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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 31 janvier 1835

(Moniteur belge n°32, du 1er février 1835 et Moniteur belge n°33 du 2 février 1835)

(Moniteur belge n°32, du 1er février 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

La séance est ouverte à une heure.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal.

M. Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. Il est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse donne communication des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Trois habitants de Bruly dénoncent les vexations et les tracasseries auxquelles ils ont été en butte de la part du receveur de l’enregistrement de Couvin. »

« Deux sauniers de Templeux adressent des observations sur le projet de loi relatif aux sels. »


« Les habitants notables d’Ettelbruck (Luxembourg) réclament l’intervention de la chambre pour obtenir la construction des routes proposées par M. de Puydt, et du canal de Meuse et Moselle. »

M. Watlet. - Je demande que la dernière pétition, dont il vient d’être donné connaissance à la chambre, soit directement renvoyée à la commission des travaux publics et à M. le ministre de l’intérieur.

M. Verdussen. - Voilà deux fois que des pétitions semblables sont directement renvoyées au ministre de l’intérieur. Si on attache quelque importance à un renvoi, si la chambre le considère comme une approbation donnée à la pétition qui lui est adressée, il faut qu’elle se donne le temps de l’examiner, et pour cela qu’elle renvoie la pétition à l’examen de la commission des pétitions. Si au contraire on regarde un renvoi comme rien, il faut renvoyer de suite toutes les pétitions aux ministres qu’elles concernent, sans perdre son temps à les examiner.

M. Watlet. - Messieurs, si j’ai demandé le renvoi direct de la pétition d’Ettelbruck, c’est parce que c’est une pétition analogue à celle qui vous a été adressée il y a deux jours, et pour laquelle le double renvoi que je propose a été ordonné malgré les observations que vient de reproduire l’honorable M. Verdussen. Il est à remarquer que je parle ici contre l’opinion que j’avais émise alors ; car, au lieu du renvoi à la commission des travaux publics, j’avais demandé le renvoi à une commission nommée ad hoc. Mais c’est pour me soumettre à la décision de la chambre que je demande aujourd’hui le renvoi qu’elle a ordonné alors.

La seule différence qu’il y ait entre les deux pétitions, c’est que celle-ci vous est adressée par les habitants d’Ettelbruck et que la première vous était adressée par les habitant d’une autre commune.

Vous devez, ou révoquer votre première décision, ou admettre la proposition que j’ai l’honneur de vous faire aujourd’hui.

M. Dumortier. - Je pense, comme l’honorable M. Verdussen, que nous établissons des précédents fâcheux en renvoyant légèrement aux ministres des pétitions, sans les avoir examinées. C’est ainsi qu’on a renvoyé une proposition de la ville de Charleroy, qui demande une seconde section à son tribunal...

M. de Brouckere. - Non ! non ! Vous vous trompez !

M. Dumortier. - Soit, mais plusieurs autres pétitions ont été renvoyées directement au ministre. Eh bien, je désapprouve souverainement cette manière de procéder. Le règlement y est formellement contraire. L’article 65 dit qu’il sera fait chaque semaine un rapport sur les pétitions. Je ne sais pourquoi depuis cette session nous nous abstenons d’exécuter cet article de notre règlement. Le droit de pétition est un des droits constitutionnels les plus importants, c’est un droit au moyen duquel la chambre intervient dans l’administration du pays. La chambre ne doit pas aliéner un droit aussi important.

Je demande qu’on réprouve la marche suivie dans les précédentes sessions, que conformément au règlement on ait chaque semaine un rapport de pétitions. Si nous ne faisons pas cela, il arrivera que le bureau du président sera tellement encombré de pétitions qu’on n’en examinera plus une seule. Et on dira en Belgique ce qu’on disait en Angleterre : Vous avez, peuple belge, le droit d’adresser des pétitions aux chambres, le président a le droit de les déposer sur le bureau, et les huissiers de les balayer.

Je demande que la commission des pétitions soit invitée à faire ses rapports, et que la chambre, conformément à ses précédents et suivant son règlement réserve la séance de chaque vendredi pour l’examen de ces pétitions. Il ne faut pas que le droit de pétition devienne une lettre morte par notre négligence. Quant à la pétition dont il s’agit, je demande qu’elle soit renvoyée à la commission des pétitions comme toutes les autres.

M. d'Hoffschmidt. - Je suis de l’avis de M. Verdussen qu’on ne peut toujours renvoyer soit au ministre, soit aux commissions spéciales, les pétitions adressées à la chambre sans les faire passer par la commission des pétitions.

Mais nous devons admettre des exceptions pour les cas d’urgence, et c’est le cas de la pétition dont il s’agit. En effet, vous avez institué une commission des travaux publics. Cette commission s’est chargée de faire un rapport sur plusieurs projets auxquels se rattache la pétition dont on vient de vous faire connaître l’objet, et ce rapport doit être fait incessamment. Si vous ordonnez le renvoi de la pétition dont il s’agit à la commission des pétitions, ce renvoi sera superflu, car vous n’aurez le rapport de la commission des pétitions que bien longtemps après celui de la commission des travaux publics.

Si on voulait abuser de ces renvois directs, je serais le premier à m’y opposer ; mais dans cette circonstance je crois qu’il est indispensable d’ordonner le renvoi direct au ministre de l’intérieur et à la commission des travaux publics, comme on l’a fait pour une pétition absolument identique.

- La proposition de M. Watlet mise aux voix est adoptée.

M. le président. - En conséquence la pétition des habitants d’Ettelbruck est renvoyée au ministre de l’intérieur et à la commission des travaux publics.

- Les autres pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions chargée d’en faire le rapport.

M. Dumortier. - J’avais demandé qu’on voulût bien consacrer les séances du vendredi aux rapports des pétitions. Je répète que nous n’avons pas encore eu de rapport depuis le commencement de cette session. Je demande qu’on consacre la séance de vendredi prochain à un rapport de pétitions.

- La proposition de M. Dumortier est mise aux voix et adoptée.


M. de Renesse donne communication d’un message du sénat informant la chambre qu’il a adopté la loi relative à la transformation des anciennes monnaies de cuivre en monnaies nouvelles.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1835

Discussion des articles

Chapitre IX. Travaux publics

Article 3

M. H. Dellafaille, rapporteur, donne lecture d’un long rapport que nous publierons dans un de nos prochains numéros.

M. de Robaulx. - Le rapport que nous venons d’entendre nous fait voir comment, au moyen d’un article du budget de 550 mille francs, on parvient à nous engager dans une dépense de cinq à six millions.

- Plusieurs membres. - Mais la question n’est pas en discussion.

M. de Robaulx. - Mon intention, je me hâte de le dire, est de demander l’ajournement ; mais je crois pouvoir faire sentir cette considération toute simple, c’est que si nous votons une somme quelconque, ne fût-ce que de cinq cent mille francs, votre vote impliquera l’approbation d’un canal qui est un ouvrage immense. Nous ne pouvons pas donner notre assentiment à un semblable projet, sans connaître à quoi en sont nos rapports avec les puissances étrangères, et notamment avec la Hollande, sans savoir s’il faudra faire simplement un canal d’écoulement ou un grand canal de navigation, sans savoir quelle influence pourra avoir sur les travaux qu’on se propose la proximité du chemin de fer.

Je demande en conséquence l’ajournement de l’article sur lequel on vient de faire un rapport, et de tout ce qui est relatif au canal de Zelzaete. Qu’on fasse un projet de loi séparé. La chose est assez importante pour être examinée mûrement, et passer par la filière des sections.

Je demande donc l’ajournement pur et simple.

M. H. Dellafaille, rapporteur. - Je n’ai rien à dire sur la proposition dont il s’agit, l’objet d’un projet de loi séparé. Mais je dois répondre à une observation faite par l’honorable préopinant, qui pourrait influer sur la décision de la chambre. Il n’est pas exact de dire que le vote qu’on demande à la chambre doive l’entraîner dans une dépense de 5 à 6 millions, car les travaux du canal entier ne sont évalués qu’à quatre millions. Il y a de plus cette circonstance que les deux sections du canal peuvent s’exécuter l’une indépendamment de l’autre. L’allocation des 550 mille fr. demandés n’engagerait pas la chambre dans la construction du canal entier, mais seulement de la section depuis Blankenberghe jusqu’à Damme, et dont la dépense est évaluée à 1,700 mille francs.

Je le répète, si on veut faire de cet objet un projet de loi séparé, je ne m’y oppose en aucune manière.

M. Dumortier. - Je viens appuyer l’ajournement proposé et inviter M. le ministre à faire de la proposition l’objet d’un projet de loi spécial. D’après le rapport que vous venez d’entendre, il s’agit d’une dépense de quatre millions, et vous avez entendu plusieurs membres nous dire que quand le canal serait achevé, il coûterait au moins neuf millions. Vous voyez qu’il n’y a aucune certitude dans les chiffres qu’on vous présente. D’un autre côté, personne de nous ne connaît ni le plan ni le profil, ni les devis, rien enfin de ce qui constitue le projet.

Lorsque le ministre est venu demander la construction d’un chemin en fer, il vous a présenté le plan, le profit, le devis ; il vous a fait voir les avantages et les désavantages de sa proposition. Mais ici, on veut engager le pays dans une voie de dépense énorme, sans que nous ayons la moindre pièce au moyen de laquelle nous puissions établir notre conviction. Le canal qu’on se propose de faire peut être utile, nécessaire même ; et cependant, à coup sûr, nous voterons contre, si on ne nous met pas à même d’apprécier son utilité. Je ne pense pas que l’intention des députés des Flandres soit d’emporter leur canal par la force. Or, si leur proposition est bonne, ils ne doivent pas craindre que la chambre s’éclaire, s’entoure de lumières. Si, au contraire, la proposition est mauvaise, c’est pour nous un devoir de demander à voir clair avant d’émettre notre vote.

Je demande donc qu’on fasse de cette proposition une loi séparée ; nous verrons quelle pourra être la dépense, si le canal projeté est nécessaire et si le pays doit intervenir dans l’exécution d’un travail qui a pour but principal d’améliorer des canaux des Flandres. Nous verrons si l’Etat doit supporter une dépense de quatre millions dans l’intérêt des canaux des Flandres ; nous verrons de plus si, en autorisant ce canal, nous ne compromettons pas dans l’avenir la souveraineté de l’Escaut.

Je demande donc, je le répète, qu’on fasse de ce projet l’objet d’un projet spécial et qu’on l’accompagne de tous les documents propres à former la conviction de l’assemblée.

M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, il s’agit ici d’une dépense de cinq à six millions. Vous avez renvoyé à la commission des travaux publics les propositions de la section centrale relatives aux routes. La question dont il s’agit est relative à un objet analogue, sauf que les travaux de route étaient d’un intérêt général, tandis que le canal de Zelzaete est un canal de dessèchement. On pourrait renvoyer également ce projet à la commission des travaux publics ; mais, vu l’intérêt de localité qu’il présente, je pense qu’il vaut mieux qu’il passe par la filière des sections. J’appuie donc l’ajournement proposé. Ce sera au gouvernement à faire une proposition spéciale s’il le juge à propos.

L’honorable M. Dellafaille, répondant à l’honorable M. de Robaulx qui avait présenté la dépense comme devant s’élever environ à 6 millions, a dit que les deux sections ne coûteraient que 4 millions, que la somme demandée n’engagerait la chambre que pour une section dont la dépense ne s’élèverait qu’à 1,700,000 francs. Selon l’honorable rapporteur, on peut prendre cette allocation dans le budget. Pour moi, messieurs, je demande à pouvoir réfléchir sur cette proposition, et j’attendrai pour cela qu’on nous ait remis les plans, les devis et toutes les pièces nécessaires. Je ne dis pas que le projet ne soit pas d’intérêt général, je ne l’ai pas examiné, et personne de nous n’a été à même de le faire. C’est une raison de plus pour demander l’ajournement.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je demande la parole pour faire une motion d’ordre. Dans une séance précédente, vous avez renvoyé à la section centrale l’article relatif au canal de Zelzaete. M. le rapporteur de la section centrale vient de vous faire un rapport sur cet objet. Ce rapport renferme des éclaircissements que la chambre n’a pas pu apprécier à une lecture rapide. Je demande l’impression et la distribution de ce rapport, afin que la chambre puisse l’examiner. Après avoir médité le rapport, chacun sera libre de faire telle proposition qu’il jugera convenable. Mais je demande d’abord l’impression et la distribution du rapport.

