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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 28 novembre 1835

(Moniteur belge n°333, du 29 novembre 1835 et Moniteur belge n°334, du 30 novembre 1835)

(Moniteur belge n°334, du 29 novembre 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.

M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse donne connaissance des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur L.-S. Afchain, né en France, habitant la Belgique depuis son enfance, demande la naturalisation. »

« Le sieur H.-J. Verrassel, copropriétaire de la chaussée d’Hoboken à Lierre, demande la restitution de cette chaussée ou le remboursement des sommes payées pour sa construction. »

« Le sieur Leroux, docteur en droit, se porte candidat pour être nommé par la chambre membre du jury pour la science du droit. »

« Les habitants notables de Dixmude demandent une route en gravier de Dixmude à Furnes. »

« Trois engraisseurs de bestiaux, à Liége, adressent des observations sur le projet relatif aux bestiaux en discussion à la chambre. »

M. le président. - Il va être donné lecture de cette dernière pétition.

M. de Renesse fait cette lecture. - « MM. les députés à la chambre des représentants,

« Les soussignés, nourrisseurs de bestiaux à Liège, ont l’honneur de vous adresser quelques observations sur la partie du projet sur l’entrée du bétail, qui est parvenue à leur connaissance. Ils espèrent que leur réclamation parviendra encore assez tôt à la chambre pour pouvoir être prise en considération.

« Plusieurs intérêts sont en présence dans cette question, et ces intérêts seront froissés si le projet en discussion est adopté sans modifications : ceux qui élèvent des bestiaux désirent voir frapper l’importation de droits élevés ; ceux qui les engraissent demandent des droits légers sur les bêtes maigres et des droits élevés sur les bêtes grasses ; les consommateurs réclament une entière liberté d’entrée. La loi ne peut satisfaire entièrement à ces diverses conditions ; mais, pour être bonne, elle doit en approcher autant que possible.

« Nous venons donc prier la chambre de modifier la fixation du droit à l’entrée de la manière suivante : établir pour les bêtes grasses un droit double de celui à fixer pour les bêtes maigres. Par ce moyen vous protégerez deux industries distinctes : l’industrie de celui qui élève et l’industrie de celui qui nourrit à l’engrais. Si notre demande est rejetée, notre position deviendra fort précaire ; car nous ne trouvons pas dans le pays l’espèce de boeufs que nous engraissons ; nous les tirons de Birkenfeld, près de Trêves, et si l’entrée du bœuf maigre est frappée d’un droit égal à celui sur l’entrée du bœuf gras, nous ne pourrons soutenir la concurrence contre les Hollandais, qui ont en leur faveur des chances de succès que nous n’avons pas ; les bœufs gras de Hollande continueront à affluer sur nos marchés, au détriment de notre industrie.

« Nous nous abstiendrons de discuter la quotité du droit, qui ne doit cependant pas être trop élevé, ce qui encouragerait la fraude et d’examiner les mesures proposées, qui ne sont pas encore venues à notre connaissance ; mais nous vous prions, messieurs, d’intervenir auprès de M. le ministre des finances, pour qu’il donne des ordres sévères afin d’empêcher l’entrée du bétail hollandais par la frontière qui entoure Maestricht, point par lequel la plus grande fraude a eu lieu jusqu’à ce jour, et cela tout à fait ostensiblement.

« Nous avons l’honneur, etc.

« Liége, le 27 novembre 1835.

« (Suivent les signatures). »

Projet de loi relatif aux droits sur les bestiaux

Discussion des articles

Article premier

M. le président. - M. Rodenbach a présenté l’amendement suivant :

« Veaux par tête pesant au-dessous de 50 kilogrammes : droit d’entrée, 2 francs 50 centimes. »

M. A. Rodenbach (pour une motion d'ordre). - Je m’étais réservé la parole dans la séance d’hier pour parler sur l’ensemble de l’article premier. Mais il me paraît que la chambre commence à être fatiguée de la discussion générale que nous prolongeons en réalité depuis cinq jours, quoique elle ait été fermée.

Je pense que, pour abréger la discussion et arriver à une fin, M. le ministre des finances devrait déclarer s’opposer formellement au mode de perception proposé par les honorables MM. Dubus et de Mérode. Son opinion abrégerait singulièrement la discussion, parce que s’il déclarait qu’il y a impossibilité d’admettre le nouveau mode de perception, l’assemblée n’aurait plus à s’en occuper.

Il y a également une douzaine d’amendements déposés sur le bureau. M. le ministre pourrait également nous faire connaître son opinion sur chacun d’eux. La commission s’était occupée du mode de perception du droit et aurait proposé que cette perception eût lieu au poids ; mais des agents du gouvernement ayant déclaré que ce mode de perception serait d’une exécution difficile, la commission crut ne pas devoir formuler la loi dans ce sens.

Je désirerais que M. le ministre des finances voulût intervenir par son opinion pour terminer un débat qui s’est déjà trop prolongé.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable préopinant pense que pour abréger la discussion, il conviendrait de savoir si j’insiste fortement contre l’amendement de l’honorable M. Dubus.

J’ai indiqué déjà dans la séance précédente la seule objection que j’aie à présenter, c’est la dépense que nécessiterait l’achat du matériel du pesage des animaux.

L’honorable M. Dubus est dans l’erreur, lorsqu’il croit que ce matériel existe dans quelques provinces. Il y a des balances de ce genre dans les entrepôts. Mais elles sont nécessaires à ces établissements. Si l’amendement était adopté, il faudrait acheter un matériel complet. Du reste, la dépense ne sera pas très considérable. Si l’on veut n’avoir que 4 bureaux pour les 4 provinces auxquelles la loi sera applicable, comme chaque balance coûtera 1,000 fr., cela ne ferait qu’une dépense de 4,000 fr. On pourrait créer 6 bureaux sans qu’elle parût bien considérable.

Si ce point n’arrête pas la chambre, comme je n’en doute pas, l’on peut admettre l’amendement de l’honorable M. Dubus parce qu’il a l’avantage de concilier toutes les opinions : il tend à la réalisation du désir que nous avons de voir adopter ce mode de perception en France. Il satisfait en même temps aux réclamations des nourrisseurs de bétail qui achètent des bêtes maigres pour les engraisser. Voilà un point sur lequel nous sommes d’accord.

Quant aux mesures d’exécution contre lesquelles on s’est élevé, quand nous arriverons aux différents articles, je présenterai à la chambre des amendements qui se concilieront avec ceux déjà présentés, et qui feront voir à l’assemblée qu’il ne pourra résulter que très peu de gêne et nulle vexation de l’adoption des mesures que nous demandons.

Si l’amendement de M. Dubus était admis, la proposition de l’honorable M. Beerenbroeck tomberait naturellement, puisque le droit sur les veaux serait en rapport avec le poids des animaux.

M. Beerenbroeck. - Je déclare à la chambre que je n’ai présenté mon amendement que conditionnellement.

M. Dubus. - L’amendement de l’honorable M. Beerenbroeck doit être maintenu éventuellement. Il deviendrait utile si le mien était écarté ou modifié.

Je dis modifié à dessein. Car si l’on ne détermine qu’un certain nombre de bureaux, il faut que ceux qui voudront présenter le bétail à d’autres bureaux ne paient pas, si c’est un veau de 8 jours par exemple, ce qu’ils paieraient pour un veau déjà élevé et engraissé.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il est bien entendu que l’amendement de l’honorable M. Beerenbroeck subsiste conditionnellement. Je ferai remarquer que si je ne m’oppose pas à l’amendement de l’honorable M. Dubus, je ne m’y suis pas non plus complètement rallié. Le droit de 8 c. par livre qu’il propose est beaucoup trop faible. Car, loin de représenter l’équivalent de celui que nous proposons, il est encore au-dessous de 42 fr. 32 c. qui était le droit fixé avant la révolution.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Un grand nombre d’orateurs sont inscrits pour parler sur l’article premier. Voilà déjà cinq jours que la discussion dure véritablement. Cependant l’opinion de chacun de nous est formée. Je pense que la chambre est assez éclairée pour savoir si l’impôt sera perçu au poids ou à la valeur. Je voudrais que l’on mît cette question aux voix. Je proposerai ensuite de mettre aux voix plusieurs autres questions qui tendraient à concilier toutes les opinions. Si nous continuons, comme nous le faisons depuis cinq jours, la discussion générale, il n’y a pas de motif d’en prévoir la fin.

M. Gendebien. - Mon intention n’est pas de prolonger indéfiniment la discussion. Je ferai seulement observer que je n’ai pas dit un mot sur l’objet en question. Je demanderai donc à motiver mon opinion. Quelle que soit la décision de la chambre sur la clôture de la discussion, je crois avoir le droit d’être entendu. Je ne parlerai que deux minutes, et je tâcherai de démontrer que de part et d’autre l’on s’est écarté de la véritable discussion.

M. d'Hoffschmidt. - La discussion sur l’amendement de M. Dubus ne peut être fermée, puisqu’elle a à peine été entamée. Je demande à parler sur le mode de perception de l’impôt.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demande d’abord que l’assemblée décide que l’on s’occupera uniquement de cette question : « Le droit sera-t-il perçu au poids ? » Si un orateur demande encore à être entendu sur l’ensemble, la chambre jugera s’il y a lieu de rentrer, en sa faveur, dans la discussion générale.

M. Jullien. - Je crois que la proposition de M. le ministre de l’intérieur tend à la clôture de la discussion de l’article premier. Cependant, dans l’état où se trouve cette discussion, il est impossible de passer à la clôture. Je prie la chambre de se rappeler que, dans la discussion de l’article premier, l’objet dont on s’est le moins occupé, c’est cet article.

L’on s’est jeté, jusqu’à présent, dans le champ des idées spéculatives en économie politique. Cependant la chambre se trouve en présence d’une multitude d’amendements.

Remarquez que l’article premier consiste en ceci : la quotité du droit et le mode de perception. Si les orateurs veulent bien rentrer dans l’article premier, c’est de ces deux questions qu’ils auront à s’occuper. Mais adopter l’amendement de M. le ministre de l’intérieur, c’est nous rejeter dans une nouvelle complication. Je pense qu’il y a lieu de suivre l’ordre d’inscription, en priant les orateurs de vouloir bien se restreindre dans l’exercice de la quotité du droit et du mode de perception.

M. Lebeau. - J’ai une observation à faire sur la proposition de M. le ministre de l’intérieur. Il demande deux choses : la clôture de la discussion et la mise aux voix d’un principe. Messieurs, je crois que, dans une matière aussi importante, il n’y a pas lieu d’exclure la faculté d’émettre son opinion.

Quant à la deuxième proposition de M. le ministre de l’intérieur, la chambre se conformera sans doute à ses antécédents et posera avant tout une question préalable, celle de savoir si le tarif de douanes, en ce qui concerne l’entrée du bétail étranger, sera modifié.

C’est ainsi que vous avez procédé lors de la discussion de la loi sur l’industrie cotonnière. Si l’on met d’abord aux voix la question de savoir si le droit sera perçu au poids ou par tête, l’on préjuge une autre question, celle de savoir si l’on modifiera le tarif.

