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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 23 juin 1832

(Moniteur belge n°177, du 25 juin 1832)

(Présidence de M. de Gerlache.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

A une heure et demie on procède à l’appel nominal.

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Jacques fait l’analyse des pétitions adressées à la chambre ; elles sont renvoyées à la commission spéciale.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - La parole est à M. Zoude pour une motion d’ordre.

M. Zoude. - Lisez la proposition que j’ai déposée, M. le président.

M. le président. - Voici la proposition de M. Zoude : « J’ai l’honneur de proposer à la chambre de fixer la discussion des lois sur le sel et sur les distilleries immédiatement après la discussion de la loi sur l’armée de réserve. »

M. Zoude obtient la parole et lit un discours pour exposer les motifs de sa motion d’ordre.

M. le président. - On demande qu’après la discussion de la loi sur l’armée de réserve, la priorité soit accordée aux lois sur les sels et sur les distilleries. Lundi je convoquerai les sections de nouveau pour voir si réellement elles veulent s’occuper de ces objets.

M. Goethals. - M. Zoude vient de vous exposer l’urgence de porter les lois sur les distilleries et sur les sels. Il est vrai que ce projet présenté par le gouvernement est fort long et fort volumineux et que la section centrale n’a pu l’examiner, mais plusieurs membres de l’assemblée ont déjà trouvé le moyen de le justifier, et je suis convaincu que la discussion n’en sera pas très longue ; j’appuie la motion qui est faite.

M. Dumortier. - La loi sur les distilleries et sur les sels exigera une discussion très longue. Le projet de loi sur les sels comprend 130 articles ; il pourrait être réduit à dix articles, si au lieu d’une loi d’accise, on ne voulait en faire qu’une loi de douane. On aurait, il est vrai, moins de procès-verbaux, moins de vexations de la part des agents du fisc… Mais je m’aperçois que j’entre dans la discussion au fond.

Quelque importants que soient les projets, il y en a un plus important, c’est celui qui est relatif à l’organisation provinciale : nous avions des juges et nous nous sommes occupés de l’organisation judiciaire ; nous n’avons rien pour l’organisation provinciale : ce qui existe n’est qu’une illégalité permanente, et si les chambres étaient ajournées, nous ne pourrions rien obtenir sur une matière aussi importante.

Les chambres peuvent n’être rappelées que pour le deuxième mardi du mois de novembre ; mais alors nous avons un premier travail à faire faire, c’est le budget de 1833 ; tous nos moments seront pris et nous aurons pour six semaines au moins d’occupation. Nous finirons par n’avoir pas de loi provinciale. Je demande que la loi provinciale ait la priorité de discussion dans cette session.

M. Seron. - Je demande la parole pour relever une erreur de M. Dumortier. Il croit que le budget de 1833 n’occupera que six semaines ; je pense qu’il occupera six mois ; car il est temps d’examiner un nouveau système d’asseoir les impôts ; nous ne voulons pas conserver éternellement le système néerlandais.

M. Thienpont. - La loi sur les sels a été déclarée urgente par le congrès lui-même ; elle est urgente dans l’intérêt du trésor, dans l’intérêt public : dans l’intérêt du trésor parce qu’elle procurerai de l’argent dont il a besoin ; dans l’intérêt public, parce qu’il a besoin d’être dégagé d’entraves fiscales.

M. Corbisier. - La loi sur les mines, renvoyée par le sénat, ne peut donner lieu à de longs débats ; c’est à cette loi qu’il faut accorder la priorité.

M. A. Rodenbach. - La loi sur les accises est faite ; et il y a tout à faire pour les lois sur les sels et sur les distilleries ; mais une considération doit cependant déterminer à accorder la priorité à celles-ci ; nous avons besoin de fonds et la loi sur les sels doit fournir un revenu de plusieurs millions ; dans les circonstances où nous nous trouvons, nous ne devons pas dédaigner des millions : étant à la veille de soutenir une guerre, il nous faudra des millions.

Quant aux lois sur les distilleries, nous en avons déjà quatre ou cinq éditions en 160 articles : mais plusieurs députés se sont réunis pour examiner cette loi ; ils se proposent de déposer, mardi prochain, un projet qu’ils ont préparé. Par la loi de 1814, les distilleries rapportaient 800 mille florins ; le ministre des finances demande un million ; on peut lui fournir ce million, et cela en supprimant une multitude de mesures vexatoires. Trois mille distilleries travaillaient dans le Luxembourg, il n’y en a pas actuellement trois cents qui travaillent. D’où vient le mal ? Des douanes qui ne nous protègent pas, du fisc qui vexe à l’intérieur. Des députés présents peuvent vous attester l’état déplorable de cette industrie, nous nous sommes occupés des intérêts moraux de l’état social, nous avons porté une loi sur l’organisation judiciaire, occupons-nous des intérêts matériels des peuples. Les peuples nous demandent quand ils participeront aux bienfaits de la révolution.