M. de Robaulx. - Messieurs, si l’intention de l’honorable membre était de vous faire discuter le rapport après l’avoir examiné, je conçois que sa proposition pourrait avoir une certaine utilité. Mais, arrivés que nous sommes à la fin du vote du budget de l’intérieur, pressés par le sénat qui attend pour avoir de l’ouvrage, le résultat de nos délibérations, nous ne pouvons pas attendre, pour voter définitivement ce budget, que la chambre se soit prononcée sur le rapport qui vient de lui être fait, et qui donnerait lieu à de longues discussions. M. le ministre de l’intérieur est plus à même que qui que ce soit de sentir la nécessité de voter définitivement son budget,

Mais, messieurs, ne nous y trompons pas, c’est un mezzo-termine que M. de Muelenaere nous présente. Je vois la portée de sa proposition. Ces messieurs sont des Flandres, et ils savent de quelle utilité le canal est pour les Flandres, et ils craignent qu’un ajournement indéfini ne soit prononcé aujourd’hui et ils proposent un mezzo-termine.

Avouez-le, M. le ministre des affaires étrangères, c’est de la diplomatie que vous avez voulu faire. (Rires au banc des ministres.) C’est très bien, mais nous ne nous y laissons pas prendre ! Je dis qu’un projet tel que celui qu’on nous présente est assez important, et la somme qu’on nous demande assez élevée pour mériter l’honneur d’un projet spécial. D’ailleurs la chambre ne trouvera pas dans le rapport tous les renseignements nécessaires pour être éclairée sur une proposition dont les résultats sont si considérables. Je crois donc pouvoir persister dans la proposition d’ajournement que j’ai faite. Un projet comme celui dont il s’agit, doit être accompagné de tous les renseignements nécessaires pour qu’on puisse l’admettre ou le rejeter en connaissance de cause.

Quand il s’agit d’une dépense de quatre ou six millions, on peut se donner la peine de faire une proposition et de la soumettre à l’examen de toutes les sections. C’est ce qui me fait persister dans ma proposition d’ajournement indéfini ; c’est au ministre à faire, s’il le juge convenable, une proposition spéciale.

M. Fleussu. - Messieurs, la proposition de M. de Muelenaere n’est pas à proprement parler une motion d’ordre. Car, chaque fois qu’un rapport est fait à la chambre, quand on ne le discute pas immédiatement, il va de soi qu’il est imprimé et distribué.

Y a-t-il lieu de nous prononcer dès à présent sur l’ajournement, ou faut-il attendre l’impression du rapport pour savoir si l’ajournement est nécessaire ? Voilà à quoi se réduit la question. Je pense quant à moi que nous devons dès à présent prononcer l’ajournement indéfini proposé par M. de Robaulx.

J’ai écouté attentivement le rapport qui nous a été fait. J’ai même pris des notes sur les diverses parties du rapport, et je déclare qu’il ne m’a rien appris. Je n’y ai trouvé que le résumé de toute la discussion qui a eu lieu il y a huit jours. Je me trompe, j’y ai vu de plus que les habitants de Blankenberghe n’étaient pas d’accord avec les ingénieurs sur le point où il convenait de faire déboucher le canal, et que l’étude du travail n’était pas achevée.

J’appuie la proposition d’ajournement faite par M. de Robaulx : si vous ne l’admettez pas, si vous voulez comprendre l’objet dont il s’agit dans le budget de l’intérieur, vous retarderez beaucoup le vote de ce budget, car la discussion sur cet objet sera longue. Il y a d’abord une question politique que la section centrale n’a pas touchée, et sur laquelle je me propose d’appeler l’attention du gouvernement et de la chambre.

Je demanderai si le projet a été concerté en conseil des ministres ou si c’est un simple acte d’administration de la part de M. le ministre de l’intérieur qui a motivé la demande d’allocation qui nous est faite. Vous allez voir pourquoi je me propose de faire cette demande.

Nous avons procédé cette année encore à la discussion des budgets d’une manière insolite ; suivant les mauvais antécédents dans lesquels nous avait entraînés la force des circonstances, nous avons fait autant de budgets, autant de loi séparées, qu’il y a de départements, au lieu de ne voter qu’un seul budget.

Qu’arrive-t-il de là ? c’est qu’il n’y a plus de solidarité dans la responsabilité ministérielle, c’est que nous ne voyons à la tête de chaque département que des administrateurs, c’est que nous voyons des ministres, sans avoir un ministère dont la pensée soit connue.

Je déclare qu’à moins qu’on ne me prouve que le canal projeté est un objet d’intérêt général, que son exécution est indispensable et ne compromettra en rien nos droits avec la Hollande, je voterai contre le budget de l’intérieur si l’allocation demandée pour ce canal y est comprise.

Nous ne savons plus à quoi en est la responsabilité ministérielle. Si la solidarité entre les ministres était établie par le vote d’un seul budget, j’aurais voté contre tous les budgets dans le cas où on y aurait compris la proposition dont je demande l’ajournement. Mais la division qu’on a opérée des divers budgets ne me permet de m’en prendre qu’au budget de l’intérieur.

Je prie M. le ministre de l’intérieur de nous dire si la proposition qu’il nous a faite a été examinée en conseil des ministres.

M. Desmet. - Messieurs, quand vous aurez lu le rapport qui vient de vous être présenté par notre honorable collègue M. Dellafaille, je suis persuadé que la majorité de la chambre appréciera l’utilité de la proposition qui lui est faite.

On dit qu’il ne s’agit que d’un canal de desséchement, c’est une erreur, c’est un canal d’écoulement. D’un autre côté, on a dit que c’était pour l’écoulement des eaux des Flandres. Il y a encore là une erreur, ce canal est destiné à l’écoulement des eaux du Hainaut.

M. Dumortier. - Je demande la parole.

M. Desmet. - Je suis étonné que l’honorable député de Tournay ne sache pas cela.

Vous savez, messieurs, que le canal d’Ostende est principalement fréquenté par les bateaux qui viennent du Hainaut, ainsi le Hainaut est intéressé aux travaux qui ont pour but de rendre la navigation par ce canal plus facile.

Le canal projeté servira aussi à l’écoulement des eaux de la France qui viennent par l’Escaut et qu’on est obligé de faire passer par le canal de Bruges. On est obligé pour cela de baisser les eaux jusqu’à 12 pieds, et trois jours par semaine la navigation de ce canal se trouve ainsi interrompue. C’est la navigation du Hainaut qui en souffre le plus. Je ne trouverais pas de difficulté à ce qu’on fît de la proposition du ministre un projet séparé, mais je dois dire que la chose est urgente.

M. Dumont. - Je crois ne pas sortir de la question en disant que l’impression et la distribution du rapport de M. Dellafaille n’éclaireront pas les questions que soulève la proposition dont il s’agit. J’ai écouté ce rapport avec attention, et je n’ai pas entendu qu’il fût question de l’opinion de l’administration de la guerre relativement à l’utilité de ce canal considéré comme ligne défensive. Il est une autre question que le rapport ne touche pas, et qui a été cependant agitée dans cette chambre.

On a dit que le canal projeté intéressait particulièrement les Flandres et qu’il y aurait lieu de faire intervenir ces provinces dans la dépense. La section centrale ne paraît pas s’être occupée de cette question, car il n’en est pas dit un mot dans le rapport. C’est cependant une chose importante. On a répondu, il est vrai, que ce n’était pas dans l’intérêt des Flandres seulement que ce canal était entrepris, mais encore dans l’intérêt du Hainaut.

Je ne sais si le Hainaut est intéressé à l’exécution de ce projet, comme on le dit ; mais si cela est, je pense qu’il y a lieu de faire contribuer le Hainaut et les deux Flandres à la dépense.

D’après ces considérations, je pense, et plusieurs membres de cette assemblée partagent mon opinion, que l’impression du rapport ne mettra pas la chambre à même de prononcer un vote définitif sur la question dont il s’agit. Je demande donc que la chambre se prononce dès à présent sur la proposition d’ajournement faite par M. de Robaulx, ce qu’elle peut faire tout aussi bien maintenant qu’après l’impression du rapport.

M. Dumortier. - Puisqu’un honorable député des Flandres dit que le canal projeté était bien plus dans l’intérêt du Hainaut que dans l’intérêt des Flandres, je demande en ma qualité de représentant du Hainaut, et comme un des plus intéressés à la construction dont il s’agit, que la chambre veuille bien ajourner la discussion, afin de pouvoir s’entourer de toutes les lumières possibles. Vous ne refuserez pas à la partie la plus intéressée le temps de s’éclairer sur la véritable utilité du projet.

A quoi servira la proposition de M. de Muelenaere ? A introduire deux discussions au lieu d’une. On vous demande de voter l’impression et la distribution du rapport de la section centrale, et que lundi l’assemblée décide la question d’ajournement. Je demande, moi, que la chambre décide dès à présent sur cet objet, que le projet soit renvoyé aux sections et que M. le ministre de l’intérieur le convertisse en loi spéciale. Je l’inviterai également à soumettre aux sections les plans, les devis et enfin tout ce qui est relatif à la construction du canal de Zelzaete. C’est la seule marche que vous ayez à adopter, car il se présentera bien des questions dans cette discussion. Vous aurez d’abord beaucoup de questions à examiner. D’abord la question de dépenses, et l’on est déjà en désaccord sur ce point. Puis la question de nécessité ; moi, député du Hainaut, je conteste la nécessité de ce canal. Quoi qu’on en ait dit, je dis que le Hainaut n’est intéressé en aucune manière à ce que le projet soit mis à exécution. Je dis cela comme habitant de Tournay, comme député d’une ville.

M. de Roo. - Parlez sur la motion d’ordre.

M. Dumortier. - Je prie M. de Roo, qui n’a pas interrompu son collègue M. Desmet parce qu’il parlait en faveur du canal, de ne m’interrompre pas parce que je m’oppose à sa construction.

M. de Roo. - Je demande que M. le président prie M. Dumortier de rentrer dans la question.

M. le président. - M. Desmet s’étant écarté de la question, j’ai cru ne pas devoir interrompre M. Dumortier qui lui répondait. Je le prie pourtant de ne parler que sur la motion d’ordre.

M. Dumortier. - Eh bien, messieurs, c’est comme député de la province la plus intéressée à la construction du canal, à ce qu’a dit l’honorable M. Desmet, que je demande que ce projet soit renvoyé dans les sections, et que tous les renseignements sur cet objet leur soient communiqués.

Je demande en outre que le ministère réponde à l’interpellation de l’honorable M. Fleussu, interpellation à laquelle j’attache la plus grande importance. Car la question n’est pas une question d’écoulement des eaux des Flandres. C’est une question toute politique. Le canal n’a pas été projeté, comme l’a dit l’honorable rapporteur de la section centrale, vers la fin du siècle dernier. Il y a 150 ans que ce projet existe. C’est en 1695. (Hilarité.) C’est en 1695 qu’on en eut l’idée pour suppléer…

- Plusieurs voix. - La motion d’ordre.

M. Dumortier. - … Pour suppléer à la navigation de l’Escaut...

M. le président. - Je prie l’orateur de se renfermer dans la question. Il s’agit d’une motion d’ordre.

M. Dumortier. - Je parle d’une motion d’ordre, de celle de M. Fleussu. (M. Dumortier se rassied au milieu du bruit.)

M. A. Rodenbach. - J’ai demandé la parole pour réfuter les objections présentées par l’honorable M. Dumortier. Si la chambre me le permet...

- La plupart des membres. - La motion d’ordre !

M. A. Rodenbach. - Vous avez permis à M. Dumortier de parler pendant dix minutes sur le fond de la question. (Bruit.) Mais, pour prouver mieux que lui mon obéissance aux ordres de la chambre, je renoncerai à la parole.

M. Van Hoobrouck. - J’ai demandé la parole pour appuyer la motion d’ordre de M. le ministre des affaires étrangères ; Je demande en outre que non seulement le rapport de la section centrale soit imprimé mais que l’on y ajoute le rapport des ingénieurs. Je crois que la chambre trouvera dans toutes ces pièces tout ce qui est de nature à éclairer sa religion. Je crois que la discussion pourra en être commencée lundi. Si la chambre insistait sur la nécessité de faire une loi spéciale de la demande d’allocation, elle pourra le demander à M. le ministre de l’intérieur. Lundi vous aurez tous les renseignements désirables. J’ajouterai que le tracé du canal a été fait sur les lieux mêmes par les ingénieurs de la province. Les plans et devis ont été déposés à l’hôtel du gouvernement provincial à Gand. Déjà une commission qui avait été nommée a fait son rapport. Les ingénieurs ont été appelés à se prononcer sur cette question. Je ne crois pas que dans aucun projet d’utilité le gouvernement ne s’est entouré de plus de renseignements. Aussi je suis persuadé que M. le ministre de l’intérieur pourra répondre à toutes les exigences possibles.

