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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mardi 7 juillet 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre, notamment pétitions relatives à la cotation des actions du chemin de fer
à la bourse de Bruxelles (Osy), au droit de sortie sur les sabots et
cornes d’animaux (de La Coste), et fixation de l’ordre du jour,
notamment fabrication de la monnaie d’or (Osy, Malou)
2) Motion d’ordre relative
aux négociations commerciales avec les Pays-Bas (Delfosse, Dechamps,
Delfosse,
Dechamps)
3) Motion d’ordre relative
au projet de canal de Vilvorde à Diest (de Man d’Attenrode, de Bavay)
4) Projet de loi accordant
des crédits supplémentaires pour construction de canaux et autres travaux
hydrauliques (canaux de la Campine, canal de Zelzaete à la mer du Nord). Corps
des ponts et chaussées (Osy, de Bavay, Mast de Vries,
Osy),
canal du Demer (de La Coste), corps des ponts et chaussées
(Dubus (aîné)),
polder de Lillo (de Man d’Attenrode, (+ indemnisation des
victimes des événements de la révolution) de Bavay, Mast de Vries,
de Bavay,
Rogier,
Fleussu,
Veydt,
de Theux)
5) Projet de loi accordant
des crédits supplémentaires au budget du département de l’intérieur. Frais des
administrations provinciales (Osy, de Theux, Manilius,
de Theux,
Malou,
de Theux,
Veydt,
Manilius,
Malou,
Delfosse,
de Theux,
Delfosse,
de Theux),
octrois communaux (de Theux, Veydt, de Corswarem,
de Theux),
lutte contre les épizooties (de Theux, Veydt, de Theux,
de Garcia),
haras de l’Etat (Delfosse, de Theux), exposition
artistique de 1845 (de Theux), arriéré de dépenses pour frais d’administration
(de
Theux, Veydt, de Theux, Eloy de Burdinne,
de Theux),
créances arriérées (Orban, Veydt, Orban,
Veydt)
6) Projet de loi accordant
un crédit supplémentaire au budget du département des affaires étrangères.
Traitements des agents diplomatiques et consulaires, notamment auprès du
saint-siège (Osy,
Dechamps,
Delfosse,
Dechamps,
Osy,
Dechamps)
7) Projet de loi accordant
un crédit supplémentaire au budget de la dette publique
8) Projet de loi accordant
un crédit supplémentaire au budget de la dette publique
9) Projet de loi autorisant
le gouvernement à accorder la concession du chemin de fer de Manage à Wavre (Osy,
Malou,
(+accusation de marchandages électoralistes) (Rogier, de Mérode,
Dechamps),
David,
Osy,
de Bavay,
Osy,
d’Hoffschmidt,
Malou)
(Annales
parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Vilain XIIII.)
(page 1854) M. de Villegas fait
l'appel nominal à midi 1/4.
M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est
approuvée.
M. de Villegas présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
« Le sieur Bourcet, capitaine au 3ème régiment de chasseurs à pied,
réclame l'intervention de la chambre pour obtenir l'avancement auquel son rang
d'ancienneté lui donne droit. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
________________
« Les entrepreneurs du réendiguement du
polder de Lillo demandent le remboursement des frais imprévus qu'ils ne doivent
pas supporter aux termes de leur contrat, ou bien une transaction pour régler leur
position avec le gouvernement. »
- Dépôt sur le bureau, pendant la discussion du projet de loi de crédit
pour travaux hydrauliques.
« Le sieur Lewis Cubitt, directeur résident, au nom du conseil
d'administration de la société anonyme du chemin de fer de la Flandre
occidentale, demande que les actions de cette entreprise puissent être cotées
aux bourses de Bruxelles et d'Anvers. »
« Le sieur Lewis Cubitt, directeur résident,
au nom du conseil d'administration de la société anonyme du chemin de fer de
l'Entre-Sambre-et-Meuse, demande que les actions de cette entreprise puissent
être cotées aux bourses de Bruxelles et d'Anvers. »
M. Osy. - Je demanderai le dépôt de ces deux pétitions sur le bureau, pendant
la discussion du projet de loi sur le chemin de fer de Manage à Wavre.
- Cette proposition est adoptée.
________________
« Par dépêche, en date du 2
juillet, M. le ministre de la justice adresse à la chambre des renseignements
sur des demandes en naturalisation. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« MM. Kennis
et Van Mechelen prient la chambre de statuer dans la session actuelle sur leur
pétition relative à la sortie des sabots et cornes d'animaux. »
M. de La Coste. - Il s'agit, messieurs, d'une pétition sur laquelle j'ai fait rapport
au nom de la commission d'industrie. La commission a présenté un projet de loi
tendant à porter le droit de sortie sur les sabots et cornes d'animaux de 3 p.
c. à 8 fr. par 100 kilog., j'ai conféré ce matin avec M. le ministre des
affaires étrangères sur ce projet, et comme il paraît en effet que si la
proposition de la commission d'industrie n'est pas adoptée la fabrication sera
immédiatement arrêtée, M. le ministre m'a semblé disposé aussi à traiter cette
affaire le plus tôt possible. Je demanderai donc que cet objet soit mis à
l'ordre du jour d'aujourd'hui. Il importe que la chambre se prononce sans
retard, car la prévision qu'une mesure serait adoptée a eu pour effet de stimuler
l'exportation, et si la chambre ne trouvait pas la proposition suffisamment
justifiée, il vaudrait même mieux qu'elle la repoussât que de laisser la
question en suspens.
M. Osy. - Je demande que l'on ne change rien à l'ordre du jour ; plusieurs
fois déjà j'ai proposé à la chambre de s'occuper du chemin de fer de Manage ;
si l'on change toujours l’ordre du jour, on n'en finira pas de cette question.
Je demande donc qu'on conserve l'ordre du jour, sauf à biffer, d'accord avec M.
le ministre des finances, du bulletin le projet de loi relatif à la monnaie
d'or.
M. le ministre des finances (M.
Malou). - Je demande à la chambre
de ne pas décider d'une manière aussi générale que rien ne sera changé à
l'ordre du jour ; je propose à la chambre de discuter le crédit pour une
régularisation au budget de la dette publique, immédiatement après les crédits
qui figurent en tête du bulletin de convocation. Quant au projet de loi sur la
fabrication de la monnaie d'or, je consens volontiers à ce que la discussion en
soit postposée.
- La chambre consultée met le projet de loi indiqué par M. de La Coste,
à l'ordre du jour après le chemin de fer de Manage à Wavre.
MOTION D’ORDRE
M. Delfosse. - M. le ministre de l'intérieur nous a dit hier qu'il aurait
probablement une communication importante à nous faire aujourd'hui ; c'est ce
qui a engagé beaucoup de membres de la chambre à rester à leur poste. Je
demande à MM. les ministres s'ils ne sont pas prêts à nous faire cette
communication.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, le gouvernement avait cru pouvoir communiquer aujourd'hui
à la chambre et soumettre à son examen le traité négocié entre le royaume des
Pays-Bas et la Belgique. Messieurs, cette communication ne peut pas être faite
dans cette séance. La chambre sait que S. M. le roi des Pays-Bas avait nommé
comme plénipotentiaires pour négocier le traité, le ministre des affaires
étrangères, M. le général de Sarraz, le ministre des
finances, M. Vanhall, et le ministre des colonies, M.
Baud. De son côté, S. M. le roi des Belges avait nommé comme plénipotentiaires
MM. le général Willmar et Mercier, membre de cette chambre. Après une longue et
laborieuse négociation, le traité a été parafé dans son entier, article par
article, accepté donc par les ministres plénipotentiaires nommés de part et
d'autre pour négocier le traité. Ce traité a été parafé à la fin de la semaine
dernière et il a été soumis immédiatement à la haute approbation de S. M. le
roi des Pays-Bas. S. M. le roi des Pays-Bas avait fixé depuis quelque temps une
absence pour lundi dernier, de manière qu'elle n'a pu donner cette approbation
avant son départ ; mais, messieurs, le gouvernement n'a aucune raison de croire
que S. M. le roi des Pays-Bas désavouerait l'œuvre de ses plénipotentiaires qui
n'ont pu agir en dehors des instructions royales. D'autre part, je puis faire connaître
à la chambre un fait qui doit laisser croire qu'aucun retard ne sera apporté à
la signature définitive de cet acte et qu'il pourra être promptement communiqué
aux chambres belges. Ce fait c'est que l'absence que devait faire le roi des
Pays-Bas et qui était fixée d'avance sera abrégée de manière à ce que son
retour ait lieu à la Haye dans le cours de cette semaine.
Il résulte de cette communication que j'ai
l'honneur de faire à la chambre, qu'il est possible que le traité nous
parvienne avant que l'ordre du jour ne soit complétement épuisé. Mais, s'il
n'en était pas ainsi, la chambre pourrait s'ajourner pour quelque temps en
laissant à M. le président le soin de la convoquer dès que le gouvernement
pourra lui faire une communication. (Assentiment.)
Une communication devra du reste lui être faite, en tout état de choses,
car s le traité ne pouvait pas être soumis aux chambres, contre toute
prévision, le projet de loi sanctionnant l'arrêté du 12 janvier devrait être
adopté.
M. Delfosse. - La chambre doit se souvenir que j'ai, dans le dernier comité
général, interpellé M. le ministre des affaires étrangères sur l'état de nos
négociations avec la Hollande. M. le ministre des affaires étrangères m'a
répondu alors que l’on n'avait plus à se mettre d'accord que sur quelques
points accessoires, et qu'il avait tout lieu de compter sur une prompte
conclusion.
Depuis, M. le ministre des affaires étrangères m'a dit, dans divers
entretiens que j'ai eus avec lui à ce sujet, que les dernières difficultés
étaient aplanies, et qu'il attendait le traité d'un moment à l'autre ; hier, il
m'a dit plus ; il m'a dit que M. Mercier arriverait ce matin, porteur du
traité.
Je vois avec peine que ces promesses, que ces
espérances ne se réalisent pas. J'aime à croire que M. le ministre des affaires
étrangères a été sincère dans ses déclarations ; s'il en était autrement, si
ses paroles n'avaient été qu'un piège, il n'y aurait pas d'expressions assez
fortes pour le blâmer.
J'aurais bien des choses à dire au sujet du traité, mais je ne veux pas
qu'on puisse m'accuser de compromettre les négociations au moment où l'on
assure qu'elles sont arrivées à leur terme. Je ne sortirai donc pas de la
réserve prudente dans laquelle j'ai cru devoir rester jusqu'à ce jour ; je me
borne à prendre acte de l'engagement que le gouvernement vient de prendre, de
nous faire convoquer aussitôt que le traité lui sera parvenu ; qu'il n'oublie
pas qu'une grande responsabilité pèse sur lui !
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Il m'est impossible, messieurs, de comprendre quel motif pourrait
amener l'honorable membre à douter de la sincérité de mes paroles, comment il a
pu croire que le gouvernement ait voulu jeter la chambre dans un piège. Mais le
gouvernement s'y jetterait lui-même, car les faits ne tarderaient pas à être
connus. Il n'a pas dépendu du gouvernement que les négociations fussent
terminées plus tôt. Du reste, le gouvernement fera à la chambre les
communications qu'il annonce dans le plus bref délai possible.
Je renouvelle la proposition que j'ai faite, qu'il soit bien entendu que
M. le président pourra convoquer la chambre dès que le gouvernement sera prêt à
faire ces communications. (Assentiment.)
Je le répète une seconde fois, la chambre devra être convoquée, quoi qu'il
arrive, soit pour examiner le traité, soit pour voter la loi sur laquelle
l'honorable M. d'Elhoungne a fait rapport.
MOTION D’ORDRE
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, l'honorable M. Zoude a fait hier un rapport, au nom de la
commission des pétitions sur la requête de 370 habitants de Diest qui demandent
la mise en adjudication d'un canal de Diest vers Trois-Fontaines. La chambre a
renvoyé la pétition à M. le ministre des travaux publics avec demande
d'explications ; M. le ministre étant alors absent, il nous a donc été
impossible de l'interpeller à ce sujet ; M. le ministre des travaux publics
étant maintenant présent, j'ai l'honneur de lui demander s'il ne compte pas
mettre en adjudication ce canal dont les plans sont étudiés depuis vingt ans et
terminés.
L'honorable M. Dechamps, lorsqu'il
administrait les travaux publics, nous a promis formellement dans cette
chambre, que cette voie de communication serait mise en concession de péages,
dès que les plans seraient terminés. Ces plans sont achevés à présent, je ne
comprends pas les retards mis à l'exécution de cet engagement. Le gouvernement
a accordé la concession de voies de communication qui font concurrence à celles
de l'Etat. Le canal de Diest à Vilvorde ne fera aucune concurrence aux produits
du trésor. Je le répète, se refuser à la mise en concession d'un travail entamé
depuis si longtemps, promis à diverses reprises et sur lequel de nombreux
intéressés comptent à juste titre, ce serait avoir deux poids et deux mesures ;
ce serait ne pas traiter toutes les parties du pays avec une faveur égale,
c'est ce que le gouvernement ne peut vouloir, car j'aime à compter sur son
impartialité.
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - Je crois,
messieurs, que la mise en adjudication du canal de Trois-Fontaines à Diest ne
produirait aucun résultat. Ce projet remonte à plus de 15 ans, et jusqu'à
présent il n'a pas été fait de proposition sérieuse pour l'exécution du canal.
Les travaux concédés en ce moment sont déjà considérables, et je crois que le
gouvernement doit s'abstenir de tout acte qui tendrait à leur donner un nouveau
développement. Un acte semblable se comprendrait peu, alors surtout qu'une
démarche en ce sens n'aurait aucune chance de succès. Il me semble que dans
l'intérêt même du projet il est préférable de laisser encore les choses dans
l’état où elles se trouvent.
PROJET DE LOI
ACCORDANT DES CREDITS SUPPLEMENTAIRES POUR CANAUX ET TRAVAUX HYDRAULIQUES
M. Osy. - Messieurs, le gouvernement nous demande un crédit de 1,038,000 fr. pour les travaux du canal de la Campine, du
canal de Zelzaete et du réendiguement du polder de Lillo.
Je n'ai rien à objecter relativement à ces trois objets, mais j'ai été frappé
de voir, par les développements de M. le ministre des travaux publics, qu'on
nous demande 153,000 fr. pour traitements et salaires du personnel attaché à la
direction et à la surveillance des travaux du canal de la Campine, et 48,000
francs pour le personnel attaché à la direction des travaux du canal de
Zelzaete. Lorsque la chambre a alloué au budget des travaux publics une somme
considérable pour les ingénieurs, conducteurs, surveillants, etc., elle a dû
croire que tous les employés des ponts et chaussées
seraient payés sur ce crédit. Si maintenant nous devons encore allouer plus de
200,000 fr. pour ces employés, il n'est vraiment plus nécessaire de vote des
budgets. Il est tel ingénieur qui reçoit des indemnités dont le chiffre s'élève
jusqu'à 4,800 fr. par an, et qui sont imputées sur les allocations du budget ;
il est tel ingénieur en chef qui a un traitement de 8,800 fr. et 6,000 fr.
d'indemnités pour les travaux exécutés dans le pays ; or si les ingénieurs,
conducteurs, surveillants touchent encore des sommes sur les crédits que nous
votons pour les travaux, alors il y a véritablement double emploi.
Je demanderai à cet égard des explications, si on ne m'en donne pas qui
soient satisfaisantes, je serai obligé de proposer un amendement.
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - Messieurs, la
question soulevée par l'honorable membre n'est pas une question nouvelle ; elle
a été agitée à différentes reprises, et notamment lors de la dernière
discussion du budget des travaux publics. L'allocation portée au budget des
travaux publics pour le personnel des ponts et chaussées s'applique, messieurs,
à une situation ordinaire. Depuis l'établissement de nos chemins de fer, il a
été nécessaire d'augmenter le personnel de direction et de surveillance dans
une proportion assez forte, et les fonds de construction de ces grands travaux
ont contribué, pour une certaine part, à rétribuer le personnel. Les choses se
sont toujours passées ainsi, à la connaissance des chambres et avec le concours
de la cour des comptes. Or, messieurs, si l'imputation, sur laquelle portent
les observations de l'honorable M. Osy, n'était pas une imputation régulière,
il est probable qu'elle n'aurait pas été admise par la cour des comptes.
Voici, messieurs, quelle a été la marche suivie. On a imputé jusqu'ici
sur l'allocation du personnel des ponts et chaussées les traitements des
ingénieurs et des conducteurs, plus les indemnités des agents attachés au
service ordinaire des ponts et chaussées ; mais les indemnités des ingénieurs
attachés à des services spéciaux ont toujours été prélevées sur les crédits
spéciaux, et il n'eût pas été possible d'agir autrement sans augmenter d'une
manière assez notable l'allocation du personnel des ponts et chaussées.
Il n'y a pas eu de double emploi dans l'indemnité de 3,750 fr. allouée
en 1843 à l'ingénieur en chef chargé du service de la Campine. Cet ingénieur
touche un traitement fixe de 5,200 fr., plus une indemnité qui représente les
frais de bureau et tous les frais de déplacement.
Or, le service de cet ingénieur en chef est extrêmement étendu, il
s'étend depuis Liège jusqu'à Anvers, en traversant toute la Campine. Il est (page 1855) à observer encore que le
service de la Campine est particulièrement coûteux ; ce pays est généralement
dépourvu de moyens de transport ; les ingénieurs sont obligés de se servir de
voitures particulières pour leurs déplacements, ce qui élève beaucoup la
dépense.
En toutes circonstances, messieurs, le
département des travaux publics a eu soin de réduire, autant que possible, les
traitements et indemnités portés sur les fonds spéciaux.