M. Destouvelles. - La section centrale s’est occupée de la loi sur les distilleries ; elle a prié M. le ministre des finances de se rendre dans son sein ; ses occupations l’ont empêché de déférer à ce vœu ; il a envoyé M. Duvivier, qui a écouté les observations qu’on avait à soumettre au ministère ; mais depuis, la section centrale n’a plus entendu parler de rien. Elle n’a pu reprendre ses travaux. Le projet a été accueilli par tous les membres de la section centrale.

M. Duvivier. - Pour que le ministre pût satisfaire la section centrale, il a été nécessaire de correspondre avec les directeurs des diverses provinces et ceux-ci se sont mis en contact avec les chambres de commerce : aujourd'hui un mémoire de la chambre de commerce d’Anvers a été envoyé ; lundi il sera possible de communiquer à la section centrale l’analyse de tous les documents transmis au ministère ; alors rien ne l’empêchera de reprendre ses travaux.

M. Gendebien. - On a parlé du projet de loi sur les mines ; il est très urgent ; des droits acquis restent en suspens ; c’est une loi qui ne demandera pas maintenant une discussion d’une demi-heure. Le projet a été réduit à sa plus simple expression, et il n’y a plus rien à examiner.

M. Taintenier. - Le projet sur les mines doit être prêt.

M. A. Rodenbach. - A la proposition de M. Zoude ou peut ajouter la loi sur les mines.

M. Seron. - Et la loi communale.

M. le président. - M. Duvivier vient de nous dire que lundi la section centrale recevra les analyses des documents ; ainsi la semaine prochaine elle reprendra ses travaux. Aujourd’hui occupons-nous de ce qui est à l’ordre du jour.

M. d’Huart. - Statuons sur la motion d’ordre.

M. Gendebien. - Appuyé ! appuyé !

M. A. Rodenbach. - Je demande la priorité pour la loi sur les mines ; puis viendront immédiatement après les lois sur les sels et sur les distilleries.

M. Osy. - On dit que le gouvernement veut ajourner les chambres ; c’est un renseignement préalable qu’on doit nous donner à cet égard. S’il a cette intention, il faut que les objets importants soient discutés. Je demanderai la priorité pour les distilleries et pour les sels. Je crois avec M. Dumortier que la loi provinciale est très importante. Vous trouverez de grands inconvénients à ajourner à l’année prochaine la discussion de cette loi. Le gouvernement, à la session qui va suivre, nous présentera le budget des lois de comptes, et nous serons occupés sur les finances jusqu’au mois de mars. Avant de prendre une résolution, il faudrait connaître l’intention du gouvernement.

M. Dumortier. - Il n’est pas nécessaire que je revienne sur l’importance de la loi provinciale, elle est sentie par tout le monde ; mais je ferai une motion d’ordre tendant à ce que l’on s’occupe d’organiser le personnel de l’administration provinciale ; on réglerait les attributions dans une session suivante. Avec un personnel organisé, nous aurions une administration provinciale constitutionnelle, tandis que nous sommes maintenant dans l’illégalité.

M. Ch. de Brouckere. - Un honorable membre vient de parler de clôture de la session ; dans les temps ordinaires, elle peut être close quand on veut ; mais d’après l’article 139 de la constitution, le congrès déclare que les chambres doivent s’occuper dans le plus bref délai de plusieurs institutions ; ainsi il est plusieurs lois qui doivent être portées cette année. Si l’organisation provinciale n’a pas lieu, il arrivera que le pouvoir restera seul au milieu de la nation ; il ferait une grande faute s’il prononçait la clôture avant l’organisation provinciale.

M. le président. - On demande que la chambre s’occupe incessamment des lois sur les mines, sur les sels, sur les distilleries, et sur l’organisation provinciale ; mais il y a aussi un projet sur les décorations militaires.

M. Gendebien. - Je demande la division de l’organisation provinciale et qu’on s’occupe d’abord d’organiser le personnel ; on s’occupera ensuite des distilleries.

M. Zoude. - Je demande qu’on suive l’ordre constitutionnel.

M. Rogier. - L’ordre du jour n’indiquait pas la discussion des matières dont nous devons nous occuper ; on a déjà réglé cela dans une séance précédente.

