans une position
malheureuse.
L’événement qui a donné
lieu à cet amendement, c’est la mort récent d’un officier de marine, lieutenant
de vaisseau, décédé à Anvers. Cet officier était marié. Mais il n’avait rien
versé dans la caisse des veuves de l’armée. Le nombre des officiers de marine
n’est pas assez considérable pour que l’on établisse une caisse particulière.
Il s’est trouvé que la veuve n’a aucun droit à la
pension aux termes de la loi. L’honorable M. Legrelle a eu en vue de faire
autoriser le gouvernement, par son amendement, à accorder un secours provisoire
à la veuve de cet officier de marine. Je n’ai aucune objection à faire à
l’amendement de M. Legrelle, sauf peut-être qu’alors, il faudrait augmenter le
chiffre de 4,200 fr. Je me permettrai cependant de faire observer à la chambre
que ce crédit est purement éventuel, que dans les années précédentes l’on n’a
jamais dépensé plus de 300 fr. sur cette allocation, de manière qu’à moins de
grands malheurs que je ne puis prévoir, je crois qu’en définitive l’on pourrait
imputer sur ce crédit le secours que l’on accorderait à la veuve de l’officier
dont il s’agit.
M.
Rogier. - Si personne ne s’oppose à l’adoption de cet amendement, je ne
prendrai pas la parole. Je rappellerai seulement que l’intitulé proposé par
l’honorable M. Legrelle est le même qui figure aux budgets des départements de
l’intérieur et de la justice.
J’ajouterai que la proposition de M. Legrelle
n’entraînera aucune augmentation de dépenses.
M.
Gendebien. - Je me bornerai à engager M. le ministre des affaires
étrangères à déterminer les officiers de marine à verser les retenues sur leur
traitement dans les caisses de l’armée.
M. A. Rodenbach.
- J’avais demandé la parole pour faire la même observation que l’honorable M. Gendebien. Je ne présenterai pas d’amendement.
Mais il me semble que les officiers de la marine qui reçoivent des traitements
assez élevés, pourraient verser des retenues sur ces traitements dans les
caisses de l’armée, afin qu’à l’avenir les veuves de ces officiers ne viennent
pas réclamer des secours au gouvernement. Je ne m’oppose pas à ce que l’on en
accorde à la veuve de l’officier dont on a parlé. C’est un cas spécial. Mais il
faut faire en sorte qu’il ne se présente plus. Il dépend entièrement des
officiers de marine de laisser des pensions à leurs veuves. Si à l’avenir le
cas dont il s’agit se présentait, il ne faudrait pas que le trésor public
souffrît de l’incurie de ces officiers. Je termine en déclarant que je trouve
le chiffre de 4,200 fr. assez élevé.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne pense pas qu’il puisse
entrer dans l’intention de la chambre de faire donner une pension de 4,200 fr.
à la veuve dont il s’agit. Ce serait un simple secours qu’on lui accorderait, sauf
à le renouveler s’il y a lieu. Il me semble aussi que cela ne doit pas
dégénérer en abus. C’est cette crainte qui m’a empêché de présenter une
proposition formelle.
La veuve dont il s’agit se trouve dans une positon malheureuse. L’humanité exige peut-être qu’on
lui accorde un secours.
- L’intitulé proposé par M. Legrelle est mis aux
voix et adopté.
Chapitre V. - Constructions de la marine
M. le président. -
le chapitre suivant : « Constructions de la marine, » n’étant porté
que pour mémoire, ne sera pas mis en discussion.
M. Gendebien. -
Je prie M. le ministre de la marine de se rappeler qu’il a pris l’engagement
d’examiner la question des constructions navales.
Dispositions légales
« Art. 1er. Le budget de la marine pour
l’exercice de 1836 est fixé à la somme de 639,355 fr., conformément au tableau
ci-annexé. »
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le
lendemain de sa promulgation. »
- Adopté.
Vote sur l’ensemble du projet
- La chambre décide qu’il y a lieu de procéder
immédiatement au vote par appel nominal du budget de la marine.
La chambre vote par appel nominal. Le budget est
adopté par 70 membres sur 71 qui ont répondu à l’appel. E conséquence, il sera
transmis au sénat.
M. Gendebien et M. Smits se sont abstenus.
M. Gendebien. -
Je me suis abstenu, parce que tout en ne voulant pas voter contre le budget de
la marine, je ne puis l’admettre dans l’état d’insuffisance de notre marine
militaire. J’espère que M. le ministre s’occupera enfin d’une proposition que
j’ai renouvelée 4 ou 5 fois. Alors, je
voterais volontiers en faveur du budget qu’il présentera.
M. Smits. - Je me
suis abstenu, parce que l’indisposition dont je relève ne m’a pas permis
d’étudier les budgets.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE LA DETTE PUBLIQUE ET DES DOTATIONS
POUR L’EXERCICE 1836
Discussion des articles
Titre Ier. - Dette publique
Chapitre Ier. - Intérêt de la dette
Article premier
(Moniteur
belge n°34, du 3 février 1836) « Art. 1er. Intérêts de la dette active
inscrite au grand livre auxiliaire : fr. 611,894 17 c. »
- Adopté.
« Art. 2. Intérêts de l’emprunt de 100,800,000 francs, autorisé par la loi du 16 décembre 1831 : fr.
5,040,000.
« Dotation de l’amortissement de cet emprunt :
fr. 1,008,000.
« Ensemble : fr. 6,048,000. »
M. Dubus. - Je
remarque dans le rapport de la section centrale une observation qui me paraît
juste ; c’est qu’une partie des intérêts de l’emprunt Rothschild doivent être
appliqués à la dotation de l’amortissement de cet emprunt et retranchés de la
première division de l’article pour être reportés dans la deuxième.