Moi qui, partageant complètement l’opinion de mes honorables collègues les députés de Bruges et de Turnhout, suis opposé à toute modification du tarif, je ne pourrai voter la question posée par M. le ministre de l’intérieur avant que la seconde n’ait été résolue.

Si la chambre déclare, comme je crois que c’est l’intention de la majorité, qu’il y a lieu de changer le tarif, alors nous pourrons fixer notre opinion sur le mode de perception qu’il convient d’adopter. Nous ne pouvons, je le répète, voter sur la proposition de M. le ministre de l’intérieur, sans préjuger une question à l’égard de laquelle l’assemblée n’a émis encore aucune décision.

Je désire que l’on suive la marche adoptée lors de la discussion de la loi sur les cotons et que l’on mette préalablement aux voix la question suivante :

« Le tarif de douanes, en ce qui concerne l’importation du bétail, sera-t-il modifié ? »

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il est bien entendu que la question sera mise aux voix sans discussion, autrement ce serait recommencer la discussion générale.

M. Desmaisières, rapporteur. - J’ai à répondre à des accusations qui ont été lancées contre moi ainsi que mes collègues ; j’espère que la chambre ne refusera pas de m’entendre.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Si chacun se croyait obligé de répondre à toutes les divergences d’opinion qui se manifestent dans cette enceinte, il n’y aurait pas moyen d’espérer voir le terme de nos discussions. Je crois que l’on pourrait dès ce moment se prononcer sur la question de principe que j’ai posée. Si la chambre veut voter d’abord sur la question générale, je n’ai aucun motif de m’y opposer. Mais je désire que l’on vote ensuite sur le mode de perception à établir dans la loi.

La discussion s’en trouvera singulièrement abrégée. Lorsque l’on aura décidé, par exemple, que le droit se percevra au poids, il ne s’agira plus que d’en fixer la quotité par livre.

M. Gendebien. - Je demande l’exécution du règlement : parmi les orateurs inscrits, il y en a qui ont parlé jusqu’à 5 fois, d autres n’ont parle qu’une fois et d’autres pas du tout. Il faudrait, ce me semble, commencer par entendre ces derniers. La chambre ensuite jugera s’il y a lieu d’accorder la parole à ceux qui ont parlé 4 à 5 fois.

M. Lardinois. - Nous avons, à l’occasion de l’article premier, continué la discussion générale. Je conçois que l’assemblée désire mettre un terme à cette discussion sur l’ensemble. Cependant je ne crois pas que l’intention de M. le ministre de ni celle de la chambre soit de clore sur la discussion de l’article premier. Je me propose de prouver dans cette discussion l’inutilité du projet de loi. Je crois donc qu’il faut se borner à clore décidément la discussion générale et à demander que l’on discute l’article premier.

M. le président. - M. Jullien désire-t-il que je mette sa proposition aux voix ?

M. Jullien. - Je n’ai formulé aucune proposition. J’ai seulement rappelé que M. le président avait le droit de prier chaque orateur qui rentrerait dans la discussion générale de se renfermer dans celle de l’article premier et les amendements qui ont été proposés.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demande que l’on mette aux voix la question de savoir si le droit sur le bétail sera perçu au poids ou par tête.

M. Gendebien. - C’est une question à discuter.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demande que si l’on ne croit pas ce point suffisamment éclairci, l’on circonscrive du moins la discussion dans ce cercle. Ceux qui ne veulent aucune modification au tarif ont un parti bien simple à prendre. C’est de voter contre tout.

M. d'Hoffschmidt. - M. le ministre de l’intérieur demande que la chambre se prononce sur le mode de perception. Mais avant de passer aux voix, un système tout nouveau ayant été présenté dans la séance d’hier, il faut l’examiner. Je demande donc que l’on discute cette question seulement, étant d’avis qu’il y a lieu de se renfermer dans cette unique question. Mais encore faut-il l’examiner.

M. Lebeau. - Je désire, comme beaucoup de membres de cette assemblée, abréger la discussion. Mais je ferai observer que si c’est un tort qu’ont eu les orateurs qui ont parlé dans la séance d’hier de rentrer dans la discussion de l’ensemble, les orateurs inscrits, et qui n’ont pas encore parlé, ont les mêmes droits et doivent avoir la faculté de parcourir le terrain que les premiers ont parcouru.

Aux termes du règlement il ne peut pas y avoir de semi-clôture à prononcer, ii y a clôture absolue ou il n’y a pas clôture, et alors la discussion doit continuer, et les orateurs inscrits ont le droit de parcourir le champ parcouru par ceux qui ont été entendus jusqu’ici.

Si on voulait poser une question, il y en aurait une préjudicielle, celle de savoir si on apportera des modifications au tarif, car il y a des membres qui ne veulent aucune augmentation de droit, soit qu’on adopte la perception au poids ou par tête.

M. Jullien. - Je demande la parole contre la clôture. Je ne pourrai que répéter les raisons que je vous ai déjà exposées. Vous ne pouvez pas prononcer la clôture de la discussion sur l’article premier, parce que l’article premier n’a pas été réellement discuté.

Si vous prononcez la clôture, vous vous trouverez en face d’une multitude d’amendements qui se croisent et présentent des systèmes différents. Il faudra voter sur chacun de ces amendements, sans qu’aucun ait été discuté, réfléchi, digéré, et on s’exposera, comme cela est arrivé quelquefois, à voter en aveugle ; tandis qu’en invitant par l’organe du président, comme je le proposais tout à l’heure, les orateurs qui entreraient dans la discussion générale, à se renfermer dans l’article premier, à ne traiter que la question de savoir si on doit élever le tarif, et dans le cas de l’affirmative, quelle sera l’élévation, nous aurons plus de profit à continuer la discussion. Car si vous prononcez la clôture, quand il s’agira de mettre aux voix les amendements proposés, la chambre n’en sortira pas.

M. le président. - Voici ce que porte le règlement pour ce qui concerne les demandes de clôture.

« Art. 40. La discussion générale portera sur le principe et sur l’ensemble de la proposition. Outre la discussion générale et la discussion des articles, la chambre pourra ordonner une discussion sur l’ensemble de chacune des divisions d’une proposition.

« Art. 41. La discussion des articles s’ouvrira successivement sur chaque article, suivant son ordre et sur les amendements qui s’y rapportent. »

Il me semble d’après ces dispositions que si la clôture était prononcée, cela n’empêcherait pas de discuter séparément les différents numéros de l’article.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je demande la clôture, en ce sens que la question indiquée par M. Lebeau sera posée immédiatement et sans aucune discussion ; cette question est celle de savoir s’il y aura ou non changement au tarif. Sur ce point il n’y aurait donc plus de discussion générale ; tout le monde sera d’accord, je pense, que nous en avons eu assez.

Si cette première question est résolue négativement, le projet tombe et tout est fini. Si au contraire elle est résolue affirmativement, on viendra à une seconde question qui sera alors discutée et sur laquelle chacun pourra parler.

Cette seconde question serait celle-ci : Le droit sera-t-il perçu par tête ou au poids ? Ensuite, si, comme je le pense, on admet la perception au poids, nous nous occuperons de la question de savoir quel sera le taux du droit par kilogramme.

Si nous n’adoptons pas ce mode de délibération, nous n’en finirons pas.

M. Jullien. - Cet ordre est celui qu’on doit suivre logiquement.

M. Gendebien. - Vous ne pouvez pas borner la discussion à la question de savoir si le droit sera perçu par tête ou au poids ; car je puis admettre une majoration sur un article et ne pas l’admettre pour d’autres : je puis, par exemple, ne pas admettre de majorations sur les chevaux, et quand nous en serons à cet article, je pourrai rentrer dans tous les développements de la discussion générale, pour prouver qu’il ne faut pas majorer le droit.

Lorsqu’il s’agira des taureaux, bœufs et vaches, je pourrai également reproduire toutes les considérations générales sur la question de savoir si on doit porter le droit d’entrée à 50 francs ou à 42, ou le maintenir au taux par l’arrêté du gouvernement provisoire.

On aurait terminé la discussion générale, si on n’avait pas soulevé cet incident. Faites ce que vous voudrez ; à chaque article du tarif, vous ne pourrez pas empêcher que je déduise les raisons qui, dans mon opinion, s’opposent à ce que le droit soit majoré.

Vous voyez donc que la proposition est sans objet.

M. le président. - Plus de dix membres ayant demandé la clôture, je vais la mettre aux voix.

M. Lardinois. - C’est la clôture sur l’incident.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Non ! non ! C’est sur l’article.

M. Lardinois. - Il ne peut être question que de la clôture sur l’incident et non sur l’article premier. M. Gendebien ne veut pas d’augmentation de droit sur les chevaux, moi je ne veux aucune augmentation ; nous voulons faire valoir les considérations sur lesquelles nous fondons notre opinion.

M. le président. - Quand la clôture sera prononcée, on pourra discuter chacune séparément des parties de l’article, mais non sur l’ensemble de l’article.

- La clôture de la discussion générale sur l’article premier est mise aux voix et prononcée.


M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense que maintenant il y aurait lieu de mettre aux voix la question de savoir s’il y aura modification au tarif. Si cette question est résolue négativement, tout est fini. Si, au contraire, on décide qu’il y aura modification, on discutera toutes les questions une à une, de manière à ce qu’il n’y ait plus de discussion sur toutes les questions réunies ; nous arriverons plus tôt à une solution en discutant les questions ainsi subdivisées.

M. le président. - M. le ministre des finances propose de soumettre à la chambre la question suivante :

« Y aura-t-il modification au tarif actuel ? »

- Cette question est mise aux voix et résolue affirmativement.


M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Comme la question principale agitée dans toute cette discussion est celle qui concerne les taureaux, bœufs, vaches, génisses et veaux, je désirerais qu’on s’occupât d’abord de cette question qui domine tout, attendu que pour ce qui concerne les autres animaux, nous nous mettrons facilement d’accord ; car cela n’a pas une grande importance, la Hollande nous en fournissant très peu.

Je voudrais, comme je l’ai dit tout à l’heure, qu’on discutât maintenant la question de savoir si le droit sera perçu au poids ou par tête ; et si la chambre se prononce pour la perception au poids, nous arriverons à la question que j’ai déjà indiquée, savoir quel sera le droit par kilogramme.

M. Jullien. - Il y a un autre mode de perception que ceux indiqués par M. le ministre des finances, la perception à la valeur déclarée. Il me semble qu’il faudrait examiner en même temps ces trois modes de perception.

M. Gendebien. - La proposition du ministre n’est pas exclusive de la question de savoir si pour le bétail il y a lieu de majorer le tarif actuel. Il me semble même que c’est par là qu’on devrait commencer.

M. le président. - Voici la question que M. le ministre des finances propose de mettre en discussion :

« Le droit sera-t-il perçu au poids, par tête ou à la valeur déclarée ?

M. Desmaisières, rapporteur. - Vous ne devez pas perdre de vue que, dans les divers modes de perception proposés, il en est de mixtes. Par exemple, M. Dubus propose la perception au poids pour certaines catégories d’animaux, mais il ne propose pas d’étendre ce système aux autres catégories. Il faut à chaque article commencer par décider quel sera le mode de perception. Ensuite je crois, comme M. Gendebien, qu’il faudrait commencer par fixer la quotité du droit qu’on veut percevoir par tête, sauf, si on décide que la perception aura lieu au poids, à faire la réduction du droit par tête à tant par kilogramme.