Ainsi, dès cette année, les décès et les mises à la pension ont permis
de reporter sur l'allocation du personnel des ponts et chaussées, certains
traitements qui avaient été payés jusqu'ici sur les fonds spéciaux. Cette
marche continuera à être suivie à l'avenir, mais pour le moment il y a
impossibilité de supprimer les allocations pour le personnel comprises dans les
crédits spéciaux, sans augmenter du même chiffre l'allocation du personnel des
ponts et chaussées. Là, messieurs, est toute la question, elle a été discutée
par la section centrale du budget des travaux publics de 1846 et cette section
centrale a été d'avis qu'il serait utile de laisser provisoirement les choses
dans l'état où elles se trouvent.
M. Mast de Vries. - Messieurs, j'ai demandé la parole lorsque j'ai entendu l'honorable M.
Osy dire que si nous accordions les 1,500,000 francs
dont il a parlé, il était inutile de voter les budgets. Je ferai remarquer à
l'honorable membre qu'il est encore différents traitements d'ingénieurs qui
sont portés sur des fonds spéciaux.
Le chiffre des sommes portées sur les fonds spéciaux diminue tous les
ans, mais cette année il s'élèvera encore à 84,000 fr. Cet état de choses est
provenu de ce qu'il a fallu former un corps d'ingénieurs tout à fait spécial
pour la construction du chemin de fer, mais aujourd'hui on rentre
insensiblement dans les conditions normales. Il a été nécessaire de suivre ce
mode, car si dès le principe on avait voulu donner des nominations définitives
à tous les ingénieurs et conducteurs attachés au chemin de fer, on aurait créé
un nombre considérable de fonctions nouvelles.
M. Osy. - Messieurs, je vois figurer au chapitre V du budget des travaux
publics, pour traitements des ingénieurs et conducteurs, frais de bureau et de
déplacement, indemnités et dépenses éventuelles 451,000 fr. Il me semble que,
pour mettre la cour des comptes et la chambre à même d'apprécier les dépenses
de l'Etat, on ne devrait pas imputer sur les fonds spéciaux des traitements
d'ingénieurs ou de conducteurs, car de cette manière il peut y avoir de doubles
emplois. J'ai vu un arrêté pris par M. d'Hoffschmidt qui alloue aux ingénieurs
un traitement fixe et un supplément pour toutes les dépenses faites dans le
pays. Si maintenant on peut encore prendre pour cet objet sur les fonds spéciaux,
comment voulez-vous que la cour des comptes s'assure qu'il n'y a pas de double
emploi ?
M. le ministre des travaux publics dit que les mesures prises à cet
égard l'ont été au su de la chambre. Eh bien, messieurs, depuis 5 ans que je
siège dans cette enceinte, j'ai examiné avec soin les affaires du gouvernement,
et je dois dire que si de semblables actes ont été posés on nous les a cachés,
car jamais nous n'avons eu de développement des dépenses, jamais on n'a dit que
sur ce fonds spécial on prenait les traitements.
Les traitements fixés par arrêté royal se
prennent sur le budget ; et dans l'état déposé par le ministre, je vois figurer
les traitements variables, les traitements fixes, les frais d'études et les
frais de route, de sorte qu'indépendamment de ce que nous votons, on donne
encore des suppléments. L'ingénieur de la Campine, qui jouit d'un traitement
fixe de 3,400 fr., a reçu 4,800 fr. de supplément de traitement ; l'ingénieur
de seconde classe, qui a un traitement de 2,200 fr., a reçu un supplément de
traitement de 1,800 fr., ce qui a porté son traitement à quatre mille fr. C'est
là une marche irrégulière. Je pense que la cour des comptes veillera à ce qu'il
n'y ait pas double emploi, et qu'elle n'autorisera le payement que des
traitements et indemnités fixés par arrêté royal. J'engage le gouvernement à
abandonner cette marche et à ne plus prendre à l'avenir sur les fonds spéciaux
que les dépenses de travaux.
J'engage la cour des comptes à tenir note de la déclaration faite par le
ministre des travaux publics.
M. de La Coste. - L'observation que j'ai à
présenter n'a pas rapport à l'objet dont vient de parier M. Osy, mais à celui
dont M. de Man a entretenu la chambre ; les fonds demandés ont en partie pour but
l'exécution de canaux décrétés en vertu du principe que nous invoquons à notre
tour ; c'est que pour l'écoulement des eaux et pour la navigation, il faut des
voies différentes. On demande un canal latéral au Demer pour que la navigation
ait lieu dans la direction de cette rivière, en même temps que l'écoulement des
eaux et sans lui nuire, comme on a obtenu des canaux dans d'autres contrées
pour séparer l'écoulement de la navigation, attendu qu'on a reconnu qu'en les
confondant on n'obtenait que des résultats fort incomplets.
Sentant la nécessité d'être court, je me bornerai à dire que la
déclaration de M. le ministre des travaux publics causera une impression très
pénible dans les localités qu'elle intéresse, mais je me flatte que nous ne
devons pas la regarder comme une fin de non-recevoir définitive et j'engage le
gouvernement à s'occuper sérieusement de cet objet.
M. Dubus (aîné). - J'avais demandé la parole pour ajouter quelques mots à la réponse
que M. Mast de Vries a faite à M. Osy. On a critiqué l'emploi des crédits votés
par la chambre, parce qu'une partie a été affectée au payement des traitements
et salaires du personnel attaché à la direction et à la surveillance des
travaux de canalisation dans la Campine.
Je dois faire remarquer que cette application est parfaitement
régulière, puisqu'elle est conforme aux prévisions qui avaient été soumises à
la chambre car, quand la chambre a voté ce crédit, elle l'a voté avec cette
destination. Quand au mois de septembre le gouvernement
a demandé le crédit pour continuer les travaux de canalisation de la Campine,
il a donné un tableau de l'emploi de ce crédit. Voici ce que j'y lis :
Les traitements et salaires du personnel attaché à la direction et à la
surveillance des travaux s'élèvent jusqu'à ce jour à fr. 119,076 46 c. L'on
ajoute la somme estimée nécessaire au payement des traitements et des salaires
du personnel attaché à la direction et à la surveillance des travaux pendant le
premier semestre de 1846 à 19,800. Ainsi, voilà à 14 mille francs près les 153
mille francs mentionnés dans le projet qui vous est soumis.
Pourquoi y a-t-il eu 13,000 fr. de plus ? Apparemment à cause de la
situation malheureuse des populations ; on aura voulu donner une plus grande
activité aux travaux, on aura fait travailler partout à la fois, et par
conséquent les frais de surveillance auront été plus considérables.
- La discussion générale est close.
Discussion des
articles
Articles 1 et 2
« Art. 1er. Les crédits de 1,750,000fr., de 1,110,000
fr. et de 930,000fr., successivement alloués par les lois des 29 septembre
1842, 24 juillet 1844 et 24 septembre 1845, pour les travaux du canal de la
Campine, sont augmentés de 200,000 fr. »
- Adopté.
________________
« Art. 2. Les crédits de 550,000 fr. et de 700,000 fr., successivement
alloués par les lois du 26 juin 1842 et du 20 février 1844, pour les travaux de
la première section du canal de Zelzaete à la mer du Nord, sont augmentés de
330,000 fr. »
- Adopté.
Article 3
« Art. 3. Un crédit de cinq cent
huit mille francs (508,000 fr.) est ouvert au département des travaux publics
pour le payement de l'entreprise du réendiguement du
polder de Lillo. »
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, les travaux de réendiguement du
polder de Lillo ont été autorisés par la loi du 9 avril 1844. Il résulte de
l'article 2 de cette loi, que la pensée de la législature était, que les
propriétaires intéressés avaient à contribuer à cette dépense.
En voici le texte : « Le gouvernement, dans la prochaine session, rendra
compte aux chambres des sommes que le trésor public est en droit de recouvrer
des propriétaires par suite des réserves apportées aux lois relatives aux réendiguements des polders. »
Ainsi, messieurs, le gouvernement était tenu de rendre compte, dans la
session qui a suivi la promulgation de la loi, des sommes qu'il avait à
recouvrer sur les propriétaires intéressés ; ainsi le trésor ne devait pas
supporter cette dépense à lui seul.
Je ne sache pas que le compte ait été rendu. S'il ne l'a pas été, je
demanderai à M. le ministre des travaux publics, comment il arrive qu'il n'ait
pas été satisfait aux prescriptions de la loi, et j'insiste, en tout cas, pour
que ce compte soit rendu sans retard.
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - Messieurs, les
fonds votés pour le réendiguement des polders des
deux rives de l'Escaut, ont été accordés sous la réserve d'un recours contre
les propriétaires intéressés, s'il y a lieu ; c'est la formule insérée dans
toutes les lois de crédit. On a donc fait la réserve d'un recours, pour le cas
où l'on croirait ce recours convenable. Cette question du concours des
intéressés a été discutée dans un rapport antérieur à la loi qui a autorisé le
dernier réendiguement du polder de Lillo, et les
conclusions de ce rapport étaient qu'à n'envisager que la législation sur les
polders, le recours serait de droit. Mais on a en même temps fait observer à la
chambre que cette question avait une affinité très grande avec celle des
indemnités par suite des événements de guerre. On se souviendra que des
indemnités n'ont pas été accordées aux propriétaires des polders inondés pour
non-jouissance de leurs propriétés. C'était là, messieurs, une circonstance à
prendre en considération. Ces propriétaires ont souffert gravement des
événements de guerre de 1830. Toutefois, la question de concours est restée
ouverte, parce qu'elle avait été réservée par les chambres.
Je reconnais que le délai dans lequel un rapport
ultérieur devait être fait à la chambre est expiré.
Je donnerai mes soins à ce que cette omission soit réparée le plus tôt
possible. Mais cette observation ne peut en aucune manière infirmer la demande
de crédit qui est actuellement soumise aux chambres, par la raison qu'il y a un
contrat entre le gouvernement et les entrepreneurs, et que le gouvernement doit
remplir les obligations que ce contrat lui impose, quelle que soit sa position
vis-à-vis des propriétaires intéressés.
M. Mast de Vries, rapporteur. -
Il entre sans doute dans les intentions de M. le ministre des travaux publics
de faire supprimer désormais dans le budget des travaux publics toute
allocation pour la surveillance des polders.
On a présenté dans la séance de ce jour l'analyse d'une pétition par
laquelle les entrepreneurs du réendiguement du polder
de Lillo demandent des indemnités.
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - Messieurs, il y a eu
effectivement une contestation entre le gouvernement et les entrepreneurs du réendiguement du polder de Lillo, après la seconde rupture
de l'ouvrage. Cette contestation avait été portée devant les tribunaux ; mais
les entrepreneurs ont fait au gouvernement la proposition de reprendre les
travaux en postposant le litige. Le gouvernement a accédé à cette proposition,
en faisant la réserve de tous ses droits. Ce qui résulte de cet état de choses,
c'est que les entrepreneurs élèvent une prétention contre le gouvernement,
prétention dont le gouvernement n'a jamais reconnu la légitimité ; le
gouvernement s'est renfermé dans la lettre du contrat, (page 1857) et n'a admis aucune déviation à ce qui lui semblait être
compris dans ce contrat.
Il est très vrai que les travaux du réendiguement de Lillo ont été entravés par des
circonstances malheureuses ; il y a eu, je pense, jusqu'à trois ruptures de la
digue. Les entrepreneurs ont toujours repris l'ouvrage, et ils ont fini par le
mener à bien. Il y aurait peut-être lieu, en équité, de prendre cette position
en considération ; mais, je le répète, ce serait là une indemnité accordée par
des considérations d'équité en dehors du contrat, et le gouvernement ne s'est
pas cru autorisé à admettre cette déviation aux conditions du contrat.
L'honorable M. Mast de Vries a demandé si les frais de surveillance du
polder de Lillo sont à la veille de cesser. Je puis lui répondre
affirmativement : la réception définitive du travail aura lieu au mois de
novembre prochain ; à cette époque, la digue sera remise à la direction du
polder, et le gouvernement deviendra étranger aux travaux qui ont été exécutés
sur ce point. II n'y aura donc plus d'allocation à porter aux budgets
subséquents pour le service du polder.
M.
Rogier. - Des
réclamations ont été adressées au département de la guerre et à celui des
travaux publics pour obtenir la construction d'un pont indispensable à la
circulation dans la commune de Lillo. Je ne sais si une somme destinée à cet
ouvrage est comprise dans le crédit demandé. Je prierai M. le ministre des
travaux publics de vouloir s'occuper de cet objet, de concert avec son collègue
de la guerre ou de l'intérieur.
La communication dont il s'agit peut s'établir à peu de frais, elle a
toujours existé avant les inondations et elle est, je le répète, indispensable
à cette commune, qui n'a eu que trop à souffrir des malheurs de la guerre.
M. Fleussu. - M. le ministre des travaux publics vient de nous entretenir des difficultés
survenues entre le gouvernement et les entrepreneurs du réendiguement
du polder de Lillo. La somme qui nous est demandée a pour objet de payer le
prix du marché à forfait. Je vois dans une pétition que les entrepreneurs
demandent une somme pour travaux extraordinaires qu'ils ont dû faire, attendu
que le terrain fourni par le gouvernement présentait de grands défauts qui ont
entraîné dans des dépenses considérables. Cette pétition a été déposée sur le
bureau ; elle est accompagnée de consultations d'avocats distingués. Je
demande, pour que suite soit donnée à cette pétition, qu'elle soit renvoyée au
ministre des travaux publics.
M. Veydt. - Le réendiguement du polder de Lillo a produit un grand bien,
en rendant à la culture des centaines d'hectares de bonnes terres. Mais il y a
encore autre chose à faire. Il n'existe plus, à proprement parler, de commune
de Lillo ; ses malheureux habitants sont dispersés dans les communes voisines,
ou vivent dans de misérables cabanes, qui forment ce que l'on a nommé le
village de paille (strooyen dorp).
Les maisons du centre de l'ancienne commune ont toutes été détruites.
Si l'on veut la reconstituer il faut bâtir.
L'on a eu un moment l'idée de fondre Lillo dans le territoire des
villages voisins ; mais un grand nombre de réclamations se sont élevées contre
ce projet. Une commission chargée d'étudier cette question a cru devoir
l'abandonner et s'est prononcée pour une reconstruction. Elle a fait un travail
qui fournit d'excellents renseignements et qui est, je pense, entre les mains
de M. le ministre de l'intérieur. Je le prie, en conséquence, d'en faire le
plus promptement possible l'objet de son examen et de nous présenter un projet
de loi avant la fin de notre session.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). -
L'honorable préopinant a demandé qu'on présentât un projet de loi pour
reconstituer la commune de Lillo. Avant de présenter une demande de crédit pour
cet objet, j'ai dû consulter le département des finances. Mon collègue connaît
parfaitement la situation de cette localité. Mais je pense qu'une autre
proposition a été faite, celle d'annexer la commune de Lillo à d'autres
communes, parce que la reconstruction de cette commune exigerait des dépenses
considérables, et qu'il faudrait ensuite pourvoir aux frais d'administration.
Cette seconde phase ne m'ayant pas été communiquée, je n'en ai pas pris
connaissance. Je dois donc soumettre la question à un nouvel examen. A la
session prochaine il me sera possible de faire une proposition aux chambres
dans l'un ou l'autre sens, suivant qu'on le trouvera plus convenable.
- Le renvoi de la pétition au ministre des travaux publics, proposé par
M Fleussu, est mis aux voix et prononcé.
L'article 3 est ensuite mis aux voix et adopté.
Article 4
« Art. 4. Les majorations de crédit, et le crédit qui fait l'objet
des articles 12 et 13 seront provisoirement couverts au moyen de bons du trésor
à émettre au fur et à mesure des payements à effectuer pour les travaux qui
seront exécutés. »
- Adopté.
Vote sur l’ensemble du
projet
- Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
Il est adopté à l'unanimité des 55 membres qui ont répondu à l'appel ;
il sera transmis au sénat.
PROJET DE LOI
ACCORDANT DES CREDITS SUPPLEMENTAIRES AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR
M. Osy. - Vous aurez tous été frappés comme moi de la masse de demandes de
crédits supplémentaires qu'on nous présente à la fin d'une session. C’est la
marche la plus désastreuse, car à la fin d'une longue session, il est
impossible d'examiner avec soin les actes du gouvernement qui nécessitent ces
demandes.
Cependant, je dois dire que cette fois-ci du moins le crédit du
département de l'intérieur a été examiné, j'en fais mon sincère compliment à
l'honorable rapporteur.
Nous devons, je pense, examiner ceci avec attention et adopter la
proposition de la section centrale.
Avant d'aborder la discussion des articles, je demanderai à M. le
ministre de l'intérieur pourquoi il a accordé plus de faveur aux commissaires
d'arrondissement qu'aux membres de l'ordre judiciaire et de la cour des
comptes. Ceux-ci, d'après la loi qui a fixé leurs traitements, ont six mois
pour opter. Pourquoi a-t-on accordé un délai d'un an aux, commissaires
d'arrondissement ?
Je demanderai également pourquoi le
commissariat du district d'Anvers reste vacant depuis près de cinq mois. Si
l'on veut y nommer un homme politique, un homme qui n'y ait pas de droits, je
conçois qu'on hésite. Mais si l'on veut nommer un commissaire de district d'un
arrondissement secondaire, ayant acquis par de longs services un titre à
l'avancement, comme il y en a plusieurs dans les Flandres, je ne conçois pas
pourquoi cela traîne autant.
Je demanderai quelles sont à cet égard les intentions de M. le ministre
de l'intérieur.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). -
L'honorable membre demande pourquoi l'on a donné aux commissaires
d'arrondissement un délai d'un an pour opter, alors que la loi n'a accordé que
six mois aux membres de l'ordre judiciaire. Je ferai remarquer que l'article 16
de la loi du 20 mai 1845 qui interdit aux magistrats, sous des peines
disciplinaires, toute espèce de commerce et l'administration de sociétés ou
établissements industriels, ne fixe pas le délai dans lequel ils devront opter.