La section centrale fait observer que tant que
l’emprunt n’avait pas atteint le pair, il était difficile de calculer les
sommes nécessaires à l’amortissement. Mais maintenant ce calcul est facile
puisque l’amortissement consiste dans le remboursement au pair. Cependant, la
section centrale n’a pas fait de modification. C’est pourquoi je rappelle
l’attention de la section centrale sur ce point.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je pense qu’une simple explication satisfera
l’honorable préopinant, ainsi que la chambre et la section centrale. Il est
bien vrai qu’une partie des 5,040,000 fr. portés pour
l’intérêt de l’emprunt belge sert à racheter des obligations, et par conséquent
cette partie accroît d’autant et successivement la dotation fixe de
l’amortissement. Il est évident, messieurs, que d’après l’intitulé même du
crédit total de 6,048,000 fr., qui consiste en ces
mots « intérêts de l’emprunt belge, » l’on ne peut faire usage de ce crédit que
conformément aux clauses du contrat de cet emprunt passé entre M. Rothschild et
le trésor public. Ce contrat indique l’usage qu’il faut faire des diverses
sommes. Une partie sert à payer l’intérêt du capital qui se trouve actuellement
réduit à 96,253,000 fr. La différence qui existe entre
l’intérêt de ce capital et la somme de 5,040,000 fr.
sert au rachat d’autres obligations. Cela se fait en vertu du contrat.
Si toutes ces obligations
se rachetaient au pair, il serait facile de régler la somme nécessaire à
l’amortissement. Mais nous ne pouvons pas prévoir si cette année nous
rachèterons les obligations de l’emprunt belge au pair pour les deux semestres.
Il est possible que nous puissions racheter au-dessous du pair, et alors la
partie d’intérêt à appliquer à l’amortissement deviendra plus considérable. Il
est à remarquer qu’après le premier tirage nous avons pu racheter au-dessous du
pair les obligations du semestre échu en novembre. Il peut très bien arriver
qu’en 1836 il en soit de même.
Aussi ce serait gêner le ministère des finances et
la cour des comptes, sans le moindre avantage, que de faire trois articles
séparés de l’article en discussion.
L’on avait demandé l’année
dernière des détails explicatifs pour indiquer la situation de l’emprunt, Je
crois avoir satisfait aux désirs de l’assemblée par le tableau joint au budget.
Je pense qu’au lieu de faire trois articles séparés, il serait plus convenable
de laisser au ministère le soin de joindre au budget la situation de l’emprunt,
et celle de l’amortissement, comme cela a été fait cette année. Cela vaudrait
mieux que d’arrêter des chiffres qui sont variables par leur nature et ne
peuvent conséquemment pas être prévus ni fixés exactement. Il n’y a aucune
espèce d’inconvénient à craindre ; la cour des comptes en a jugé ainsi,
puisqu’elle n’a pas hésité à admettre les achats d’obligations imputés sur le
crédit des intérêts de la dette qui autorisent la dotation de l’amortissement.
M.
Verdussen. - J’approuve ce que vient de dire M. le ministre des
finances. Je crois que si la section centrale avait voulu porter ses regards
sur ce qui s’est passé l’année dernière au sujet du crédit en discussion, elle
aurait pu se convaincre que toutes les difficultés étaient aplanies. Si, comme
M. le ministre des finances vient d’en prendre
l’engagement, on nous donne tous les ans un tableau de situation de l’emprunt,
le vœu émis par la section centrale se trouvera rempli. J’ai une observation à
faire à M. le ministre des finances. Je vois que sur les fonds votés l’an
dernier il est resté 3,064 fr. Il me semble qu’il conviendrait d’ajouter cette
somme au crédit de 1836 et reporter ainsi en règle générale le reliquat de
l’année précédente au crédit de l’exercice courant pout contribuer
au remboursement de la dette.
M. le ministre des finances a dit qu’il fallait
racheter des obligations au pair. Je pense que le terme dont il s’est servi
n’est pas tout à fait celui qui convient. Il y a rachat quand les obligations
sont au-dessous du pair. Mais il ya remboursement quand elles ont atteint le
pair et au-delà.
M.
d'Hoffschmidt, rapporteur. - L’honorable M. Verdussen dit que si la
section centrale avait fait attention au tableau annexé au budget, elle
n’aurait pas présenté l’observation qu’elle a faite. Je répondrai que M. le
ministre des finances n’avait pas pris l’engagement, comme il vient de le
faire, de présenter tous les ans, un tableau indiquant la situation de
l’emprunt belge. Si dorénavant ce tableau supplée à l’intitulé que la section
centrale proposait, cela reviendra exactement au même. Le but de la section
centrale était d’apporter le plus de clarté possible dans les opérations de cet
emprunt. Ce but se trouve atteint par la promesse de M. le ministre.
M. le ministre a dit que les clauses du contrat
stipulaient que l’excédant du crédit des intérêts servirait à l’amortissement
de l’emprunt. Cette considération ne nous eût pas arrêtés ; car peu de
personnes connaissent les clauses de ce contrat. Mais du moment que le tableau
fourni cette année sera reproduit tous les ans, la section centrale n’a plus
rien à demander.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je déclare positivement que je prends
l’engagement, au nom du gouvernement, de fournir tous les ans un tableau
explicatif annexé au budget des dotations, afin que l’on puisse suivre la
marche de notre dette.
Dans cet état de choses, vous pouvez adopter la
division de l’article, telle qu’elle est proposée ; car le tableau vous
indiquera tous les ans la situation de l’emprunt.
M. Dubus. -
J’ai une explication à demander à M. le ministre des finances. Je suppose que
les obligations remboursées reposent non pas à Paris ou à Londres, mais au
trésor public.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Elles sont annulées.
M. Dubus. -
Alors je ne conçois pas comment on en paie l’intérêt. Je croyais que c’était le
trésor public, possesseur de ces obligations, qui en recevait l’intérêt...
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - C’est autant de moins à payer.
M. Dubus. - Je
ne comprends pas comment la cour des comptes peut autoriser le paiement de
l’intérêt d’obligations annulées. C’est une question de forme de comptabilité
que je fais. Je ne sais pas comment les choses se passent. Je comprendrais très
bien, si les obligations rachetées existaient, que le gouvernement en consacrât
l’intérêt au fonds d’amortissement. Mais il me paraît singulier de payer
l’intérêt d’obligations annulées.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je me serai probablement mal
exprimé puisque l’honorable M. Dubus ne m’a pas compris.
Il est bien vrai que l’on porte dans la première
partie de l’art. 2 les intérêts de l’emprunt de 100,800,000
francs, montant à une somme de 5,040,000 fr. Mais c’est en vertu des clauses du
contrat que cette somme doit continuer à être comprise au budget de la dette
publique pour payer d’abord l’intérêt de ce qui reste de l’emprunt ; ensuite le
surplus, également aux termes du contrat, est destiné au rachat des
obligations, et vient grossir par conséquent, la dotation fixe de
l’amortissement. Voilà pourquoi la cour des comptes a pu appliquer à autre
chose, si vous voulez l’entendre ainsi, qu’au placement de l’intérêt, une
partie des 5,040,000 fr.