Messieurs, je demanderai la permission de répondre à M. Dumortier. (Non ! non !) Ce n’est pas ici une question locale qui n’intéresse que les deux Flandres ou le Hainaut, c’est une question d’utilité générale qui regarde toute la Belgique.

- Plusieurs membres. - C’est le fond.

M. Van Hoobrouck. - Je n’en dirai pas davantage, puisque la chambre le désire ; j’aurais cependant voulu relever une assertion de M. Dumortier qui aurait pu exercer de l’influence sur l’assemblée.

M. Gendebien. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Il me semble qu’il y a une question qui domine toute la discussion ; c’est celle de savoir si vous pouvez résoudre une question de cette nature à propos de budget. Le principe d’un projet de dépenses quelconque ne peut être décrété que par une loi. Un budget n’est que l’évaluation des dépenses autorisées par les lois, la mise à exécution de dispositions législatives. Si à propos de budget vous allez décréter le principe de dépenses nouvelles, la discussion de votre budget pourrait durer pendant toute une année. Il n’y a pas de raison, la voie une fois ouverte, pour que le gouvernement n’introduise pas des articles relatifs à toute espèce de dépenses. Il faudrait alors discuter en même temps que la loi de budget toutes les lois de principes pour établir les dépenses, de telle manière qu’un budget qui doit se faire avant le 31 décembre de l’exercice précédent serait à peine voté pour la fin de l’année financière. Il est nécessaire que l’on maintienne l’ordre dans une discussion. D’un côté, l’on se refuse à insérer au budget de l’intérieur une dépense votée par une loi particulière, celle du chemin de fer. D’un autre côté l’on veut que nous discutions un principe à propos de ce même budget sous le prétexte d’une allocation qu’on y demande.

Il faut que le gouvernement présente une loi spéciale. Nous examinerons les avantages de telle localité ou du pays tout entier. Quant à présent nous n’avons rien à discuter. Il n’y a pas ici de dépense à évaluer. Nous n’avons aucun élément pour établir l’allocation qu’on nous demande. Il n’y a pas de raison pour que cette discussion ne dure pas pendant quinze jours. Il faut une loi avant tout. M. le ministre de l’intérieur devrait comprendre la chose au lieu de demander un ajournement. Il devrait demander purement et simplement l’impression du rapport et présenter un projet de loi à l’appui.

M. H. Dellafaille, rapporteur. - Je m’étonne qu’une discussion qui ne devait être qu’une question d’utilité soit devenue une question de province à province. Le rapprochement de cette séance et de celle d’avant-hier, si on le fait au-dehors, donnera lieu à de singulières réflexions.

M. Fleussu. - Pourquoi faire ce rapprochement vous-même ?

M. H. Dellafaille, rapporteur. - Je ne donnerai pas mon avis personnel sur la convenance de construire ou de ne pas construire le canal. Il serait tout à fait désintéressé ; car je suis député d’un district qui ne doit attacher aucune importance à cette construction. Je ferai seulement une observation sur la demande d’ajournement.

On veut qu’il soit indéfini. Cependant le règlement dit formellement que l’ajournement de la discussion d’un projet doit avoir lieu pour un temps déterminé. Le gouvernement vous demande une allocation de 500,000 fr. Vous pouvez adopter ou rejeter cette allocation. Mais je ne pense pas que vous puissiez refuser de délibérer sur une proposition soumise par un des pouvoirs compétents. La section centrale a dans un premier examen conclu au rejet de l’allocation. Mieux éclairée, elle s’est ravisée dans un second examen et a conclu à l’adoption. Maintenant que la chambre est saisie de la demande d’allocation et du rapport de la section centrale, il est nécessaire qu’elle prenne une décision, soit qu’elle la rejette, soit qu’elle l’adopte et l’insère dans le budget ou qu’elle en fasse une loi spéciale. Au moins elle aura pris une résolution à cet égard. Mais elle ne peut voter un ajournement indéfini.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne conçois pas que l’on puisse faire une objection fondée contre une motion d’ordre. Un représentant au commencement de la séance a dit qu’il semblait qu’il y eût un parti pris par certains députés d’emporter le vote d’assaut. J’ai voulu prouver qu’aucun de nous n’a l’intention de surprendre la décision de la chambre, que nous ne voulons qu’après mûr examen. C’est pour ce motif que j’ai demandé l’impression et la distribution du rapport de la section centrale, afin que la chambre pût se prononcer avec connaissance de cause sur la question d’ajournement et sur le fond.

On a paru croire que je voulais retarder le vote du budget du département de l’intérieur. Telle n’est pas mon intention. C’est parce que je suppose que l’impression et la distribution du rapport pourront avoir lieu avant le vote définitif de ce budget, que j’ai présenté ma motion d’ordre. Si la chambre pouvait procéder à ce vote avant l’impression demandée, évidemment alors la question serait ajournée de droit. Nous pourrons plus tard présenter à cet égard telle motion que nous jugerons convenable. Il est impossible que la chambre, si elle veut être juste, ne se rallie pas à ma proposition. Car nous serions en droit de rétorquer le reproche qu’on nous a adressé et de supposer à notre tour que certains députés paraissent vouloir rejeter l’allocation sans examen. Ce que nous demandons c’est l’examen de la question, c’est que la chambre puisse s’éclairer, et qu’ayant les plans sous les yeux elle se prononce en connaissance de cause.

Je me borne donc simplement à réclamer l’impression et la distribution du rapport de la section centrale sans vouloir retarder le vote définitif du budget du département de l’intérieur. Je ne pense pas que la chambre se refuse à voter en faveur de cette motion.

M. de Roo. - J’ai demandé la parole pour appuyer ce que M. le ministre des affaires étrangères vient d’exposer. Je n’ai rien ajouter aux considérations qu’il a présentées.

M. Devaux. - Il me semble que l’intention de la chambre est de s’éclairer sur la question. Mais il ne faut pas que ce désir de s’éclairer lui fasse adopter pour la discussion un délai tel qu’elle ne puisse avoir lieu. C’est ce qu’il résulterait de l’adoption pure et simple de la motion d’ajournement.

Si l’assemblée ajourne indéfiniment le vote de l’allocation, si elle met le gouvernement dans la nécessité de présenter un projet de loi spécial, il en sera de cette question comme de beaucoup d’autres. Elle ne sera plus remise sous les yeux de la chambre avant un ou deux ans d’ici. Ce n’est pas sans doute ce qu’on veut. On ne peut demander à s’éclairer. Mais tout le monde doit être d’avis que le projet dont il s’agit en ce moment mérite tout au moins d’être examiné. Je ne m’oppose pas pour ma part à ce que l’on cherche à s’éclairer ; mais je veux une garantie que le projet soit discuté dans la session.

C’est pour ce motif que je demande, si on ne veut pas aborder la discussion, que la chambre le renvoie à une commission spéciale, ou, si elle le juge convenable, à la commission des travaux publics, avec invitation à la commission, quelle qu’elle soit, de nous présenter un rapport le plus tôt possible. Cette marche a été suivie dans plusieurs circonstances que je pourrais rappeler. Si l’on en agit ainsi, il en sera de ce projet comme de tant d’autres. Il ne sera pas discuté. Au contraire, en adoptant ma proposition, l’assemblée sera certaine que la discussion aura lieu, et qu’elle pourra décider la question.

M. de Robaulx. - L’honorable M. Devaux dit qu’il faut bien que la chambre s’éclaire ; mais tout en voulant lui procurer des lumières, il ne veut pas qu’elle s’éclaire trop longtemps. Il nous dit : Eclairez-vous de manière à demander des renseignements à la commission. Il en sera de ce projet comme de bien d’autres. Messieurs, il me paraît que si le projet est si nécessaire, est si utile comme on l’a dit, le gouvernement qui est le meilleur juge de cette utilité, de cette nécessité, devra se hâter de présenter un projet de loi spécial dès l’instant que la chambre aura déclaré que l’allocation demandée ne peut faire partie du budget. Je ne regarde pas la proposition de l’honorable M. Devaux comme praticable. Vous ne pouvez demander autre chose à une commission qu’un rapport. Ce n’est pas ce qu’il faut ; ce que vous voulez c’est un projet de loi du gouvernement qui crée le canal, en un mot la création du principe comme l’a dit l’honorable M. Gendebien.

Tous les rapports que l’on vous donnerait seraient, comme celui de M. Dellafaille, d’avis que la dépense est utile, qu’il y lieu de voter la somme. Si je demande l’ajournement, c’est en tant que le projet que l’on vous présente doive former un article du budget. Mon ajournement n’empêche pas le gouvernement de présenter un projet spécial lorsqu’il le jugera convenable. Mon ajournement n’est pas indéfini. Il est subordonné à l’intention qu’a le gouvernement de faire construire le canal de Zelzaete. L’on dit au gouvernement : Ce n’est pas une allocation de 500,000 fr. que vous demandez. C’est une dépense de 5 à 6 millions à laquelle nous allons engager la chambre. Ceci mérite bien que l’on nous présente un projet de loi, que l’on en indique les avantages, sous le rapport politique et commercial. Il faut d’abord décréter qu’il y a un canal. Viendra ensuite la question de dépense, la question de budget.

Que diriez-vous si le gouvernement demandait un million en faveur de l’instruction primaire ? Vous lui répondriez : Comment, vous voulez rétribuer des instituteurs, et vous n’avez pas de loi sur l’instruction publique. Il en est de la construction d’un canal comme de l’instruction publique. Vous en pouvez demander des fonds que lorsque le principe a été décrété.

Je crois que la proposition de M. Devaux, qui se rattache à celle de M. Dumortier du renvoi dans les sections, n’amènerait aucun résultat. C’est au gouvernement à établir la question d’utilité. Une enquête à cet égard a-t-elle eu lieu ?

M. Van Hoobrouck. - Elle a eu lieu.

M. de Robaulx. - Ce n’est pas à nous à faire de projets de cette importance ; ce n’est pas à la chambre à formuler de pareilles propositions de cette responsabilité. Il fait, comme pour le chemin de fer, que la responsabilité en retombe tout entière sur le gouvernement.

Je persiste dans ma proposition d’ajournement.

M. de Roo. - L’on confond les deux questions. Il faut voter la première avant la seconde. La première est de savoir si l’on imprimera le rapport.

M. Gendebien. - L’impression est de droit.

M. Pirson. - Il y a, si je compte bien, quatre motions d’ordre (hilarité), toutes d’ajournement ; mais je ne pense pas qu’il faille qu’il soit indéfini. Nous devons renvoyer l’allocation au ministre de l’intérieur avec invitation de faire un projet de loi. Songez qu’il s’agit de 6 millions à dépenser. Quant à moi, si je ne les vote pas à présent, peut-être en voterai-je 20 plus tard, et voici comment.

Les puissances alliées nos protectrices nous feront acheter la navigation de l’Escaut, par une redevance annuelle à payer à la Hollande. Le thème de lord Palmerston porte cette redevance à 500,000 florins, celui de la France à 200,000. Dans cette somme ne sont pas compris les droits de balisage. Il est à présumer que quand nous en viendrons à un arrangement avec la Hollande il nous faudra passer par des conditions de cette nature. Eh bien à cette époque je voterai 20 millions, pour la construction d’un canal maritime dans la direction du canal d’écoulement projeté qui rendît Bruxelles port de mer. De cette manière nous nous passerions de la navigation de l’Escaut. Creuser le canal de Zelzaete, c’est dépenser de l’argent inutilement. Telle est la raison qui me fait demander l’ajournement.

M. Dumortier. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.

M. Nothomb. - Ce n’est que la cinquième.

M. Dumortier. - On ne peut m’empêcher de faire une motion d’ordre. Je demande la division de la motion de M. le ministre des affaires étrangères.

M. le président. - Je ne puis vous accorder la parole que sur la clôture.

M. Dumortier. - Eh bien, je demande la parole contre la clôture. (Hilarité.) M. le ministre a demande l’impression et la distribution du rapport et en même temps l’ajournement à lundi. Je ne m’oppose pas à l’impression…

M. le président. - Parlez contre la clôture,

M. Nothomb. - Demandez la parole sur la position de la question.

- La clôture de la discussion est mise aux voix et adoptée.

M. Devaux. - J’ai demandé que le rapport de la section centrale et toutes les pièces que possède le gouvernement sur le projet du canal de Zelzaete soient renvoyés à une commission spéciale ou à la commission des travaux publics.

M. Dumortier. - Je fais la même demande, et demande en outre que le projet fasse l’objet d’une loi séparée.

M. de Robaulx. - Les motions faites tendent toutes à s’éclairer sur la nécessité du canal de Zelzaete : M. Dumortier demande que la proposition relative à ce canal soit renvoyée dans les sections ; M. Devaux demande le renvoi à une commission spéciale, à celle des travaux publics ; M. de Muelenaere demande que l’on imprime le rapport et que l’on discute plus tard la motion d’ajournement ; tout cela, je le répète, a pour but de marcher à une enquête ; eh bien, j’ai demandé l’ajournement pour tout ce qui est relatif à cette enquête. Dès que vous aurez ajourné, rien n’empêchera de charger de l’examen préparatoire telle ou telle commission. Je demande la priorité pour ma proposition.