Si on jugeait qu’il faut établir un droit plus élevé pour le bétail gras que pour le bétail maigre, il serait indispensable d’adopter le mode de perception au poids, tandis que si on ne voulait qu’un droit unique pour le bétail gras et le bétail maigre, et que ce droit fût assez élevé pour empêcher l’entrée du bétail gras, il n’y aurait pas de difficulté à laisser le mode proposé d’abord par le ministre des finances, la perception par tête : c’’est pour cela qu’il faut commenter par discuter la quotité du droit qu’on veut établir.


M. le président. - Voici les divers amendements proposés :

Le gouvernement propose la perception par tête.

MM. de Mérode et Dubus proposent la perception au poids, et M. Pirson propose en partie la perception à la valeur.

Voici les trois amendements :

« (M. Dubus, aîné) J’ai l’honneur de proposer l’amendement suivant, aux numéros 3 à 6 inclusivement du tarif en discussion :

« Bœufs, taureaux, vaches, taurillons, bouvillons, génisses et veaux, 0-08 (huit centimes) par kilogramme du poids brut des animaux sur pied. »

« (M. F. de Mérode) A dater du premier mars 1836, le gouvernement est autorisé à désigner quatre bureaux où les droits seront perçus au poids, à raison de douze centimes par kilogramme. »

« (M. Pirson) Art. 1er. Par modification spéciale au tarif de douanes, le droit d’entrée sur les chevaux et bestiaux désignés ci-après, et dont l’importation s’effectuera par la frontière de la province du Limbourg, y compris le rayon autour de Maestricht, de la province d’Anvers, de celle de la Flandre orientale, et enfin de la partie septentrionale de la Flandre occidentale, est fixé comme suit : (Tarif du projet du gouvernement).

« Art. 2. Sur toute la frontière non désignée dans l’article précédent, le droit d’entrée desdits chevaux et bestiaux sera payé à raison de 8 p. c. de la valeur déclarée, sauf la faculté de préemption de la part des employés.

« Ma proposition est générale quant aux animaux, mais non quant aux frontières entre lesquelles elle établit des différences. »


M. le président. - Désire-t-on mettre en discussion la question posée par le ministre ?

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Pour abréger et simplifier la discussion, je déclare que d’après les renseignements que j’ai pris, et que j’ai déjà eu l’honneur de vous communiquer, je me rallierai à la proposition d’établir la perception au poids, selon les amendements de MM. Dubus, Desmet et de Mérode ; les frais que ce mode de perception entraînera ne seront pas aussi considérables que je l’avais pensé d’abord.

M. Desmet. - J’ai l’honneur de proposer le sous-amendement présenté par l’honorable M. Dubus et de porter à 10 les 8 centimes que l’honorable membre propose.

En portant le droit à 10 centimes par kilogramme du poids brut des animaux sur pied, nous atteindrons le taux du projet de tarif présenté par le gouvernement, et je crois que nous pouvons appuyer ce taux ; nous en aurons besoin pour pouvoir empêcher l’entrée du bétail hollandais en Belgique, qui, à cause de sa grande abondance et du petit débit qui s’en fait dans le pays même, est tellement à bas prix, que les distillateurs et cultivateurs sont obligés de céder leur bétail gras à vil prix, et si on ne l’imposait pas à un droit assez élevé, on le ferait entrer en Belgique en payant l’impôt.

Et pour l’objection qu’on saurait faire que l’impôt trop élevé pourrait augmenter l’appât de la fraude, messieurs, veuillez remarquer que dans l’espèce ce n’est pas l’élévation du droit qui va augmenter la fraude, car aujourd’hui, quoique le droit soit très bas, encore la contrebande se fait très activement ; ce sont surtout les mesures qu’on emploie pour l’empêcher qui pourront la faire arrêter, car pour l’entrée du bétail gras on peut employer des mesures efficaces pour arrêter l’entrée en contrebande, et je pense que celles que nous propose le gouvernement auront un résultat désiré, et quoique le taux du droit soit assez élevé, la douane pourra défendre l’entrée du bétail hollandais.

- L’amendement de M. Desmet est appuyé.

M. Pirson. - M. le ministre s’est rallié à la proposition de percevoir le droit au poids, parce que la dépense pour se procurer le matériel nécessaire pour ce mode de perception ne sera pas grande. Mais pour cela, il faut savoir si nous ne nous occuperons que de la frontière de Hollande.

Si la loi ne doit recevoir d’application que sur ces frontières, il suffira d’établir ce matériel dans quatre bureaux, et cela n’entraînera pas une grande dépense. Mais si la loi doit être générale, ce n’est plus la même chose. Car alors il faudra établir un matériel non seulement dans les bureaux de la frontière hollandaise, mais aussi dans les bureaux des frontières française et prussienne, et alors on retrouve la difficulté dont a parlé M. le ministre des finances, la grande dépense qu’entraînera ce mode de perception.

Nous avons décidé qu’il y aurait modification au tarif ; maintenant on devrait poser cette question : La modification s’étendra-t-elle à toutes nos frontières ou seulement du côté de la Hollande ?

D’après la tendance que me paraît avoir la chambre, je crois qu’il y aura une petite diminution sur l’ancien droit, et alors je trouve que les anciens droits établis sur la frontière prussienne sont exorbitants en comparaison de ceux qu’on percevra sur les bêtes grasses hollandaises.

Car la Prusse ne nous envoie que des bêtes maigres qui servent au labour dans les provinces de Liége et du Luxembourg, et qu’on engraisse ensuite. Si vous ne diminuiez pas le droit qu’on perçoit sur ces bêtes maigres, vous vous montreriez plus rigoureux pour la Prusse que pour la Hollande.

Si la loi dont nous nous occupons doit être exécutée sur toutes nos frontières, je proposerai la perception à la valeur. C’est un moyen plus certain d’obtenir le véritable droit. Il n’y a pas de préposé qui ne sache à peu près ce que vaut un bœuf ou une vache qu’on introduit.

Il y a une foule de raisons pour percevoir ici le droit à la valeur plutôt que pour d’autres marchandises. Les soieries, par exemple, qui sont un objet de grand prix, paient le droit à la valeur. Comment voulez-vous cependant que des employés jugent si un ballot de soieries vaut 5 ou 6 mille francs ? Ensuite s’ils veulent préempter, ils n’ont ni l’argent nécessaire pour le faire, ni des marchands prêts à prendre la marchandise préemptée, tandis qu’un bœuf, ils ont toujours l’occasion de le vendre s’ils le préemptent. Je pense qu’en établissant la perception à la valeur on arriverait au but qu’on se propose sans avoir besoin de faire de différence entre les frontières.

M. Zoude. - Je dois faire remarquer que je suis le seul qui ait fait une proposition pour augmenter le droit sur la frontière prussienne.

M. d'Hoffschmidt. - Ayant émis le premier, dans cette discussion, l’opinion que les droits à établir à l’entrée du bétail étranger chez nous devraient l’être au poids et non par tête, je tiens à motiver cette opinion, et MM. Dubus et de Mérode ont rendu ma tâche très facile par les développements qu’ils ont présentés en faveur de ce mode de perception. M. le ministre des finances qui, après avoir combattu hier ce nouveau système, vient de s’y rallier, a diminué encore les difficultés de la discussion ; aussi je serai très bref.

Ce ministre déclare maintenant que les frais qui seront occasionnés ne seront pas aussi considérables qu’il le craignait, ce qui me fait espérer, messieurs, que vous adopterez le nouveau mode de perception proposé, si vous considérez surtout que c’est non seulement le plus juste et le plus équitable, mais encore celui qui est le plus en harmonie avec les intérêts bien entendus de plusieurs de nos provinces qui, n’élevant que du petit bétail, ont le plus grand intérêt à ce que nous amenions par notre exemple les nations auxquelles nous fournissons du bétail à établir aussi les droits qu’elles perçoivent à son entrée chez elles, au poids ou à la valeur.

Déjà le gouvernement français a fait un projet qui tend à introduire cette modification si importante pour nous, mais ce projet n’a pas été discuté ; et, messieurs, si la France persistait à maintenir le droit par tête, cette persévérance serait on ne peut plus fatale, surtout au Luxembourg, qui n’a de débouchés que cette nation.

J’appuie donc de toutes mes forces la proposition de MM. de Mérode et Dubus que je voudrais voir appliquer à tous les bestiaux, sauf aux chevaux dont la valeur n’est pas dans le poids.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - M. Dubus ne comprend pas les moutons dans son amendement ; le droit est établi par tête.

M. d'Hoffschmidt. - Dans ce cas j’admettrai la proposition de M. Dubus, si la loi doit s’étendre à d’autres frontières qu’à celles de la Hollande. Car dans ce cas nous ne prendrions qu’une demi-mesure.

Dans les moutons comme dans les bœufs il y a une grande différence, quant au poids : par exemple, un mouton du Brabant pèse de 90 à 100 livres, tandis qu’un mouton des Ardennes ne pèse que de 30 à 35 livres ; et messieurs, la perception au poids sur les moutons n’offre pas autant de difficultés que l’on pourrait se l’imaginer au premier abord, car l’on n’a qu’à peser le plus fort et le plus faible et prendre la moyenne pour les autres.

Les opinions émises dans cette discussion étant de nature à se reproduire dans les questions analogues que nous aurons vraisemblablement encore à discuter, permettez, messieurs, que j’ajoute quelques mots pour rectifier une erreur commise dans le compte-rendu de la séance d’avant-hier, erreur qui me représenterait comme étant en contradiction avec ce que j’ai dit le premier jour de la discussion de la loi qui nous occupe.

Le Moniteur me fait dire que : « Personne dans cette enceinte n’est un plus chaud partisan de la loi que moi, » au lieu de ces mots que je me rappelle avoir prononcés : « Personne dans cette enceinte, même les plus chauds partisans de la loi, ne réclame la prohibition, etc. »

Plus bas il me fait encore dire qu’au moyen d’un droit de 40 francs nous pourrons soutenir la concurrence avec la France, au lieu de dire avec la Hollande.

Au reste cette dernière inexactitude ressemble à bien d’autres qui ne signifient rien ; aussi c’est l’occasion qui m’en fait parler, puisque ceci doit servir d’erratum.

M. de Nef. - J’avais demandé avant-hier la parole pour faire une proposition de la nature de celle faite par l’honorable M. Dubus, et consistant à élever le droit actuel au taux où il se trouvait établi avant l’arrêté du gouvernement provisoire en 1830, et à faire payer le droit au poids ; je me bornerai maintenant à appuyer ce système et à vous faire observer que cette proposition, qui entre tout à fait dans le sens des idées que j’ai eu l’honneur de vous présenter dans la séance de mardi, concilie, on ne peut mieux, tous les intérêts.