L’honorable M. Dubus demande comment il est
possible que la cour des comptes paie au département des finances l’intérêt
d’obligations éteintes. La cour des comptes n’a aucun paiement à faire, ni
ordonnance de paiement à délivrer ; mais c’est autant de moins que le
département des finances demande de ce chef. Si ce département conservait les
obligations devers lui (ce qui serait contraire aux clauses du contrat), il
devrait se faire à lui-même le paiement des intérêts de ces obligations.
Il ne peut y avoir aucun doute sur la marche à
suivre dans cette opération ; ce qui le prouve c’est que la cour n’a fait
aucune objection, attendu que la matière se trouve réglée par le contrat même.
II y est dit que l’intérêt des obligations amorties sera appliqué au rachat de
nouvelles obligations, dont les intérêts viendront à leur tour grossir la
dotation de l’amortissement. Dans dix années d’ici notre amortissement ira très
rapidement. Lorsqu’une forte partie du capital de la dette se trouvera annulée,
quand par exemple le capital ne sera plus que de fr. 80,000,000,
l’intérêt des 20 millions amortis servira au rachat d’obligations restantes,
indépendamment de la dotation fixe de l’amortissement. Cette progression de
l’amortissement de la dette serait encore plus rapide si l’emprunt descendait
au-dessous du pair, parce qu’alors nous pourrions racheter à moindre prix.
M.
Dumortier. - L’opération de l’emprunt Rothschild est assez simple. Vous
savez que notre gouvernement a contracté pour 4 millions de livres sterling au
taux de 25-20 la livre sterling. La combinaison a été calculée de telle manière
qu’au bout de 36 ans, l’emprunt se trouvera complètement remboursé. Les chiffres
portés au budget ne présentent que l’intérêt du capital au moment de l’emprunt
et la somme fixée alors pour l’amortissement. Mais l’on se tromperait fortement
si l’on croyait que ces chiffres présentent l’état actuel des choses. Le fonds
d’amortissement jouit déjà de l’amortissement des cinq années précédentes et de
l’intérêt du même amortissement. Ce fonds ira toujours en s’accroissant, et au
bout de 36 ans nous aurons amorti l’emprunt.
Dans le principe, il y avait donc deux chiffres qui
représentaient quelque chose : le premier, l’intérêt de l’emprunt ; le second,
le total du fonds d’amortissement. Aujourd’hui, il est difficile de se faire
une idée de ces deux sommes par l’inspection des deux chiffres de l’article 2.
Car l’intérêt du capital ne monte plus en réalité à 5,040,000
fr. ; il est moindre de ce qui a été payé depuis le jour de l’amortissement.
D’un autre côté la dotation de l’amortissement s’élève à plus de 1,008,000 fr., parce que cette somme s’est amorti de la somme
réduite du premier chiffre.
En définitive l’on arrive au même résultat,
c’est-à-dire au chiffre total de 6,048,000. Mais
peut-être trouverez-vous plus convenable de ne porter que ce chiffre total
après que les budgets présentent toujours des effectualités.
Comme, d’après les termes du contrat, c’est deux
fois par an que le paiement et le rachat des obligations a
lieu, il faudrait, si l’on voulait déterminer les deux chiffres de l’article
sujet à des variations, les fixer pour chacun des semestres, ce qui ne serait
guère possible dans un budget annal. La seule chose que l’on pourrait faire,
c’est de supprimer la division qui existe dans le budget et de ne présenter que
le chiffre total de 6,048,000 fr.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - C’est précisément ce que a
lieu dans le budget.
M. d'Hoffschmidt,
rapporteur. - La question relative à la conversion de la rente ayant
été soulevée dans la section centrale, je dois vous entretenir un instant de
cette motion importante ; et quoique je ne sois pas fort initié dans les hautes
questions d’administration financière, je me hasarderai d’énoncer ici mon
opinion à cet égard.
Je dirai d’abord qu’en agitant cette question nous
n’avons pas eu en vue ce qui se passe maintenant en France sur le même sujet.
Il y a longtemps que cette question a été agitée dans nos chambres, et M. le
ministre des finances a encore eu, au mois de septembre dernier, l’occasion de
faire connaître publiquement son opinion sur la conversion dont il s’agit, en
répondant à un honorable sénateur que cette opération pourrait se faire lorsque
le moment serait opportun ; ce n’est donc pas par esprit d’imitation que nous
traitons cette question. Du reste, quand une mesure est bonne, l’on fait bien
de l’imiter.
Je crains fort, messieurs, que l’on hésite trop sur
l’opportunité de l’opération de la conversion de la rente ; en général les
gouvernements sont à mon avis trop timides à cet égard, et je crains qu’ici
encore les moments favorables ne soient pas saisis dans l’espoir d’en trouver
de meilleurs ; ce système de temporisation peut être considéré comme prudent,
mais aussi il peut faire manquer les opérations les plus utiles dans l’intérêt
financier de l’Etat. Mais j’entends que l’on me dit : Nos fonds dépassent à peine
le pair, et vous parlez déjà de réduire la rente ?
Je crois, messieurs, qu’il est utile d’expliquer
pourquoi nos fonds ne dépassent pas encore de beaucoup le pair ; cette
explication est nécessaire dans l’intérêt de notre crédit public.
Vous savez que l’amortissement de l’emprunt
Rothschild se fait, lorsque nos fonds parviennent au pair ou le dépassent, par
un tirage au sort des obligations ; et ce remboursement est considérable,
puisque l’emprunt qui est de 100,800,000 fr. doit être
amorti au bout de 36 ans. De sorte que les acquéreurs au-dessus du pair des
obligations de cet emprunt courent une forte chance d’essuyer une perte tous
les six mois par suite de ce tirage au sort.
Voila pourquoi, messieurs, notre emprunt ne
dépassera jamais beaucoup le pair, il tombera même au-dessous lorsque le fonds
d’amortissement deviendra plus considérable par suite de l’accumulation des
intérêts des obligations rachetées avec la dotation de l’amortissement, et
c’est là un grand mal pour le crédit public.
L’on peut affirmer avec assurance que, sans ces
fortes chances de remboursement qui arrêtent évidemment la hausse, nos fonds
auraient bientôt atteints le taux des fonds français qui sont cependant les
meilleurs fonds de l’Europe.