M. F. de Mérode. - Il ne s’agit pas ici du canal de Zelzaete, mais du canal de Damme à Blankenberghe. (On le sait ! on le sait !)

M. Devaux. - Je prierai M. le président d’ajouter à ma proposition ces mots : « Pour qu’elle fasse un rapport dans le plus bref délai possible. »

M. le président. - Voici la proposition de M. Dumortier : « Je demande que la question relative au canal de Zelzaete fasse l’objet d’une loi séparée et soit renvoyé dans les sections. »

M. de Robaulx demande la priorité pour sa proposition.

M. de Roo. - Je crois que la priorité doit être accordée à la proposition de M. de Muelenaere.

M. de Robaulx. - Tout le monde est d’accord ; le crédit pour le canal ne peut faire partie du budget. C’est clair comme le jour.

M. Dumortier. - C’est la question d’ajournement qui doit avoir la priorité.

M. Zoude. - Je demande l’appel nominal.

M. de Robaulx. - On ne peut pas procéder à l’appel nominal sur la question de priorité.

- La chambre consultée n’accorde pas la priorité à la proposition de M. de Robaulx ; la priorité est accordée à la proposition de M. de Muelenaere.

M. Dumortier. - Je demande la division de cette proposition.

- L’impression du rapport mise aux voix est adoptée.

M. le président. - On discutera la question d’ajournement après l’impression.

M. de Robaulx. - En n’accordant pas la priorité à ma proposition, on ne l’a pas pour cela rejetée. (Non ! non !) Si on rejetait maintenant la proposition de M. de Muelenaere, on mettrait la mienne aux voix. (Oui !oui !)

M. Dumortier. - Ce n’est pas ainsi que j’avais compris la position de la proposition de M. de Muelenaere. (Bruit.)

M. le président. - C’est ainsi qu’elle a été résumée.

M. Dumortier. monte à la tribune. - Je demande la parole sur la position de la question. (Bruit, interruption). On ne peut m’interrompre ; si on veut m’empêcher de parler, qu’on le dise, et je verrai ce que j’ai à faire. Je ne sais pourquoi quelques députés veulent toujours m’interrompre quand je me dispose à parler.

M. le président. - M. de Muelenaere par un signe me confirme dans l’opinion que j’ai bien compris sa proposition.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - M. le président a saisi ma pensée. Je demande l’impression, et qu’on remette à un autre jour la question d’ajournement.

M. Gendebien. - J’espère qu’une autre fois on exécutera le règlement pour les ministres comme pour les membres, et que l’on exigera d’eux des propositions écrites.

M. le président. - Je fais exécuter le règlement pour tous les membres indistinctement ; je n’ai jamais fait de distinction entre les députés et les ministres ; j’en appelle à cet égard au témoignage de la chambre. (Oui ! oui !)

M. Gendebien. - Je ne prétends pas que vous fassiez des distinctions ; mais je fais remarquer un inconvénient, c’est de ne pas exiger que les ministres écrivent leurs propositions : si celle de M. de Muelenaere avait été rédigée dans l’état de simplicité où elle se présente maintenant, il n’y aurait pas eu de discussion.

M. le président. - Avant de mettre une proposition aux voix, il faut la comprendre ; et pour saisir parfaitement le sens de celle de M. de Muelenaere, c’est lui que je dois consulter.

M. Dumortier. - Vous avez pu remarquer que, dans le cours de la discussion, j’ai toujours compris la question en ce sens : l’impression du mémoire de M. Dellafaille étant ordonnée, la discussion serait fixée à lundi, après la distribution de ce mémoire.

M. Fleussu. - Nous l’avons compris autrement !

M. Dumortier. - J’ai pu me tromper. Le rapport sera probablement imprimé demain ; la proposition de M. de Muelenaere ne servira à rien autre chose qu’à faire recommencer la discussion qui a eu lieu aujourd’hui.

M. Desmaisières. - Eh bien, on la recommencera.

M. Dumortier. - Ne m’interrompez pas ! Vous voulez étouffer ma voix ; vous n’y parviendrez pas. Vous employez des moyens dilatoires pour arriver à vos fins, mais nous les repousserons.

- L’ajournement de la discussion sur les conclusions du rapport fait par M. Dellafaille, est mis aux voix et adopté.

Sur la demande de M. Dellafaille, il est entendu que son rapport sera imprimé séparément.

La pétition sera renvoyée au ministre de l’intérieur.

Article 2

M. le président. - Il y a plusieurs orateurs inscrits. Nous en sommes restés à cet article : « Réparations aux rives de la Meuse : fr. 40,000. » La parole est à M. d’Hoffschmidt.

M. d'Hoffschmidt. - Je parlerai quand la chambre fera silence.

M. de Brouckere. - Je demande la parole pour une rectification. En parcourant le Moniteur j’y vois que l’on me fait dire le contraire de ce que j’ai réellement dit. Le Moniteur m’attribue ces paroles relativement aux riverains de la Meuse : « Je ne vois pas qu’il faille aller à leur secours. » J’ai exprimé une opinion diamétralement opposée : j’ai dit qu’il fallait aller à leur secours, et j’ai demandé qu’une loi soit présentée sur la matière afin que l’on réglât ce qui doit être à la charge des riverains et ce qui doit être à la charge de la province et des particuliers.

M. d'Hoffschmidt. - Le principal argument des orateurs qui votent en faveur du secours demandé pour les riverains de la Meuse est celui-ci : « Les droits de navigation ont été enlevés à la province depuis 1830 par le gouvernement, par conséquent le gouvernement doit réparer les rives de ce fleuve. » Ce raisonnement serait de nature à produire quelque impression sur vous s’il était réellement applicable au cas dont il s’agit ; mais faites bien attention que les droits de navigation établis par la loi de floréal an X sont applicables seulement aux chemins de halage et à la navigabilité des fleuves et des rivières, et non aux propriétés des riverains.

Toute la question se réduit à savoir si les travaux pour lesquels on demande un subside ont pour objet d’entretenir la navigabilité de la Meuse, ou d’entretenir les propriétés des riverains. C’est la le point unique que nous ayons à examiner. Vous ne trouverez pas la solution de cette question douteuse, si vous voulez me permettre de vous lire des extraits d’un rapport fait par M. le ministre de l’intérieur (Rogier), à la section centrale de la chambre des représentans, sur une pétition qui lui avait été renvoyee. Voici comment il s’exprime dans ce rapport :

« La première réclamation qui ait été adressée au gouvernement actuel au sujet des digues de la Meuse dans le Limbourg, est du mois de juin 1832 ; elle avait pour objet la réparation du chemin de halage sous la commune de Stein ; elle fut renvoyée pour avis à la députation des états. Ce collège fit observer dans son rapport que le pétitionnaire se trouvait dans la même position que tous les propriétaires riverains de la Meuse qui doivent à leurs frais se préserver des empiétements que celle-ci tente sur ses rives. »

Ainsi la députation même du Limbourg a déclaré que la réclamation ne pouvait être admise, parce qu’elle intéressait les propriétaires riverains.

La réclamation du pétitionnaire a été écartée par le gouvernement et par la députation. Je vais continuer à lire les fragments de ce rapport qui ont rapport à la question qui nous occupe.

« Je ferai remarquer que l’Etat ou la province a rempli toutes ses obligations en faisant exécuter les travaux nécessaires, dans l’intérêt de la navigation. En thèse générale, toute mesure exclusivement destinée à assurer la conservation des propriétés riveraines doit lui être étrangère.

« Le code déclare les fleuves et les rivières dépendant du domaine public. Mais à ce domaine sur les fleuves et rivières n’est pas attachée une servitude emportant obligation d’empêcher les déviations dans l’intérêt des riverains. Aucune loi n’établit d’obligation semblable. D’après les articles 556 et 557 du code, l’alluvion profite au propriétaire riverain, et il en est de même des relais que forme l’eau courante qui se retire insensiblement de l’une de ses rives en se portant sur l’autre : le propriétaire de la rive découverte profite de l’alluvion sans que le riverain du côté opposé y puisse venir réclamer le terrain qu’il a perdu. Ces principes rendent inadmissible toute doctrine qui tendrait à charger l’Etat du soin de maintenir les rivières dans leurs lits primitifs. »

Faites bien attention à ceci, messieurs :

« S’il s’agissait de consolider les rives de la Meuse sur un point déterminé dans l’intérêt du halage, il est incontestable que l’Etat ou la province devrait y pourvoir ; mais telle n’est pas la question : les travaux dont la nécessité est reconnue ont presque exclusivement pour objet la conservation des propriétés riveraines. »

Vous voyez que d’après le rapport fait par le ministre de l’intérieur lui-même, le chemin de halage et la navigation n’étaient compris pour rien dans les demandes que l’on faisait au gouvernement ; demandes pour lesquelles nous avions déjà voté 123,000 fr., si ma mémoire est fidèle.

Mais, dit-on, les dégâts faits par la Meuse à ses rives sont considérables ; les propriétaires ne peuvent pas les réparer, ne veulent pas même s’entendre entre eux pour les réparer. Tout cela est très fâcheux sans doute ; mais le ministre de l’intérieur actuel a donné lui-même l’année dernière un moyen de terminer cette affaire : il a dit qu’il fallait un règlement ; il a engagé son prédécesseur à faire ce règlement.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - C’est exact.

M. d'Hoffschmidt. - Ce règlement serait très utile dans ce moment, puisqu’on vient nous demander de fortes sommes encore. Quand il s’agit d’événements calamiteux, on accorde des subsides aux localités qui n’ont pas le moyen de les réparer : peut-être sommes-nous dans un cas semblable ; mais alors il faut avouer que la marche suivie jusqu’à présent pour obtenir des fonds pour les rives de la Meuse a été très irrégulière, contraire même à tout principe d’administration.

Il est d’ailleurs incontestable que l’Etat ne doit pas payer les réparations à faire aux propriétés des riverains de la Meuse. Je puis, à cet égard, citer encore l’opinion de M. de Theux.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Tout ce que j’ai dit l’année dernière, je le répéterai aujourd’hui.

M. d'Hoffschmidt. - M. de Theux disait que les travaux aux rives de la Meuse étaient dans l’intérêt des riverains ; que le gouvernement devait accorder des secours pour les effectuer, attendu qu’on manquait de règlement pour déterminer la part que chaque riverain devait supporter dans la dépense totale. Il ajoutait que les riverains seraient tenus à remboursement.

Aujourd’hui il ne s’agit plus de règlement, il ne s’agit plus de remboursement. Prenez garde qu’en adoptant l’amendement proposé vous ne passiez l’éponge sur le remboursement. On pourra venir vous dire : Vous avez, en 1835, accordé 40,000 fr. sans condition de remboursement ; ainsi vous n’avez plus de droits pour les années précédentes. Le législateur avait d’abord mis la condition du remboursement, mais il a reconnu ensuite qu’il n’y avait réellement pas lieu à rembourser. Sa dernière décision efface les précédentes.

C’est ainsi qu’on procède d’une manière assez adroite pour éviter les remboursements et les embarras qui en résultent.

La province du Limbourg est dans une situation si peu favorisée, dans une situation si analogue à celle de la province que j’habite, que c’est en faisant les plus grands efforts sur moi-même que j’ai pu me résoudre à combattre la demande que l’on fait en sa faveur. Mais cette demande n’est pas fondée en justice, ni bien répartie.

Si les Limbourgeois réclamaient des indemnités pour les logements militaires qu’ils supportent depuis trois ans, je dirais : Indemnisez-les, et indemnisez-les de façon à dédommager entièrement cette malheureuse province : creusez-y des canaux, établissez des routes ; tous les habitants se ressentiront d’un tel bienfait. Mais il ne s’agit ici que d’une indemnité que recueilleront quelques particuliers privilégiés, que recueilleront les particuliers les mieux partagés, puisqu’ils sont sur les bords fertiles d’un fleuve. J’accorderais plus volontiers des indemnités aux habitants des montagnes arides. Mu par ces considérations, je voterai contre l’allocation réclamée.

Je crois donc, messieurs, qu’il n’y a pas lieu d’accorder les fonds demandés aujourd’hui ; et les principales raisons que j’ai données, je vais les résumer : c’est que les travaux dont il s’agit en ce moment incombent aux riverains et non à l’Etat. D’après le rapport dont je viens de vous lire des fragments, les travaux de navigation n’ont pas été interrompus. Je refuserai donc l’allocation, parce que les dépenses doivent être faites par les riverains.