J’ai dit que les cultivateurs qui élèvent des bestiaux, devaient nécessairement être protégés, mais que, d’un autre côté, le droit établi par la loi nouvelle me semblait un peu trop élevé, surtout si le gouvernement avait soin d’éloigner tous les employés qui tolèrent la fraude au mépris de leur serment. Eh bien la proposition de M. Dubus est un terme moyen et conciliateur entre l’intérêt de nos cultivateurs et celui des consommateurs ; enfin, elle réunit encore l’avantage de n’établir aucune inégalité entre les puissances voisines, puisque toutes seront sur la même ligne.

Je pense, messieurs, que ces motifs sont plus que suffisants pour rallier toutes les opinions divergentes à celle émise par l’honorable M. Dubus.

Je pense, avec M. le ministre des finances, qu’il y aurait moyen de rendre peu sensibles les frais occasionnés par la perception du droit au poids, en restreignant le nombre des directions par où passe aujourd’hui le bétail étranger. Dans tous les cas, ces frais seraient amplement compensés par la diminution de la fraude, et notamment par la cessation des déclarations frauduleuses, dans lesquelles on fait passer des vaches pour des génisses.

Enfin, si la chambre reculait devant les dépenses nécessitées par l’établissement des bascules, je fais, dans ce cas, la proposition formelle d’abolir purement et simplement l’arrête de 1830 du gouvernement provisoire, et de remettre les choses absolument dans le même état où elles se trouvaient avant ledit arrêté.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne puis me dispenser de repousser à l’instant même les allégations que M. de Nef reproduit pour la seconde fois. Il faut, dit-il, que le gouvernement éloigne les employés qui tolèrent la fraude. Il y a dans ces mots une double supposition : d’abord que des employés des douanes tolèrent la fraude, et ensuite que le gouvernement connaît ces employés et ne les renvoie pas. Messieurs, le gouvernement ne croit pas qu’il est des employés qui se prêtent à la fraude, et il serait leur complice, s’il en connaissait de tels et s’il ne les renvoyait pas.

Il est facile de faire de semblables suppositions, mais on ne réfléchit pas assez quelle fâcheuse influence elles peuvent exercer ; ne s’aperçoit-on pas qu’elles sont de nature à porter le découragement parmi les employés de la douane, dont le service est pénible ? Pour un seul employé dont M. de Nef a peut-être entendu parler, il jette la défiance sur l’administration toute entière ; il nuit à la considération qu’elle mérite, et altère la propre estime que les employés se doivent à eux-mêmes.

Des accusations lancées dans cette enceinte ont une portée immense, et je ne plus trop exprimer mes regrets de ce qu’on attaque ainsi des agents dont le service est si rude, et qui ne manquent à aucune des obligations, à aucun des devoirs qui leur sont imposés. A mes yeux, tous ces fonctionnaires sont irréprochables, car si j’en connaissais un seul qui tolérât le moins du monde la fraude, ou qui en fût gravement soupçonné, je le démettrais sur-le-champ de ses fonctions.

Messieurs, puisque j’ai la parole, je reviendrai un moment à l’objet en discussion.

M. Pirson a posé une question en quelque sorte préjudicielle. Il a pensé qu’il importait de savoir avant tout si on appliquera les dispositions de la loi sur toutes les frontières, afin d’être fixé sur la portée de la dépense qui doit résulter du mode de perception au poids.

Aujourd’hui que nous savons tous que la dépense pour la perception au poids ne serait pas très considérable, les inconvénients d’admettre la proposition de M. Dubus ne sont plus tant à craindre.

S’il ne s’agissait que de la frontière de la Hollande, 5 ou 6 bureaux ouverts à l’entrée du bétail suffiraient, et si l’on étendait la mesure à toutes nos frontières, une douzaine de bureaux pourraient satisfaire aux besoins ; dans ce dernier cas, ce serait une dépense de 10 à 12 mille francs, ce qui n’est pas assez considérable pour reculer devant le mode de perception au poids.

L’honorable M. d’Hoffschmidt a demandé que la perception au poids fût appliquée aux moutons, au menu bétail comme au gros. Je ne pense pas qu’il soit utile de généraliser ainsi ce mode de perception. Il est vrai que le poids des moutons varie selon les localités, et que dans la province de Brabant, ils sont pesants, tandis que dans la province de Namur ils le sont beaucoup moins ; mais notre mesure ne s’applique pas aux moutons de la Belgique, il ne s’agit que des moutons étrangers ; il n’y a pas de raison dès lors d’établir la perception autrement que par tête sur le menu bétail.

M. de Nef. - Je n’ai pas accusé l’administration générale des douanes, laquelle est exemple de tout reproche ; mais j’attaque plusieurs personnes coupables d’avoir violé leur serment.

M. d'Hoffschmidt. - Je comprends fort bien que ce n’est pas pour imposer les moutons du pays que nous faisons une loi ; ainsi, l’observation du ministre tombe à faux. Mais j’ai fait remarquer qu’en portant la loi qui nous occupe, nous jetons un jalon, nous donnons un exemple aux puissances environnantes ; si elles perçoivent au poids, ce mode de perception nous sera avantageux. Pourquoi faire une exception pour le menu bétail ? Pourquoi avoir deux systèmes de perception ? Je n’en veux qu’un.

- Un membre. - Voulez-vous aussi peser les chevaux l

M. F. de Mérode. - Jusqu’ici on a perçu par tête. On propose de percevoir au poids ; mais il ne faut pas établir ce mode de perception dans tous les bureaux ; ce serait aller trop loin ; il faut l’établir dans quelques bureaux et faire un essai ; il faut enfin que ce mode de perception soit facultatif, et non pas faire une disposition absolue. Si des difficultés se rencontraient dans l’exécution, on serait fort embarrassé de reprendre l’ancien mode et on aurait fait des dépenses inutiles. D’ailleurs, ce mode peut être bon sur une frontière, la frontière de France, par exemple, et peut ne pas être aussi convenable sur une autre frontière. Laissez donc la perception au poids facultative et comme moyen d’essai.

M. Desmaisières, rapporteur. - M. Pirson a dit que si vous posez en principe que la perception aura lieu au poids, il faudra l’établir sur toutes les frontières, et que vous ne pourrez plus vous occuper des distinctions faites dans l’article 2 ; mais je crois que si nous volons le principe de la perception au poids, ce n’est que pour les frontières désignées dans l’article 2.

M. le président. - La perception au poids ne préjuge rien relativement à l’établissement des bureaux sur les frontières ; cette dernière question reste entière.

M. Jullien. - La perception se fera-t-elle au poids, à la valeur ou par tête ? Telle est la question que l’on a discutée longuement. Je crois qu’il est vraiment temps que la chambre fasse un choix ; j’exprimerai mon opinion relativement à ce choix.

La perception par tête est incontestablement, d’après ce que l’on a dit, et d’après la pétition de Liége, le mode le plus mauvais ; il entraîne quelque chose d’injuste, parce que l’on paie autant pour une bête grasse que pour une bête maigre. Mais, dira-t-on, pourquoi introduisez-vous les bêtes maigres ? Messieurs, si l’on introduit des bêtes maigres, c’est la nature de l’industrie qui le veut ainsi. On a déjà d’ailleurs très bien expliqué qu’en France on commence à reconnaître la convenance d’établir les droits au poids.

M. Pirson a présenté un amendement tendant à établir la perception à la valeur déclarée. Cette manière de percevoir le droit se rapproche de la justice ; mais comme cette disposition est accompagnée de la préemption, je ne l’admettrai pas ; car ce serait autoriser les douaniers à faire des spéculations et à enlever aux importateurs les bénéfices qu’ils ont à faire. Quelquefois les prix varient : si la marchandise baisse, il n’y aura pas de préemption ; mais si la marchandise est en hausse, les douaniers chercheront à en profiter.

La perception au poids est la seule juste ; c’est celle qui amène les résultats les plus exacts ; elle est au profit de tout le monde : j’admettrai donc le mode présenté dans l’amendement de M. Dubus. Quant au chiffre présenté par cet honorable membre, il faudra l’examiner et le mettre en harmonie avec l’élévation du tarif.

L’honorable M. de Mérode propose de faire un essai quant à la perception au poids ; il veut la laisser facultative : il ne faut pas de mesures facultatives, il ne faut pas essayer, il ne faut pas laisser le commerce dans l’incertitude ; il faut admettre l’un ou l’autre mode, car rien ne doit être arbitraire. Je repousse donc la proposition de l’honorable comte de Mérode.

M. F. de Mérode. - Je ne laisse rien à l’arbitraire ; on établira quatre ou cinq bureaux pour la perception au poids ; on pourra percevoir en même temps à la valeur ou par tête, au choix des importateurs ; et je ne vois pas d’arbitraire en cela.

M. Dubus. - Je n’ai rien à ajouter à ce qui a été dit pour démontrer que le mode de perception au poids est préférable à l’autre mode ; mais, sur la proposition de l’honorable comte de Mérode, je ferai une observation, Si le nombre des bureaux où la perception au poids serait établie était restreint, on pourrait en effet admettre en même temps la perception à la valeur ou par tête ; mais comme la dépense ne sera pas considérable et qu’on pourra établir dix à douze bureaux, je ne vois plus de motif de rien laisser de facultatif dans la loi.

M. F. de Mérode. - Cinq ou six bureaux suffiront !

M. Dubus. - il me paraît qu’on pourrait organiser les moyens d’exécution de la loi de manière à ce qu’il ne fût pas nécessaire d’accorder au gouvernement la faculté de mettre ici un bureau où l’impôt sera reçu par tête, et là un bureau où l’impôt sera perçu au poids ; et tout pourra être arrangé de manière que l’importateur ne soit pas obligé de faire un long détour ; car on peut établir des balances à bascule dans tous les bureaux.

- Un membre. - Ce serait trop !

M. Dubus. - J’entends dire que ce serait trop : on pourra alors en établir une quantité suffisante pour éviter les circuits.

Toutefois, de l’établissement des bureaux où la perception se fera au poids, dépend la solution d’une autre question, savoir si la mesure s’étendra à la frontière prussienne et, jusqu’à une certaine commune : si elle devait s’étendre jusque-là, le nombre des bureaux à bascules serait plus considérable ; alors il y aurait lieu à modifier la disposition de l’article premier, mais c’est ce qu’on pourrait faire par une disposition additionnelle et à la fin de la loi. Il me semble qu’il suffit maintenant de voter sur le mode de perception.

- Le principe de la perception au poids est adopté à la presque unanimité.


M. le président. - Voici les diverses propositions qui sont faites, quant à la fixation du droit sur les chevaux par tête :

Le gouvernement propose un droit de 50 fr.

M. d’Hoffschmidt, 40 fr.

M. A. Rodenbach, 25 fr.

M. Mast de Vries, 15 fr.

M. Mast de Vries. - Le commerce des chevaux a acquis beaucoup d’importance en Belgique ; ce commerce serait détruit si vous fixiez à 50 fr. par tête le droit à l’entrée des chevaux. Nos foires, pour ainsi dire européennes, ne seraient plus fréquentées. Sur 10 chevaux étrangers vendus dans le pays, 5 au moins sont achetés par des marchands étrangers ; si vous admettez un droit de 50 fr., ils ne viendront plus les acheter dans le pays.