L’emprunt Rothschild a été
conclu par suite des circonstances à des conditions fort onéreuses pour la
Belgique, et ces conditions subsisteront jusqu’à la conversion de la rente ; et
il est constant que nous pourrions dès à présent opérer cette conversion à des
conditions fort avantageuses ; je ne forme aucun doute que si nous réduisions
la rente à 4 p. c., nos fonds n’atteignissent encore bientôt le pair, et nous
pourrions opérer cette conversion sans devoir craindre la demande de forts
remboursements ; d’ailleurs, ce ne serait pas là un inconvénient, notre crédit
étant assez affermi pour faire contracter des emprunts à des conditions
avantageuses.
L’on me dira sans doute : Comment, vous voulez
convertir notre rente au bout de quatre ans, tandis que, depuis 20 ans, cette
question est agitée en France, sans que l’on ait osé la décider ? Mais,
messieurs, je vous ferai observer que les fonds français sont restés 20 ans
avant d’atteindre le pair, les emprunts s’étant contractés sous l’empire à 55
et 60 les 5 p. c. ; et maintenant que le taux du pair
est dépassé de 9 p. c., l’on propose, en cas de conversion, d’indemniser les
porteurs de ces fonds au moyen d’annuités. Ici, aucune considération politique
non plus que le taux de nos fonds ne nous obligerait à de semblables mesures.
La conversion de la rente aurait, dans un pays
essentiellement industriel, comme l’est le nôtre, une influence des plus
heureuses. Les capitaux au lieu de se porter vers la spéculation en fonds
publics, reflueraient vers les entreprises industrielles, seraient employés
dans des entreprises d’utilité publique, et ce serait là un grand bienfait pour
le pays. Je ferai valoir en faveur de la conversion une autre considération qui
est aussi très forte à mes yeux, c’est que par cette importante mesure, qui
serait de nature à diminuer considérablement les charges publiques, l’on
atteindrait en même temps une classe de personnes qui échappent aux impôts de
l’Etat, malgré que par leur fortune, ils devraient y contribuer fortement, je
veux parler des rentiers et des capitalistes, qui jouissent des avantages de la
société sans en partager les charges. Ils profitent, au contraire, de
l’élévation du taux de l’emprunt, que nous pouvons considérer comme le plus
onéreux que nous puissions jamais faire.
Je termine en réitérant à la chambre que je n’ai
abordé une question aussi ardue que parce qu’elle a été agitée dans le sein de
la section centrale qui appelle toute votre attention et celle du gouvernement
sur un objet digne de méditation puisqu’il se rattache fortement à la
prospérité du pays.
M.
A. Rodenbach. - Je demanderai aussi de toutes mes forces que le
ministre des finances veuille bien nous soumettre un projet de loi sur la
conversion de la rente. Il s’agit d’une économie d’un million par an pour
M. Verdussen. -
Je ne me permettrai pas d’entamer une discussion aussi difficile, aussi
profonde que celle que doit provoquer la réduction de l’intérêt de la rente.
Cependant il est des expressions dont se sont servis les deux honorables
préopinants que je ne peux laisser sans réponse, car on pourrait en induire
dans le public que l’intention de la chambre est de diminuer l’intérêt de la
dette. Moi, je soutiens qu’on ne peut songer à diminuer l’intérêt que quand on peut
faire le remboursement.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - C’est bien entendu !
M. Verdussen. -
Alors on doit proposer à ceux qui portent des obligations Rothschild de les
rembourser, à moins qu’ils ne consentent à réduire l’intérêt.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est évident.
M. Verdussen. - Le
ministre a un moyen de savoir jusqu’où va notre crédit ; c’est par la dette
flottante.
Cette dette flottante me fait peur. Au premier
mouvement européen, ou à la veille d’une guerre, notre crédit pourrait être
gravement atteint, sinon anéanti ; et alors je ne sais pas ce que l’on pourrait
faire avec les 20 millions de dette flottante. Je crois que le ministre devrait
les remplacer par l’emprunt qu’il est autorisé à faire pour la construction de
la route en fer ; et cet emprunt nous montrerait quelle est la confiance que
les Belges et les étrangers ont dans notre gouvernement.
M.
d'Hoffschmidt, rapporteur. - L’honorable M. Verdussen a trouvé
équivoques les expressions que nous avons employées, M. Rodenbach et moi, en
parlant de la conversion de la rente ; il a compris, paraît-il, que nous
voulions réduire l’intérêt sans offrir le remboursement du capital aux
porteurs, et ce serait là sans doute un moyen de réduire nos charges aussi
déloyal qu’illégal ; mais selon moi il n’y a qu’un mode équitable de conversion
; c’est celui par lequel l’on offre au créancier l’alternative du remboursement
ou de la réduction des intérêts, ce n’est que de cette manière que j’ai entendu
que l’on pourrait atteindre le capitaliste.
Il y a d’autres modes de conversions, mais à mon
avis, ce ne sont pas ceux-là que doit adopter une nation, telle que la nôtre,
qui outre qu’elle est dans l’état financier le plus prospère, sait respecter
toutes les conventions. Par exemple l’on peut opérer des conversions de rentes
en éloignant indéfiniment le remboursement du capital que l’on augmente à
proportion de la diminution que l’on effectue sur les intérêts ; par là l’on
surcharge l’avenir pour soulager le présent. C’est ainsi qu’a agi la Hollande
lors de sa réunion avec la Belgique en rendant perpétuelle une dette qui devait
être remboursée. Nous repousserons toujours de semblables conversions ;
M. Dumortier. -
Je pense que dans l’intérêt de
Je dois dire qu’il faut que l’on sache que nous
voulons le respect du contrat passé entre nous et les rentiers, et que s’il est
vrai que l’emprunteur ait toujours droit de se libérer, il est vrai aussi que
nous ne diminuerons pas notre dette annuelle comme l’a fait
Notre crédit public n’est pas encore parfaitement
assis : il n’y a que cinq ans que nous avons fait un premier emprunt, et vous
savez à quel taux onéreux nous l’avons contracté.
Le taux de l’intérêt auquel nous avons contracté
est incontestablement plus élevé que le taux de l’intérêt en Belgique. Dans le
moment où l’Etat se trouvait en pénurie de fonds, nous avons emprunté à 5 p. c. ; il est clair que si nous voulions traiter maintenant,
nous aurions des capitaux à 4 p. c.
Il est un second fait à constater : c’est que si
une réduction de l’intérêt de la dette pouvait être opérée, il n’y aurait pas
diminution de un million. (Bruit.)