M. Simons. - Messieurs, jusqu’ici, je ne me suis attaché qu’à prouver l’urgence des travaux auxquels l’allocation qui forme l’objet de mon amendement est destinée. Il me reste à répondre à quelques considérations mises en avant pour combattre ma proposition.

Quelques honorables membres ont soutenu dans une discussion précédente que la dégradation des rives de la Meuse, dans la province dont il s’agit, ne doit être attribuée qu’à l’insouciance des administrations tant communales que provinciales, ainsi que des habitants riverains ; que depuis nombre d’années on aurait négligé de faire successivement les réparations aux ouvrages de défense, et que cette négligence serait la cause principale de l’état désastreux dans lequel se trouvent les rives de ce fleuve. Suivant ces honorables adversaires, la province aurait à s’imputer à elle-même les dangers qui la menacent.

Je répondrai à cette objection par un passage du dernier rapport de l’administration provinciale fait à M. le ministre de l’intérieur, en date du 1er décembre 1833 :

« Le peu d’élévation du terrain, dans la plus grande partie du cours de cette rivière, et la nature du sol, favorisent singulièrement la dégradation des rives.

« Pour y obvier, il a fallu constamment dépenser des sommes considérables en construction de digues et autres ouvrages de défense.

« Les sommes perçues par la province n’ont jamais suffi pour couvrir les dépenses de l’entretien des bords de la Meuse, toujours les moyens ont été au-dessous des besoins. »

Il est donc constant que la province n’a pas discontinué à faire à cet égard ce que son devoir lui imposait, et qu’annuellement elle a dépensé quarante à cinquante mille francs aux travaux de la Meuse.

En ce qui concerne les propriétaires riverains et les communes, je mets en fait que, pour lutter contre la force des eaux, ils ont de leur côté constamment fait des dépenses énormes. Il est de notoriété publique, et d’ailleurs les faits sont patents, que les propriétaires ont employé des capitaux considérables en construction d’ouvrages de défense contre la Meuse. Je citerai dans mon district particulièrement la famille de Rooven, la famille de Renesse, M. Olislagers de Meussenhoven, notre honorable collègue M. Vilain XIIII et la famille de Geloes. Quant à cette dernière famille l’honorable collègue M. de Renesse vient de une communiquer une lettre qu’il a reçue tout récemment, par laquelle on lui annonce que, cette année, elle a encore été obligée de faire une dépense de passé les 8,000 francs.

Aussi, messieurs, je dois le déclarer, ce n’est pas en faveur de cette classe aisée de propriétaires que j’élève la voix dans cette enceinte. Elle ne demande rien. Je m’interpose ici pour la classe intéressante des petits propriétaires qui se trouvent hors d’état d’employer des capitaux pour préserver leur chétif patrimoine. Chaque année ils voient petit à petit s’engloutir dans les flots une partie de leur unique ressource sans pouvoir y porter remède ; et cela pourquoi ? Pour enrichir les grands propriétaires qui profitent des alluvions qui se forment à leurs propriétés. Si vous pouviez vous en assurer par vous-mêmes, messieurs, vous en auriez le cœur brisé. Il y a dans mon district seul des centaines de bonniers d’alluvions, dont le riche est en possession au détriment du petit propriétaire, qui souvent se trouve privé par cet état de choses de la misérable cabane où lui et ses ancêtres s’abritaient.

Eh bien, messieurs, c’est en faveur de cette dernière catégorie de propriétaires que je pétitionne cette faible allocation. Eux seuls souffrent de l’état actuel de choses, parce que le produit annuel des péages, dont la province se trouve privée, était exclusivement consacré à protéger le petit patrimoine du pauvre et à accorder des subsides aux communes dont les ressources étaient insuffisantes.

Ainsi vient à cesser cette première objection. D’après ce que j’ai eu l’honneur de vous exposer, vous aurez avec moi la conviction que l’état des choses n’est qu’une suite de l’interruption de la navigation, et une conséquence immédiate de la révolution ou plutôt de l’adoption du traité du mois de novembre.

Cette première fin de non-recevoir écartée, je soutiens qu’équitablement la législature ne peut se refuser à accorder l’allocation, qui n’est qu’une faible indemnité de la perte que la province essuie.

Pour vous en convaincre, il suffira de vous rappeler quelques faits, qui se rattachent à l’objet qui nous occupe. Avant l’époque de 1819 les produits du droit de navigation de la Meuse se percevaient au profit du trésor de l’Etat, qui fut aussi chargé de pourvoir aux dépenses d’entretien et de réparation des digues, et autres travaux de défense le long de ce fleuve. L’arrêté royal du 17 décembre 1819 a changé cet état de choses, et a imposé à la province cette charge exorbitante malgré elle. Longtemps elle s’est débattue contre cette disposition injuste et arbitraire ; mais toutes ses réclamations ont été infructueuses ; elle a dû fléchir devant la volonté royale.

Par contre, aux termes de cet arrêté, le gouvernement abandonna, au profit de la province, tous les revenus de la Meuse sans aucune exception.

En exécution de cet arrêté, le taux du droit de navigation à percevoir au profit de la province fut fixé par un règlement approuvé par arrêté royal du 30 octobre 1820, et cinq bureaux de perception furent établis sur la Meuse dans le Limbourg.

Il résulte des comptes qui ont été successivement rendus à cet égard, que ce droit de péage produisit, année commune, 42 à 45,000 fr. Tous ces points sont marqués au coin de la plus exacte vérité.

Et, bien, messieurs, depuis quatre ans la province se trouve privée de ces péages, et comme cette privation est une suite, une conséquence immédiate de la révolution, n’est-il pas équitable et de toute justice que le gouvernement indemnise la province de la somme dont, par le fait de la révolution, cette province se trouve privée ?

Que dis-je, par le fait de la révolution ? Non, messieurs, je me trompe ; c’est par le fait du gouvernement même, par le fait de la législature qui, en ratifiant les traités de novembre 1831 et mai 1833, ont enlevé à la province cette ressource, ressource qui était une compensation expressément stipulée dans l’arrêté de 1819, en considération de la charge que cet arrêté imposait à la province.

Or, il est de principe, d’éternelle justice, que tout fait quelconque qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Pour quel motif, sous quel prétexte l’Etat pourrait-il se soustraire à accorder, à titre d’indemnité, une somme au moins équivalente à celle dont, par son fait, il a privé la province de Limbourg ? Cette considération me paraît sans réplique.

Pour soutenir le fondement de la réclamation de la province que je représente, je m’étais étayé dans une précédente séance de la considération que le gouvernement s’était chargé de travaux bien plus importants, et qui cependant, de leur nature, ne sont pas à la charge du trésor. Par exemple, les réparations des digues, etc., etc. aux polders. Mes adversaires répondirent qu’il y avait une grande différence entre les deux cas ; que ces dégâts avaient été occasionnés par le fait immédiat de l’agression de l’ennemi.

Je conçois parfaitement la différence, mais je soutiens qu’elle est toute à l’avantage de la province dont il s’agit. En effet, les dégâts dans les polders, la coupure des digues, est le fait d’un tiers, et par suite on pourrait soutenir, avec quelque plausibilité, que le gouvernement belge n’est, en strict droit, pas responsable des suites de ce fait ; tandis que l’acte dont la province de Limbourg se plaint et qui l’empêche, et l’empêchera peut-être toujours, de se remettre en possession de la perception du droit des péages sur la Meuse, est un fait qui vous est personnel, car et le gouvernement et les deux chambres ont concouru aux deux fameux traités qui, s’ils doivent recevoir leur exécution, enlèvent à la province un revenu annuel de 42 à 45,000 francs.

Si donc vous avez cru équitablement devoir vous charger de la réparation des digues, etc., etc., dans les polders, a fortiori êtes-vous obligés à indemniser la province de Limbourg de la perte annuelle que je viens de vous signaler, perte dont vous êtes la cause directe et immédiate, et dont, en ratifiant les traités qui ont pour conséquence la libre navigation de la Meuse, et par suite la suppression du droit perçu au profit de la province, vous vous êtes constitués, en quelque sorte, garants.

En faisant la supputation de cette perte, je parviens à un résultat qui prouve que les quarante mille francs réclamés ne forment pas encore la somme intégrale de la perte que vous avez fait essuyer jusqu’à ce jour de ce chef à la province. J’ai dit que, suivant les comptes y relatifs, ces péages ont produit année commune 42 à 45 mille francs. En prenant la moyenne entre ces deux chiffres, qui est de 43,500 francs, je trouve pour les quatre années 1831, 32, 33 et 34, un total de 174,000 francs.

Or, le crédit accordé jusqu’à ce jour pour cet objet n’est que de 123 mille francs, ce qui, avec les quarante mille francs dont il s’agit, ne formera que 165,000 francs, somme moindre que celle qui constitue la perte effective de la province.

Le moment n’est pas encore arrivé d’examiner la question sous le point de vue du strict droit, sans cela je pense qu’il ne serait pas difficile de prouver que l’article 9 du traite du 15 novembre 1831 et l’article 4 de celui du 24 mat 1833 ont changé, quant à la Meuse dans la province du Limbourg, l’état des choses préexistant.

Je pourrais soutenir avec plausibilité qu’en vertu de ces traités, la Meuse dans cette province est sortie du domaine provincial pour entrer dans le domaine national, et par suite que l’entretien des ouvrages de défense de ce fleuve, de charge provinciale qu’il était sous l’empire de l’arrêté de 1819, y est devenu charge de l’Etat depuis et de par le traite de novembre 1831 ; mais, je le répète, le moment n’est pas encore arrivé d’approfondir cette question, qui se rattache à un point plus délicat, à celui de savoir si, constitutionnellement parlant, ce traité subsiste encore en ce qui regarde la cession d’une partie du territoire. Pour ce qui me concerne, je pense que ce traité, faute d’acceptation par l’une des parties contractantes, est resté dans les termes d’un simple projet, et j’ose espérer, dans l’intérêt de mes malheureux compatriotes et pour l’honneur de la nation belge, que lors de l’examen final de cette grave question, la majorité de la législature partagera à cet égard mon opinion.

J’ajouterai qu’il est un autre point que la chambre ne doit pas perdre de vue ; c’est l’obligation où se trouve le gouvernement de maintenir en bon état la navigabilité des rivières.

Or il est de fait, je l’affirme sur l’honneur, que les rives de la Meuse se trouvent, en différents endroits, dans un état tel que la navigabilité de ce fleuve est réellement compromise. Sur plusieurs points, le chemin de halage est devenu impraticable ; sur d’autres, ce chemin a tout à fait disparu.

Sous ce rapport donc encore il importe au gouvernement, il est de son devoir de lever, dans l’intérêt du commerce et de la navigation, les entraves que l’état de choses met à la libre circulation sur ce fleuve.

Permettez-moi, messieurs, une dernière considération, qui mérite encore toute votre attention. Si le traité, qui sacrifie une partie du territoire de la province de Limbourg, reçoit son exécution, la Meuse formera dans le Limbourg la ligne séparatoire entre les deux pays, et par suite de cet état de choses les deux gouvernements se trouveront forcés de se charger respectivement de l’entretien des rives de ce fleuve, pour empêcher tout empiètement de l’un sur le territoire de l’autre. Ce ne sera plus alors un objet d’intérêt local, mais une question d’intérêt général, une question de conservation de territoire. Celui des deux gouvernements qui serait assez indolent pour vouloir imposer cette charge ou à la province ou à la commune ou aux propriétaires riverains, s’exposerait à la longue nécessairement à se voir enlever des communes entières.

Je dis des communes entières, car rien n’est plus facile dans cette province que de forcer le courant des eaux et de leur faire prendre une tout autre direction. Plusieurs exemples sont là pour l’attester. Partout vous trouverez des traces de l’ancien lit de la Meuse, qui dans ces endroits, de nos jours, portent encore le nom de Vieille-Meuse. Aussi, pour obvier à cette calamité, il a fallu faire des règlements qui empêchassent tout propriétaire riverain de construire des ouvrages de défense contre les eaux le long de ce fleuve, sans l’autorisation spéciale de l’autorité supérieure. Une fois que par un ouvrage quelconque on a maîtrisé le courant, il devient impossible aux propriétaires de la rive opposée de lutter contre les empiètements d’un propriétaire égoïste.

Cette considération seule doit vous convaincre qu’en cas d’exécution du traité du mois de novembre 1831, l’entretien des rives de la Meuse ne présentera plus, je le répète, une question d’intérêt purement local, mais une question d’intérêt général, une question de conservation du territoire belge ; et dans ce cas les fonds que nous vous demandons seront bien appliqués.