Les chevaux étrangers importés dans le pays peuvent, jusqu’à un certain point, être considérés comme matière première ; car ce sont presque tous jeunes chevaux ; le maquignonnage leur donne une valeur double au moins du prix d’achat ; et ces fonds restent dans le pays. Ce commerce procure à une infinité de personnes une existence qui, jusqu’ici, a été assurée.

Je ne comprendrais pas d’ailleurs que l’on établît un droit de 50 francs, alors que nous sommes obligés d’aller chercher des chevaux à l’étranger pour la remonte de notre cavalerie, puisque nous n’avons pas dans le pays de chevaux propres à ce service.

Je pense donc qu’il faut s’en tenir au droit existant, sauf la majoration nécessaire pour arriver à une somme ronde en fr. Ainsi, je propose le chiffre de 15 fr.

M. Andries. - J’appuie l’amendement de M. A. Rodenbach.

M. Mast de Vries n’a eu en vue dans son amendement que les chevaux de luxe. Mais je crois que l’on introduit aussi dans le pays des chevaux de labour, notamment de nos côtés ; ces chevaux viennent de la Flandre hollandaise.

Je pense que l’article que nous discutons a un but politique. Il n’est personne de nous qui ne désire que la rive gauche de l’Escaut ne devienne partie intégrante du royaume ; il est possible que tôt ou tard les négociations arrivent à ce résultat Mais c’est à nous à combiner nos mesures pour le faciliter.

Il est certain que si nous fixons notre tarif avec prudence, nous ferons en sorte que cette partie de la Hollande ne puisse exister sans la Belgique ; c’est un pays uniquement producteur, et qui consomme peu ; il a perdu par la révolution tous ses débouchés ; déjà il a beaucoup souffert de la loi des céréales, mais je n’en rends grâce ni à la législature, ni au ministère ; car j’ai suivi la discussion, et j’ai vu qu’aucun membre n’avait eu en vue l’effet que la loi produirait sur la rive gauche de l’Escaut.

Aujourd’hui, les cultivateurs de la Flandre hollandaise sont réduits à payer 75 fr. pour 1,000 kilog. de grains qu’ils introduisent dans le pays. Ils sont obligés de se soumettre à de telles conditions, si dures qu’elles soient. Sans cela ils seraient obligés d’envoyer leurs grains en commission sur le marché d’Amsterdam : ils seraient abandonnés à la merci du commissionnaire.

Il y avait, avant la révolution, sur la rive gauche de l’Escaut, plusieurs marchés ; mais c’étaient tous marchands belges qui s’y rendaient ; aujourd’hui ces marchés n’existent plus.

Il y avait en Belgique des foires aux chevaux sur plusieurs points voisins de la frontière hollandaise ; ces foires étaient presque exclusivement fournies de chevaux de la Flandre hollandaise.

Nous devons priver cette province des débouchés qu’elle trouve chez nous ; nous devons aujourd’hui l’empêcher de nous importer ses chevaux, faire en sorte que le cultivateur hollandais soit réduit à mourir de faim au milieu de l’abondance.

Déjà cette partie de la Hollande se ressent beaucoup de la séparation. Combinons nos mesures financières de telle sorte qu’il soit manifeste à toute l’Europe que ce pays sera malheureux tant qu’il sera séparé de la Belgique.

Je n’admets pas un droit de 50 fr. parce qu’il y aurait alors une différence de 35 fr. entre le droit sur les chevaux et celui sur les poulains, qui est de 15 fr. Je voterai pour le chiffre de 25 fr. proposé par l’honorable M. A. Rodenbach.

M. A. Rodenbach. - Je pense, messieurs, que le droit de 25 fr., que j’ai l’honneur de proposer, concilie heureusement les intérêts de l’agriculture et du commerce des chevaux.

Nous avons dans le pays un haras ; et chaque année vous votez une somme assez forte pour l’amélioration des races de chevaux. Vous voulez donc qu’on élève des chevaux dans le pays. C’est une industrie naissante chez nous ; et un principe d’économie politique, c’est qu’on doit encourager une industrie naissante. Le droit que je propose a, je crois, le double avantage d’être assez modéré pour encourager cette industrie, et assez élevé pour protéger les intérêts de notre agriculture ; j’espère qu’il sera adopté par la chambre.

(Moniteur belge n°334, du 30 novembre 1835) M. d'Hoffschmidt. - Ce qui m’a déterminé à modifier la proposition du gouvernement, en ce qui concerne le droit sur les chevaux, c’est que le droit de 50 fr. paraît trop élevé, surtout quand on considère que les chevaux sont le bétail le plus facile à frauder, car un cheval a bientôt passé la frontière.

D’un autre côté, il ne faut pas non plus trop diminuer le droit ; car ce serait trop favoriser l’introduction des chevaux étrangers, notamment des chevaux anglais : en effet, ces chevaux (les seuls, pour ainsi dire, que l’on achète dans le pays pour le luxe) nous arrivent par le port d’Ostende ; et ce port sera évidemment régi par la loi dont nous nous occupons, car elle comprend la frontière de mer comme celle de terre.

C’est l’Angleterre que nous devons chercher le moins à ménager en fait de droits à l’entrée ; car l’Angleterre nous fournit beaucoup et nous ne lui fournissons rien.

Je pense qu’un droit de 40 fr. est nécessaire pour protéger l’agriculture et le commerce des chevaux. Mais je crois qu’un droit plus élevé serait dangereux, parce qu’il offrirait trop d’appât à la fraude.

M. Mast de Vries. - J’ai entendu proposer le droit de 15 fr. pour les poulains, comme pour les chevaux. Mais je m’oppose à un droit plus élevé, parce qu’un droit plus élevé serait un appât offert à la fraude, et presque jamais il ne serait perçu. En effet, il n’y a rien de plus facile à frauder qu’un cheval. Un homme passe la frontière à cheval ; et votre serviteur très humble. (Hilarité générale.)

Adopter un droit élevé c’est comme si vous disiez : Ayez la bonté de frauder. Pour passer en fraude, il suffira de monter un cheval un peu au-delà de notre frontière : combien de gens ne s’en feront pas scrupule pour se soustraire à un droit d’entrée élevé ! Et quel moyen d’arrêter le fraudeur ! A moins qu’on ne lui tire un coup de fusil, je ne vois pas comment on pourra faire.

Je pense qu’une majoration de droits serait en définitive une perte pour le trésor. Je persiste dans la proposition que j’ai faite de fixer le droit à 15 fr.

M. Dubus, aîné. - La proposition du gouvernement relativement à un nouveau droit à l’entrée pour les chevaux a un autre caractère que la même proposition, en ce qui concerne le bétail. Car le droit actuellement existant à l’entrée des chevaux est celui qui existait antérieurement à la révolution, d’après le tarif encore en vigueur depuis 1830.

On n’a pas prouvé que le droit existant fût insuffisant ; on n’a pas prouvé que l’agriculture réclamât de nouveaux droits. Si on avait prouvé cela, la loi serait évidemment insuffisante ; car, remarquez-le bien, la loi n’est faite que pour la frontière qui nous sépare de la Hollande ; elle n’atteint que les chevaux importés de Hollande en Belgique. Or, d’après les renseignements que j’ai obtenus, et j’ai lieu de les croire exacts, l’introduction des chevaux de Hollande en Belgique est insignifiante : ce n’est pas de la Hollande, c’est de l’Allemagne, de la Prusse, du Hanovre, du Holstein qu’il nous vient des chevaux.

Mais que signifient d’ailleurs des droits élevés en présence de la nécessité où nous sommes d’aller chercher des chevaux à l’étranger, notamment pour la cavalerie, puisque le pays n’en produit pas qui soient propres à ce service !

La proposition que nous discutons n’a été faite réellement que pour les bestiaux. Si vous lisez l’exposé des motifs de M. le ministre des finances, vous y trouvez toutes raisons pour augmenter les droits en ce qui concerne les bestiaux ; mais vous n’y voyez pas un seul mot pour justifier l’augmentation énorme proposée, en ce qui concerne les chevaux.

Un honorable préopinant, qui voudrait que l’on établît le droit à 40 fr., a dit qu’il avait principalement en vue les chevaux que l’on importe par mer ; ces chevaux viennent de l’Angleterre. Eh bien si les renseignements que j’ai recueillis sont exacts on n’importerait qu’un petit nombre de chevaux d’Angleterre par la frontière de mer.

La frontière par laquelle l’importation est considérable, et qui devrait fixer votre attention si vous aviez à vous occuper d’un droit sur les chevaux, est la frontière de Prusse ; or, le gouvernement et la plupart des membres m’ont paru à peu près d’accord pour ne rien changer au tarif par la frontière de Prusse.

Dès que vous ne changez rien au tarif sur cette frontière, un changement sur un autre point n’aboutit à rien. C’est, pour me servir d’une expression proverbiale, un coup d’épée dans l’eau.

Pour moi, je pense que nous ne devons nous occuper du droit à l’entrée des chevaux que quand nous ferons une loi pour toute la frontière et notamment pour la frontière de Prusse. Je propose donc de supprimer les deux premiers numéros du tarif.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Pour faire apprécier l’importance de la question, je crois qu’il convient de faire connaître à la chambre le nombre des chevaux et des poulains importés dans le pays par la frontière de Hollande, dans les années qui se sont écoulées depuis 1830.

Chevaux importés par la frontière de Hollande :

En 1831, 68

En 1832, 121

En 1833, 525

En 1834, 600

Dans les 9 premiers mois de 1835, 636.

Vous remarquerez que cette importation, quoiqu’en définitive elle ne soit pas considérable, présente cependant une progression qui justifie assez la proposition du gouvernement.

Il résulte de toutes les observations faites dans cette discussion, relativement à la position de la Hollande, et notamment de ce que vient de dire l’honorable M. Andries, qu’une partie de ce pays est en quelque sorte obligée de nous envoyer son bétail et ses chevaux. Dès lors n’avons-nous pas à craindre que l’importation, jusqu’ici peu considérable, ne devienne fort notable d’ici à peu de temps ?

Je crois devoir faire connaître également le nombre des poulains introduits de Hollande en Belgique. Voici les chiffres de cette importation depuis 1830 :

En 1831, 38

En 1832, 141

En 1833, 269

En 1834, 272

Dans les neuf premiers mois de 1835, 162.

Vous voyez que cette importation, si elle n’est pas aussi considérable que celle des chevaux, suit cependant à peu près la même progression,

L’honorable M. Dubus, en répondant à ce qu’avait dit M. d’Hoffschmidt, lui a fait remarquer que, d’après le projet du gouvernement, il ne s’agit que de la frontière de Hollande, et que par conséquent il n’est pas question des chevaux introduits de l’Angleterre. A cet égard j’aurai l’honneur de faire observer que le projet doit s’appliquer, au moins en ce qui concerne le droit à la frontière de mer, et que, dans la pensée du gouvernement, l’article 2, qui peut-être n’est pas suffisamment explicite, comprend la frontière de mer. Si on ne l’entendait pas ainsi, on embarquerait en Hollande les chevaux et le bétail, et on les importerait par Ostende, de telle sorte qu’ainsi l’on éluderait la loi.