Quand vous aurez affaire aux banquiers pour le
paiement de 4 p.c. afin d’opérer le paiement de 5 p. c.,
vous vous trouvez entre les mains des juifs, nos plus cruels ennemis ; et la
différence, bien qu’elle paraisse de prime abord devoir être de un million,
n’atteindrait pas cette somme.
Pouvons-nous lancer ici légèrement des paroles
formelles de réduction de la rente, alors que nous nous trouvons dans la
possibilité de faire d’autres emprunts ? Une nation qui débute, doit-elle tout
d’abord faire des réductions de rente ? Un tel système serait fort à craindre
si elle avait besoin d’emprunter encore. Je ne pense pas que nous puissions
penser à de telles opérations quand nous ne faisons que débuter dans la
carrière politique.
Cependant, si l’on veut élever le crédit public, il
y a un moyen bien simple.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Voyons !
M. Dumortier. -
C’est de faire des séries des actions qui existent et de tirer au sort celles
qui seront annuellement remboursées et de cette façon vous ne porterez
préjudice à personne. Je me borne à indiquer ce moyen.
Je le répète, il ne faut pas traiter légèrement de
semblables questions ; elles peuvent nuire au crédit public. (Aux voix ! aux voix !)
- Le chiffre 6.048,000 fr. mis aux voix est adopté.
« Art. 3. Frais relatifs au paiement des
intérêts et l’amortissement de cet emprunt, et arriéré de ces mêmes frais pour
1832 et 1833 : fr. 130,000. »
M. Dumortier. -
Je crois que cette somme est fort élevée.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Elle est la même que les années précédentes.
M. Dumortier. -
Oui ; mais alors nous payions pour deux années.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il reste à payer un arriéré.
M. Dumortier. -
L’arriéré ne doit pas être considérable. On nous opposait des avantages que
nous aurions à payer à Londres et à Paris ; mais ce chiffre ne le prouve pas.
En second lieu plus on amortit de rentes et moins
il y a de courtage à payer, puisque pour les rentes amorties il n’y a plus de
courtage à payer. La somme demandée est donc trop élevée. Je pense qu’il y a
lieu de la réduire.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - La somme qui vous est demandée, et qui est la
même que celle votée les années précédentes ; est par sa nature extrêmement
éventuelle, car elle dépend de la variation du change sur Londres où les
intérêts des obligations sont pour la plupart payés à cause même des avantages
qu’offre presque toujours ce change.
J’avais pris à diverses reprises une mesure tendant
à faire solder par anticipation, et jusqu’à trois mois d’avance, les intérêts
de notre emprunt. J’espérais qu’il y aurait eu à cela avantage pour le trésor
public, et il y en aurait eu en effet si les porteurs avaient profité de cette
anticipation. Mais nous avons eu très peu de coupons à payer, attendu que la
différence du change sur Londres est toujours plus importante que les 3 mois
d’intérêt que l’on gagnerait par le paiement ainsi anticipé.
L’honorable M. Dumortier a fait remarquer que la
somme de 150,000 fr. demandée est la même que l’année dernière. Mais on doit
remarquer qu’elle est aussi destinée à payer quelques arriérés de 1832 et 1833.
On ne peut faire de dépenses sur le crédit dont il
s’agit qu’après que la cour des comptes a reconnu la validité du paiement et a
donné son visa. Comme au reste la somme de 130,000 fr. est présumée devoir être
à peu près suffisante, je ne pense pas qu’il convienne de la réduire de
quelques mille francs, car cela pourrait nous mettre dans la nécessité de vous
demander un crédit supplémentaire.
- L’art. 3 est adopté avec le chiffre de 130,000
fr.
Article 4
« Art. 4. Intérêts et frais présumés de la
dette flottante : fr. 1,200,000. »
M. Dumortier. -
Nous voici arrivés à la plus grande plaie du pays, à la dette publique. Car il
est incontestable que ces 20,290,000 fr. de dette
flottante peuvent être considérés comme un déficit réel pour le pays. A la
vérité nous avons 4 millions pour avances à la route en fer. Mais il n’en est
pas moins vrai que nous avons un déficit de plus de 20 millions. C’est là une
somme énorme. Il faut donc que nous réglions avec économies les dépenses de
l’Etat ; il nous faut rayer du budget toute dépense superflue, et réduire toute
dépense qui peut être réduite.
Comme j’ai eu l’honneur de le dire dans plusieurs
précédentes séances, toujours nos dépenses ont été supérieures à nos recettes.
Nous suivons là une voie très fausse. Et où cela nous mène-t-il ? à avoir un définit de plus de 20 millions. Quel peut être le
résultat d’une pareille situation du trésor ? C’est que, comme je l’ai dit dans
une séance précédente et comme l’a dit tout à l’heure l’honorable M. Verdussen,
à la moindre crise, à la moindre chance de guerre en Europe, et si un souverain
de qui dépend la paix européenne venait à mourir, notre crédit public serait
ébranlé. C’est donc une position infiniment fâcheuse qu’un pareil déficit ou
plutôt qu’un pareil débet du trésor public, pour me servir du mot propre.
Pour mon compte je désire que la représentation
nationale mette un terme à cet état de choses, car à la moindre crise en Europe
tous les porteurs de bons du trésor en exigeraient le remboursement. Je sais
bien que tous ces bons du trésor ne sont pas à l’échéance d’un seul et même
jour, je sais qu’ils sont échelonnés de jour en jour. Mais qu’est-ce que cela
prouve ? Ces demandes de remboursement n’en seront pas moins une source
d’embarras, et une pareille position doit être prise en considération par le
gouvernement et les chambres.
Pour moi j’appelle le jour où l’on comblera le
déficit par un moyen bien simple, c’est-à-dire en forçant une bonne fois la
banque à payer l’arriéré qu’elle doit. Cet arriéré s’élève à une somme
considérable.
M. Rogier. - Il ne
s’agit pas de la question de la banque.
M. Dumortier. -
Nous devons forcer un débiteur récalcitrant à rendre ses comptes, ce qu’il ne
peut pas faire, et à payer ce qu’il doit au trésor public. Nous comblerons
ainsi notre déficit !
Plusieurs
membres. - Appuyé !
M.