Déjà il a été répondu par l’honorable rapporteur de la section centrale au reproche qui m’a été adressé, comme si j’eusse voulu en quelque sorte surprendre le vote de la chambre en lançant mon amendement au milieu de la discussion du budget, au lieu d’en faire un sujet de réclamation en sections. Je passerai donc ce reproche sous silence.

Le fait est que j’ai fait une proposition formelle dans ma section à ce sujet, le procès-verbal en fait foi ; mais comme elle fut écartée par la majorité des membres qui la composaient, la section centrale a cru ne pouvoir s’en occuper, et j’ai bien été forcé d’attendre pour la reproduire jusqu’à ce que la discussion publique du chapitre du budget auquel elle a rapport m’en fournît l’occasion.

On s’est étonné de ce que le gouvernement n’ait jamais pris l’initiative pour pétitionner un crédit pour l’objet dont il s’agit, d’où l’on a voulu conclure que l’urgence de ces travaux ne doit pas être si imminente. Sans vouloir scruter les motifs du silence qu’a gardé le gouvernement à cet égard, pour mon compte je n’y vois rien de surprenant, rien d’extraordinaire. Chacune de vos séances vous en fournirait plus d’un exemple : pour me renfermer dans le budget qui nous occupe dans ce moment, je citerai le crédit de 10,000 francs pour l’instruction moyenne dans la province de Luxembourg, qui fut pétitionné par l’honorable membre auquel je réponds, et adopté sans information préalable à la séance même. La somme de 300,000 fr. que vous avez votée hier, en quelque sorte par acclamation, a été l’objet d’un amendement présenté par un honorable membre de cette assemblée. Cependant l’un et l’autre de ces objets avaient occupé l’attention de la chambre à différentes reprises ; le gouvernement ne pouvait donc l’ignorer.

Le gouvernement en dressant son budget, s’attache plus spécialement à ce qui est d’intérêt général ; il abandonne à la législature ce qui sort plus ou moins de ce cercle, et par suite il est du devoir des députés de suppléer au silence du budget chaque fois que l’intérêt local de leurs provinces respectives le réclame. C’est ainsi que je comprends ma mission et que je continuerai à la remplir.

M. Desmet. - J’ai demandé la parole pour appuyer la proposition d’allouer une somme pour faire, pendant l’exercice courant, des travaux urgents aux rives de la Meuse ; mais je le fais avec les considérations qu’a fait valoir hier l’honorable M. de Brouckere, que M. le ministre de l’intérieur a déclaré que les réparations sont urgentes, et qu’il n’y a pas moyen de les faire exécuter dans le moment par ceux qui peut-être devraient s’en charger ; et je viens aussi demander, comme l’a fait le même membre, que M. le ministre de l’intérieur ne tarde pas à nous présenter un projet de législation uniforme pour toutes les rivières du pays ; car aujourd’hui comme toujours les bords des rivières des Flandres et les chemins de halage ont été réparés et entretenus par les riverains ; M. le ministre pourra s’en assurer en se faisant produire l’arrêté du préfet de l’Escaut du 25 août 1812, et le décret de 1744, sur lequel le susdit arrête a été basé ; et quoique les frais de réparation d’un chemin de halage soient à charge de la propriété riveraine, le gouvernement retire tous les revenus de la rivière, et il pousse tellement ses exigences que, dans le cahier des charges pour le fermage de la pêche, il stipule que le fermier de la pêche peut aussi faucher les herbes qui se trouvent sur les parties d’alluvion de la rivière ; et je dois signaler cet abus à M. le ministre, il a lieu sur la partie du haut Escaut, entre Tournay et Escanaffe. Oui, messieurs, vous ne le croiriez pas, les fermiers de la pêche du fleuve viennent vous enlever une partie des herbages de vos prairies, et, d’après ce qu’il paraît, ils le font en vertu d’un article du cahier des charges du fermage de la pêche.

(Moniteur belge n°33 du 2 février 1835) M. de Roo. - Sur le libellé, tel qu’il est conçu par la section centrale, sont réglés les droits qui incombent à l’Etat, et ceux qui incombent aux propriétaires. Ce n’est point une loi qu’il faut, c’est un règlement des états de la province pour déterminer la quote-part des propriétaires riverains tel que celui à l’égard des polders. On a dit que puisque l’Etat en reçoit le produit il est juste qu’il en supporte les charges. On a dit que c’était une rente de vingt mille florins par an que l’Etat recevait, et comme il en paie vingt mille pour les dépenses que cela occasionne, il y a compensation.

M. Eloy de Burdinne. - J’ai demandé la parole pour expliquer mon vote. C’est-à-dire que si on alloue cette somme à titre gratuit, je déclare que je me verrai obligé de voter contre, et que si on l’accorde comme une avance, qui d’ailleurs paraît assez urgente, j’y donnerai mon assentiment.

Je suis aussi d’avis, comme l’honorable M. Simons, que ces dégradations ne sont pas le fait de la province, mais je crois que l’on peut imputer ces désastres à la négligence des propriétaires riverains. Les riverains, dit-on, sont des malheureux, pauvres gens ; mais, derrière ces riverains, il existe des propriétaires aisés qui sont et qui seront inondés par la négligence qu’on a apportée à entretenir les bords de la Meuse, de manière que les propriétaires aisés sont eux-mêmes intéressés à faire les travaux que nécessite l’état de cette rivière.

Je vais faire une observation relativement à la province de Limbourg. Je demanderai si, du moment où la province a été privée du péage, elle a continué les travaux de halage ; je vois M. le ministre qui me dit que non : si les choses sont ainsi, je ne sais pas pourquoi l’honorable M. Simons vient se plaindre que la province a été privée de ses droits de navigation ; mais je suppose que la province ait continué à recevoir les droits de péage, je demande si elle serait venue au secours des riverains. M. le ministre dit que oui : pour mon compte, je ne connais aucune loi qui oblige à cela, sauf un motif de bienfaisance qui est permis à tout le monde ; il ne s’agit que de lire ce que contient l’article 225 de la loi fondamentale pour convaincre ce que j’avance :

« Art. 225. Les droits payés aux barrières, ponts et écluses, sont affectés à l’entretien et à l’amélioration des chaussées, ponts, canaux et rivières navigables. L’excédant, s’il y en a, demeure réservé pour des dépenses de même nature, dans la même province, à la seule exception des droits perçus sur les grandes communes du royaume, dont l’excédant peut être employé aux mêmes fins, là où le roi l’ordonne. »

De manière que je ne vois pas de quelle façon les propriétaires auraient pu réclamer des subsides de la province.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant demande si la province, quand elle touche des droits de navigation, accorde des secours quand il y a lieu. Oui, elle en accordait. La province appliquait aux paiements des travaux de la Meuse les péages qu’elle retirait ; ces péages étaient insuffisants, c’est pour cela que la navigation de la Meuse fut toujours regardée comme une mauvais loi.

La loi du 15 septembre 1807 reconnaît que, dans certains cas, l’Etat doit accorder des subsides pour les travaux à charge des propriétaires ou des communes, lorsque leurs ressources sont insuffisantes.

L’arrêté de 1819 prévoit également que des secours pourront être accordés par le gouvernement pour des cas extraordinaires. Maintenant, quant à l’allocation dont s’agit, cela peut s’arranger d’une manière très simple. Une partie des travaux peut concerner l’Etat, en ce qui tient à la navigation et au halage ; une autre partie, les propriétaires qui sont dans la gêne ; il peut se trouver une autre catégorie de propriétaires aisés qui ne voudront pas s’en charger et à l’égard desquels il faut agir d’office. Pour la part qui touche le gouvernement ou les propriétaires qui ont des titres à un secours, il n’y aura rien à récompenser. Quant à ce qui pourrait concerner les propriétaires aisés on examinera le recours conféré par la loi.

M. Eloy de Burdinne. - Je demande que la chambre ait à fixer le contingent des secours à accorder.

M. d'Hoffschmidt. - On n’a pas répondu du tout au motif que j’ai fait valoir contre le système qui consistait à faire tomber ces dépenses à la charge de l’Etat. Mais je vois qu’on est tout disposé à accorder ce subside, et moi-même j’ai dit que je le serais en faveur de la province de Limbourg, mais que si je m’élevais contre quelque chose, c’était contre la marche qu’on s’obstinait à suivre, et l’on sait que conséquent à mes principes, depuis trois ans je me suis prononcé contre elle. J’adresserai à M. le ministre de l’intérieur plusieurs questions.

Premièrement, d’après le rapport des ingénieurs, la navigation doit-elle être interrompue, et y a-t-il du danger pour le chemin de halage ? Deuxièmement, je demande, si nous accordons ces 40 mille fr., si on n’en induira pas que les fonds alloués les années précédentes ne sont pas remboursables ; car on pourrait alléguer qu’en 1834 vous en avez alloué et que vous n’en avez pas exigé le remboursement. M. le ministre de l’intérieur actuel, alors député, était tellement d’avis qu’on devait rembourser, qu’il a mis cela dans l’amendement qu’il proposait en juin 1834.

« Les motifs principaux pour quoi j’avais inséré dans mon amendement la phrase sans retard, sont parce que le ministre de l’intérieur avait mis beaucoup de négligence à faire rentrer dans le trésor la somme que la chambre a votée l’an dernier pour des travaux à exécuter aux bords de la Meuse, et qui n’est pas encore, comme je le crois, rentrée ; mais comme la chambre a fait connaître au ministre qu’elle désire que le gouvernement fasse les démarches nécessaires pour faire supporter par ceux à qui il appartient les dépenses qu’exigent les travaux dont il est question, je n’en dirai pas davantage sur ce chapitre. »

Vous voyez par ces paroles que M. de Theux faisait un reproche à son prédécesseur de n’avoir pas fait rentrer les sommes avancées ; j’espère que, ministre aujourd’hui, il fera tous ses efforts pour ne pas tomber dans le même abus ; si le reproche a été adressé en 1834, à plus forte raison il pourrait l’être aujourd’hui.

L’honorable M. de Theux a fait observer alors qu’il fallait un règlement ; je demande à M. le ministre de l’intérieur qu’il fasse ce qu’on a demandé à son prédécesseur. La chambre est sortie des règles générales pour accorder des subsides, et cela par sympathie pour la province du Limbourg. Lorsqu’il s’est agi des subsides des communes, MM. les députés du Limbourg auraient dû en demander pour les leurs et on leur en eût accordé.

Dans le Luxembourg il y a aussi des rivières qui causent bien des dégâts, qui dans leur cours entraînent jusqu’à des moulins : ce sont la Sure et la Moselle ; cependant la province n’a jamais demande pour cela des secours à l’Etat. Il y a d’autres rivières encore qui causent également des désastres ; l’Escaut, par exemple. A propos de l’Escaut, je répondrai quelques mots à l’honorable M. Simons, qui a dit : « Vous avez bien accordé des secours pour l’Escaut ; à plus forte raison, vous devez en accorder pour la Meuse. » Cela n’est pas juste, les secours qui ont été accordés pour l’Escaut sont les résultats des événements de la guerre ; voilà un cas véritable d’indemnité ; mais ici la Meuse enlève quelques murailles de propriétaires, cela n’est pas d’intérêt général, c’est une affaire de localité. Si vous voulez faire du bien au Limbourg, donnez-lui 500,000 fr., j’y consens. Des routes, des canaux, bien.

Etablissez des péages pour balancer ces dépenses. Mais, ici vous ne faites que favoriser quelques propriétaires. On a dit qu’il n’y avait que de pauvres propriétaires parmi les riverains, moi je dirai qu’il y en a de très riches ; notre honorable collègue, M. Ch. Vilain XIIII, par exemple. (On rit.) Ces propriétaires devraient contribuer aux frais. Des secours ont été accordés les années précédentes aux riches comme aux pauvres. Je serais bien aise qu’on m’apprît le contraire, car je vois M. Vilain XIIII faire un signe négatif. Jamais je ne m’élèverai contre les subsides aux pauvres, mais je suis d’avis de faire payer dans des dépenses pareilles ceux qui ont le moyen de le faire.

M. Ch. Vilain XIIII. - L’honorable M. d’Hoffschmidt m’a nommé parmi les propriétaires auxquels les travaux exécutés par le gouvernement le long des rives de la Meuse auraient pu profiter. Je déclare de la manière la plus positive que pas un de ces travaux n’a pu me causer ni directement ni indirectement le moindre avantage. Si je pouvais ne considérer que mon avantage matériel, je dirais que c’est le contraire, car les travaux qui ont été faits, sur mes instances, au hameau de Masbampt ont empêché la destruction de ce hameau qui, sans eux, serait venu, en alluvion, agrandir mes propriétés. Quant à l’allocation de 40,000 fr. demandée pour l’exercice courant, je l’appuie.