Une des principales objections de l’honorable M. Dubus contre l’élévation des droits est que nous avons nous-mêmes besoin d’aller chercher des chevaux à l’étranger, pour la remonte de notre cavalerie. Mais veuillez remarquer qu’il n’est pas question de toucher aux droits établis sur la frontière par laquelle ces chevaux sont importés. Ainsi cette objection n’est pas fondée.

Voilà les observations que je voulais avoir l’honneur de soumettre à la chambre. En définitive, il n’est pas très important, sans doute, de s’occuper des chevaux dans cette occasion ; mais, si l’on ne le fait pas maintenant, peut-être devra-t-on le faire plus tard.

M. Rogier. - Je croyais que l’article des chevaux et poulains était hors de la question ; il m’avait paru que M. le ministre des finances, d’accord sur ce point avec nous, était d’avis qu’il n’y avait pas lieu de modifier le tarif en ce qui a rapport aux chevaux et aux poulains. Aujourd’hui il paraît hésiter entre deux opinions, et son hésitation paraît gagner la chambre.

Il avait été établi dans la discussion que le nombre des chevaux venant de la Hollande était très peu considérable. Cependant, il paraîtrait aujourd’hui que ces importations ont été en augmentant depuis 1831. Mais, messieurs, cette importation consistait-elle en chevaux venant de la Hollande ? Il est très possible que les chevaux que nous avons reçus par la frontière de la Hollande vinssent du Hanovre, du Mecklembourg, etc.

En second lieu, en ce qui concerne la rive gauche de l’Escaut, il serait utile de savoir combien de chevaux importés l’ont été par cette rive gauche. Nous pourrions juger de la nécessité qu’il y a d’exclure toute communication avec d’anciens compatriotes qui, j’espère, le seront encore dans l’avenir. Je ne crois pas qu’il soit venu beaucoup de chevaux par la frontière de Zélande. Il serait facile de vérifier ce fait. S’il est constant qu’il entre beaucoup de chevaux par la frontière hollandaise, je conçois qu’il y ait de l’utilité à adopter le système du préopinant.

Cependant, je croyais que les mesures que nous discutons n’étaient destinées qu’à atteindre la Hollande, et voici qu’elle atteint l’Angleterre. Je demande ce que l’Angleterre nous a fait depuis cinq ans pour que nous augmentions un article du tarif, pour que nous frappions d’un droit plus élevé les chevaux anglais.

Est-ce parce que tous nos efforts tendent à propager les races anglaises dans notre pays ? Mais en bonne économie rurale, nous devrions plutôt diminuer le droit sur les chevaux anglais, le supprimer complètement ; alors vous auriez un tarif combiné avec des mesures d’encouragement.

L’on ne pourra pas me répondre à cela que l’on ne soumettra au droit que les chevaux venant de la Hollande. Les chevaux introduits par Ostende ne porteront pas leur certificat d’origine. On peut vérifier si des chevaux sont de race anglaise ou non. Mais cette vérification donnerait lieu à de grandes vexations.

Je crois qu’il vaudrait mieux ne pas discuter cet article premier, et faire comme s’il n’avait pas existé, en nous renfermant dans le tarif de 1822 comme l’avait fait le gouvernement provisoire.

M. Smits. - Je ferai remarquer que si l’on adoptait la proposition de M. Andries, la mesure frapperait une grande partie de la Flandre zélandaise et du Brabant septentrional, dont les propriétés appartiennent à des Belges. J’ai cru devoir ajoute cette considération à ce qu’a dit l’honorable M. Rogier.

M. Eloy de Burdinne. - Je ne crois pas qu’il faille repousse l’article proposé par le gouvernement. Je crois même que l’on pourrait en augmenter le chiffre. L’on a dit que si les chevaux sont frappés à l’entrée d’un droit élevé, cette taxe nuirait aux agriculteurs. Je ferai remarquer que presque tous les chevaux qui nous viennent de l’étranger sont des chevaux de luxe. Imposer un droit à l’entrée sur ces animaux, c’est en quelque sorte un moyen de prélever un impôt sur les riches.

On vous a démontre qu’en élevant le droit à un chiffre exorbitant, l’on allait en quelque sorte prélever un impôt sur le gouvernement lui-même qui ferait venir des chevaux de l’Allemagne pour la remonte de sa cavalerie. Qu’importe le droit ? Si le gouvernement paie d’une main, il reçoit de l’autre. C’est de l’argent qui en définitive rentre dans ses poches.

Chacun de nous voudrait voir améliorer les races des chevaux dans le pays. Moi pour ma part je fais des vœux pour que l’on y parvienne.

A ce sujet l’on demande que l’on n’impose pas aussi fortement à l’entrée le droit sur les chevaux de belles races ; mais, messieurs, c’est presque uniquement le gouvernement qui achète des chevaux pour l’amélioration des races. Il les vend dans le pays, et cette fois encore il paie d’une main pour recevoir de l’autre. Ainsi ces chevaux entrent dans le pays exempts de tout droit.

Si vous voulez améliorer les races des chevaux dans le pays, il faut que les marchands étrangers aient un motif suffisant pour en introduire. Je ne vois, quant à moi, de meilleur moyen que de leur assurer un gain suffisant.

M. Andries. - Il est facile de justifier mon opinion sur la manière dont je demande que l’on agisse vis-à-vis de la rive gauche de l’Escaut. Mon but est purement politique. Il faut mettre de côté toute considération d’intérêt personnel. L’on dit que les mesures de rigueur que nous allons prendre contre la Flandre zélandaise pourraient tourner au désavantage d’individus belges. Cet intérêt particulier doit s’effacer devant les intérêts généraux. Je suis persuadé que la mesure douanière que nous allons prendre aura plus de retentissement et produira plus d’effet que toutes les notes diplomatiques possibles.

Je me rappelle qu’au mois d’août 1831, un officier supérieur résista au conseil qu’on lui donnait de tenter un coup de main sur l’Ecluse, par la crainte qu’il avait d’atteindre, en même temps que les Hollandais, les Belges qui se trouvaient dans cette ville. N’imitons pas l’inertie de cet officier-général. Etendons la mesure proposée à la Flandre zélandaise, et nous pourrons ainsi espérer voir un jour cette province faire partie de notre pays. C’est le vœu le plus ardent des habitants de la frontière. Si ce vœu se réalise un jour, ce jour sera le plus heureux de ma vie,

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Pour satisfaire à la demande de l’honorable M. Rogier, qui désire savoir combien il entre de chevaux par la frontière de Zélande, je lui dirai que le nombre des chevaux introduits en Belgique, depuis Ostende jusqu’au bureau d’Hoogstraeten, a été, en 1834, de 454, et dans le premier semestre de 1835, de 462.

101 poulains ont été introduits, en 1834, par la même frontière ; 92 dans le premier semestre de 1835.

M. Donny. - M. le ministre vient de nous faire entendre, si je l’ai bien compris, qu’il désire étendre les effets de la loi à la frontière maritime de la Flandre occidentale.

Si l’intention du ministre est tout simplement de soumettre les bestiaux importés par mer au tarif arrêté par l’article premier de la loi, je n’y vois pas un très grave inconvénient.

Mais si le ministre voulait en outre assujettir la frontière maritime de la Flandre occidentale aux mesures de précaution prescrites par les articles 2 et suivants, je devrais m’y opposer de toutes mes forces, parce qu’à l’égard de cette frontière, les formalités prescrites par ces articles seraient d’autant plus vexatoires qu’elles seraient sans but et sans utilité. Il est en effet entièrement impossible d’importer frauduleusement des bestiaux par mer, et dès lors absolument inutile de prescrire des formalités pour empêcher une semblable fraude.

Je désire que M. le ministre veuille s’expliquer à cet égard.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je n’entends appliquer aux frontières maritimes que le tarif, mais non les mesures d’exécution qui y sont complètement inutiles.

On pourra facilement lever tout doute à cet égard par une simple modification de rédaction que j’indiquerai quand le moment sera venu.

M. Rogier. - Je voudrais avoir une explication. La mesure proposée doit-elle atteindre toute espèce de chevaux, les chevaux allemands et anglais comme les chevaux hollandais ? (Aux voix ! aux voix !)


M. le président. - Plusieurs propositions sont faites.

Le gouvernement propose de fixer à 50 fr. par tête le droit sur les chevaux.

M. d’Hoffschmidt propose de fixer ce droit à 40 fr.

M. Mast de Vries propose de le fixer à 15 fr.

M. Dubus propose de supprimer ce qui est relatif aux chevaux,

A quelle proposition la chambre veut-elle donner la priorité ?

- Plusieurs membres. - Au chiffre plus bas.

M. Jullien. - C’est le chiffre qui s’éloigne le plus de la proposition principale qu’on doit mettre d’abord aux voix aux termes du règlement. On doit donc commencer par le chiffre le moins élevé.

M. Dubus. - Il faut suivre un ordre tel que chacun soit à même d’émettre librement son vote sur les amendements. Celui qui propose le chiffre le plus bas, en cas de rejet, vote sur celui qui s’en rapproche le plus.

Or, pour commencer par le chiffre le plus bas, il faut mettre d’abord aux voix la suppression que je propose, car de cette manière je maintiens l’ancien droit dont le chiffre est plus bas que celui de 15 fr. proposé par M. Mast de Vries. Je ne pourrais voter pour ce chiffre de 15 fr. qu’autant que ma proposition aurait été repoussée.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - On ne pourrait admettre la proposition qui vous est faite par M. Dubus, sans préjuger en même temps une autre question : et en effet les mesures d’exécution qui sont proposées pour le bétail, s’appliquant aux chevaux, il faudrait, si l’on veut les conserver, faire mention des chevaux dans le tarif ; ces mesures toutefois deviendraient complètement inutiles si l’on se bornait à maintenir le petit droit qui existe maintenant. Aussi je ne fais cette observation que pour que chacun comprenne la portée du vote.

M. Dubus. - Pour ne pas préjuger la question de savoir si, à l’introduction des chevaux, on prendra les mêmes mesures de précaution contre la fraude que pour le bétail, je demanderai qu’on mette aux voix le chiffre de 6 florins. La chambre se prononcera ensuite sur le maintien ou la suppression de l’article du tarif, selon qu’elle le trouvera utile ou inutile.

- La chambre consultée décide qu’on mettra d’abord aux voix le chiffre le plus bas.


M. le président met aux voix le chiffre de 6 florins (12 fr. 72 centimes) proposé par M. Dubus.

- Après deux épreuves douteuses, on procède au vote par appel nominal.

En voici le résultat :

Nombre des votants, 73

Ont répondu oui, 36

Ont répondu non, 37

En conséquence ce chiffre n’est pas adopté.

Ont répondu oui : MM. Beerenbroeck, Bosquet, Cornet de Grez, de Behr, de Jaegher, Demonceau, de Nef, Dequesne, de Renesse, Desmanet de Biesme, de Terbecq, Devaux, Dubus aîné, Dubus (Bernard), Dumortier, Duvivier, Frison, Gendebien, Jullien, Lardinois, Lebeau,, Liedts, Mast de Vries, Pirmez, Pollénus, Quirini, Raymaeckers, Rogier, Scheyven, Seron, Smits, Ullens, Vandenhove, Vanden Wiele, Verdussen, Verdussen, H. Vilain XIIII.