Dumortier. - Je demande après le vote de la loi communale, la chambre
s’occupe sans aucun retard de cette importante question. Car c’est une chose
inouïe qu’un comptable de l’Etat, un caissier de l’Etat qui refuse de rendre
ses comptes. Qu’est-ce en effet que la banque ? Un grand comptable, mais rien
qu’un comptable. Si un pareil exemple pouvait être suivi, si un comptable
pouvait traîner le trésor public devant les tribunaux, il en résulterait que
tous les comptables agiraient de même.
Il faut donc combler le déficit au moyen de
l’arriéré de la banque : car encore une fois le trésor est en débet de 20
millions, et si le jour arrivait où nous aurions besoin d’argent, nous
trouverions la banque pour nous en prêter. Mais à quel taux ? A 68 p. c. comme
elle l’a déjà fait.
M. Meeus. -
Jamais !
M. Dumortier.
Voilà ce qui arriverait.
Je crois donc qu’il faut employer le moyen que
j’indique ; forcer la banque à payer, et combler ainsi le déficit du trésor
public.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Messieurs...
Plusieurs
membres. - C’est inutile !
Un grand
nombre de membres. - Aux voix ! aux voix !
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je dirai seulement deux mots sur l’observation
de l’honorable M. Dumortier. Il
a reproché au gouvernement (et contre son intention sans doute, d’après ce
qu’il a dit, en finissant) de maintenir un déficit de 20 millions. Mais
l’honorable préopinant a sans doute perdu de vue les explications que j’ai
données lors de la discussion des voies et moyens, car je crois avoir démontré
alors que l’affectation donnée à une majeure partie des bons du trésor,
c’est-à-dire le chemin de fer et
Il est à observer que dans cette somme se trouve
comprise ainsi que le dit le rapport :
« 1° Celle de fr. 1,490,000,
pour laquelle il a été émis des bons, le 19 novembre 1835, par suite de la loi
du 26 septembre précédent, relative à la rétrocession faite par les
concessionnaires de la canalisation de
« 2° Les avances faites au département de
l’intérieur, pour les travaux du chemin de fer, jusqu’au 25 novembre, en
paiements effectués, indépendamment de l’encaisse s’élevant, au minimum, à 1,000,000 fr., qui doit toujours être disponible, fr.
4,415,408 71 c.
« Ensemble, fr. 5,905,408
71 c.
« Qu’il convient de déduire pour établir la
véritable émission pour le service de l’Etat ; reste donc 14,384,891
20 c. »
Veuillez remarquer aussi que si nous vous demandons
un million 200,000 fr. pour intérêts des bons du trésor, nous portons au budget
des voies et moyens plus de 600,000 francs pour produit du chemin de fer et
d’autres revenus pour
Si je n’avais en vue que ma propre facilité, la
facilité de l’administrateur qui est à la tête des finances, j’adopterais à
l’instant les idées émises par l’honorable M. Verdussen et qu’a touchées aussi
l’honorable M. Dumortier ; je comblerais sans retard la dette flottante au
moyen d’un emprunt. Car vous pensez bien que cette dette flottante ne se règle
pas sans embarras pour l’administration des finances.
En effet il faut tout combiner de manière à avoir
toujours un encaisse suffisant, sans qu’il soit trop considérable, et émettre
les bons du trésor de sorte à ne pas en amener la dépréciation par une trop
grande masse jetée à la fois dans la circulation ; il faut aussi avoir soin de
ne pas cesser tout à coup, et par intervalle, d’en livrer au public, parce
qu’on dépopulariserait ainsi ce papier devenu utile et recherché par le
commerce et les capitalistes. Enfin l’on doit encore se guider d’après les
recettes ordinaires et les besoins de l’Etat.
Vous voyez donc par ce qui précède que
l’administration gagnerait beaucoup en facilités à admettre l’opération d’un
emprunt pour combler la dette flottante. Mais je pense que dans l’intérêt de
l’Etat il faut différer encore la négociation de cet emprunt ; car ; de même
que nous le ferions maintenant à un taux meilleur qu’il y a un an, de même il
est probable que si nous attendons, il se présentera des circonstances plus
favorables encore. Il ne faut pas n’envisager les choses que sous l’aspect
sombre que fait entrevoir M. Dumortier : il faut songer aussi à la prospérité
toujours croissante du pays, à la paix générale qui, quoi qu’on en dise, se
consolide chaque jour ; il faut compter sur l’avenir et espérer du temps une
amélioration graduelle de notre situation matérielle.
Si l’on pouvait adopter la mesure suggérée par M.
Dumortier et qui consisterait à faire combler notre dette flottante par la
banque, ce serait sans nul doute d’un effet plus certain et plus facile. Il ne
faut donc pas, même en raisonnant d’après lui, se presser pour faire un emprunt
: cet emprunt au surplus pourra se combiner avec l’opération de la conversion
de nos rentes dont on a parlé ; et je crois que sous ce rapport il convient
d’attendre le moment où notre crédit qui se consolide chaque jour davantage,
sera tout à fait assuré. Alors cette grande opération devra avoir lieu sans
retard. Car il faut que notre crédit soit dans une bonne position, pour que
nous fassions un nouvel emprunt de cent millions. Je dis cent millions, car il
faudrait cette somme pour être à même de rembourser au pair ceux qui ne
voudraient pas prendre du 3 ou du 4 p. c. selon le
taux de l’emprunt. C’est là, je pense, la véritable base d’une conversion équitable.
- L’art. 4 est adopté.
Articles 5 et 7
« Art. 5. Intérêts de la dette viagère : fr.
8,000. »
- Adopté.
________________
« Art. 6. Intérêts aux anciens
concessionnaires de
- Adopté.
________________
« Art. 7. Intérêts à la société générale pour
favoriser l’industrie nationale, en exécution de la transaction avec lesdits
concessionnaires : fr. 230,705 89
c. »
- Adopté.
Article premier
« Art. 1er. Pensions ecclésiastiques : fr.
830,000. »
- Adopté.
« Pensions civiles : fr. 535,000. »
- Adopté.
« Pensions civiques : fr. 225,000. »
- Adopté.
« Pensions militaires : fr. 1,520,000. »
M. Dumortier. -
Messieurs, sous le gouvernement précédent, une des choses contre lesquelles on
a le plus réclamé, un des griefs les plus fondés que l’on ait signalés contre
le gouvernement hollandais, c’est le taux exagéré des pensions, le chiffre
exorbitant auquel elles s’élevaient.
Il est fort malheureux de le dire : la même marche
est suivie par le gouvernement actuel.