Maintenant, quant à la somme pétitionnée pour l’exercice 1835 elle est demandée pour venir au secours des communes de Barismes et Cautem. Je connais ces localités. Aucun grand propriétaire n’est intéressé dans les travaux projetés. Ce sont tous petits propriétaires qui ont une petite maison, un jardin et un verger. La personne la plus intéressée à la dépense est une malheureuse veuve qui l’année dernière avait encore une maison, un jardin, une écurie et un verger. L’année dernière son écurie, son jardin et son verger ont été enlevés par la Meuse ; il ne lui reste plus pour toute propriété que sa maison et si les ouvrages projetés ne sont pas faits cette année la maison de cette pauvre veuve sera encore enlevée par la Meuse.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, la citation qu’on vient de vous faire prouve combien il importe que les députés relisent leurs discours dans le Moniteur et fassent attention à ce qu’on leur fait dire.

Après le discours que j’avais prononcé, M. Desmet avait pris la parole, mais on a oublié d’insérer son nom en tête de ce qu’il a dit et cela s’est trouvé faire suite à mon discours. Voilà comme M. d’Hoffschmidt en croyant citer mes paroles a cité celles de M. Desmet. Vous voyez qu’il ne m’est pas difficile de me justifier.

L’honorable M. Desmet avait proposé au premier vote un amendement qui consistait à ajouter les mots sans retard. Et cet amendement avait été adopté. Au second vote, je l’ai combattu, j’ai démontré qu’il y avait impossibilité de l’admettre, attendu qu’il n’y avait pas de règle établie pour exercer le recours. Je viens de voir que les motifs que j’ai donnés alors s’appliquent littéralement au cas présent ; je n’ai pas un seul mot à y changer.

Dans les discussions précédentes, j’ai dit qu’il fallait introduire un règlement d’après lequel on pourrait forcer les propriétaires riverains qui en avaient le moyen à contribuer à la dépense que nécessitait l’entretien des rives de la Meuse. Ce que j’ai dit, je le maintiens, j’ai fait tous mes efforts pour parvenir à ce but ; la chose est très difficile ; jusqu’à présent, je n’ai pas pu y arriver et je pense qu’une loi sera nécessaire.

Pour exercer le recours il faut une règle, aussi longtemps que cette règle n’existera pas, je crois inutile de la tenter. (La clôture ! la clôture !)

M. H. Dellafaille. - Si la chambre désire clore la discussion, je ne prendrai pas la parole, mais si la discussion continue je demanderai à faire quelques observations.

M. d'Hoffschmidt. - M. le ministre a répondu qu’on lui avait attribué les paroles de M. Desmet par suite de l’omission du nom de cet honorable membre en tête de ce qu’il avait dit, mais il a laissé sans réponse les questions que je lui avait adressées.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je l’ai oublié ! Je vais le faire.

M. d'Hoffschmidt. - J’admets que M. Vilain XIIII n’ait pas participé…

M. Rogier. - On a demandé la clôture.

M. d'Hoffschmidt. - Mais, M. Rogier, permettez…

M. Rogier. - La clôture a été demandée par plus de dix membres, à moins que l’honorable membre ne parle contre la clôture, je demande que la parole ne lui soit point continuée.

M. de Robaulx. - Je demande la parole contre la clôture ; M. d’Hoffschmidt a adressé des questions à M. le ministre de l'intérieur. Le ministre n’y a pas répondu, il vient de dire qu’il l’avait oublié et qu’il allait le faire ; je ne conçois pas l’impatience de l’honorable membre qui ne veut pas entendre la réponse du ministre.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - On a demandé si la loi actuelle rapporterait la disposition relative au recours, portée dans les deux lois précédentes. Je répondrai que la loi que nous discutons n’aura pas cette conséquence. Les lois précédentes restent ce qu’elles sont. Celle que nous votons n’y apportera aucune modification.

Quant à la seconde question, celle de savoir si la navigation de la Meuse était interrompue, je suis assuré que cette navigation n’est ni interrompue ni immédiatement menacée de l’être.

- La chambre consultée ferme la discussion.

L’article proposé par la section centrale est ensuite mis aux voix et adopté.

Article 3

M. Van Hoobrouck. - Messieurs, j’ai demandé à M. le rapporteur de faire imprimer le rapport des ingénieurs et toutes les pièces relatives au canal de Zelzaete et j’ai appris que le bureau s’opposait à l’impression de ces pièces. Je prie la chambre de vouloir l’ordonner.

M. de Robaulx. - La chambre a ordonné le rapport de section centrale, et nous n’avons pas vu dans ce rapport qu’il fût question des pièces auxquelles M. Van Hoobrouck fait allusion. Je demande qu’il veuille bien nous dire ce qu’il entend par les pièces dont il demande l’impression. Si ces pièces ne sont pas trop nombreuses je ne m’opposerai pas à leur impression, mais si leur nombre ou leur étendue est telle que leur impression doive retarder la discussion, je m’y opposerai.

Je prie MM. les questeurs de vous dire s’ils croient pouvoir faire imprimer et distribuer pour demain les pièces dont la chambre a ordonné l’impression, de manière que lundi nous puissions nous occuper de la question à laquelle elles sont relatives.

M. Van Hoobrouck. - Messieurs, différents membres ont témoigné le désir de s’entourer de toutes les lumières possibles sur l’utilité du canal projeté. C’est dans ce but que j’ai demandé l’impression du rapport des ingénieurs, rapport qui doit jeter beaucoup de jour sur la question. Il y a quelques autres pièces qui ne sont pas très étendues et dont la connaissance ne serait pas sans utilité.

Je m’étonne vraiment que les membres qui ont contesté l’utilité du canal soient les premières à se refuser de s’entourer de tous les renseignements qui sont à la disposition du gouvernement. Je persiste à demander que l’impression de toutes les pièces relatives au canal de Zelzaete soit ordonnée par la chambre (Aux voix ! aux voix !)

M. de Robaulx. - Je demande la parole pour un fait personnel. M. Van Hoobrouck qui trouve fort mauvais qu’on ne soit pas de son avis s’étonne, dit-il, que les membres qui tout à l’heure demandaient à être éclairés ne le veulent plus maintenant.

Je suis fâché pour lui s’il n’a pu apprécier la portée de mes réflexions, mais qu’il n’attribue pas à autrui l’imperfection de son propre jugement.

J’ai dit quant à moi qu’il fallait les éclaircissements les plus larges possible, mais qu’il ne convenait pas de venir nous jeter des pièces volumineuses dont l’importance n’a pas été appréciée et dont l’impression ne ferait que retarder la discussion, en nous occasionnant des dépenses considérables. Nous avons un rapport de la section centrale, j’ai voté pour son impression. Si le gouvernement a des pièces justificatives du projet, qu’il les fasse imprimer. Mais je m’oppose à ce que la chambre ordonne l’impression de volumineux mémoires et retarde ainsi le vote du budget.

Je demande que toutes les pièces soient distribuées demain.

Prenez garde que le sénat ne se sépare sans avoir voté notre budget de l’intérieur.

M. H. Dellafaille, rapporteur. - J’avais l’intention de faire imprimer les pièces à l’appui de la proposition du ministre, comme cela s’est fait pour toutes les autres pièces à l’appui du budget ; mais on m’a objecté que l’assemblée avait ordonné l’impression du rapport seulement. M. Van Hoobrouck désire que ces pièces soient jointes au rapport, il s’agit de savoir si le rapporteur est autorisé à le faire.

M. Dumont. - Il y avait plusieurs propositions faites, par M. de Robaulx, M. de Muelenaere, M. Devaux et M. Van Hoobrouck. On a mis aux voix la proposition de M. de Muelenaere qui consistait à demander l’impression du rapport et l’ajournement de la discussion jusqu’après cette impression. La proposition de M. de Muelenaere a été adoptée et la chambre ne s’est plus occupée des propositions des autres membres.

De sorte que sans m’opposer à la proposition de M. Van Hoobrouck de Fiennes, je crois que l’on doit attendre la discussion sur l’ajournement.

M. Dumortier. - L’honorable M. de Robaulx m’a interpellé en ma qualité de questeur afin de savoir si l’impression du rapport pourrait être faite demain. Mais si vous ordonnez l’impression des documents volumineux, dont il est parlé, il m’est impossible de dire quand cette impression pourra être terminée.

Maintenant M. Van Hoobrouck de Fiennes a dit que des membres qui avaient demandé à s’éclairer s’opposaient à ce qu’il leur fût donné des éclaircissements. Je dirai que je trouve fort étrange toute discussion sur un objet déjà repoussé par la chambre, et qu’on veut encore enlever d’assaut.

Je me bornerai à dire que l’impression des rapports dont parle l’honorable M. de Fiennes, ne nous suffit pas à nous qui ne sommes pas intéressés dans la question comme l’est M. de Fiennes.

A cet égard, je vous rappellerai ce qu’a fait M. Rogier. On vous a proposé le tracé du chemin de fer, et puis le profil au chemin, par là chacun pouvait être à même d’examiner ce dont il s’agissait. Quoique j’aie voté contre le chemin de fer, et je me félicite de mon vote, je dois déclarer que M. le ministre de l’intérieur a fourni tous les documents désirables, et je demande qu’il en soit de même aujourd’hui. Je déclare que la proposition de l’honorable M. Van Hoobrouck, au lieu d’éclairer la chambre, tend à l’induire en erreur, puisqu’elle aurait pour but de ne faire entendre qu’un seul son, et comme dit le proverbe : Qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son.

Avant de voter une dépense qui peut mener loin, je désire avoir tous les renseignements exigibles. Je pense donc que vous devez accorder la question préalable et vous occuper du budget.

M. Van Hoobrouck. - Je m’oppose à la question préalable.

Je me flatte que ce soit moi, député d’un district intéressé dans la question, que ce soit moi, dis-je, qui ait demandé l’impression du rapport des ingénieurs et du rapport sur l’enquête, non pas pour entendre un seul son, comme l’a dit l’honorable M. Dumortier, mais bien toutes les observations pour ou contre.

Je crois que la section centrale peut ajouter à la suite de son rapport tous les documents qu’elle pourra désirer. Mais je dois dans tous les cas m’opposer à la question préalable.

M. Dumortier. - Jamais on n’imprime les pièces que quand la chambre le décide.

- La chambre décide l’impression du rapport.

M. Rogier. - La chambre n’a pas ordonné des pièces sur la loi d’organisation communale.

M. Dumortier. - Je donne un démenti formel à ce que vient de dire M. Rogier.

M. Rogier. - Je donne un démenti formel à ce que vient de dire M. Dumortier.

M. Gendebien. - A quoi bon tous ces débats ? Que le ministre fasse imprimer toutes les pièces qu’il croira nécessaires pour éclairer la chambre ; nous voulons tous être éclairés, mais nous ne voulons pas être surpris, et nous ne nous laisserons pas surprendre.

M. de Robaulx. - Ce n’est pas à nous à indiquer au ministre les pièces qu’il a à fournir. Je demande l’ordre du jour.

Chapitre X - Service des mines

M. le président. - Il y a une majoration de 4.410 fr. pour trois conducteurs des mines, ce qui porte le chiffre total à 90,410 francs.

M. Gendebien. - J’apprend avec plaisir que M. le ministre de l’intérieur s’est enfin décidé à se prononcer sur la destination de conducteurs des mines. C’est pour le Hainaut qu’il demande cette majoration ; il en résultera que cette province aura treize fonctionnaires de ce genre, puisque antérieurement il n’y en avait que dix.

Je ferai remarquer cependant à M. le ministre que la province de Liége en a un de plus, et qu’il y a trois fois plus de mines dans le Hainaut que dans le pays de Liége. A l’égard des ingénieurs, je vois que la répartition n’est pas justement établie. Je voudrais qu’on en augmentât le nombre dans la province du Hainaut, où il se trouve trois bassins distincts. J’insiste donc sur ce point. L’année dernière, j’ai réclamé en vain ; cette année, on a fait droit à une partie de ma demande, il y aurait justice à la compléter.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai dit que je me proposais de réunir les ingénieurs en chef en conseil, pour me fixer sur la meilleure répartition possible. Je dirai que le vice de répartition provient de ce que dans la division des mines qui comprend les provinces de Liége et du Limbourg, il y a un plus grand nombre de districts de mines et de ce que l’arrêté organique détermine les grades des officiers des mines assignés à chaque district ; au surplus cette organisation sera l’objet d’un examen ultérieur.

- Le chiffre demandé par le ministre est mis aux voix et adopté.

Chapitre XVII. Frais de police

M. le président. - Vous avez encore à délibérer sur le transfert d’un chapitre du budget de la justice au budget de l’intérieur. « Frais de police, mesures de sûreté publique : fr. 80,000. » La section centrale admet ce chiffre.