Lorsque j'ai annoncé que mon intention était de proposer au Roi de
prendre un arrêté pour appliquer la même règle aux commissaires
d'arrondissement, je n'ai pas fixé de délai. Si l'on considère la nature des
intérêts engagés et la position difficile d'un fonctionnaire qui doit
abandonner la carrière administrative, à laquelle il s'est voûté depuis un
grand nombre d'années, ou sacrifier des intérêts considérables, on ne trouvera
pas que le délai d'un an soit trop long.
L'honorable membre regrette que le commissaire
de l'arrondissement d'Anvers ne soit pas encore nommé ; cette place est
vivement sollicitée par un grand nombre de candidats. Jusqu'à présent, je n'ai
pas eu le loisir d'examiner toutes les demandes, de peser tous les titres.
C'est une affaire dont je m'occuperai ultérieurement.
En attendant, l'intérimaire remplit convenablement ses fonctions, et le
service administratif de l'arrondissement n'est pas en souffrance.
M. Manilius. - Je demande la parole pour déclarer que je ne pourrai donner mon
assentiment au projet de loi qui, comme l'a fort bien dit l'honorable M. Osy, nous a été
présenté à la fin de la session, et est mis en discussion, alors que nous
sommes au moment de nous séparer.
Il est une autre raison pour laquelle je ne voterai pas le crédit, c'est
qu'une partie a pour objet de couvrir des dépenses faites par différentes
provinces, au-delà des limites de leur budget, pour le mobilier de l'hôtel
provincial.
Or, vous avez tous présent à la mémoire ce qui s'est passé il y a peu de
temps, lors de la discussion du budget de l'intérieur. Il s'agissait de
demandes de crédit pour plusieurs provinces où le matériel délabré exige des
réparations ; la parcimonie a été poussée si loin que l'on a refusé à la
Flandre orientale une somme minime de 2,000 fr.
Aujourd'hui, au dernier moment, lorsque, il faut en convenir, chacun de
nous ne pense qu'à s'en aller, on vient nous demander 14,000 francs pour la
province d'Anvers, autant pour la province du Hainaut. Il est temps, messieurs,
de mettre un terme à cette marche irrégulière.
Je vois dans le travail de l'honorable M. Veydt que déjà le gouvernement
s'était opposé à ces dépenses, que déjà des circulaires ont été adressées par
M. Van de Weyer, prédécesseur de l'honorable M. de Theux, aux administrations
provinciales pour qu'on ne continue plus ces dépenses irrégulières. Néanmoins
on les a continuées même depuis que le projet de loi nous est soumis, car une
augmentation nous a été demandée à ce titre dans la section centrale.
Si nous ne prenons pas le parti de rejeter les demandes de crédit qui
nous sont faites, on persévérera dans ce système, si commode pour
l'administration.
Pourquoi d'ailleurs accorderait-on à la province d'Anvers 14,000 fr.
pour dépenses extraordinaires de réparations du mobilier de l'hôtel provincial
de 1841 à 1844 ? La Flandre orientale a vainement demandé 2,000 fr. pour
réparer un mobilier qui date de l'empire et qui, réellement, ne répond pas à sa
destination. Car l'hôtel provincial de la Flandre orientale est destiné à
recevoir les personnes les plus distinguées, des personnages augustes. Il n'y a
pas de palais royal à Gand, il faut donc un ameublement convenable. A Anvers,
c'est tout différent, il y a un palais. Quand des souverains étrangers vont
dans cette ville, ils descendent au palais du Roi. Quand le Roi va à Anvers, il
habite son palais. Mais à Gand, c'est au milieu de vieux débris que l'on doit
loger d'augustes personnages. Quand on demande 2,000 fr. pour réparer le
mobilier, on nous les refuse. Qu'il me soit permis, à mon tour, de refuser les
crédits demandés pour d'autres provinces où ces dépenses étaient bien moins
utiles. Il est encore une autre raison pour laquelle je voterai contre le
crédit. On demande une somme pour imprimés du ministère de l'intérieur, pour
indemnités, pour frais de rédaction. Croit-on que nous ne nous rappelons (page 1858) pas ce qui s'est passé dans
cette enceinte ? M. le ministre de l'intérieur a déposé sur le bureau un
rapport sur les octrois des villes. La chambre en a ordonné l'impression qui
est évidemment à son compte. Comment se fait-il qu'on nous demande maintenant
un crédit à ce titre ? C'est, à ce qu'il paraît, pour donner une indemnité à
ceux qui ont rédigé le rapport. Mais quand un ministre dépose un rapport, nous
n'avons pas à en payer les frais de rédaction. Si le ministre ne rédige pas
lui-même, il a son monde, il a ses employés qui sont largement payés.
Il y a plus, je vois dans ce même rapport que l'on a donné aux employés
des archives qui ont fourni les éléments du rapport, des faveurs, un nombre
d'exemplaires. Il m'est revenu qu'il s'en vend au profit de ceux qui ont fait
des travaux pour le rapport. Tout cela est fort irrégulier. (J'en excepte
toutefois un archiviste qui a refusé toute récompense pécuniaire, comme le
signale le rapport.)
La chambre fera bonne justice en refusant une
fois pour toutes un pareil crédit. On dépose le rapport il y a peu de jours,
aujourd'hui on ouvre la discussion quasi à l'improviste quand nous ne sommes
préparés à rien ; quand nous croyions qu'il nous serait fait une communication
importante par le gouvernement, on nous dit : Vous n'aurez pas la communication
que vous attendiez, mais vous voterez notre crédit.... Eh bien ! je ne le voterai pas. (On
rit.)
M. de Corswarem. - Je demande la parole.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). -
L'honorable préopinant est entré dans des considérations de détail. Il serait
préférable, je crois, de se renfermer dans la discussion générale, et de
discuter ensuite le projet de loi par littera ; sans quoi il y aura
inévitablement confusion.
Si donc l'honorable M. de Corswarem ne se propose pas de parler sur
l'ensemble du projet, je l'engagerai à renoncer pour le moment à la parole.
M. de Corswarem. - Volontiers ; je me réserve de parler sur le lit. B.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Je me bornerai
pour le moment à donner une explication sur ce qu'a dit l'honorable membre,
quant à l'époque à laquelle le projet de loi a été présenté.
Lorsque je suis arrivé au ministère, ce n'est pas de ce crédit
supplémentaire que j'ai pu m'occuper en premier lieu. Nous avons dû nous
occuper d'abord d'intérêts plus importants. Cependant je n'ai pas tardé à
connaître la situation des crédits dont il s'agit. J'ai aussitôt préparé le
projet de loi et je l'ai communiqué à mon collègue des finances.
A entendre l'honorable préopinant, il semblerait que cette discussion
arrive par surprise. Il n'en est rien. La section centrale a pris tout le temps
nécessaire pour examiner le projet de loi ; tous les renseignements qu'elle a
demandés lui ont été communiqués. L'étendue du rapport prouve bien que ni la
section, ni son rapporteur n'y ont mis de précipitation.
La discussion vient, dit-on, à la fin de la session ; mais on ne peut en
faire un grief au gouvernement ; car à ce point de vue, les divers projets,
quels qu'ils soient, que l'on discute à la fin d'une session pourraient
également être critiqués.
Il n'y a là aucune espèce de calcul. Le fait s'explique de lui-même tout
naturellement.
J'aurais désiré que cette demande de crédit fût discutée depuis
longtemps. C'est à regret que j'ai vu cette discussion renvoyée à la fin de la
session.
Veuillez remarquer que si le projet de loi relatif au traité avec la
Hollande avait été présenté, comme nous l'avions espéré, il aurait fallu
l'examiner en sections ; l'ordre du jour aurait donc été maintenu.
Ainsi de ce chef les observations de l'honorable préopinant sont dénuées
de fondement.
- La chambre, consultée, prononce la clôture de la discussion générale
et passe à la discussion du littera A ainsi conçu.
Discussion des littera
de l’article unique
« Projet du gouvernement
« A. 1° Hôtel du gouvernement provincial d'Anvers, fr. 14,282
42
« 2° Hôtel du gouvernement provincial de Mons, fr. 12,895 09
« 3° Frais de voyage dus à des commissaires d'arrondissement, fr. 5,798 65. »
« Projet de la commission
« A. 1° Hôtel du gouvernement provincial d'Anvers, fr. 12,423
95
« 2° Hôtel du gouvernement provincial de Mons, fr. 10,990 46
« 3° Frais de voyage dus à des commissaires d'arrondissement, fr. 5,798 65. »
M. le
ministre des finances (M. Malou). -
Si l'honorable membre avait consulté les pièces jointes à l'exposé des motifs
du projet de loi, il aurait vu que la dépense de 14,282 fr. 42 c. s'applique à
plusieurs exercices (de 1841 à 1844). Je puis dire que cette dépense, qui
excède les limites des crédits, a été faite utilement pour l'hôtel du
gouvernement provincial d'Anvers, et m'a permis, pendant les dix mois que j'y
ai passés, de ne rien faire pour l'entretien de cet hôtel. Ce crédit est devenu
nécessaire, parce que les dépenses datant de plusieurs années déjà, il devient
impossible d'en différer davantage le payement.
Je reconnais qu'il est désirable qu'à l'avenir les diverses
administrations, tant provinciales que centrales, se renferment dans la limite
des crédits, ou demandent des crédits supplémentaires avant que les dépenses ne
soient faites.
M. le
ministre de l’intérieur (M. de Theux). - L'honorable M. Manilius se plaint de ce que le crédit demandé pour
réparations du mobilier de l'hôtel provincial de la Flandre orientale ait été
réduit de 2,000 francs. Mais il n'ignore pas qu'il n'a pas dépendu de moi que
le crédit n'ait été alloué intégralement. Ce ne peut donc être un grief contre
le ministère.
Mon honorable collègue des finances vous a donné quelques explications.
J'en ai reçu également de son honorable prédécesseur au gouvernement d'Anvers.
La section centrale propose une réduction de 2,000 fr., tout en
reconnaissant la réalité des créances. Elle espère que l'on pourra trouver
cette somme sur les budgets de 1846 et 1847. Il me serait impossible de dire si
le gouvernement pourra suivre la marche indiquée par la section centrale. Si ce
n'était pas possible, si l'administration devait souffrir de cette réduction,
je me réserverais de proposer une augmentation au budget prochain.
Il y a une difficulté, en ce que la cour des comptes ne liquide pas les
dépenses arriérées imputées sur des exercices ouverts, à moins qu'on ne leur
donne une date nouvelle. Cependant l'intention de la chambre étant connue,
cette marche pourra, je pense, être suivie.
M. Veydt, rapporteur. - M. le ministre de l'intérieur s'étant rallié à la réduction de 2,000
fr., je n'aurai qu'un mot à dire.
En réponse à l'honorable M. Manilius, je rappellerai que le rapport a
été déposé vendredi et distribué dimanche dans la matinée. J'ai pris très peu
de temps pour le faire.
Ce que vient de dire à l'instant M. le ministre des finances vient à
l'appui de la proposition de la section centrale. Par suite des dépenses faites
antérieurement pour la restauration de l'hôtel et le renouvellement d'une
partie de son mobilier, des économies ont été possibles sur l'exercice 1845.
Il est donc à peu près certain que sur le
budget courant et sur celui de l'année prochaine, le gouverneur de la province
pourra trouver ou économiser la somme de 2,000 fr., dont la section centrale
propose la réduction.
Elle s'est arrêtée à cette résolution pour se mettre d'accord ; ç'a été
pour elle un terme moyen, qui a fait écarter la proposition du rejet de la
totalité du chiffre. La section tenait à poser un acte qui atteste d'une
manière plus positive que par de simples observations, qu'elle désapprouve entièrement
la marche irrégulière qui a été suivie.
M. Manilius. - M. le ministre de l'intérieur semble croire que mon refus de voter
le crédit est basé sur le besoin d'attaquer le ministère, mais M. le ministre
de l'intérieur n'est pour rien dans tout cela : lui qui n'est ministre que de
cette année, n'a pu commettre ces fautes l'an passé.
J'ai demandé la parole pour inviter M. le ministre des finances à
expliquer mieux ce qu'il a dit tout à l'heure. Il a dit que pendant dix mois qu'il
a passés à Anvers comme gouverneur, il n'avait fait aucune dépense. A ce compte
le crédit serait intact et un crédit supplémentaire ne serait pas nécessaire.
Mais, soyez-en sûrs, on aura bien trouvé le moyen, pendant la durée de
l'exercice, de dépenser la totalité du crédit. Ce qui le prouve, c'est qu'on
nous demande maintenant un crédit supplémentaire pour des dépenses faites il y
a quatre ou cinq ans.
M. le ministre de l'intérieur a dit que je n'avais pas examiné l'affaire
; qu'il s'agissait de dépenses faites de 1841 à 1844. Mais je l'ai positivement
déclaré : c'est précisément parce qu'il s'agit de dépenses cachées pendant
plusieurs années que je refuse le crédit, pour apprendre au gouvernement à
suivre une marche régulière et plus conforme à la marche administrative et en
harmonie avec la bonne comptabilité.
M. le
ministre des finances (M. Malou). -
Les explications que j'ai données sont fort simples. J'ai reconnu que les
dépenses dépassaient le crédit ; j'ai ajouté qu’elles avaient été faites
utilement, et que j'avais pu par suite ne pas absorber le crédit porté au
budget dans la proportion du temps pendant lequel j'ai rempli les fonctions de
gouverneur.
M. Delfosse. - Il est bon que l'on sache quelle est la portée de la proposition de
la section centrale ; elle a proposé une réduction, moins pour opérer une
économie que pour blâmer et faire cesser des irrégularités qui se commettent
dans tous les ministères. Vous êtes appelés à voter les budgets, mais à quoi
sert ce vote, à quoi sert la limitation des dépenses s'il est permis à MM. les
ministres de faire des dépenses plus fortes que celles que vous avez votées ?
La chambre montre parfois l'intention de réaliser des économies, elle
réduit certaines allocations des budgets, eh bien ! il
arrive fréquemment que le ministère dépasse de beaucoup le chiffre des
allocations ; c'est se jouer du pays, c'est se jouer de la chambre qui
représente le pays. Il est temps de mettre un terme à ces irrégularités qui ont
plus de gravité qu'on ne le pense. Tous les ans nous votons des crédits
supplémentaires considérables, cela jette le désordre dans nos finances, c'est
là une des principales causes du déficit.
Lorsqu'un ministre a fait des dépenses qui excèdent les limites du
budget, il se garde bien de venir nous demander lui-même des crédits
supplémentaires, il laisse ce soin à son successeur. Celui-ci a une position
facile : si l'on fait des observations, il se tire d'embarras en répondant
qu'il n'y a pas de sa faute, que c'est le fait de son prédécesseur. La chambre
désarmée alloue les fonds, et le ministre qui les a obtenus aussi facilement ne
manque pas de suivre l'exemple de son prédécesseur, il fait aussi des dépenses
en dehors des budgets, laissant à ceux qui viendront après lui, le soin de les
payer.
La chambre, je le répète, doit mettre un terme à ces dépenses
irrégulières. Jusqu'à présent nous avons voté sans trop de difficulté les
crédits supplémentaires que l'on nous a demandés, nous nous sommes bornés à inviter
MM. les ministres à se renfermer dans les limites des budgets, (page 1859) nous nous sommes bornés à
donner des avertissements qui ont été inutiles.
Si l’on ne veut pas que l'abus se perpétue, il faut aller plus loin, il
ne faut accorder qu'une partie des crédits qui nous sont demandés. C'est dans
ce but que la section centrale a proposé une réduction de deux mille francs ;
elle a entendu blâmer la marche qui a été suivie ; le vote aura cette portée.
Les ministres doivent se renfermer dans les allocations
du budget. Lorsqu'elles sont épuisées et insuffisantes, ils doivent demander
des crédits supplémentaires avant que les dépenses soient faites et non après.
Lorsque les dépenses sont faites, la chambre n'a plus une entière liberté de
vote ; il est bien des dépenses qui sont permises parce qu'elles sont faites,
qui seraient rejetées si elles étaient à faire.
Donnons une fois une leçon à MM. les ministres, et réservons-nous d'en
donner une plus sévère, si elle ne suffit pas. Rejetons aujourd'hui une partie
du crédit, et plus tard, si l'abus ne cesse pas, nous le rejetterons tout
entier.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - De
quelque manière qu'on veuille entendre la proposition de la section centrale,
le blâme même implicite ne peut en aucune manière retomber sur le ministère,
puisque le ministère actuel est entièrement étranger à ces faits ; il ne peut
pas retomber davantage sur le ministère précédent, puisqu'on sait que ces
dépenses ont été faites sans autorisation spéciale et préalable du ministre.
Pour moi, je désire vivement que les crédits ne soient jamais dépassés ;
car de toutes les missions du ministère, une des plus désagréables est de venir
demander des fonds pour combler des déficits. Toutefois il y a une distinction
à faire.
Les crédits supplémentaires que j'ai demandés sont assez considérables ;
mais en général ils concernent des dépenses qu'il était impossible d'évaluer à
l'avance.
Ainsi la dépense relative aux épizooties dépend du nombre des animaux
abattus, du nombre des cas d'épizootie qui se sont présentés. Tout cela est
tarifé par les règlements. Si ces dépenses excèdent les prévisions, il faut un
crédit supplémentaire.
Il en est de même pour les dépenses des jurys d'examen et pour beaucoup
d'autres.