Il est vrai que des réductions ont été opérées et
de très fortes sur les pensions ecclésiastiques. En 1833 elles s’élevaient à
près d’un million, elles ne s’élèvent maintenant qu’à 830,000 fr. Je conçois
cela, parce que la mortalité doit nécessairement diminuer le nombre des
pensionnaires.
Mais les pensions civiles qui ne s’élevaient qu’à
400,000 fr. en 1833, s’élèvent maintenant à 535,000 fr. C’est donc 135,000 fr.,
c’est-à-dire un tiers de plus qu’en 1833.
Les pensions militaires qui ne s’élevaient qu’à 1,100,000 fr en 1833 s’élèvent maintenant à 1,520.000 fr.,
c’est-à-dire à 420,000 fr. de plus qu’en 1833. Remarquez, je vous prie, la
différence des chiffres. Cette augmentation n’est-elle pas réellement
effrayante. En 3 années nous avons augmenté les pensions milliaires de plus de
moitié, si vous avez égard à la mortalité parmi ces pensionnaires ; car les
pensions ne s’accordent qu’à des personnes âgées ou à des militaires ayant reçu
des blessures graves. Dès lors la mortalité en emporte un grand nombre chaque
année. Ainsi je mets en fait que la moitié de l’allocation a
pour objet des pensions accordées depuis 1833. Et dans quel moment donne-t-on
ces pensions avec tant de prodigalité ? Alors que nous sommes dans un état de
paix, ou au moins dans un état qui n’est ni la paix ni la guerre.
Si nous étions dans une situation analogue à celle
où s’est trouvée
Sans doute il n’y a pas de pensions plus
respectables que celles qui sont le prix du sang versé pour le pays. Mais je
voudrais que le gouvernement n’accordât pas de pensions à des officiers qui
peuvent encore rendre des services au pays, pour donner leurs grades à des
favoris ; c’est ce qui arrive trop souvent. Les généraux, les colonels et les
officiers supérieurs qui ont commandé notre armée aux grands jours de la
révolution, sont tour à tour écartés. Nous avons vu tous les hommes qui avaient
donné à cette époque les plus grands gages à la révolution et au pays mis en
dehors de la scène politique. Cela est extrêmement fâcheux. Par ces mesures
impolitiques vous grevez le trésor de pensions inutiles, vous vous écartez tous
les jours de plus en plus de la voie de l’économie. C’est un gouvernement à bon
marché que la révolution nous avait promis. Le gouvernement provisoire avait
écrit sur son drapeau « Liberté, économie, ordre public. »
M. Rogier. - On
vous a trompé ; cela n’est pas exact.
M.
Dumortier. - Je vous demande pardon ! L’on fonda alors un journal sous
le titre de l’Union. Et il avait pour
devise l’économie. Il vaudrait bien mieux ne pas renier cette devise.
Je sais bien que ce n’est pas au moyen de
l’économie qu’on créera un parti gouvernemental. Mais qu’arrivera-t-il si l’on
augmente toujours ainsi les dépenses de l’Etat ? C’est que l’on créera en
Belgique deux classes de personnes, l’une qui paiera l’autre recevra. Celle-ci
aura intérêt à maintenir le gouvernement, dans la crainte de voir diminuer ses
revenus ; mais l’autre qui paiera contre s’élèvera contre tous ces abus, et
d’autant plus qu’elle verra s’augmenter le nombre des griefs, qu’elle verra la
tendance du gouvernement à s’éloigner de plus en plus des principes de
l’économie.
Un autre grief c’est que les hommes qui au moment
de la révolution se sont placés à sa tête, qui ont conduit nos phalanges
victorieuses jusqu’à la frontière et qui ont conquis le territoire dont vous
gouvernez maintenant une partie, vous les avez mis hors la loi. Comme si
c’était vrai ce qu’a dit un illustre écrivain, qu’on doit toujours commencer
par écarter les hommes qui ont contribué à élever un pays. Mais en revanche les
places ont été dévolues aux hommes qui ont trempé dans des conspirations
tendant à renverser le gouvernement de la révolution. Cependant il est bien
évident que la véritable force du gouvernement serait dans les patriotes, dans
les hommes qui ont fait la révolution, parce qu’une communauté d’intérêt les
allie nécessairement à l’état de choses qui nous régit, tandis qu’on favorise
ceux qui se sont montrés opposés à la révolution.
Messieurs, ceux-là ne risquent rien, ils sont
toujours sûrs de conserver leur position, quel que soit le gouvernement que la
force des choses puisse amener. Voyez ce qui s’est passé dans des circonstances
antérieures. Qu’est-ce qui a fait la force de la première révolution française
? C’est qu’elle n’a accordé ses faveurs qu’aux partisans seuls de la révolution.
Quelle à été la cause de la faiblesse de La restauration ? C’est qu’elle a
employé des hommes qui n’étaient pas les hommes du pays.
Il est déplorable de voir que dans toutes les
branches de l’administration publique, on écarte les patriotes pour les remplacer
par des hommes qui n’ont donné aucun gage à la révolution.
Quant à l’article en discussion, je demande comment
il se fait que le chiffre se soit autant élevé, alors que notre armée est sur
le même pied qu’elle était en 1832.
M.
d'Hoffschmidt, rapporteur. - Le préopinant vient de stigmatiser le
gouvernement d’une manière très forte. Quant à l’élévation qu’a éprouvée le
chiffre des pensions, je reconnais avec lui que c’est un très grand mal, mais
ce mal je ne puis l’attribuer au gouvernement seul. La constitution nous a
imposé le devoir de réviser les pensions. C’est à la législature à faire cette
révision, à prendre l’initiative.
Il n’y a qu’un seul moyen de faire cesser l’abus
que vient de signaler l’honorable préopinant, avec des figures qui lui sont
propres. C’est de faire une loi. Je m’associe à lui pour demander qu’il soit
mis fin à cet état de choses.
Il est de fait que les pensions militaires
s’élèvent à un chiffre beaucoup plus fort que toutes les autres pensions, les
pensions ecclésiastiques, les pensions civiles, les pensions civiques et les
pensions de l’ordre de Léopold réunies, qu’on trouve déjà trop élevées.
Vous avez remarqué l’accroissement étonnant des
pensions militaires que vient de signaler M. Dumortier. Je pense que ces pensions augmenteront au fur et à
mesure qu’on augmentera le nombre des grosses épaulettes.