M. Gendebien. - Mon intention n’est pas de renouveler les discussions au sujet de la police. Je m’en réfère à ce que j’ai dit sur ce sujet. Je proteste contre toute allocation pour une police qui n’a rendu aucun service au pays, témoin les événements de 1834 d’odieuse mémoire. Vous voulez donner cette année quelques mille francs de plus que les années précédentes et cela pour fournir les moyens de tracasser un plus grand nombre d’hommes de la révolution, ou de réfugiés politiques. Je demande d’avance que mon vote négatif soit inséré au procès-verbal.

M. de Robaulx. - Je déclare que ne voulant pas non plus rentrer dans la discussion, je m’en réfère aux paroles que j’ai prononcées dans cette enceinte, lorsqu’il s’est agi de cette police dans la discussion du budget de la justice. Je voudrais que ces paroles ne fussent pas vraies ; mais tout ce que la police fait et écrit prouve leur exactitude. Vous comprenez bien que je méprise trop ce qu’elle écrit pour y répondre. Je demande que mon vote négatif soit mis au procès-verbal.

M. Liedts. - J’ai fait partie de la minorité de la section centrale, laquelle voulait qu’on n’allouât à la police que ce qu’on lui avait accordé l’année dernière : je désirerais que M. le ministre s’expliquât sur les motifs de l’augmentation demandée ; sans quoi je ne voterai que la somme votée pour l’exercice précédent.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - On s’est plaint de la police ; elle n’atteignait pas son but ; elle a reconnu qu’elle manquait du personnel nécessaire et dans ses bureaux et dans ses agents. On a examiné cette réponse ; et vous avez eu égard à la demande relative à l’augmentation du personnel des bureaux ; par une conséquence nécessaire de cette première concession vous devez prendre en considération la demande relative à l’augmentation du personnel des agents. Pour que les plaintes soient sans réplique, il faut fournir à la police les agents dont elle a besoin ; alors elle n’aura plus rien à alléguer si elle n’atteint pas le but pour lequel elle a été instituée.

M. de Robaulx. - Vous voulez des mouchards.

- Le chiffre de 80,000 fr. est mis aux voix et adopté.

M. Gendebien. - Je demande que mon vote négatif soit inséré au procès-verbal.

M. le président. - Le vote négatif de M. Gendebien sera inséré au procès-verbal.

Chapitre XVIII. Dépenses imprévues

Article unique

« Art. unique. Dépenses imprévues : fr. 70,000. »

M. le président. - La section centrale accorde 50,000 fr.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux) ; - Il n’y a pas de motifs pour diminuer le chiffre, Il est affecté à un service de dépenses imprévues, on ne peut pas en abuser. On ne peut pas non plus fixer un chiffre pour de telles dépenses.

M. H. Dellafaille, rapporteur. - Je ferai remarquer que le ministre avait demandé d’abord 60,000 fr. : c’est depuis qu’il a réclamé 10,000 fr. de plus. Nous ne voyons pas la nécessité d’augmenter le chiffre qui a été voté l’année dernière.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je me bornerai à demander 60,000 fr. ; mais il est impossible de rien ôter à ce chiffre. Si vous le diminuez on sera obligé de faire des demandes aux chambres pour de faibles sommes.

M. Dumortier. - Nous voulons que l’on fasse des demandes aux chambres ; c’est à elles à autoriser ces dépenses. Nous ne voulons pas renouveler ce qui se passait sous l’ancien gouvernement qui disposait, lui, d’un million pour dépenses imprévues. A la suite de la révolution, on a voulu faire disparaître ces dépenses. Le budget de l’intérieur est tellement bien arrondi que je ne vois pas la nécessité d’augmenter le dernier chiffre ; je crois même que 30,000 francs suffiraient pour ce chapitre, et je propose formellement de le réduire à cette somme.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Vous comprendrez que les dépenses imprévues n’ont rien de commun avec le million dont parle l’honorable membre : on pouvait faire tel usage qu’on voulait du million Merlin ; mais ici il en est autrement. Dans une administration aussi étendue que le département de l’intérieur, il est impossible de prévoir en détail toutes les dépenses ; il faut bien accorder une somme pour ses besoins, impossible à deviner, pour ainsi dire.

M. Dumortier. - Je propose 30,000 fr. c’est le double de ce qui est nécessaire.

M. le président. - D’après les antécédents, il y a lieu de mettre aux voix le chiffre le plus élevé.

- Le chiffre de 60,000 fr. est rejeté.

Le chiffre de 30,000 fr. est adopté.

Chapitre IX. Travaux publics

M. Dumortier. - Hier j’ai eu l’honneur de dire à la chambre que le président du sénat désirait que le budget de l’intérieur fût voté aujourd’hui ; je voudrais que pour maintenir le bon accord qui règne entre les chambres on passât immédiatement au second vote sur ce budget. La chambre peut déclarer l’urgence.

M. H. Dellafaille, rapporteur. - Il faut mettre aux voix le dispositif de la loi, nous avons voté que le détail.

M. Devaux. - Il est impossible de voter actuellement le budget du ministère de l’intérieur puisqu’il n’est pas complet. La question de construction du canal de Zelzaete a été différée. Vous avez ajourné à la suite de la discussion qui a occupé le commencement de la séance, votre décision sur la question de savoir si l’allocation nécessaire à la construction d’un canal ferait partie du budget du département de l’intérieur : avant de procéder au vote définitif de ce budget, il faut que vous preniez une résolution en vertu de laquelle le projet que je rappelle ferait l’objet d’une loi spéciale.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je suis informé que le sénat est sur le point de s’ajourner. Je désirerais que la chambre votât le budget de l’intérieur ; si elle ne voit pas de difficulté bien entendu que pour ce qui est du canal de Zelzaete, il sera libre à la chambre de décider comme elle l’a fait à l’occasion du rapport de la section centrale sur les réparations du Fourchu-Fossé, que le rapport de la section centrale pourra être considéré comme projet séparé, sans qu’il soit nécessaire d’en présenter un nouveau et d’avoir recours à un nouvel examen. Je demande que rien ne soit préjugé sur la question. L’an dernier l’on en a agi ainsi pour le projet de répartition au Fourchu-Fossé. Je demande qu’il en soit de même cette année pour le canal de Zelzaete.

M. Dumortier. - Je suis également d’avis que la chambre pourra décider lundi la question du canal de Zelzaete qui est indépendante du budget. Le rapport de la section centrale lui reste. Il n’est pas nécessaire qu’elle prenne une résolution aujourd’hui à cet égard. Lundi elle fera du projet ce qu’elle entendra faire.

M. Gendebien. - Je ne veux ni être surpris ni surprendre personne. Je doute qu’il soit bien entendu que le budget une fois voté l’allocation demandée pour le canal de Zelzaete ne pourra plus, si la chambre l’adopte, être considérée comme faisant partie du budget de l’intérieur. (Non, non.)

M. de Robaulx. - M. le ministre de l’intérieur est d’accord avec nous là-dessus.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai voulu que tous les droits fussent saufs, que chacun pût faire sur le projet du canal de Zelzaete toutes les propositions qu’il croirait devoir faire.

M. Gendebien. - De peur de méprise, je proteste dés à présent contre toute intention de faire considérer comme article d’un budget un article discuté après ce budget.

M. de Robaulx. - M. le ministre lui-même ne demande pas que l’on ajoute un nouvel article au budget de son département. Il a demandé tout simplement qu’il ne fût pas nécessaire de faire une présentation nouvelle du projet et du rapport. Bien que je n’adopte pas sa pensée, parce que je crois l’initiative nécessaire par le gouvernement, je crois avec lui que le projet sera complet. Que la demande d’allocation vienne du gouvernement ou de la section centrale, elle n’en fera pas moins l’objet d’un projet séparé.

M. Devaux. - Si la chambre veut décider le pour et le contre dans une même séance, elle le peut ; que signifie sa décision de tout à l’heure ? Elle décide que l’on ajournerait toute résolution à prendre sur l’allocation demandée pour le canal de Zelzaete, allocation qui fait partie du budget jusqu’à ce que le rapport de la section centrale soit imprimé. Ainsi maintenant la décision que vous avez prise tout à l’heure ne signifie plus rien. Voilà un article du budget qui se trouve écarté sans décision d’ajournement. Je demande à M. le ministre s’il retire sa proposition comme article de son budget. Alors tout est dit. Prenez la décision que vous voudrez. Mais encore faut-il qu’il y ait une décision.

Vous ne pouvez voter sur l’ensemble d’un budget qui est incomplet. Si le ministre ne renonce pas à l’article non discuté, il faut attendre le rapport de la section centrale.

On nous dit que si nous ne votons pas aujourd’hui définitivement le budget du département de l’intérieur, le sénat s’ajournera. Je n’en vois pas la nécessité. Il n’y a pas si longtemps que ce corps est réuni. Je suis persuadé qu’il entend trop bien ses devoirs, pour ne pas attendre que nous ayons terminé le budget du ministère de l’intérieur avant de se séparer.

M. Dumortier. - Messieurs, ce n’est ici qu’un jeu de mots. Il y a toujours une majorité dans la chambre. Ce qu’elle voudra lundi, elle le décidera. Nous aurons plus tôt fait de passer outre au vote définitif du budget. Si la majorité veut que le rapport de la section centrale soit considéré comme rapport d’un projet séparé, il en sera ainsi. Messieurs, soyons complaisants à l’égard du sénat ; votons le budget avant que cette assemblée ne se sépare. (Aux voix.)

M. Fleussu. - Si j’ai bien compris l’honorable M. Dumortier, il voudrait que l’on suspendît le vote de l’article relatif au canal de Zelzaete et que cet article fît partie du budget du ministère de l’intérieur.

M. Dumortier. - Je dis qui ne faut pas s’occuper aujourd’hui de cet article. Laissons la question entière. La majorité formée dès à présent, décidera ce qu’elle voudra.

M. Fleussu. - Il est bien évident que, si vous votez le budget aujourd’hui, la proposition faite pour le canal de Zelzaete tombe d’elle-même. Vous pouvez voter à cet égard une loi spéciale ; mais elle tombe comme article du budget. Libre au gouvernement de présenter ensuite un projet spécial.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je me suis exprimé très clairement dès le début de cette discussion. Je n’ai pas dit que je retirais la proposition du canal de Zelzaete. J’ai dit seulement que je consentais à ce que cet objet fût distrait du budget de mon département et que lundi la chambre décidât si l’on considérerait le rapport de la section centrale comme rapport de projet de loi, parce que je pense qu’il n’est pas besoin d’une nouvelle présentation. C’est ainsi que nous en avons agi à l’égard de la proposition du Fourchu-Fossé que nous avons distraite l’année dernière du budget de l’intérieur.

- L’urgence du vote définitif du budget du ministère de l’intérieur est déclarée.

Second vote, vote sur les articles et sur l'ensemble

La chambre confirme successivement et sans discussion les divers amendements adoptés au budget du ministère de l’intérieur.


M. le président. - Je vais mettre les articles aux voix.

« Art. 1er. Le budget du département de l’intérieur, pour l’exercice 1835, est fixé à la somme de 11,088,114 fr. 10 c., conformément à l’état ci-annexé. »

- Adopté.

« Art. 2. La présente loi est obligatoire le lendemain de sa promulgation. »

- Adopté.


On procède à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.

53 membres ont répondu à l’appel :

50 ont répondu oui.

2 ont répondu non.

Un s’est abstenu.

En conséquence la loi est adoptée dans son ensemble, il en sera donné communication au sénat.

Ont répondu oui : MM. Berger, Brixhe, Coppieters, Dautrebande, Davignon, A. Dellafaille. H. Dellafaille, de Longrée, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmanet de Biesme, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Dewitte, d’Hane, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dumont, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Frison, Jadot, Liedts, Meeus, Milcamps, Morel-Danheel, Pirson, Troye, Raikem, Schaetzen, Simons, Thienpont, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Vanderheyden, Verdussen, Ch. Vilain XIIII, Vuylsteke L., Watlet, Zoude.

Ont répondu non : MM. de Robaulx, Gendebien.

S’est abstenu : M. Devaux.

M. le président. - Aux termes du règlement, M. Devaux est prié de donner les motifs de son abstention.

M. Devaux. - Je me suis abstenu parce que je n’ai pas assisté à la discussion, mais je crois qu’il aurait suffi pour que je m’abstinsse de la marche qu’on a suivie dans cette séance. Je ne comprends pas qu’on vote sur l’ensemble de la loi, alors, comme l’a dit l’honorable M. Fleussu, que le vote sur l’ensemble pouvait dépendre de la décision prise sur l’article dont on s’est occupé aujourd’hui.

- La séance est levée à 5 heures moins un quart.