Ainsi les observations de l'honorable membre
ne peuvent s'appliquer qu'aux dépenses du matériel, soit des ministères, soit
des gouvernements provinciaux. Eh bien, tout en reconnaissant avec l'honorable
membre que ce doit être un principe aussi fixe que possible de ne pas dépasser
un crédit voté, cependant on peut aussi tenir compte des circonstances
spéciales qui se présentent ; notamment lorsqu'il arrive un nouveau
fonctionnaire qui désire, par exemple, que l'hôtel soit convenablement arrangé,
on conçoit qu'il y ait une dépense supplémentaire à faire. Je sais qu'il eût
été régulier d'attendre que le crédit eût pu être voté au préalable, mais la
chose essentielle est de savoir si la dépense a été faite utilement.
Si les fonds avaient été contestés, je comprends que le blâme aurait pu
être sévère ; mais si la dépense était utile et que les faits eussent été
portés préalablement à la connaissance de la chambre, la chambre aurait alloué
le crédit ; ainsi les observations ne doivent pas être aussi sévères que celles
que vient de vous présenter l'honorable préopinant. Telle est, je pense, la
situation, en ce qui concerne les gouvernements d'Anvers et du Hainaut.
M. Delfosse. - Messieurs, M. le ministre de l'intérieur vient de prononcer des
paroles que je considère comme imprudentes ; justifier des dépenses faites par
un gouverneur en dehors du budget, par la raison qu'elles ont été utiles, c'est
encourager tous les gouverneurs à entrer dans une voie irrégulière ; que pourra
répondre M. le ministre de l'intérieur, lorsque ces fonctionnaires auront
dépassé les allocations du budget, et qu'ils diront : Les dépenses que nous
avons faites sont aussi utiles que celle que vous avez justifiée devant la
chambre.
M. le ministre de l'intérieur nous a dit qu'il y a certaines dépenses
qui doivent nécessairement se faire et auxquelles un ministre ne peut pas
échapper. Je reconnais qu'il y a des dépenses de ce genre ; telles sont celles
qui résultent des séances du jury d'examen ; s'il y a plus de séances qu'on
n'en a prévu, il faut bien payer. Pour ces dépenses-là il n'y a rien à dire, et
nous ne disons rien, nous proposons d'accorder le crédit tout entier.
Mais il y a d'autres dépenses, et ce sont celles-là que je blâme, que
l'on peut empêcher. Nous nous occupons en ce moment de dépenses de ce genre,
faites par un gouverneur ; eh bien, je dis que si la chambre les accueille avec
trop de facilité, nous aurons chaque année, pour MM. les gouverneurs, des
demandes de crédits supplémentaires très considérables.
Tantôt nous aurons à nous prononcer sur des
dépenses qui ont été faites par le ministère lui-même. Le ministère a fait
acheter du bétail en Angleterre pour une somme plus forte que celle qui est
allouée au budget. Pourquoi cela ? Pourquoi ne pas s'arrêter au chiffre du
budget ? Si vous aviez besoin d'une somme plus forte, il fallait soumettre une
proposition à la chambre et attendre qu'elle eût prononcé. Ce n'est pas la
volonté de MM. les ministres, c'est celle de la chambre qui doit régler
l'emploi du produit des impôts ; la marche irrégulière qui est suivie en une
véritable usurpation de pouvoirs.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). -
Messieurs, l'honorable membre a mal compris mes paroles ; je n'ai pas approuvé
ce qui s'est fait, loin de là ; lorsque j'ai occupé précédemment le ministère
de l'intérieur, j'ai eu différentes occasions d'inciter les gouverneurs des
provinces et même les employés du gouvernement à se renfermer strictement dans
les limites du crédit. Ce que je dis s'applique aux dépenses du matériel ; il
arrive parfois dans un département ministériel qu'on dépasse le crédit, sans
que le chef du département en ait la moindre connaissance. Il en est de même en
ce qui concerne certaines dépenses dans les gouvernements provinciaux. Ainsi,
par exemple, le gouverneur de la province d'Anvers, qui a la plus grande part
dans cette dépense, m'a informé qu'il a été tout aussi surpris que moi-même, en
voyant arriver les comptes qui lui ont été soumis et auxquels il ne s'attendait
pas.
J'ai dit que je trouvais le blâme de l'honorable membre trop sévère pour
les dépenses qui pouvaient être considérées comme utiles, quoique irrégulières
dans la forme. Je n'entends pas du tout approuver l'irrégularité ; je suis
d'avis, au contraire, qu'on doit rester dans la régularité, autant qu'il est
humainement possible de le faire.
- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre est mis aux voix et
adopté.
________________
« 2° Hôtel du gouvernement provincial de Mons, fr. 12,895 09 »
La section centrale propose de réduire le chiffre à 10,990 francs 6
centimes.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - C'est
la même question que pour le chiffre précédent ; je me rallie au chiffre de la
section centrale.
- Le chiffre est mis aux voix et adopté.
_________________
« 3° Frais de voyage dus à des commissaires d'arrondissement : fr.
5,798 francs. »
- Adopté.
« 4° Frais de rédaction et d'impression d'un rapport sur les octrois
communaux : fr. 20,372 fr. 90 c. »
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). -
Messieurs, la section centrale n'a pas proposé de réduction sur ce chiffre.
Cependant, il est de l'intérêt de l'administration de donner quelques
explications sur les faits, parce que celles qui sont contenues dans le rapport
de la section centrale sont incomplètes. Voici une note qu'on me fait parvenir
à l'instant même.
« Si le rapport de la section centrale n'était expliquée devant la
chambre, il pourrait conduire les membres à deux suppositions inexactes et
fâcheuses pour la première direction, à savoir : 1° que la part de travail de
cette direction dans le rapport sur les octrois se serait bornée aux deux
notices signées par M. de Ham ; 2°que la somme de 6,348 fr. 50 c. serait
réclamée entièrement pour ce chef de bureau.
« Il y aurait lieu de faire remarquer que la part de travail de
l'administration centrale ne se borne pas aux deux simples notices auxquelles
on fait allusion ; mais qu'elle comprend en outre et d'abord toute la rédaction
du corps du rapport présenté par M. Nothomb, rédaction qui est due à la
première direction et à la même plume. »
Je dois ajouter que mon honorable prédécesseur s'est naturellement
réservé le soin de diriger la rédaction et qu'il y a mis la dernière main ;
mais il n'en est pas moins vrai que c'est un ouvrage extrêmement considérable,
et l'on comprend que l'employé chargé de travaux journaliers ne peut pas faire
un semblable rapport, si ce n'est en dehors des heures du bureau.
Je reprends la lecture de la note :
« En outre, la première direction a dû faire dresser les nombreux étals
statistiques qui forment la matière de la deuxième partie. Neuf employés y ont
travaillé assidûment pendant sept mois, hors des heures de bureau.
« La somme demandée est destinée à salarier
également les copistes.
« L'indemnité que l'on a cru équitable d'accorder au principal
rédacteur du rapport et des deux notices dont il a été fait mention, ne s'élève
qu'à 1,800 fr. La somme restante de 4,548 fr. 50 c. doit être répartie entre
seize employés d'un ordre inférieur. »
J'ai cru qu'il était opportun de donner communication de ceci à la
chambre, afin qu'on ne pût pas dire que certains employés étaient traités d'une
manière exceptionnellement favorable.
M. Veydt. - Il n'est pas étonnant que le rapport ne soit pas complet, car nous ne
connaissions pas les renseignements que M. le ministre vient d'apporter à la
chambre. Nous n'avons eu que le rapport imprimé sur les octrois et les réponses
aux questions adressées au gouvernement par la section centrale. Au surplus, je
reconnais volontiers que le chef de bureau qu'on a cité a pris une très grande
part au travail sur les octrois, et d'après ce qui m'a été communiqué ce matin,
il a, indépendamment de la rédaction des notices, dirigé et revu l'ensemble de
cette volumineuse publication.
M. de Corswarem. - J'ai demandé la parole quand j'ai entendu dire que le rapport sur
les octrois avait été imprimé aux frais de la chambre. Il est vrai que M.
Nothomb, alors ministre de l'intérieur, a déposé ce rapport sur le bureau de la
chambre qui en a ordonné l'impression. Mais les documents de la chambre ne sont
tirés qu'à un certain nombre d'exemplaires et quand le gouvernement demande des
exemplaires en sus du nombre fixé pour la chambre, il doit les payer. Le
gouvernement a demandé 350 exemplaires en sus, ce sont ces 350 exemplaires qui
sont à charge du gouvernement que la somme demandée est destinée à payer.
- Le chiffre proposé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.
« 2°. Fourniture d'exemplaires des exposés des situations
administratives des provinces et des recueils des procès-verbaux des séances
des (page 1860) conseils
provinciaux, 6,792 fr., pour payer la
part contributive du gouvernement dans l'acquisition de 300 exemplaires des
exposes des situations administratives des provinces et d'un même nombre de
recueils des procès-verbaux des séances des conseils provinciaux (1845),
distribués aux membres des chambres législatives et aux principales
administrations du royaume. »
- La commission propose l'ajournement de toute la somme.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Je
consens à l'ajournement ; je produirai les renseignements que désire la
commission.
« Ces allocations formeront le chapitre XXVI, art. 1er et 2 du budget de
1845. »
Littera C
« C. Agriculture. 1° 2,040 fr. pour payer les indemnités dues pour
bestiaux abattus ; des frais de voyage des médecins vétérinaires ; des frais de
la commission d'agriculture du Luxembourg et des frais de voyage d'un membre de
la commission chargée de la visite des étalons dans le Hainaut, 2,040
fr. »
- Adopté.
2° Indemnités dues pour bestiaux abattus en 1845 et pour frais de
voyages dus à des médecins vétérinaires : fr. 63,000 fr.
- La commission propose une réduction de 14,000 fr. sur les frais de
voyage, ce qui réduit le chiffre à 49,000 fr.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Je
regrette de ne pouvoir me rallier à la proposition de la commission. La
commission pense que les artistes vétérinaires ont exagéré les états de leurs
honoraires. Il importe de donner à la chambre une connaissance complète des
dispositions sur la matière pour faire comprendre qu'il est impossible aux artistes
vétérinaires d'exagérer les états de leurs honoraires. Je suis persuadé que les
membres de la section centrale et de la chambre ne voudront, pas, priver les
artistes vétérinaires des salaires qui leur sont dus.
L'arrêté royal du 26 juillet 1841 a organisé le service vétérinaire,
d'après les bases suivantes :
Je ne lirai que les articles qui sont relatifs à l'objet en discussion :
« Art. 3. Les médecins vétérinaires du gouvernement sont chargés :
« 1° D'exercer une surveillance active sur la santé du bétail, et
d'informer le gouvernement et les administrations communales de l'existence des
maladies contagieuses ou épizootiques qui se manifestent dans les communes de
leur ressort ;.
« 2° De rechercher et de traiter, sur la réquisition des autorités
compétentes, les animaux atteints de ces maladies ;
» 3° D'assister aux foires et marchés de leur district, à l'effet de
constater l'état sanitaire des animaux qui y sont exposés en vente ;
« 4° D'adresser, tous les trois mois, au gouvernement de leur
province, un rapport énonçant les cas de maladies, contagieuses ou épizootiques
qu'ils ont observés, ainsi que les faits qu'ils jugent devoir porter à la
connaissance du gouvernement, dans l'intérêt du service qui leur est confié.
« Art. 4. Les médecins vétérinaires du gouvernement sont
exclusivement appelés par les autorités communales pour rechercher les animaux
atteints de maladies contagieuses ou hors d'état de continuer le service public
auquel ils sont employés..
« Ils seront également appelés, de préférence aux autres
vétérinaires, à faire partie des commissions provinciales chargées de
l'expertise des étalons à approuver pour la monte. »
Voici les dispositions qui garantissent les intérêts du trésor :
« Art. 5. Les gouverneurs des provinces,,
les commissaires d'arrondissement, le commissaire du service de santé civil,
les membres des commissions provinciales d'agriculture et les administrations
communales ont seuls le droit de requérir les vétérinaires du gouvernement. »
Vous voyez qu'ils ne peuvent se présenter spontanément et exiger des
salaires pour des visites spontanées. Ils doivent avoir été requis.
« Art. 6. Les médecins vétérinaires appelés par les autorités
communales à visiter ou à traiter les animaux atteints de maladies contagieuses
ou épizootiques, ne peuvent, être chargés de visiter les mêmes animaux plus de
deux fois, sans un nouvel ordre écrit du gouverneur de la province, du
commissaire, de l'arrondissement, du commissaire du service de santé civil ou
de l'un des membres de la commission d'agriculture. Ces ordres ne pourront être
délivrés que sur un rapport écrit et motivé des vétérinaires.
« Les visites autres que celles, ci-dessus énoncées, sont à la
charge du propriétaire. »
Cet article contient une nouvelle garantie, car ils ne peuvent se présenter
plus de deux fois, sans un nouvel ordre écrit.
« Art. 8. Les médecins vétérinaires requis pour un des services publics
énoncés dans le présent arrêté devront rendre immédiatement un compte écrit de
leur mission à l'autorité dont ils ont reçu les ordres, ainsi qu'au commissaire
de leur arrondissement.
« Art. 9. Les médicaments nécessaires au traitement des animaux confiés
aux soins des médecins vétérinaires du gouvernement par une des autorités
ci-dessus mentionnées seront à la charge des propriétaires, à moins que ceux-ci
ne soient reconnus indigents ; dans ce cas, les médicaments seront payés sur le
fonds d'agriculture.
« Art. 10. Les frais de route et de séjour des médecins
vétérinaires du gouvernement leur seront payés à raison de deux francs par lieue
et de quatre francs pour chaque jour employé, tant en voyage qu'en vacation.
« Lorsqu'ils seront requis à l'effet de procéder à des expertises ou à
des visites dans la commune du lieu de leur, domicile,,
et qu'ils auront employés ces vacations au moins une demi-journée, ils
recevront, à titre d'indemnité, le double des frais de séjour mentionnés
ci-dessus.
« Dans le cas où ils auront employé à ces vacations moins d'une
demi-journée, il leur sera alloué l'indemnité de séjour simple.
« Art. 11. Les médecins, vétérinaires dresseront, tous les trois
mois, l’état général de leurs frais de voyage. Ils devront y joindre les pièces
suivantes. ;
« 1° Les ordres de voyage ;
« 2° Une copie des rapports adressés par eux aux autorités qui ont ordonné
les voyages ;
« 3° Des déclarations des administrations communales énonçant tel
jours et les heures de leur arrivée dans les communes, le temps pendant lequel
ils y ont séjourné, ainsi que la distance de la commune du lieu de départ ;
« 4° Des déclarations délivrées par les mêmes administrations ou par les
propriétaires des animaux qu'ils ont traités, constatant que leurs soins ont
été gratuits. »
Il est certain que cet arrêté, qui date déjà de 1841, a reçu son
exécution pendant plusieurs années, et qu'il y aurait aujourd'hui en quelque
sorte injustice à changer le tarif, au moins en ce qui concerne le passé.
«Il n'y a aucun abus à relever à l'occasion de ces voyages. Ces abusons
peuvent même être commis.
En effet, pour être admis en compte ces états doivent être appuyés des
pièces suivantes :
(Art. 11 de l’arrêté royal du 26 juillet 1841.)
Un ordre de voyage donné par l'autorité compétente, un certificat du
bourgmestre, constatant, que le voyage a eu lieu.
Un certificat du propriétaire du bétail constatant que son bétail a été
traité gratuitement.
Toutes ces pièces ont été fournies, et l'on ne peut supposer de la
mauvaise foi simultanément chez ces trois personnes et le vétérinaire.
Les vétérinaires du gouvernement font des voyages aux frais du fonds
d'agriculture :
1° Pour la surveillance des animaux atteints de maladie
contagieuse ;
2° Pour la visite des foires et marchés de bestiaux ;
3° Pour la surveillance des étalons et des taureaux approuvés, employés
à la monte publique.
Les frais de voyage fixés par l'arrêté royal du 26 juillet 1844, article
10, sont fixés :
1° à 2 fr. par lieue ;
2° à 4 fr. de séjour.
Le séjour n'est accordé que dans le cas où toute la journée a été
employée en vacation ou en voyage.
Ces frais sont-ils trop élevés ? Evidemment non.
Si certains vétérinaires font quelquefois des états qui paraissent trop
élevés, cela n'est qu'accidentel et dépend entièrement de l'état sanitaire
momentané de son canton, du nombre de foires et marchés qu'il doit surveiller,
ainsi que de l'étendue de son district.
Voici maintenant, les frais de voyage par province
Anvers : Nombre de vétérinaires : 8. Frais de voyage :
12,213 fr. 00 c. Moyenne par vétérinaire : 1,526 fr.
Brabant : Nombre de vétérinaires : 27. Frais de voyage : 8,421
fr. 30 c. Moyenne par vétérinaire : 311 fr.
Flandre occidentale : Nombre de vétérinaires : 11. Frais de
voyage : 9,032 fr. 80 c.. Moyenne par
vétérinaire : 821 fr.
Flandre orientale : Nombre de vétérinaires : 10. Frais de
voyage : 9,032 fr. 80 c. Moyenne par vétérinaire : 1,526 fr.
Hainaut : Nombre de vétérinaires : 31. Frais de voyage :
3,661 fr. 00 c. Moyenne par vétérinaire : 118 fr.
Liége : Nombre de vétérinaires : 18. Frais de voyage :
5,338 fr. 00 c. Moyenne par vétérinaire : 291 fr.
Limbourg : Nombre de vétérinaires : 7. Frais de voyage :
2,120 fr. 00 c. Moyenne par vétérinaire : 320 fr.
Luxembourg : Nombre de vétérinaires : 5. Frais de
voyage : 6,506 fr. 00 c. Moyenne par vétérinaire : 1,301 fr.
Namur : Nombre de vétérinaires : 12. Frais de voyage :
7,991 fr. 91 c. Moyenne par vétérinaire : 665 fr.