Le seul moyen, je le répète, d’arrêter l’élévation
du chiffre des pensions qu’on accorde en vertu de règlements existants, est
celui prescrit par la constitution.
Je demande instamment à la chambre de prendre cette
motion en considération, et dès que les lois organiques permettront d’aborder
cette question, de nommer une commission à cet effet avant de nous séparer.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Dumortier a trouvé moyen
d’accuser le gouvernement de conspuer les hommes de la révolution, et de
chercher à les éloigner des emplois publics partout où il s’en trouve. Pour mon
compte, je proteste contre ce reproche qui ne peut m’atteindre, et je pourrais
même citer une foule de cas où j’ai fait tout ce qui dépendait de moi pour être
utile à des hommes signalés comme ayant participé à l’émancipation de
Mes collègues en agissent de même, et depuis que
j’ai l’honneur de siéger à côté d’eux, je n’ai jamais rien entendu sortir de
leur bouche qui soit contraire aux principes qui me guident et que je mets en
pratique autant qu’il m’est possible. Quant à la hauteur du chiffre, il faut se
rendre compte des causes qui l’élèvent ainsi. D’abord aux officiers retraités
il faut joindre ce nombre effrayant d’hommes frappés de cécité : ce sont ces
malheureux qui ont pris une forte part de l’augmentation que l’on voit au
chiffre du budget. Ensuite de fortes pensions pour les officiers-généraux sont
aussi au nombre de celles dont on parle, mais les titulaires de ces pensions
sont des hommes dans un âge qui ne permet plus d’en espérer aucun service.
La section centrale a
trouvé que le gouvernement ne présentait pas ses chiffres d’une manière assez
précise. Elle a manifesté le désir d’avoir, à l’avenir, des renseignements plus
clairs, plus positifs : mais c’est bien plutôt de l’exactitude de ces chiffres
qu’il faudrait se plaindre, puisque chaque fois qu’on vous demande un crédit,
il est tellement calculé sur la dépense effective, que lorsque de nouvelles
pensions sont accordées, force nous est de venir réclamer un supplément à ce
crédit.
Le ministre des finances
d’ailleurs ne peut prévoir toute l’étendue de ces dépenses éventuelles, car
lorsqu’une pension est liquidée par un autre département, celui de la guerre
par exemple, le premier trimestre en est payé par ce département ; mais à
partir du second trimestre, c’est le ministère des finances qui doit payer, et
voilà ce qui fait varier continuellement le chiffre des pensions militaires et
autres.
Le reproche adressé
au gouvernement, parce qu’il ne présenterait pas des chiffres précis,
n’est donc pas justifie.
Quant aux détails sur les pensions, je ne puis les
donner comme ferait mon collègue du département de la guerre, car le rôle du
ministre des finances se borne à les inscrire au grand-livre, sans s’enquérir
des motifs qui les ont fait accorder.
Cependant je dirai avec M. d’Hoffschmidt que, s’il
y a augmentation, cela tient plus à la législation qu’au ministre qui ne fait
que l’appliquer. Et à cette occasion, je demanderai à la chambre que les lois
militaires qui lui sont présentées, sur l’avancement, sur la perte des grades
et sur les pensions, fassent, le plus tôt possible, l’objet de ses
délibérations : ces lois fourniront les moyens de circonscrire les prétentions
exagérées, mais aujourd’hui que le ministre de la guerre est forcé de mettre un
militaire à la pension, il faut qu’il suive les règles existantes.
Vous savez, du reste, que la pension pour les
malheureux frappés d’ophtalmie n’est pas considérable, mais que c’est à cause
de leur grand nombre que le crédit nécessaire est aussi élevé.
M. Dumortier. -
Je rends hommage à ce qu’a dit M. le ministre des finances. Je sais que toutes
les fois qu’il peut employer un patriote il le fait. Je l’en remercie
sincèrement.
Plusieurs
membres. - Aux voix ! aux voix !
M.
d'Hoffschmidt, rapporteur. - Je suis tout aussi impatient que qui que
ce puisse être d’arriver à la discussion de la loi communale, mais encore
faut-il que les budgets soient discutés, et que quand un rapporteur trouve
nécessaire de présenter une observation, il lui soit permis de le faire. (Parlez ! parlez !) Je ne dirai au reste
que deux mots sur les pensions militaires.
M. le ministre des finances a dit que, parmi les
pensions militaires, il y en avait beaucoup accordées à des ophtalmistes.
Nous savons tous en effet, et nous le déplorons, que nos soldats ont été
affligés de cette cruelle maladie. Mais peut-on dire que ce sont les pensions
accordées à ce titre qui ont fait augmenter le chiffre des pensions militaires
? Il a été accordé à ce titre 5 ou 600 pensions. Sans
doute c’est trop et malheureusement beaucoup trop. Mais lorsque l’on fait
attention que ces pensions sont de la faible somme de 150 francs par an, vous
devez reconnaître qu’elles sont, pour ainsi dire, de nul effet sur le chiffre
des pensions militaires. Ce qui augmente ce chiffre, ce sont les pensions
accordées aux officiers supérieurs, parce qu’elles sont très considérables, et
qu’un grand nombre d’officiers, au lieu de rester au service, préfèrent toucher
de telles pensions dans leurs foyers.
M. le ministre des finances a parlé de
l’observation consignée dans le rapport de la section centrale sur le défaut de
développements aux budgets ; mais cette observation n’est pas spéciale pour son
département ; elle s’applique au budget de tous les ministères, excepté un
seul, celui de la justice, qui présente tous les développements nécessaires.
Je vois que la chambre a hâte d’en finir. Je
termine donc là mes observations.
M. Gendebien. -
Il y en a d’autres à faire ; à demain.
M. Duvivier. - Il
semble résulter de ce qu’a dit l’honorable M. Dumortier que ce n’est que sous
le ministre actuel des finances que des patriotes ont été employés dans cette
administration. Je puis donner à la chambre l’assurance qu’il n’en est pas
ainsi. Pendant la durée de mon ministère, lorsque des patriotes ont demandé des
emplois et qu’ils ont fait preuve des qualités requises, ils ont été placés. Je
n’ai fait en cela que me conformer à un arrêté de M. le régent ; mais je m’y
suis conformé avec autant de scrupule et de religion qu’a pu le faire le
ministre actuel.
M. Gendebien. -
Nous ne sommes plus en nombre. A demain.
- La séance est levée à 5 heures.