Ont répondu non : MM. Andries, Bekaert, Berger, de Longrée, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Donny, Dubois, Eloy de Burdinne, Keppenne, Kervyn, Lejeune, Morel-Danheel, Nothomb, Pirson, Polfvliet, A. Rodenbach, Schaetzen, Simons, Vandenbossche, Vergauwen, Vanderbelen, Verrue-Lafrancq, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Wallaert, Zoude et Raikem.


M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition faite de fixer le droit à 15 fr.

- Deux épreuves par assis et levé sont faites ; elles sont douteuses ; on procède à l’appel nominal.

73 membres sont présents.

37 votent l’adoption du chiffre 15.

36 en votent le rejet.

En conséquence l’amendement de M. Mast de Vries est adopté.

Ont voté pour : MM. Beerenbroeck, Bosquet, Cornet de Grez, de Behr, de Jaegher, de Longrée, Demonceau, de Nef, Dequesne, de Renesse, Desmanet de Biesme, de Terbecq, Devaux, Dubus aîné, Dubus (Bernard), Dumortier, Duvivier, Frison, Gendebien, Jullien, Lardinois, Lebeau,, Liedts, Mast de Vries, Pirmez, Pollénus, Quirini, Raymaeckers, Rogier, Scheyven, Seron, Smits, Ullens, Vandenhove, Vanden Wiele, Verdussen, Verdussen, H. Vilain XIIII.

Ont répondu contre : MM. Andries, Bekaert, Berger, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Donny, Dubois, Eloy de Burdinne, Keppenne, Kervyn, Lejeune, Morel-Danheel, Nothomb, Pirson, Raikem, A. Rodenbach, Schaetzen, Simons, Vandenbossche, Vanderbelen, Vergauwen, Verrue-Lafrancq, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Wallaert, Zoude.


M. Dubus. - Il faut mettre aux voix le chiffre relatif aux poulains. Je proposerai 4 fr.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Mettez 5 fr.

M. Mast de Vries. - Je me réunis au chiffre 5.

- Ce chiffre mis aux voix est adopté.


M. le président. - La chambre a décidé que le droit sur le gros bétail serait perçu au poids ; en conséquence nous allons passer aux détails de l’application de ce principe. Sur les boeufs, taureaux, vaches, taurillons, veaux, M. Dubus propose le chiffre 8 centimes par kilog.

M. Gendebien. - Les observations que j’avais à faire arrivent un peu tardivement. Après une aussi longue discussion je ne sais s’il convient de revenir sur des principes développés avec beaucoup d’étendue ; cependant je ne puis me dispenser de faire une observation.

On trouve que l’agriculture a besoin d’encouragements, et l’on demande à cet effet une augmentation de droits, c’est-à-dire que l’on veut faire augmenter le prix de la viande.

Eh bien, messieurs, s’il est vrai de dire que nous produisons six fois plus que nous ne consommons, pour porter un remède au mal, je ne vois qu’une alternative : c’est de diminuer la production, ou d’augmenter la consommation. Diminuer la production, vous ne le pouvez pas ; vous le pourriez que ce serait impolitique. Il faut donc augmenter le nombre des consommateurs.

Le ministère et les adhérents au projet ministériel sont d’accord sur ce point que nous produisons six fois plus que nous ne consommons ; et comme le résultat de votre loi sera d’augmenter le prix de la viande, au lieu d’augmenter le nombre des consommateurs, vous le diminuerez. Au lieu de produire six fois plus que vous ne consommez, vous produirez sept fois plus que vous ne consommerez, parce que vous aurez des consommateurs de moins.

Je le répète donc, l’unique remède est d’augmenter le nombre des consommateurs. Je vous défie d’en trouver un autre. Eh bien, si vous voulez augmenter le nombre des consommateurs à l’intérieur et à l’extérieur, il faut prendre des mesures qui fassent baisser le prix de la viande. Sans cela vous n’en sortirez pas.

L’honorable M. Rogier a déjà indiqué des moyens de faire baisser le prix de la viande. Ce serait de supprimer le droit à la sortie des peaux fraîches, de ne pas empêcher la sortie des os, enfin de diminuer les dépenses du cultivateur. Au lieu de cela on propose d’augmenter les droits sur les toiles, qui sont une partie notable de l’habillement du cultivateur. Enfin il faudrait diminuer l’impôt sur le sel qui pèse sur le cultivateur. En effet il a besoin de sel, non seulement pour lui, mais encore pour ses bestiaux. Car il n’y a pas d’année qu’il n’ait une certaine quantité de fourrage avarié, dans lequel il est obligé de mettre du sel pour éviter les épidémies.

Si vous diminuez le prix des bestiaux, vous trouverez dix consommateurs pour un, tandis que par le projet vous ne ferez de profit pour personne, pas même pour le trésor. Car un droit élevé sera une prime à la fraude et ne sera pas perçu.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - On a déjà répondu à ce que vient de dire l’honorable M. Gendebien. Il pose comme une chose constante et irrécusable que le renchérissement de la viande sera le résultat de la loi. Mais nous nous sommes efforcés de démontrer qu’il n’en serait pas ainsi. L’honorable préopinant a rappelé que le pays produit six fois plus de gros bétail qu’il n’en consomme ; dès lors ce n’est pas en empêchant l’introduction dans le pays de quelques milliers de bestiaux étrangers, que l’on risque de faire renchérir la viande. Il n’y a qu’une seule chose que nous voulons et qui sera la conséquence de la loi selon nous, c’est que l’on consomme du bétail belge, au lieu de consommer du bétail étranger.

On a dit et répété cela à satiété. Ce serait vous fatiguer que d’y revenir plus longuement.

- Un membre. - Il ne faut pas rentrer dans la discussion.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Sans doute ; mais j’ai dû répondre à une observation, qui est bien dans la question ; car il s’agit en ce moment de l’élévation des droits.

L’honorable M. Gendebien voudrait voir adopter d’autres mesures pour faire augmenter la consommation de la viande ; il voudrait, entre autres, voir supprimer les droits à la sortie sur les peaux fraîches et sur les os. Mais il perd de vue que si on prenait de telles mesures, elles froisseraient d’autres industries qui réclameraient avec raison ; les tanneurs et les fabricants de noir animal ne manqueraient pas de vous soumettre leurs justes doléances.

Le préopinant trouve encore un autre moyen d’encourager la consommation ; ce moyen c’est de supprimer différents impôts, et notamment un des impôts qui rapportent le plus, l’impôt sur le sel. Ce serait sans doute très commode si on pouvait supprimer un impôt sans être obligé de le remplacer. Mais vous n’aurez pas plus tôt ôté celui qui existe sur le sel, que vous serez obligés de créer de nouveaux impôts pour faire face aux besoins de l’Etat, et ces impôts exciteront plus de plaintes et de réclamations que ceux qui existent, que ceux auxquels on est habitué, comme a fort bien dit un jour l’honorable M. Dumortier.

Je ne pourrai admettre l’amendement de l’honorable M. Dubus, qui tend à fixer le droit à 8 c. par kilog. Cette proposition est bien au-dessous de ce qu’avait annoncé l’honorable membre lui-même, lorsqu’il avait dit qu’il ne voyait pas grand inconvénient à maintenir le chiffre du tarif de 1822.

Si vous admettez le chiffre de 8 c. par kilog., vous obtenez un droit de 40 fr. pour une bête pesant 500 kilog., et cependant le maximum du poids des bêtes grasses est de 5 à 600 kilog. Pour un boeuf du plus fort poids, vous n’auriez donc qu’un droit de 48 fr., qui resterait par conséquent encore en dessous de la moyenne de sa proposition primitive, moyenne qui était de 50 fr.

M. A. Rodenbach. - Je veux faire ressortir que cette majoration est très faible. L’honorable député de Tournay demandant un droit de 8 centimes par kilogramme, l’honorable M. Desmet, un droit de 10 centimes. C’est un cents de différence par livre de viande : je demande quel effet cela peut avoir sur la consommation, puisque la moyenne du prix de la viande est de 30 centimes et que ce prix varie dans les villes de 40 à 55 centimes. Qu’on juge d’après cela si les réclamations qui se sont élevées à l’occasion de cette discussion sont fondées. C’est ainsi que les bouchers d’Anvers ont écrit dans un journal que les mesures que nous allions prendre feraient hausser le prix de la viande par livre. Quelle exagération !

Tout ce que nous demandons, c’est un droit protecteur pour l’industrie du pays. Mais nous voulons que le pauvre et l’ouvrier mangent toujours la viande au même prix.

M. Dubus, aîné. - Lorsque j’ai propose un droit de 8 centimes par kilogramme, j’ai dit que j’avais pris pour moyenne le droit existant en 1830 d’après le tarif de 1822. D’honorables membres m‘ont fait observer que la moyenne du poids des bestiaux introduits de la Hollande en Belgique était de 400 à 450 kilogrammes.

S’il en est ainsi, je conviens qu’il faudrait élever le chiffre à 10 centimes. Au reste, comme chacun des chiffres sera mis successivement aux voix, chacun votera d’après l’opinion qu’il s’en est faite.

M. Gendebien. - Je ne sais comment on calcule, quand on obtient pour résultat une augmentation d’un centime par livre. On sait que les boeufs pèsent, terme moyen, 600 kilogrammes. Cela présente un droit de 60 fr par tête, plus 13 fr. 60 pour les centimes additionnels : total 73 fr. 60 par tête. Divisez cela par 600, vous aurez plus de 12 centimes et plus de 6 centimes par kilogramme.

Vous me direz maintenant : Le prix de vente n’augmentera pas. C’est possible. L’honorable M. Rodenbach l’affirme ; je n’en sais rien. Je voudrais seulement avoir une autre preuve qu’une simple affirmation. Il y a cependant un raisonnement facile à faire.

De quoi se plaint-on aujourd’hui ? On se plaint de ce que le bétail belge ne peut soutenir la concurrence sur les marches avec le bétail hollandais. Les propriétaires de bestiaux se plaignent de ne pouvoir vendre leurs bêtes à un prix convenable. Si le bétail hollandais se vend dans notre pays, ce n’est assurément pas pour le plaisir de manger de la viande hollandaise, c’est parce que le bétail hollandais peut soutenir la concurrence avec le nôtre. S’il n’y a plus de concurrence, il faut infailliblement que le prix du bétail s’élève. Or, ce n’est pas le but de la loi. Il faut encourager les éleveurs de bestiaux en les mettant en position de vendre à meilleur marché, mais non pas de vendre plus cher. Maintenait on m’expliquera comme on voudra qu’un impôt qui revient à 12 centimes 16/60 le kilog. ne représente qu’une augmentation de 1 centime par livre. J’attends qu’on me le démontre, et je défie qu’on puisse me faire cette démonstration.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Gendebien a commis une erreur dans son calcul des centimes additionnels. Ils sont de 13 p. c. seulement. Ainsi un bœuf pesant 600 kilog. paiera 56-50 centimes additionnels compris.