Ensemble : Nombre de vétérinaires : 129. Frais de
voyage : 70,457 fr. 11 c. Moyenne par vétérinaire : 546 fr.
Vous voyez, messieurs, qu'il y a quelquefois des circonstances
extraordinaires qui justifient un chiffre dont la justification paraît
difficile à ceux qui ignorent ces circonstances.
Je dis donc que les dispositions
réglementaires de l'arrêté royal sont suffisamment garantissantes
pour les intérêts du trésor, les vacations des vétérinaires ayant été
constatées et le tarif décrété en 1844 n'ayant donné lieu, jusqu'à ce jour, à
aucune critique, on ne peut pas prendre une mesure rétroactive relativement à-
une réduction de ce tarif.
J'espère, messieurs, que l'honorable rapporteur de la section centrale,
ayant entendu ces explications et ayant pris connaissance de l'arrêté royal, ne
persistera pas à défendre les conclusions de son rapport.
M. Veydt, rapporteur. - Je dois d'abord rectifier une erreur qui trouve sa source dans le
rapport même. Je me suis servi du mot « réduction », mais dans
l'opinion de section centrale, il n'est pas question d'opérer une réduction
définitive, c'est plutôt un ajournement de la moitié de la somme pétitionnée
par M. le ministre de l'intérieur» jusqu'à ce qu'il ait pu examiner de nouveau
les états des frais de voyage (page 1861)
dus aux médecins vétérinaires. Lorsque plus tard, après un nouvel examen, M. le
ministre aura acquis la certitude que ces états doivent être liquidés en tout
ou en partie, il viendra demander un nouveau crédit, en l'appuyant des
renseignements qui nous manquent aujourd'hui.
Messieurs, nous avons pris connaissance de toutes les dispositions qui
existent, et nous les avons trouvées fort bonnes, mais nous devons croire
qu'elles sont tombées, en quelque sorte, en désuétude, ou qu'on a trouvé le
moyen de les éluder.
Il y a des mémoires qui s'élèvent à des sommes si fortes, que, sur ce
pied, des artistes vétérinaires auraient jusqu'à 4,000 fr. par an pour frais de
voyage et de séjour, et cela dans une province où les épizooties, à en juger
par le tableau annexé au rapport, n'ont pas sévi avec plus d'intensité
qu'ailleurs. Ce fait a tellement frappé la section centrale, qu'elle s'est dit
: Il doit y avoir des abus, et il faut fournir au gouvernement l'occasion de
les réprimer. La chose devient encore bien plus saillante, lorsqu'on établit
une comparaison entre toutes les provinces, car il y en a où les artistes vétérinaires
ne portent en compte que 200 à 250 fr. de frais par trimestre, bien qu'ils
aient autant et souvent plus de communes à inspecter.
S'il fallait maintenir l'état de choses que
la section centrale a cru devoir signaler, mieux vaudrait, suivant moi, instituer
des artistes vétérinaires rétribués par l'Etat, et auxquels on accorderait,
chaque année, une somme déterminée pour frais de route et de séjour. De cette
manière, nous n'aurions certainement pas à payer 77,000 fr., montant de la
dépense déjà faite et du crédit supplémentaire que nous
discutons en ce moment, rien que pour les frais durant un seul exercice.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). -
Maintenant, messieurs, que l'honorable rapporteur de la section centrale vient
d'expliquer qu'il s'agit seulement d'un ajournement et quoiqu'un ajournement
soit toujours fâcheux pour celui qui est créancier de l'Etat, je ne m'opposerai
pas à cet ajournement parce que je désire moi-même que la chambre ait tous ses
apaisements quant aux observations qui ont été faites. Ainsi je me charge bien
volontiers d'écrire aux gouverneurs pour avoir des explications encore plus
détaillées sur les faits dont on a parlé. Du reste, quant à la comptabilité,
les pièces comptables doivent être fournies pour la liquidation des créances et
de ce chef il n'y a rien à redire ; la cour des comptes n'admet les créances
qu'autant que les pièces comptables soient fournies. Il ne reste donc qu'à
fournir des explications quant au nombre de voyages faits par les artistes
vétérinaires, et en ce moment je ne puis m'expliquer, à cet égard que par des
considérations générales. Je reconnais qu'il y a des améliorations à introduire
dans le service des artistes vétérinaires et j'ai fait moi-même la remarque que
le nombre des vétérinaires est trop inégal entre les différentes provinces. Il
faudra que le gouvernement avise aux moyens d'obtenir partout un nombre
suffisant de vétérinaires, de manière à ce que le district qu'ils ont à
parcourir ne soit pas trop étendu ; ce qui, d'une part, diminuera les frais de
voyage et assurera, d'un autre côté, aux habitants un service plus prompt.
Ce sont là, messieurs, des questions qui
restent à examiner. Pour le moment, puisqu'il est reconnu qu'il ne s'agit point
de contester l'arrêté royal, qu'il ne s'agit que de quelques détails
d'exécution, je m'engage volontiers à recueillir des renseignements nouveaux et
à les communiquer à la section centrale. Le crédit sera seulement ajourné.
M. de Garcia. - Il me semble, messieurs, qu'on est d'accord sur le chiffre demandé
et en effet, je crois qu'on doit l'accorder. Cependant l'honorable M. Veydt a
exprimé le vœu qu'on apportât quelques économies dans cette partie du service
public. Au point de vue de l'économie qu'on peut faire, je partage complétement
son opinion, mais je ne crois pas qu'on atteindrait le but en salariant les
artistes vétérinaires du gouvernement.
Je crois qu'il y aurait un meilleur moyen de diminuer les frais de
voyage, et en même temps de rendre service à l'agriculture. Dans l'état actuel
des choses, pour constater les cas d'épizootie qui donnent lieu à indemnité,
les cultivateurs dépendent nécessairement de certains vétérinaires désignés par
le gouvernement. C'est en quelque sorte un privilège donné à ces vétérinaires,
qui n'ont pas plus de titres que d'autres. Je voudrais que tous les
vétérinaires diplômés qui ont fait preuve de talent, fussent admis à constater
les cas d'épizootie qui se présentent. S'il en était ainsi, les cultivateurs
n'auraient plus à faire trois ou quatre lieues pour aller chercher un
vétérinaire dont l'intervention puisse établir leurs droits à l'indemnité, et
l'on éviterait les frais considérables des voyages, qui font l'objet delà
critique actuelle.
J'appelle donc l'attention du gouvernement sur le point de savoir s'il
ne conviendrait pas d'accorder à tous les vétérinaires diplômés et ayant
justifié des connaissances nécessaires, le droit de constater les cas
d'épizootie qui donnent droit au payement de l'indemnité votée en faveur de
l'agriculture.
- Le chiffre de 49,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« 3 Pour payer des dépenses relatives au haras de l'Etat, les frais
résultant d'achats d'animaux de la race bovine et les frais provenant de
l'exécution des règlements pour l'amélioration de la race chevaline, 5,878 fr.
34 c. »
M. Delfosse. - Messieurs, les achats étant faits, il faut bien payer. Mais j'espère
que M. le ministre de l'intérieur donnera des instructions pour qu'à l'avenir
on ne dépasse plus les allocations. Si le gouvernement pense qu'elles sont
insuffisantes, qu'il en demande de plus fortes, nous j examinerons s'il y a
lieu de les accorder.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Cette
recommandation, messieurs, je l'ai déjà faite pour l'exercice courant, mais je
m'explique très bien comment les choses peuvent se passer les acquisitions se
font à différentes époques ; il en résulte des frais, et on est tout surpris en
récapitulant le tout, de voir que le chiffre global a été dépassé d'une somme
légère. Cela peut arriver sans qu'il y ait eu la moindre intention d'arriver à
ce résultat. Ainsi, on se rend à l'étranger pour faire des acquisitions, les
frais de voyage et les frais de transport sont plus considérables qu'on ne
l'avait prévu, et lorsqu'on ajoute ces frais au prix d'achat, le crédit se
trouve dépassé.
M. Delfosse. - Les agents du gouvernement ne seraient-ils pas portés à multiplier
les achats, pour faire plus de bénéfices ?
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). et M. le ministre
des finances (M. Malou). - Ils n'ont pas cet intérêt.
- Le chiffre est adopté.
Littera D
« D. Frais de milice. Trois mille cinq, cent cinquante-huit francs
dix-neuf centimes, pour faire face aux dépenses excédant le crédit alloué au
chap. IV, art. 2 du budget de 1844 : fr. 3,558 19.
« Cette allocation formera le chapitreXXVIII,
article unique, du budget de 1845. »
- Adopté.
Littera E
« E. Actes de courage et de dévouement. Neuf mille huit cent
quatre-vingt-seize francs, pour les dépenses excédant les allocations votées pour
les exercices 1844 et 1845 : fr. 9,896 00 c.
« Cette allocation formera le chapitre XXIX, article unique, du
budget de 1845. »
- Adopté.
Littera F
« F. Frais des jurys d'examen pour les grades académiques. Trente et
un mille cent quatre-vingt-trois francs, pour faire face aux dépenses excédant
le crédit alloué à l'article 2 du chapitre XIX du budget de 1845 : fr.
31,483 00 c. »
« Cette allocation formera le chapitre XXX, article unique du même
budget. »
- Adopté.
« G. Beaux-arts et archives : 1° Exposition d'objets d'art en 1845.
Huit mille six cents francs, pour payer l'excédant
des dépenses résultant de l'exposition d'objets d'arts qui a eu lieu en
1845 : fr. 8,600 00 c. »
La commission propose une réduction de 4/-00 fr.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). -
J'engagerai la chambre à allouer le crédit demandé, au moins encore pour cette fois.
C'est un usage constant d'allouer des récompenses pécuniaires aux jeunes
artistes, à chaque exposition ; cet usage a été constamment suivi. Si l'on veut
dévier de cette règle à l'avenir, soit, mais au moins que l'on maintienne ce
qui a été fait pour les expositions passées. En général les jeunes artistes ont
compté sur une récompense quelconque, et les récompenses dont il s'agit sont
celles qui ont été proposées par la commission directrice de l'exposition. Il
n'y a point de droit acquis, mais je fais appel à la générosité de la chambre.
- Le chiffre de 8,600 fr. est adopté.
« 2° Echange d'archives. Cinq mille six cent soixante-et-dix-huit
francs soixante-deux centimes, pour payer les dépenses résultant de l'échange
des archives des provinces de Limbourg et de Luxembourg, en exécution du traité
du 19 avril 1839 : fr. 5,678 62 c. »
- Adopté.
« 3° Statue de Marguerite d'Autriche. Sept mille deux cents francs,
destinés à payer le subside accordé en 1842 à la ville de Malines, pour
l'érection de la statue de Marguerite d'Autriche : fr. 7,200. »
- Adopté.
Ces allocations formeront le chap. XXXI, articles 1, 2 et 3 du budget du
ministère de l'intérieur, exercice de 1845.
« H. Matériel du ministère de l'intérieur. Dix-huit mille quatre
cent quarante-huit francs quarante-sept centimes, pour dépenses de matériel
restant à payer pour l'exercice de 1845 et antérieurs : fr. 18,448 47c.
« Cette allocation formera le chap. XXXII, article unique du budget
de 1845. »
La commission propose une réduction de 2,000 fr.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). -
Messieurs, il m'est impossible de consentir à la réduction proposée par la
commission. Je dois même informer la chambre que je serai obligé de demander un
autre crédit extraordinaire pour l'arriéré. Voici, messieurs, les faits tels
que je viens de les apprendre.
Lorsque j'ai présenté la demande de 18,448 fr. 47, je croyais que cette
somme suffirait pour payer la totalité de l'arriéré, et que moyennant
l'augmentation accordée par la chambre, il pourrait être fait face à toutes les
dépenses de l'exercice courant. Mais, messieurs, j'ai appris que sur les 30,000
fr. alloués pour l'exercice courant il a déjà été payé (page 1862) actuellement pour 16,712 fr. de créances arriérées et
qu'il reste encore à payer d'autres créances arriérées, indépendamment des
18,448 Fr., dont il s'agit en ce moment, pour 13,031 fr., de telle sorte que
j'aurais à dépenser pour tout le service du département de l'intérieur, pendant
l'année 1846, une somme de 156 fr. Or telle ne peut pas être l'intention de la
chambre.
J'ai cru devoir exposer les choses telles qu'elles sont parce que je ne
veux pas qu'après ma sortie du ministère on puisse dire que j'ai couvert
l'arriéré au moyen des 18,448 fr. que je demande en ce moment et que ce qui
resterait à solder serait le résultat de dépenses faites en dehors des crédits
votés.
Quand on m'a proposé de présenter la demande de crédit de 18,448 fr., on
avait cette idée que les fonds de l'exercice courant serviraient à couvrir les
dépenses de l'année précédente, de manière qu'on eût été toujours une année en
arrière, sauf les économies qu'on eût pu opérer. J'ai pensé que je ne pouvais
pas accepter cette situation et que je devais faire connaître l'état des choses
tel qu'il était constaté par les écritures de la comptabilité. La chambre sera
certainement étonnée du chiffre de l'arriéré, et je crois devoir lui donner
quelques explications à cet égard.
Depuis six ou sept années, messieurs, les crédits du département de
l'intérieur ont été constamment insuffisants pour le service courant ; chaque
année est venue ajouter un déficit nouveau aux déficits antérieurs.
Indépendamment de ce que les crédits étaient insuffisants pour les dépenses
normales, différentes circonstances ont nécessité des dépenses extraordinaires.
Ainsi à ma sortie du ministère, le département a été occupé par un ministre
ayant famille, et il a fallu compléter l'ameublement en conséquence.
Il y a eu des remaniements d'attributions fréquents, et chacun de ces
remaniements a amené une dépense qui s'élève en moyenne de 2 à 3,000 francs ;
je n'ai pas sous les yeux la note dont j'étais muni lors de la discussion du
budget de l'intérieur, mais je crois me rappeler que c'était là le chiffre. Ces
trois causes accumulées ont amené la situation que je viens d'exposer.
Je demanderai donc à la chambre d'allouer les 18,448 fr. dont il s'agit
maintenant, et je me réserve de faire une autre demande de crédit
extraordinaire pour sortir de la situation dans laquelle se trouve le
département, car indépendamment de ce qu'il est fâcheux qu'il y ait de
nombreuses créances pour fournitures, il en résulte nécessairement un
inconvénient que chacun peut apercevoir, c'est que celui qui est créancier
depuis de longues années ne livre pas toujours au meilleur marché possible.
Ainsi non seulement pour la régularité, mais
dans l'intérêt bien entendu de nos finances, il importe de sortir de cette
situation. Quant à moi, je m'engage à prendre, si la situation devient liquide,
toutes les mesures possibles pour que les crédits du département ne soient
jamais dépassés ; mais il m'est impossible d'administrer avec 156 fr., seul
chiffre qui me restera malgré ce crédit extraordinaire de 18,000 fr., de sorte
qu'il y aura nécessairement un rappel à faire pour le budget prochain.
M. Veydt, rapporteur. - Messieurs, je ne puis plus venir défendre la réduction de 2,000 fr.
proposée par la commission. Nous sommes bien loin de compte à présent, puisque
M. le ministre nous annonce une nouvelle demande d'un crédit considérable. Tout
ce que je puis faire, c'est d'engager M. le ministre à présenter cette demande
le plus tôt possible, afin de liquider, une bonne fois, l'arriéré d'une manière
définitive et de parvenir à une position qui soit nette.
M. le
ministre de l’intérieur (M. de Theux). Le motif qui m'empêche de faire
en ce moment la demande complémentaire dont j'ai parlé tout à l'heure, c'est
que je désire soumettre à la section centrale ou à la chambre les pièces
justificatives des faits que je viens d'énoncer ; mais il doit être bien
entendu que les créances des années antérieures, qui ont déjà été payées et
auxquelles on a dû donner la date de 1846 pour que la cour des comptes les liquidât,
que ces créances ne sont pas le fait de mon administration. Dans la session
prochaine, je donnerai la situation parfaitement exacte des crédits, tels
qu'ils se trouvaient au 31 janvier dernier, et tels qu'ils se trouveront alors.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, lorsque nous discutons les budgets, MM. les ministres
consentent assez facilement aux réductions que la chambre est disposée à faire,
mais ils se réservent de venir demander des crédits supplémentaires. Eh bien,
je déclare que je ne voterai plus un seul de ces crédits, à moins de
circonstances tout à fait extraordinaires. Je repousserai surtout de semblables
demandes lorsqu'il s'agira de dépenses d'ameublement ; les hôtels des
ministères sont suffisamment meublés pour qu'on puisse se renfermer dans les
allocations du budget.
Ce qui a surtout contribué à amener ces
augmentations de dépense, ce sont les changements continuels de ministère :
chaque ministre nouveau trouve toujours qu'il est nécessaire de faire des frais
d'ameublement ; chaque ministre nouveau trouve toujours que son hôtel n'est pas
suffisamment meublé, surtout lorsqu'il a une famille plus ou moins nombreuse.
Quant à moi, je le répète, je ne voterai plus un seul crédit supplémentaire, à
moins que ce ne soit pour un objet extraordinairement important, non prévu et
de la plus grande urgence. Notre état financier ne nous permet pas d'augmenter
ainsi continuellement les dépenses.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Les
observations de l'honorable préopinant feraient croire qu'il est question de
faire de nouvelles dépenses d'ameublement au ministère. C'est là une grave
erreur, et je suis charmé d'avoir cette occasion de rencontrer une assertion de
la section centrale, qui disait que le ministère de l'intérieur devait être
tellement bien meublé que de longtemps il n'y aurait plus rien à y faire.
Plusieurs honorables membres de la chambre ont pu voir les bureaux du ministère
et les appartements du ministre, et reconnaître que cette assertion est loin
d'être fondée. Toutefois, messieurs, il n'est nullement question de faire des
dépenses d'ameublement ; tout ce que je demande, c'est que l'ameublement soit
bien entretenu. Si l'ameublement est convenable dans quelques appartements de
l'hôtel du ministère de l'intérieur, dans d'autres, il présente des
défectuosités que je ne veux pas énumérer ici, mais que chacun peut facilement
vérifier.
- Le chiffre de 18,448 fr. 47 c., demandé par
le gouvernement, est mis aux voix et adopté.
« 1° Créance pour 10 exemplaires des Monuments de Rhodes, etc., fr.
1,947 08. »
- Adopté.
« 2° Traitement arriéré du sieur Biver, fr.
333 33. »
- Adopté.
« 3° Somme due au sieur Koch, greffier du tribunal de première instance,
à Arlon : fr. 233 73. »
- La section centrale propose le rejet de ce chiffre.
M. Orban. - Messieurs, je ne sais si la section centrale ne s'est pas montrée
trop rigoureuse en proposant le rejet de cette allocation. La créance dont il
s'agit était relative à l'exercice 1840, et n'a été présentée qu'en 1844.
L'exercice 1844 n'étant plus ouvert alors, la somme n'a pu être payée. Mais la
déchéance encourue par le sieur Koch a-t-elle véritablement le caractère de
prescription ? Je ne le pense pas ; je crois seulement que le gouvernement ne
pouvait plus payer la créance sur l'exercice 1840 ; mais la dette n'en existe
pas moins. Or, il s'agissait simplement pour le sieur Koch de régulariser
financièrement sa position, en adressant une nouvelle demande au gouvernement,
afin que celui-ci pût obtenir un crédit nouveau. Maintenant que la demande est
faite et qu'au surplus la dette est parfaitement régulière, je pense que la
chambre doit accorder le crédit, en équité et même en bonne justice.
M. Veydt, rapporteur. - Messieurs, la dette est parfaitement régulière et justifiée ; mais
la section centrale a néanmoins cru devoir proposer le rejet du crédit, pour
maintenir le principe. L'intéressé n'a réclamé le payement de sa créance que
cinq ou six ans après que la dépense avait été faite : il en est convenu
lui-même ; c'est accidentellement qu'il s'est souvenu qu'il avait droit à un
arriéré.
Du reste, la chambre jugera s'il y a lieu de
s'arrêter au motif qui a dicté les conclusions de la section centrale. C'est
elle qu'il appartient de trancher une pareille question.
M. Orban. - L'honorable M. Veydt s'est trompé, lorsqu'il a supposé que le délai
était périmé depuis cinq ou six ans, lorsque le sieur Koch a fait sa demande.
Le fait est qu'il a formé sa demande le 1er juillet 1844 ; il n'y avait qu'une
année de retard ; la dette était payable jusqu'en l'année 1845.
M. Veydt, rapporteur, donne lecture d'une lettre du 8 novembre 1844, qui est au dossier et
dans laquelle M. le gouverneur de la province du Luxembourg s'exprime ainsi. -
Il est à regretter que ce fonctionnaire ait attendu plus de cinq ans avant de
formuler une réclamation et de faire connaître qu'il s'était occupé de ce
travail.
- Le chiffre est mis aux voix ; après une
double épreuve, il est rejeté.
« 4° Pour payer les menues dépenses arriérées : fr. 643 78. »
- Adopté.
Article premier
M. le président. - Nous revenons au premier
paragraphe de l'article unique du projet de loi.
« Le budget des dépenses du département de l'intérieur pour l'exercice
de 1845, fixé par la loi du 13 mars de la même année, est augmenté de la somme
de 193,992 fr. 83 c, répartie de la manière suivante : »
- Adopté.
Vote sur l’ensemble du
projet
Il est procédé à l'appel nominal.
58 membres répondent à l'appel.
55 membres répondent oui.
2 membres répondent non.
1 membre s'abstient.
En conséquence le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.
M. de Garcia. - Le crédit demandé a pour objet de couvrir des dépenses
impérieusement nécessaires, mais il a pour objet de couvrir des dépenses qui
n'ont pas ce caractère et qui sont tout à fait irrégulières. Dans cet état j'ai
cru devoir m'abstenir.
Ont répondu non : MM. Manilius et de Tornaco.
Ont répondu oui : MM. d'Hoffschmidt, Donny, Dubus (aîné), Dumont,
Dumortier, Fallon, Fleussu, Goblet, Henot, Jonet, Kervyn, Lange, Lejeune,
Lesoinne, Loos, Lys, Malou, Mast de Vries, Orban, Osy, Pirmez, Rodenbach,
Rogier, Sigart, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Van den Eynde, Verwilghen, Veydt,
Zoude, Anspach, Coppieters, d'Anethan, David, de Bonne, de Breyne, Dechamps, de
Corswarem, Dedecker, de Foere, de Haerne, de La Coste, Delfosse, d'Elhoungne,
de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Naeyer, de Roo, de
Sécus, de Terbecq, de Theux, de Villegas et Vilain XIIII.
PROJET DE LOI
ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES AFFAIRES
ETRANGERES
Discussion générale
M. Osy. - Il y a quinze jours que M. le ministre des affaires étrangères a
présenté une demande de crédit supplémentaire pour les missions
extraordinaires, au moyen duquel ce chapitre s'est trouvé porté à 80,000 F. au
lieu de 40. Aujourd'hui M. le ministre nous demande un crédit supplémentaire au
crédit de 78,000 fr. voté l'année dernière, ce qui le porte à 92,000 fr. Comme
rapporteur, je vous dirai que la majorité de la commission a adopté le crédit,
mais moi je ne lui ai pas donné mon approbation.
Je viens combattre ces crédits extraordinaires qui, véritablement, nous
conduiront je ne sais où. Je suis occupé du budget de 1847, je ne puis prendre
pour point de départ que le budget de 1845. On m'a bien envoyé quelques notes
sur le premier semestre de 1846. J'y vois que nous venons d'envoyer à
Washington un ministre au traitement de 25,000 fr. On demande 6 mille fr. pour
frais de voyage et transport de meubles. Je vous demande si, quand on va de
Belgique en Amérique, on transporte ses meubles. On demande ensuite 2,500 fr.
pour une tournée en Amérique. A la manière dont vont les dépenses au
département des affaires étrangères, si nous ne donnons pas une leçon en
refusant ces crédits supplémentaires, le budget de ce département sera
considérablement augmenté. C'est assez vous dire que
je voterai contre ce crédit.
Je profiterai de cette occasion pour adresser une interpellation à M. le
ministre.
J'avais cru d'abord qu'il était inutile
d'avoir un ambassadeur à Rome, mais par suite d'un service qui nous a été
rendu, je suis revenu de mon opinion ; je crois qu'un ambassadeur auprès du
saint siège peut être très utile, pour lui faire connaître la situation du
pays. Il y a maintenant un nouveau pape ; je crois que c'est à l'heure qu'il
est que nous aurions eu surtout besoin d'avoir là un ambassadeur. Peut-être y
enverra-t-on un intérimaire. J'engage le gouvernement à envoyer le plus tôt
possible un représentant auprès du saint siège. Si nous voulons conserver ce
poste il est de l'intérêt du pays qu'on y envoie sans retard un titulaire
définitif pour bien faire connaître au pape la situation de notre pays. Quand
on y a envoyé M. Vandensteen, on a demandé 10 mille fr. de frais de voyage ; si
on envoyait d'abord un intérimaire et ensuite un titulaire définitif, on aurait
à payer deux fois 10 mille fr., il y a donc avantage à envoyer tout de suite un
titulaire.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Le gouvernement n'a pas pu prévoir que la perte que le pays ferait de
l'honorable M. le baron Vandensteen coïnciderait avec la mort du souverain
pontife. Cette prévision, le gouvernement n'a pas pu l'avoir. La mort de M.
Vandensteen est trop récente pour qu'on puisse adresser au gouvernement le
reproche de ne l'avoir pas encore remplacé. La légation de Rome est trop
importante pour que le gouvernement n'examine pas avec soin les titres qu'on
doit réunir pour la remplir convenablement.
Je ne sais ce qui a pu faire supposer à l'honorable membre que le
gouvernement aurait l'intention de ne pas envoyer à Rome un ministre définitif.
L'honorable baron Osy n'a pas attaqué le crédit supplémentaire que j'ai
demandé, mais il a émis des observations relatives au projet de budget de 1847.
Mon intention n'est pas de discuter maintenant ce projet de budget. Cette
discussion aura lieu en temps utile. L'honorable membre n'a pas émis
d'observations tendant à faire rejeter la demande actuelle de crédit ; elle
provient de ce qu'un plus grand nombre de consulats ont été créés à la demande
souvent des membres de cette chambre parmi lesquels figure, si je ne me trompe,
M. Osy tout le premier, et leur demande était motivée sur la nécessité de ces
créations de consulats dans le but d'étendre nos relations commerciales. Ces
fonctions ne sont pas rétribuées, mais il y a des frais qu'il faut
nécessairement rembourser.
Depuis quelques années on a maintenu
constamment au budget le même chiffre pour les frais relatifs aux consulats.
Or, messieurs, le nombre des consuls ayant été augmenté, il faut bien subvenir
aux frais nouveaux que l'érection de ces consulats nécessite. On a peut-être eu
tort de maintenir constamment au budget le chiffre ancien. Je suis forcé par
cela même de demander un crédit supplémentaire, qui est un crédit de
régularisation.
Je pense donc, messieurs, qu'il est impossible de ne pas voter cette
somme de 17,000 fr., qui tend à faire face, non pas à des dépenses
extraordinaires, mais à des dépenses qui résultent, je le répète, de la
création d'un plus grand nombre de consulats et qui toutes sont appuyées de
pièces justificatives.
M.
Delfosse. - Je ne crois pas que
l'envoi immédiat d'un ambassadeur à Rome nous rendrait les services que
l'honorable baron Osy en attend. Je ne crois pas que la cour de Rome connaîtrait
par là la véritable situation du pays. Comment
l'agent du gouvernement pourrait-il faire connaître la situation du pays à
l'étranger, alors que le gouvernement ne la connaît pas lui-même ? Si le
gouvernement la connaissait, verrions-nous sur les bancs ministériels des
hommes dont l'honorable M. Dedecker a dit que celait un anachronisme, sinon un
défi !
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). -
Messieurs, la chambre n'attend pas de moi que je réponde à l'honorable M.
Delfosse. Ce serait entamer de nouveau les discussions politiques qui ont eu
lieu depuis quelques années. D'après l'honorable M. Delfosse, le gouvernement
ne connaît pas la situation du pays ; le gouvernement croit que c'est
l'opposition qui ne la connaît pas. C'est là une question d'appréciation sur
laquelle je ne veux pas aujourd'hui entamer une discussion. Nous aurons plus
d'une occasion d'y revenir.
M. Osy. - Messieurs, au budget de l'année dernière on a déjà augmenté le chiffre.
Aujourd'hui on vous demande encore une augmentation de 17,000 fr. Si j'avais
l'état sous les yeux, je pourrais vous montrer qu'il ne s'agit pas seulement
ici de dépenses pour les consulats, mais qu'il s'agit aussi de dépenses pour
missions extraordinaires. L'état a été déposé sur le bureau. Je n'ai pas trouvé
convenable de l'imprimer à la suite du rapport, parce qu'il contient beaucoup
de noms propres. Si cependant la chambre désire qu'une autre fois on imprime de
semblables états, je les joindrai certainement à mes rapports.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - L'honorable M. Osy se trompe. J'ai sous les yeux l'état des dépenses
justificatif de la demande de 17,000 fr. Or, cette demande est appuyée sur des
faits relatifs exclusivement aux consulats. Je pourrais en donner lecture à la
chambre et elle se convaincrait qu'il s'agit du remboursement de dépenses
effectuées par des consuls et justifiées par des pièces à l'appui. Vous savez
que, dans l'intérêt du commerce belge, les consulats non rétribués sont
astreints à certaines dépenses auxquelles ils ne peuvent échapper et que le
gouvernement ne peut leur imposer.
- Personne ne demandant plus la parole, la discussion est close.
Vote de l’article
unique et de l’ensemble du projet
L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Article unique. Il est ouvert aux départements des affaires étrangères
un crédit supplémentaire de dix-sept mille francs (17,000 fr.) destiné à
couvrir des dépenses arriérées de 1845.
« Cette somme sera ajoutée à l'allocation votée pour le chapitre V,
article unique, du budget de 1845, intitulé : Frais à rembourser aux agents du
service extérieur. »
Il est procédé au vote par appel nominal sur ce projet.
57 membres répondent à l'appel nominal.
55 votent l'adoption.
2 votent le rejet.
En conséquence le projet est adopté. Il sera transmis au sénat.
Ont voté l'adoption : MM. d'Hoffschmidt, Donny, Dubus (aîné), Dumont,
Dumortier, Fallon, Goblet, Henot, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune
Lesoinne, Loos, Lys, Malou, Mast de Vries, Orban, Orts. Pirmez, Rodenbach,
Rogier, Sigart, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Verwilghen, Veydt,
Vilain XIIII, Zoude, Anspach, Coppieters, d'Anethan, David, de Breyne,
Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Foere, de Haerne, de La Coste, Delfosse,
d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de NaEyer, de Roo, de Sécus, de Terbecq, de Theux, de
Villegas.
Ont voté le rejet : MM. Osy et de Bonne.
PROJET DE LOI
ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DE LA DETTE PUBLIQUE POUR
L’EXERCICE 1845
M. le président. - L'article unique du projet
est ainsi conçu :
« Article unique. Il est ouvert au budget de la dette publique de
l'exercice 1845, un crédit de trente et un mille trois cent trente-trois francs
cinquante-six centimes (fr. 31,555-50), pour intérêts de la dette flottante de
l'année 1845.
« Cette allocation formera l'article XXV du chapitre premier du budget
du susdit exercice.»
- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel
nominal sur l'ensemble de ce projet ; il est adopté à l'unanimité des 55
membres présents.
Ce sont : MM. d'Hoffschmidt, Donny, Dubus (aîné), Dumont, Dumortier,
Fallon, Goblet, Jonet, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Malou, Mast
de Vries, Orban, Orts, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Sigart, Thienpont,
Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Verwilghen, Veydt, Vilain XIIII, Zoude,
Anspach, Coppieters, d'Anethan, David, de Bonne, de Breyne, Dechamps, Dedecker,
de Haerne, de La Coste, Delfosse, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meer de
Moorsel, de Meester, de Mérode, de Naeyer, de Roo, de Sécus, de Terbecq, de
Theux, de Villegas.
PROJET DE LOI
ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DE LA DETTE PUBLIQUE POUR
L’EXERCICE 1845
L'article unique du projet est ainsi conçu :
« Article unique. Il est ouvert au budget de la dette publique de
l'exercice 1845, un crédit de cent soixante-neuf mille deux cent soixante-cinq
francs dix-sept centimes (fr. 169,265-17), pour intérêts de la dette flottante
de l'année 1845.
« Cette allocation formera l'article XXVI du chapitre premier du budget
du susdit exercice. »
- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel
nominal sur ce projet, qui est adopté à l'unanimité des 52 membres présents.
Il sera transmis au sénat.
PROJET DE LOI
AUTORISANT LE GOUVERNEMENT A ACCORDER LA CONCESSION DU CHEMIN DE FER DE MANAGE
A WAVRE
Discussion générale
M. Osy. - Messieurs, dans tous les projets de concessions de chemins de fer qu'on
nous présente, ce à quoi je m'attache surtout, c'est à (page 1864) m'assurer si les voies qu'il s'agit de concéder peuvent
nuire au chemin de fer de l'Etat. Je crois que celle dont nous nous occupons
n'est pas dans ce cas, et, pour ma part, je donnerai volontiers mon assentiment
au projet qui nous est présenté, d'autant plus que la route nouvelle traversera
un arrondissement très intéressant et qui, jusqu'à présent, a été complétement
délaissé sous le rapport des chemins de fer.
Mais, messieurs, ce dont je veux surtout m'occuper, c'est de l'article
42 du cahier des charges.
Déjà l'année dernière dans les cahiers de charges des concessions qui
ont été accordées, on a introduit la clause qu'on ne pourrait émettre des
actions que lorsqu'il y aurait 36 p. c. de versé, et que les actionnaires ne
pourraient faire coter les actions aux bourses de Bruxelles et d'Anvers
qu'après l'achèvement du chemin de fer concédé.
Vous vous rappellerez, messieurs, que l'année dernière, lorsque nous
avons voté les projets de concessions, il y avait, tant à Paris qu'à Londres,
une véritable frénésie pour les chemins de fer. Les actions sur lesquelles on
avait versé seulement 80 fr., ou 10 p. c, se payaient jusqu'à 200 fr. de prime.
Aujourd'hui, messieurs, il en est tout autrement. Les actions sur
lesquelles on a versé 4 liv. st. ou 20 p. c. se vendent à grande perte.
Je crois, messieurs, que le moment est venu de faire un changement à cet
article 42 du cahier des charges de la concession dont nous nous occupons,
ainsi qu'aux dispositions semblables de concessions déjà accordées. Car ces
dispositions, messieurs, peuvent réellement se traduire ainsi : Belges, prenez
garde ; les chemins de fer que nous concédons forment de mauvaises entreprises
dans lesquelles je ne veux pas que vous entriez.
A Paris et à Londres, messieurs, pour toutes les concessions de chemins
de fer, les premiers preneurs sont obligés de conserver en nom les actions
jusqu'à ce qu'il ait été versé 30 p. c, de sorte que jusqu'à ce que ce
versement ait eu lieu, il y a obligation personnelle. Mais les 30 p. c. versés,
on donne des titres au porteur.