M. de Nef. - J’approuve le mode de perception au poids ; mais je ne puis admettre le système de l’honorable M. Dubus. Il entre fort peu de bétail gras en Belgique par la Hollande, Presque tous les bœufs qui nous viennent de ce pays sont maigres et ne pèsent pas plus de 200 kilog. Ils ne seraient dans ce cas soumis qu’à un droit de 14 francs. Ce droit serait inférieur à celui qu’établit la loi actuelle. Il est donc nécessaire que le chiffre proposé par MM. Dubus et de Mérode soit majoré. Il pourrait être de 18 à 20 centimes.

M. Jullien. - Messieurs, je m’opposerai à toute élévation du droit par les motifs que je vais avoir l’honneur de vous faire connaître.

D’abord, je considère la douane en principe non comme un impôt, mais comme une protection accordée au commerce et à ce titre, il ne faut jamais élever les droits de douane plus haut que la protection dont le commerce indigène a besoin ne l’exige. C’est le principe de toute loi de douane. Quand on fait dégénérer un droit en impôt, ce ne peut être que par mesures de représailles. Autrement ce serait une véritable vexation.

Un second motif pour lequel je m’oppose à l’élévation du droit, c’est qu’il a été démontré que l’introduction du bétail hollandais est dans la proportion de 4 p. c. par rapport à la quantité de bêtes consommées en Belgique. On prétendait que cette proportion était de 11 p. c. comparativement à la production. Mais M. le ministre des finances s’est récrié avec justice contre cette évaluation, et a dit qu’il fallait en défalquer les 3/4. Ainsi, d’après les calculs mêmes de M. le ministre des finances, l’introduction du bétail hollandais serait dans le rapport de 4 p. c. avec la production indigène.

L’on en a tiré la conséquence toute naturelle que le malaise qui a donné lieu à la présentation du projet ne pouvait provenir que de la fraude. L’on a fait alors ce raisonnement que le vrai moyen d’augmenter la fraude, c’était d’élever le droit. C’est une de ces vérités que personne ne peut méconnaître, vérité proclamée en 1760 et qu’il serait étonnant qu’on voulût nier aujourd’hui. Si donc vous voulez que le droit soit payé, bien loin de l’élever, il faut au contraire l’abaisser.

Une troisième raison pour laquelle je m’oppose à la loi, c’est qu’on n’est pas fixé sur les faits qui devraient servir de base au projet. Après avoir discuté longuement sur des théories, l’on n’est nullement d’accord sur ce point qui aurait dû être connu avant que l’on entamât la discussion. On nous fait passer sous les yeux, comme dans le songe de Pharaon, des bêtes grasses et des bêtes maigres. (Hilarité générale.) L’un dit que la Hollande nous envoie des bêtes grasses, l’autre prétend que ce sont des bêtes maigres. L’honorable M. de Nef vient d’émettre la dernière opinion. Vous voyez bien que, dans une pareille incertitude, nous ne pouvons voter.

A cet égard, je partage entièrement l’opinion de l’honorable M. Rogier, qui a dit qu’avant de discuter le projet de loi, il fallait le livrer à la publicité la plus grande possible et demander l’avis des chambres de commerce et des commissions d’agriculture du royaume.

Je dois avouer que c’est avec un vif sentiment de déplaisir que j’ai vu l’espèce de houra qui s’est élevé contre cet honorable député dans cette discussion. Il a prouvé qu’il avait étudié la matière à fond. En outre il a fait preuve d’une honorable indépendance, qualité assez rare dans les assemblées délibérantes, pour qu’au lieu d’être rebutée, elle n’excite pas la sympathie de tous les hommes généreux, quelle que soit leur opinion.

Je reviens donc à ce que j’avais à dire sur le renchérissement de la viande. L’honorable M. Gendebien vient de vous dire que ce renchérissement était infaillible. A la vérité, dans une précédente séance j’ai entendu l’honorable député de Furnes déclarer d’un ton si solennel : « Non, la viande ne renchérira pas ! » que je ne savais pas trop si, après une déclaration aussi affirmative, je n’aurais pas mauvaise grâce à manifester mes craintes sur la possibilité d’un renchérissement. Mais quand j’ai vu la pétition des bouchers d’Anvers et des bouchers de Bruxelles... (Rumeurs et interruptions.)

Messieurs, les bouchers d’Anvers et de Bruxelles sont des citoyens qui paient patente et qui ont le droit de faire des pétitions. J’espère que vous voudrez bien me permettre de rappeler leurs pétitions. Je vous dirai ensuite la raison pour laquelle je partage leur opinion, qui d’ailleurs a été émise par plusieurs membres de la chambre.

Ces bouchers nous disent : Si vous élevez le droit, incontestablement vous ferez renchérir la viande. M. A. Rodenbach ne l’a pas nié, mais il a réduit cet enchérissement à sa moindre expression, en disant que ce renchérissement pourrait aller à un centime par livre ; et il a ajouté que c’était très minime.

Messieurs, on méconnaît encore ici les leçons de l’expérience. On devrait se rappeler cependant que toutes les fois qu’il y a augmentation de droit, l’élévation du prix de l’objet imposé n’est jamais en proportion de cette augmentation de droit. Si l’augmentation du droit devait élever d’un cents le prix de l’objet, soyez sûrs que ceux qui font le commerce de cet objet ne manqueront pas d’en demander deux, trois et quatre, jusqu’à ce que les prix s’abaissent et que le niveau se rétablisse. Mais c’est un fait constant, que l’élévation du prix des objets imposés est toujours hors de proportion avec l’élévation du droit. C’est une chose que j’ai vue cent fois.

J’ai entendu beaucoup de personnes manifester des craintes sur ce renchérissement et si, comme on peut le supposer par ce qui a été dit, ce renchérissement ne doit profiter qu’aux fraudeurs, je ne vois pas pourquoi on persiste dans les mesures qui doivent l’amener.

Je crois que le ministre a dit qu’il pensait qu’il n’y avait pas lieu d’élever le tarif au-delà de ce qu’il était avant 1830, et qu’on pourrait se borner à le ramener aux anciennes proportions. Si vous vous en tenez là, personne, je crois, ne pourra craindre de renchérissement. Je m’opposerai donc à toute augmentation qui porterait le droit au-delà des anciennes proportions, pour ne pas faire naître les inconvénients que je viens de signaler.

M. Dubois. - L’honorable député de Bruges vient de relever l’assertion par laquelle j’avais cru pouvoir affirmer que la viande ne renchérirait pas. Je vous avoue que je n’y avais pas mis l’importance que semble y attacher l’honorable député de Bruges. Du reste, il a été prouvé par l’honorable M. Dubus que si une augmentation du prix de la viande devait avoir lieu, elle ne pourrait être que de un ou deux centimes. Je crois donc pouvoir dire que la querelle que me fait l’honorable membre n’est pas même une querelle de deux liards. (On rit.)

Si je voulais m’occuper de rechercher les diverses prophéties politiques que s’est permis de faire un orateur aussi abondant et aussi fécond que l’honorable M. Jullien, si je m’attachait à faire ressortir les assertions plus ou moins précises qu’il a faites dans cette chambre, que la raison ou les faits ont démenties, je crois que je trouverais de quoi lui offrir une bonne revanche. Par exemple, M. Jullien me cherche querelle sur quelques centimes, et moi, j’attends encore tous les jours l’explosion d’une guerre générale qui nous est prédite depuis cinq ans par mon honorable adversaire.

M. Jullien. - Attendez encore !

M. Verdussen. - Je crois devoir prendre la parole pour relever une erreur assez importante dans laquelle sont tombés plusieurs orateurs.

C’est en effet une grande erreur que d’appliquer le droit payé au poins de la bête, au poids de la viande dépecée. Il faut vous figurer que quand vous augmentez le droit sur la bête sur pied, vous l’augmentez d’un quart en sus sur la viande dépecée. Le déchet varie, les opinions diffèrent, mais il est au moins du quart et quelques personnes le portent au tiers. L’augmentation du droit qui porte sur les intestins, le sang, la peau, l’élève encore. L’augmentation porte uniquement sur la viande qu’on mange. En supposant que le déchet soit d’un quart, si vous fixez le droit à 8 c. par kilog., cela le porte à 10 c. Après cela, je ne sais pas comment on justifie le chiffre d’un centime par livre que ne doit pas dépasser l’augmentation du prix de la viande.

Comme l’a dit M. Jullien, tantôt ce sont les bêtes maigres qui font peur aux producteurs, tantôt ce sont les bêtes grasses.

Je vous ferai observer que si vous vous en prenez aux bêtes maigres, vous nuisez au pays, parce que ces bêtes maigres sont une matière première, et qu’elles acquièrent une grande valeur par l’éducation qu’elles reçoivent en Belgique. Si vous vous attaquez aux bêtes grasses, qui sont celles qu’on introduit le plus, l’amendement de M. Dubus atteint votre but. En effet, supposez que le bœuf pèse 625 kil., sans les centimes additionnels, vous aurez 50 fr. Si vous voulez supposer qu’il ne pèse que 525 kil., vous avez le taux de 42 fr., qui est celui du tarif du roi Guillaume. Dans tous les cas, je pense donc qu’il ne faut pas dépasser le chiffre proposé par M. Dubus.

M. Desmaisières, rapporteur. - Je veux répondre deux mots aux observations de l’honorable préopinant.

Je commencerai par déclarer que si j’étais convaincu que la loi dût augmenter le prix de la viande, j’en voterais le rejet. Mais je dois faire observer à l’honorable M. Gendebien que, en admettant que le chiffre de la consommation diminue par suite de l’augmentation du prix de la viande, il y a encore une autre question à examiner avant de repousser le projet de loi : il faudrait en effet examiner si le chiffre de la consommation de la viande est balancé par le chiffre de l’importation car, si par l’effet de la loi le chiffre de l’importation du bétail étranger se trouve diminué dans une proportion plus considérable que le chiffre de la consommation, il faut encore voter la loi.

- Plusieurs membres. - A lundi ! à lundi i La clôture ! la clôture

M. Devaux. - Je demande la parole sur la clôture. Il est un point essentiel que nous devons connaître : quel est le chiffre du gouvernement ? Le ministre des finances a consenti à baser le tarif sur le poids ; actuellement nous devons savoir quel est le chiffre du gouvernement par kilogramme ; Il ne nous avait présenté jusqu’ici que des chiffres par tête ; vous voyez que rien n’est plus nécessaire pour éclairer la discussion.

- Plusieurs membres. - A lundi ! à lundi !

M. F. de Mérode. - Continuons, il n’est pas encore 5 heures !

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Si nous ne votons pas aujourd’hui, la discussion recommencera lundi !

- Un grand nombre de députés quittent leurs places.

M. le président. - Messieurs, attendez un instant !

- Plusieurs membres. - Il est cinq heures

M. Dubus. - Mais le chiffre de l’impôt au poids est le point capital de la loi ; il serait à regretter que la chambre, presque en minorité, décidât une question si importante.

M. Gendebien. - Que d’ici à lundi le ministre dise quel est son chiffre.

- La séance est levée à cinq heures.