En défendant de vendre en Belgique des actions des chemins de fer, vous
obligerez ceux qui voudraient en avoir à faire de grandes dépenses. Car vous ne
pouvez empêcher personne d'aller acheter des actions aux bourses de Paris ou de
Londres. Aujourd'hui qu'il y a beaucoup moins d'agiotage, que la perte sur les
actions est même sensible, il serait possible que des personnes du pays, ayant
foi dans l'avenir des chemins de fer concédés, voulussent y prendre un intérêt.
Car, je crois, messieurs, que nous faisons une affaire sérieuse, que ce n'est
pas seulement pour doter le pays de chemins de fer que nous avons accordé
toutes ces concessions, mais que nous regardons la réussite de ces entreprises
comme assurée. S'il en était autrement, nous tromperions réellement l'étranger.
Si, messieurs, nous continuons à exiger cette clause des entrepreneurs
qui se présentent, soyez persuadés que personne ne voudra plus vous faire des
propositions de concessions. Cependant nous désirons tous que le pays continue
à être doté de nouveaux chemins de fer, pour autant, bien entendu, qu'ils ne
puissent nuire au railway de l'Etat.
Aujourd'hui aux bourses de Paris et de Londres on ne veut plus entendre
parler des chemins de fer belges, et on nous y dit : Comment voulez-vous que
l'on négocie à nos bourses des actions de chemins de fer belges, alors que ces
actions sont repoussées par le gouvernement de votre pays ? De sorte,
messieurs, qu'à Paris et à Londres où l'on est obligé de faire les versements,
il n'y a pas moyen de connaître la valeur des actions de nos chemins de fer, il
n'est pas possible aux actionnaires de se procurer des fonds sur ces actions,
même lorsqu'il y a 30 p. c. de versé.
Je crois, messieurs, qu'en exigeant un versement de 30 p. c. pour
permettre la cote des actions aux bourses d'Anvers et de Bruxelles, c'est tout
ce que nous devons faire dans l'intérêt des personnes du pays qui voudraient
s'intéresser dans ces entreprises. Je demande d'autant plus qu'il en soit
ainsi, messieurs, que nous permettons la cote de tous les fonds étrangers, que
nous permettons la cote de toutes les loteries faites en Allemagne. L'honorable
M. Pirmez pourra vous donner lecture de quelques articles de la cote officielle
arrêtée tous les mois ; vous verrez que les loteries de Pologne, de Prusse,
d'Autriche y figurent ; vous verrez que les fonds les plus mauvais de
l'Amérique, ceux qui ne valent pas 20, 10 et même 5 p. c, sont cotés par nos
agents de change.
Messieurs, comme la cote de nos agents de change ne peut donner la
valeur des actions de nos chemins de fer, je vous demande ce qui arrive
lorsqu'il y a dans une mortuaire de ces actions. Et ce cas s'est présenté. Il
est impossible, dans la déclaration de succession, de faire figurer la valeur
de ces actions.
Messieurs, je n'ai jamais pris un intérêt dans des entreprises de
chemins de fer, et je ne le ferai jamais. Ce n'est donc pas pour moi que je
parle, mais c'est pour remplir mon devoir de député. Car je comprends que des
Belges puissent désirer prendre par là ces
entreprises, et d'ailleurs, je n'aime pas d'entendre dire à l'étranger :
Quelle confiance peuvent inspirer vos chemins de fer, alors que vous-mêmes en
empêchez la cote ?
Messieurs, je maintiens dans tous les cahiers de charges la première
clause qui dit que le gouvernement ne peut permettre l'émission des actions au
porteur avant que 30 p. c. n'aient été versés. Mais je
demande que nous permettions la cote des actions aux bourses de Bruxelles et
d'Anvers après ce versement de 30 p. c, et lorsque le gouvernement s'est assuré
que l'entreprise est sérieuse, que les travaux s'exécutent. C'est dans ce sens
que je proposerai un article 2 à la loi en discussion.
M. Donny. - C'est un projet nouveau.
M. Osy. - Pardonnez-moi. Je fais cette proposition parce qu'elle est
nécessaire en présence de l'article 42 du cahier des charges. Je ne propose pas
une modification au cahier des charges lui-même, parce que les actionnaires qui
nous ont déjà demandé de ne pas sanctionner la loi, saisiraient le prétexte de
cette modification, bien que toute en leur faveur, pour renoncer à
l'entreprise. Je ne demande donc qu'une simple faculté pour le gouvernement.
Voici la disposition que je propose :
« Art. 2. Le gouvernement pourra autoriser la négociation et la cote aux
bourses d'Anvers et de Bruxelles, des actions des chemins de fer concédés,
lorsqu'il aura été versé au moins350 p. c, et que les travaux sont en voie d'exécution.
"
Messieurs, il y a peu de jours, nous avons voté la concession du chemin
de fer du Luxembourg. J'ai eu alors l’honneur de vous dire que le personnel
m'était parfaitement connu, et que je pouvais en donner les meilleurs
renseignements.
J'ai voulu, messieurs, aller
plus loin. Comme il s'agit d'une entreprise extrêmement importante, j'ai voulu
en connaître les détails. Je puis vous dire que sur une émission de 142,400
actions, il y a 14,084 parties prenantes ; de manière qu'en moyenne, chaque
partie prenante n'a que 96 actions. J'ai vu la liste de souscription, et je
puis vous dire encore que le premier banquier du monde y figure pour 3,000
actions. Vous voyez donc qu'il s'agit d'une entreprise sérieuse. Les personnes
qui ont souscrit, messieurs, sont responsables jusqu'après un versement de 30
p. c. ; et comme jusqu'à présent 20 p. c. seulement
ont été versés, ces personnes continueront encore à être responsables.
Peut-on laisser croire, messieurs, à l'étranger, lorsqu'on voit les noms
respectables qui figurent sur cette liste, que nos chemins de fer forment de
mauvaises entreprises dans lesquelles nous empêchons nos concitoyens de prendre
part ? Véritablement, je le répète, c'est pousser l'étranger à ne plus nous
faire à l'avenir de propositions de concessions.
J'engage donc beaucoup le gouvernement à se rallier à ma proposition. Il
pourra voir alors quelles sont les entreprises dans lesquelles les travaux sont
arrivés à un certain point d'exécution, et pour lesquelles il a été versé 30 p.
c. du capital, et en permettre la cote à nos bourses.
M. le ministre des finances (M.
Malou). - Messieurs, dans la
dernière session et dans le cours de la session actuelle, les chambres ont
concédé plusieurs chemins de fer dont les cahiers de charges reproduisaient
tous une disposition analogue à celle de l'article 42 du projet de chemin de
fer de Manage à Wavre.
Je dirai d'abord qu'en admettant cette disposition, le gouvernement ni
la législature n'ont pu avoir pour but de tendre un piège à des étrangers, de
les attraper, comme l'a dit l'honorable préopinant, de leur faire croire que
ces chemins de fer n'étaient pas des entreprises sérieuses et qu'elles ne
pouvaient être profitables à ceux qui s'y engageraient ; mais la pensée de la
législature et du gouvernement était qu'il s'agissait ici d'appeler le concours
des capitaux étrangers, pour l'exécution de voies de communication, destinées à
compléter les travaux que le gouvernement lui-même a exécutés depuis 1830.
Je reconnais que depuis les premières
concessions, les circonstances sont quelque peu changées, en ce qui concerne la
situation des bourses étrangères et la cote des actions de chemins de fer à ces
bourses. Cependant il me paraîtrait imprudent de décider aujourd'hui par mesure
de disposition générale, à l'occasion du chemin de fer de Manage, qu'on
modifiera tout d'un coup les dispositions des cahiers des charges, déjà
approuvés par la législature ; il serait utile à tous les intérêts de
disjoindre cette question du projet de loi en discussion ; moi-même, je
regrette de n'avoir pu encore, depuis la présentation du rapport de l'honorable
M. Pirmez, examiner la question sous toutes ses faces ; nos travaux m'en ont
empêché. Il est probable que d'ici à quelque temps la chambre qui va
s'ajourner, se réunira encore ; alors j'aurai l'honneur de lui donner des
explications complètes sur la question. Je demanderai donc qu'on ajourne
jusque-là cette discussion qui ne se rattache pas essentiellement au projet de
loi actuel. Il ne faut pas qu'une question aussi importante soit tranchée
incidemment, lorsque l'instruction n'en est pas complète. (Appuyé.)
M. Rogier. - Messieurs, j'appuie l'ajournement qui
vient d'être proposé par M. le ministre des finances ; l'article général des
cahiers de charges qui interdit de coter les actions des chemins de fer aux
bourses de Bruxelles et d'Anvers, n'a pas été sans doute introduit sans motif
et à la légère.
L'année dernière, on s'est fortement appuyé sur cette disposition pour
répondre aux craintes de ceux qui voyaient dans les demandes multipliées de
concessions de chemins de fer une source ouverte à l'agiotage, on leur disait :
« Le pays n'a rien à craindre, les actions ne sont pas cotées aux bourses
d'Anvers et de Bruxelles. C'est l'Angleterre qui fournira les capitaux
nécessaires ; ne repoussons pas les capitaux étrangers. Ils courront seuls les
chances des entreprises ; et les capitaux belges ne seront excités à s'y jeter
que lorsque les chemins de fer, complétement exécutés, seraient devenus matière
à placement stable et sérieux. »
Revenir dès maintenant sur cette disposition, ce serait singulièrement
précipiter les choses. Je demande pour le gouvernement et pour les chambres le
temps de réfléchir. A notre prochaine session, les ministres pourront nous
faire un rapport sur l'état des travaux des chemins de fer concédés. Selon leur
degré d'avancement, une résolution pourra être prise.
J'espère donc que l'honorable M.
Osy n'insistera pas pour que nous (page
1865) votions d'emblée la suppression d'un principe qui a été admis comme
sage et tutélaire il y a un an à peine.
Messieurs, je dirai maintenant quelques mots sur le chemin de fer de
Manage à Wavre. Lors d’une première discussion, je m'étais réservé de prendre
ultérieurement la parole, relativement à quelques circonstances qui ont précédé
ou accompagné la concession de ce chemin de fer. J'ai regret d'avoir à tenir un
langage peut-être un peu sévère ; mais je ne puis reculer devant
l'accomplissement d'un devoir..
Il s'est passé pour la concession du chemin de fer de Manage à Wavre des
faits qui révèlent de la part du gouvernement une complaisance extrême, presque
inexplicable en faveur de certains intérêts particuliers. Le 22 avril 1845, M.
l'ingénieur Vifquain écrit à M. le ministre des travaux publics une lettre dans
laquelle il lui annonce le dépôt d'un plan et profil d'un chemin de fer. Le 6
mai suivant, un honorable particulier qu'il n'est pas besoin, de nommer, fait
savoir au ministre que par suite de la cession que M. Vifquain lui a faite de
ses droits, il prie le ministre de lui accorder une convention provisoire pour
la concession de cette ligne.
En quoi pouvaient consister les droits de M Vifquain ? A mes yeux, ces
droits étaient complétement nuls. M. Vifquain avait remis un plan avec profil,
d'un chemin de fer. Mais d'ailleurs ni les pièces requises par l’arrêté royal
du 29 novembre 1836 n'avaient été fournies, ni aucune des formalités prescrites
par le même arrêté n'avait été remplie.
Tous les droits de M. l'ingénieur Vifquain consistaient dans le seul
dépôt qui a été mis sous les yeux de la chambre.
Aux termes de l'arrêté royal du mois de novembre 1836, toute demande de
concession pour l'exécution de travaux d'utilité publique, routes, canaux,
chemins de fer, etc., doit être accompagnée des pièces suivantes :
« 1° Mémoire descriptif dans lequel on fera connaître le but de
l'entreprise, les avantages qui doivent en résulter pour le public, de quelle
manière elle se lie aux communications existantes, et quelle sera son influence
probable sur ces dernières ;
« 2° Estimation détaillée de la dépense ;
« 3° Tarif des droits de péages et exposé raisonné des revenus
probables. ;
« 4° Projet complet de cahier des charges.
« 5° Plan général des localités avec indication du tracé que l'on
se propose de suivre ;
« 6° Nivellement en long, accompagné de profils en travers, en nombre
suffisant pour que le relief du terrain soit connu ;
« 7° Plan de détail, indiquant les dimensions des ouvrages, les plus
importants. »
Suit alors l'énumération de beaucoup de conditions et de formalités
relatives à l'enquête, et dont aucune n'avait été remplie par le demandeur en
concession. Il se trouvait donc absolument sans droit, et cependant le 6 mai,
la personne à laquelle, je fais allusion écrit au ministre que l’ingénieur
Vifquain lui a fait cession de ses droits et demande une convention provisoire.
Le 8 mai, M. le ministre s'empresse de répondre : « Les études m’ayant
été soumises, (nous avons vu en quoi consistaient ces études), les études
m'ayant été soumises, avant la publication d'un arrêté qui va paraître, je puis
vous accorder ce droit de priorité.»
Cet arrêté qui allait paraître, expliquant l'arrêté assez clair
d'ailleurs du mois de novembre 1836, étendait à toutes les demandes de concession
de chemin de fer qui devaient être soumises à la législature, les formalités
que je viens de rappeler. Le ministre tenait cet arrêté en main, et devait
l'appliquer à la demande de l'ingénieur Vifquain. L'intérêt général non moins
que les convenances et les règles administratives l'exigeaient. Mais non, parce
qu'un particulier vient demander la faveur d’une convention provisoire, M., le
ministre suspend son arrêté, et soustrait le chemin de fer de Manage à toutes
les formalités que devait lui imposer l'arrêté qui paraît quelques jours après.
La faveur demandée le 6mai est accordée par une lettre ministérielle du 8 ; et
dès le 17 mai, intervient une convention avec une compagnie anglaise dans
laquelle ne figure pas le nom du bénéficiaire. Il n'y figure pas ; mais il a
vendu son droit 15 mille livres sterling à la compagnie anglaise. La lettre
ministérielle du 8 mai a été pour lui une lettre de crédit de 15 mille livres
sur la compagnie anglaise. C'est contre cet acte que les actionnaires anglais
ont réclamé devant le parlement belge.
Dira-t-on que le bénéficiaire s'est donné grande peine pour réunir les
sociétaires anglais ? Non ; la compagnie était à Bruxelles, le ministre pouvait
entrer directement en relation avec elle et stipuler au besoin jusqu'à
concurrence de 15 millions au profit du trésor.
Il a préféré abandonner ce bénéfice à une tierce personne qui s'est
interposée entre le gouvernement et la compagnie.
Une fois la convention du 17 mai conclue, plus d'obstacle ; on publie
l'arrêté du 21 mai. A partir de cette date, toute demande de concession de
chemin de fer devra être rigoureusement soumise à l'enquête et à toutes les
formalités requises dans l'intérêt public. L'intérêt public parle enfin à M. le
ministre, mais, il parle un peu tard, car ces formalités tournent au profit de
ceux qui en sont nantis ; ce sont, des restrictions apportées à des demandes
nouvelles, qui auraient pu faire préjudice aux concessions accordées.
Je dois blâmer sévèrement une pareille conduite, elle n'a pas de côté
excusable, et si on cherchait à l'expliquer, les explications ne tourneraient
qu'à la confusion du gouvernement. A-t-on voulu indemniser un généreux
entrepreneur de colonie des sacrifices qu'il a pu faire ? J'eusse mieux aimé
que le gouvernement, au lieu de reculer devant l’accomplissement des
engagements qu'il a pu prendre, vînt saisir la chambre d'une demande de crédit.
Faut-il assigner une autre cause à cette insigne faveur ? Rapprochons les
dates. La négociation que nous venons de rappeler fut l'affaire de quelques
jours ; elle eut lieu dans le courant de mai 1845 ; il s'agissait d'un
chemin de fer pour un district privé jusqu'à présent de ces voies de
communication ; ce district avait des élections à faire quelques jours plus
tard ; des candidats se trouvaient fortement ébranlés dans l'esprit des
électeurs, on les accusait de tiédeur, d'hostilité à l’égard du chemin de fer.
Si je suis bien informé, cette circonstance ne fut pas étrangère à la
précipitation qu'on mit à concéder les chemins de fer qui devait donner
satisfaction au district de Nivelles ; est-ce pour cela qu’on a suspendu la
publication de l'arrêté qui devait soumettre la demande en concession à de
longues et salutaires formalités. S'il en est ainsi, si l’on a agi avec une
précipitation si extraordinaire, n'est-il pas permis de croire que cette
concession est devenue un instrument électoral ? C'est un deuxième côté de
l'opération : trafic financier, d'un côté ; trafic politique de l'autre.
J'observe que le bénéficiaire passait pour avoir des relations
d’influence dans le district de Nivelles, qu'il possède de grandes propriétés
dans ce district ou les environs.
Voilà, messieurs, comment on a su mêler les affaires particulières aux
affaires générales, et concilier les intérêts matériels avec les intérêts
politiques.
Ce n'est pas, messieurs, le premier exemple qui nous en est donné. Dans
la dernière discussion, celle de la convention avec la France, nous avons
encore vu des traces de cette politique peu franche et peu digne, qui consiste
à rechercher une influence politique au moyen de certaines concessions
d'affaires, concessions sur lesquelles plus tard on se réserve de revenir,
concessions qu'on abandonne alors qu'il est question de gagner des influences
et des partisans. C'est ainsi que dans la mesure relative aux draps et fils de
laine étrangers, il fut facile de voir qu’il s'agissait bien moins de procurer
aux Verviétois un avantage pour leur industrie .que de procurer au gouvernement
une certaine influence, une certaine popularité dont on avait besoin dans le
moment. Voilà comment l'arrêté a été expliqué alors, et la suite a entièrement
prouvé aux Verviétois qu'on les leurrait, que ce que l'on voulait alors,
c'était une popularité de circonstance, que leur intérêt, leur intérêt sérieux,
était ce qui occupait le moins.
L'arrêté, dira-t-on, est du 14 juillet, et les élections avaient eu lieu
au mois de juin. Mais il est de notoriété que des promesses avaient été faites,
que des engagements avaient été pris auparavant.
Par une remarquable coïncidence, ce qui est arrivé à Verviers s’est
passé également dans l'arrondissement de Tournay, où devaient aussi avoir lieu
des élections, dans lesquelles des candidats trouvaient leur position
parlementaire plus ou moins menacée.
M. Dumortier. - Je repousse cette assertion en ce qui
concerne l'arrondissement de Tournay. Elle est inexacte !
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Comme pour l'arrondissement de Verviers.
M. Rogier. - Je la maintiens comme très exacte.
M. le président. - Revenons-en au chemin de
fer.- Ces observations y sont tout à fait étrangères.
M. Rogier. - Je vous demande pardon, M. le président.
Je suis dans la discussion générale, et je dois blâmer la conduite politique
tenue par le gouvernement dans cette circonstance. Puisqu'on fait de la
politique avec des chemins de fer, force m'est bien de mêler les chemins de fer
à la politique. Qu'on ne mêle pas la politique aux intérêts matériels, je ne le
ferai pas non plus.
Et quand je recherche le côté politique de la question, quand je lui
assigne une portée politique, je l'agrandis, je la relève même. Est-ce qu'on
préférerait que je présentasse cette question réduite aux basses proportions
d'un intérêt privé ? Mais vous devriez me savoir gré de la relever au moins à
la hauteur d'un intérêt politique.
M. de Mérode. - Avec toutes ces observations, on nous fera manquer le chemin de fer.
M. Rogier. - Je ne sais si l’honorable M. de Mérode est
devenu un partisan fougueux des chemins de fer.
M. de Mérode. - Je demande la parole pour un
fait personnel.
M. Rogier. - Je ne pourrais que le féliciter de cette
conversion. Je sais qu'au mois de juin 1845, l'honorable M. de Mérode s'est
donné beaucoup de peine pour faire savoir aux habitants électeurs du district
de Nivelles qu'ils auraient un chemin de fer. (Réclamations.)
Dans un précédent débat, relatif au chemin de fer de Manage, j’avais
dit, messieurs, que je me réservais de présenter quelques réflexions au moment où
le projet de loi viendrait en discussion. C'est ce que j'ai fait. Je regrette
que des interruptions m'aient peut-être fait aller un peu trop loin. Si je
n'avais pas été interrompu, j'aurais pu moi-même user de plus de réserve.
D'après ce que je viens de dire, messieurs,
il me semble que si jamais il s'est présenté pour la chambre une occasion
d'infliger un blâme au ministère, ce serait bien celle-ci. Quant à moi, je ne
me suis pas encore prononcé quant au fond de la question. Si le chemin de fer
est utile en lui-même, utile à des localités qui en manquent, messieurs,
nonobstant les griefs que j’élève contre le ministère, il faudra bien le voter.
On ne (page 1866) peut rendre tout
un district responsable des fautes qui ont été commises.
Je réserve donc mon vote sur la question du chemin de fer en lui-même.
Mais si je vote ce chemin de fer, ce ne peut être qu'avec un blâme explicite ou
implicite pour les opérations qui ont précédé et accompagné la concession.
M. de Mérode (pour un fait personnel). - Je n'ai jamais, conformément à l'allégation
gratuite de l'honorable M. Rogier, montré d'antipathie pour les chemins de fer.
Je n'ai manifesté d'opposition vive que contre la dilapidation du trésor
public, soit par des travaux trop coûteux, soit par des réductions exagérées de
tarifs qui entraînent des déficits dont la charge retombera bientôt en plein
sur les contribuables. Ceux-ci trop souvent inattentifs au désordre financier,
lorsqu'il ne les frappe pas immédiatement, ont besoin que leurs représentants
sincèrement dévoués rappellent un danger grave, écartent une tendance fatale à
l'avenir. Je persisterai dans cette opposition pour remplir un de mes plus
essentiels devoirs envers mes commettants, quelque fausse interprétation qu'on lui
donne si mal à propos.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, je n'accepte pas le blâme que l'honorable M. Rogier a
voulu infliger au gouvernement pour un acte qui concerne mon administration, lorsque
j'étais à la tête du département des travaux publics.
L'honorable M. Rogier, élevant à la hauteur d'un fait politique un fait
excessivement simple et que je n'aurais jamais soupçonné devoir prendre de
telles proportions, prétend que le gouvernement s'est servi de ce chemin de fer
comme un moyen de complaisance financière et en second lieu comme un moyen
électoral.
Messieurs, je fais remarquer en passant que c'est là un langage adopté
par toutes les oppositions. Récemment encore à la tribune de France nous avons
entendu les mêmes accusations retentir contre le gouvernement. Là aussi on
disait que le gouvernement s'était servi des chemins de fer, voire même des
adjudications pour l'armée, dans un but complétement électoral. Le gouvernement
français a repoussé, comme le gouvernement belge repousse de telles allégations
que l'honorable M. Rogier aurait mieux fait de laisser en pâture à une
opposition plus obscure que la sienne.
L'honorable M. Rogier a dit que le gouvernement avait agi de la même
manière lorsqu'il a pris l'arrêté du 11 juillet 1845, qu'il avait aussi voulu
par cet arrêté accomplir des promesses électorales.
D'abord, messieurs, l'honorable membre l'a remarqué lui-même, l'arrêté
du 14 juillet 1845 était postérieur aux élections de juin de la même année, et
j'ajoute que le gouvernement avait succombé dans les élections de Verviers. Il
eût été fort singulier qu'il eût voulu récompenser le district de Verviers de
l'échec qu'il venait d'y subir.
Messieurs, permettez-moi de rétablir un fait très simple en lui-même, et
qu'on a voulu démesurément agrandir. J'ai déjà eu occasion de le faire
connaître à la chambre. Je renouvelle ces explications.
Il s'agit, messieurs, d'une lettre de préférence toute conditionnelle
que j'aurais accordée à un ingénieur et à un personnage auquel on a fait
allusion.
Messieurs, la chambre sait que l'arrêté de 1836 ainsi que la loi de 1832
sur les concessions de péages renferment un principe en vertu duquel un droit
de préférence, des avantages particuliers sont toujours accordés aux auteurs
des projets de concessions.
L'arrêté de 1836 suppose l'adjudication publique. Il y a deux avantages
pour les auteurs des projets. Le premier avantage, c'est que le rabais sur le
taux des péages doit toujours dépasser de 5 p. c. le rabais formé par l'auteur
même du projet ; et en cas d'éviction des indemnités lui sont toujours
assurées.
Tel est le principe de l'arrêté de 1836. Ce principe repose aussi au
fond de la loi sur les mines, de la loi sur les brevets et d'autres lois de
même nature.
Ici, messieurs, il n'y avait pas d'adjudication publique. Il s'agissait
de concessions directes. Eh bien, qu'a fait le gouvernement ? Il a appliqué les
mêmes principes. Il a adopté pour règle d'accorder un droit de préférence très
légitime, très juste aux auteurs des projets, quand les autres conditions
étaient remplies.
Messieurs, je rappelle ici que l'année dernière, lorsqu'on s'est occupé
des concessions de chemins de fer et dans la chambre et dans le sénat,
plusieurs membres ont recommandé au gouvernement de prendre en main les
intérêts des auteurs des projets, de les faire valoir auprès des compagnies
concessionnaires.
C'est un devoir que le gouvernement a rempli non seulement à l'égard de
M. l'ingénieur Vifquain dont il s'agit ici, mais à l'égard des anciens
concessionnaires du chemin de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse, à l'égard de
l'auteur du projet du canal d'Erquelinnes, à l'égard de Mme la veuve Fallot
pour le chemin de fer de Namur à Liège.
Le gouvernement, messieurs, a admis ce principe. Il a cru qu'il devait
prendre en considération les intérêts des auteurs belges de divers projets, et
leur accorder un droit de préférence ou stipuler une indemnité en leur faveur.
M. l'ingénieur Vifquain a déposé un avant-projet avec plan et profils ;
et je l'ai déjà dit à la chambre, ce projet n'était pas, comme on l'a prétendu,
un projet informe et peu étudié. La preuve en est, que M. l'ingénieur Dandelin, chargé de vérifier ce projet, n'a trouvé à y
modifier que fort peu de chose.
Il est vrai que l'ingénieur Vifquain n'a déposé qu'un plan et un profil,
mais ce plan et ce profil étaient le résultat d'études approfondies, faites sur
le terrain. Tous les détails démontrent que le projet avait le caractère le
plus sérieux.
Ainsi, messieurs, quel est le fait ? Un ingénieur, accompagné d'un homme
honorable auquel on a fait allusion, se présente au ministère, avec un projet
sérieusement étudié, projet d'une utilité évidente et qui ne soulevait aucune
espèce d'objection possible. Eh bien, le gouvernement accorde à l'auteur de ce
projet, quoi ? Une convention provisoire ? Non, messieurs, la convention
provisoire était demandée et je l'ai refusée, mais j'ai cru pouvoir accorder
dans la correspondance un droit de préférence conditionnelle, un droit de
préférence pour le cas où ces demandeurs pourraient former une société qui
donnât au gouvernement toutes les garanties de solvabilité et de moralité,
toutes les garanties relatives à l'exécution, que le gouvernement a toujours
exigées des compagnies qui demandaient la concession de chemins de fer.
Ainsi, messieurs, ce n'est pas une convention provisoire, comme
l'honorable membre l'a avancé, c'est une lettre de préférence conditionnelle, à
raison du droit de priorité résultant de l'arrêté de 1836 et de la loi de 1832.
Messieurs, lorsque cette lettre de préférence a été donnée, évidemment
je ne pouvais pas prévoir quel usage on voulait en faire. Lorsqu'on me
demandait cette lettre de préférence on me disait : « Nous voulons former
une compagnie à Londres ; nous sommes en négociation pour réunir les capitaux
nécessaires ; mais nous avons besoin de deux choses ; il faut que nous
puissions prouver que nous sommes les auteurs du projet et que nous négocions
avec le gouvernement ; c'est par la correspondance que nous devons constater
ces deux faits. »
Voilà, messieurs, ce qu'on me demandait, et cette demande m'a été faite,
ainsi qu'à mes honorables successeurs, pour la plupart des lignes de chemin de
fer à concéder.
Il n'y avait donc pas là, dans ma pensée, un moyen d'indemnisation, un
moyen de compensation financière, ni un but électoral, toutes choses auxquelles
le gouvernement n'a pas songé.
Permettez-moi de le dire, messieurs, ces sortes d'accusations, je
devrais être le dernier auquel on devrait les adresser. Toutes les concessions
de chemins de fer que j'ai proposées à la chambre, je les ai entourées, et dans
les conventions provisoires et dans les cahiers de charges, de toutes les
précautions possibles pour empêcher l'agiotage, pour prévenir les abus qui
s'attachent toujours à ces sortes de spéculations ; j'ai cherché à donner aux
concessions de chemins de fer tous les caractères de moralité, et les
précautions que j'ai prises, les conditions que j'ai posées à la formation des
compagnies, sont aujourd'hui considérées comme trop rigoureuses ; l'honorable
M. Osy vient de proposer de modifier une clause de ces cahiers de charges
relative à la cote des actions, comme étant trop sévère et suscitant trop
d'entraves.
J'ai exigé des garanties personnelles des demandeurs en concessions ;
j'ai voulu que les actions ne fussent pas cotées aux bourses de Bruxelles et
d'Anvers, afin d'éloigner cette fièvre de spéculation qui agitait, il y a un
an. J'ai exigé qu'avant l'émission des actions 30 p. c. de la dépense fussent
faits. Enfin j'ai entouré les concessions de garanties qui n'ont pas été
introduites dans les actes de concessions en Angleterre et en France.
Je puis le dire, les cahiers de charges que j'ai présentés à la chambre
ont été suivis depuis par le gouvernement français. M. le ministre des travaux
publics de France m'a dit récemment, à moi-même, qu'il considérait le système
des concessions directes, avec toutes les précautions dont je l'ai entouré,
comme étant le meilleur, que l'expérience en France l'avait démontré, et que
nos cahiers de charges avaient été adoptés en France comme modèles.
Ces règles de moralité et de prudence pour les actes de concessions, je
les ai appliquées dans la sphère administrative. J'ai défendu aux
fonctionnaires de l'administration de prendre aucun intérêt
dans les compagnies et j'ai fait opter ceux qui voulaient y prendre part entre
cette position et leurs fonctions.
Permettez-moi de dire, en finissant, que lorsque j'ai adopté le système
des concessions directes, sans adjudication publique, je l'ai fait dans un but
d'utilité publique. L'expérience a prouvé que c'était le seul moyen d'éviter
les abus qui ont soulevé tant de plaintes en Angleterre et en France.
Lorsque je l'ai adopté, je savais à quelles difficultés personnelles je
m'exposais. Je l'ai déclaré l'année dernière à la chambre et j'étais résigné
d'avance aux reproches auxquels je réponds en ce moment.
Dans le système des concessions directes, les demandeurs en concession
désappointés attribuent souvent la préférence donnée à d'autres par le gouvernement,
à des motifs politiques ou personnels, et l'on ne peut éviter les insinuations.
Pour adopter le système des concessions directes, il faut qu'un ministre
ait la confiance que son impartialité, sa probité personnelle sont assez haut
placées aux yeux de ses amis comme aux yeux de ses adversaires politiques pour
qu'aucune insinuation de ce genre ne puisse l'atteindre. C'est parce que j'ai
eu cette confiance que je n'ai pas hésité à subir les difficultés attachées aux
concessions directes, dans le but de rendre au pays le service que je crois lui
avoir rendu (Assentiment.)
Plusieurs membres. - La clôture !
- Un grand nombre de membres ont quitté leurs places et paraissent
disposés à se retirer.
M. David. - D'après la physionomie de la chambre, j'ai, je (page 1867) crois, plus de chances d'être lu demain que d'être
écoule aujourd'hui. Je renonce donc à la parole, me réservant de faire insérer
au Moniteur les observations que je comptais présenter à la chambre (Approbation.)
- La clôture est prononcée.
Discussion des
articles
Article premier
L'article est adopté dans les termes suivants :
« Article unique. Le gouvernement est autorisé à accorder aux
sieurs sir John-Mark-Frederic Smith, lieutenant-colonel
du génie, de Chatham, et consorts, la concession d'un chemin de fer de Manage à
Wavre, d'après les bases posées dans la convention et le cahier des charges,
signés le 19 février 1846. »
Article 2
La chambre passe à l'article 2 proposé par M. Osy.
M. Osy. - Comme la séance est très avancée, je ne veux pas combattre la
proposition de M. le ministre des finances. Mais je dois à cette occasion dire
quelques mots de la proposition que j'ai faite, dans la discussion de la loi
relative au chemin de fer du Luxembourg, au sujet des 75,000 fr. demandés à
titre d'indemnité pour les ingénieurs. M. le ministre des finances a demandé la
disjonction de cette proposition, qui a été renvoyée à la section centrale. Mes
honorables collègues m'ont fait appeler, lors de l'examen de ma proposition. M.
le ministre des travaux publics est également venu. Je lui ai demandé de faire
connaître la répartition de ces 75,000 fr. ; en ma présence il s'y est
formellement refusé, et, lorsque je me suis retiré, il a déclaré qu'il la
ferait connaître confidentiellement à la section centrale. Cela est tout à fait
irrégulier. J'engage M. le ministre à réfléchir d'ici à la prochaine réunion de
la chambre (car je ne voudrais pas que ceci fût ajourné à la session
prochaine), à réfléchir, dis-je, au refus qu'il m'a fait.
Mais, je les déclare, s'il persiste dans son refus, je saurai bien me
procurer ces renseignements d'une autre manière.
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - Messieurs, je dois
donner à la chambre une explication sur l'incident auquel l'honorable M. Osy
vient de faire allusion.
Nous avons été appelés en section centrale, l'honorable M. Osy et moi ;
l'honorable M. Osy avait certaines observations à présenter ; moi, j'avais des
explications à donner à la section centrale, et j'ai pensé que ces explications
étaient dues à la section centrale et non à l'honorable membre. En section
centrale, on a d'abord agité différentes questions de principe, je ne me suis
pas refusé positivement à fournir l'état demandé par l'honorable membre, mais
j'ai dit que, selon moi, l'opportunité de la production de cet état était
subordonnée à la solution que l'on donnerait aux questions de principe.
Cette discussion en section
centrale n'a pu être menée à fin, à cause de l'heure de la séance publique qui
était arrivée ; elle devra donc être reprise, et je me tiendrai alors à la
disposition de la section centrale.
En ce qui concerne l'article qui est proposé aujourd'hui par l'honorable
M. Osy, M. le ministre des finances a déjà fait connaître que le gouvernement
examinerait ce point et ferait, le cas échéant, une proposition, lors de la
prochaine réunion de la chambre.
M. Osy. - Je consens à l'ajournement de mon amendement. Je demande qu'il soit
imprimé et distribué.
Des
membres. - Cela est de droit.
M. d’Hoffschmidt. - Il est bien entendu qu'avant la clôture de la session, il sera pris
une résolution sur la proposition de l'honorable M. Osy.
M. le ministre des finances (M.
Malou). - Messieurs, je ne me
suis pas engagé à faire une proposition, mais seulement à examiner la question et
à faire connaître l'opinion du gouvernement ; l'on verra ensuite quelle
résolution doit être prise.
- La discussion est close.
Vote sur l’ensemble du
projet
On procède à l'appel nominal sur l'article unique du projet de loi. Le projet
est adopté à l'unanimité des 51 membres présents.
Il sera transmis au sénat.
Sur la proposition de M. le président, la chambre
s'ajourne indéfiniment.
- La séance est levée à 5 heures.
Séance suivante