M. le président. - On a dit que l’on s’occuperait de l’organisation provinciale, des routes, des canaux, des sels, etc.

M. Rogier. - Pourquoi voudrait-on changer ?

M. A. Rodenbach. - Les distilleries sont renvoyées aux calendes grecques.

M. Rogier. - On ne peut changer le mode de délibérer que par une proposition formelle.

M. A. Rodenbach. - M. Zoude vient de faire une proposition.

M. Rogier. - Je demande qu’on s’en tienne jusqu’à nouvel ordre au mode de délibération qui a été fixé.

M. Gendebien. - Il y a une chose toute simple à faire, c’est de s’occuper des lois qui sont prêtes. Le bureau de la chambre a bien compris que la chambre est disposée à s’occuper des lois importantes sur l’organisation provinciale, sur les sels, les mines.

- La chambre, consultée par M. le président, décide qu’elle va passer à l’ordre du jour, qui est la discussion de la loi sur l’armée de réserve.

Projet de loi portant organisation d'une armée de réserve

M. le président. - L’assemblée veut-elle recommencer la discussion générale ? (Non ! non !)

Discussion des articles

Article 2

M. le président. - Vous savez que l’article premier a été adopté.

« Art. 2. Sont appelés à former cette réserve, les miliciens restés disponibles sur les classes de 1826, 1827, 1828, 1829, 1830, 1831, dans la proportion suivante, savoir :

« 4,000 hommes pour chacune des deux premières ;

« 5,000 hommes pour chacune des deux suivantes ;

« 6000 hommes pour chacune des deux dernières.

« Le gouvernement est autorisé à appeler à l’activité telle classe ou telle partie de classe qu’il jugera convenable. »

Cet article est celui qui a été proposé par la section centrale en conséquence des amendements qui lui ont été renvoyés.

M. le président. - La parole est à M. Jacques.

M. Jacques. - J’avais demandé la parole, croyant que la discussion générale n’était pas close, j’y renonce.

M. Leclercq. - Je conçois que quand un projet aussi long que celui qui nous est soumis a été examiné dans une commission, il faut être sobre de changements. Je demanderai au rapporteur de la section centrale de donner une explication sur le dernier paragraphe de l’article 2.

Vous remarquerez que, par le premier paragraphe, les trente mille hommes sont répartis entre les six classes ; cette répartition est juste.

Vous remarquerez aussi que l’on fait entre ces six classes une répartition non pas égale, mais proportionnelle. Ce qui est encore très juste. Dans la classe la plus ancienne, il y a moins d’hommes disponibles parce qu’il y a davantage d’hommes mariés, d’hommes établis.

Je demanderai pourquoi on serait juste en faisant un appel de 30,000 hommes et on ne le serait pas en n’en appelant qu’une partie. La répartition partielle et proportionnelle ne me paraît pas plus difficile à faire que la répartition totale. Si le gouvernement n’appelle que la moitié des trente mille hommes, il me paraît juste de répartir cette moitié suivant la proportion indiquée entre les diverses classes. Les classes les plus anciennes fourniraient chacune deux mille hommes ; les deux suivantes 2,500 hommes et les classes de 1830 et 1831, chacune 3,000 hommes.

J’attends les explications que je demande pour présenter un amendement qui serait conçu en ces termes : « Les hommes que le gouvernement appelle en activité sont répartis entre les six classes dans la proportion qui précède. »

M. Ch. de Brouckere. - Il est impossible que le gouvernement fasse une levée immédiate sur les hommes des classes de 1830 et 1831. La position de ces hommes est différente de celle des classes de 1826 à 1829. Ceux-ci sont inscrits sur les contrôles de la garde civique, et inscrits, aux mêmes termes que les miliciens, sur les contrôles de la milice.

Les contrôles sont tous faits, et les motifs d’exemption ont été examinés pour janvier dernier. Mais pour les hommes de 1830 et 1831 il en est autrement : ils ne figurent que sur les contrôles alphabétiques de tirage. Il faut examiner pour tous les motifs d’exemption qu’ils peuvent faire valoir ; c’est une opération qui pourra durer plusieurs semaines. Nous avons voulu mettre le gouvernement à même de faire une levée immédiate si la chose était nécessaire.

Nous avons mis telle classe ou telle partie de classe pour que le gouvernement ne soit pas forcé de prendre une classe entière, parce qu’alors nous retomberions dans l’injustice signalée par le préopinant ; et on n’a pas mis proportionnellement, parce qu’il est impossible de lever actuellement plus de quatre classes, les deux premières classes ne pouvant être levées que dans six semaines.

M. Leclercq. - Le gouvernement pourra ne faire porter la charge que sur les quatre anciennes classes et rien sur les deux nouvelles ; nous prévoyons bien que le gouvernement ne lèvera pas le minimum ; il pourra ne lever que 20,000 hommes, nous demandons que cette levée soit faite proportionnellement sur toutes les classes.

Je me réserve, pour la fin de la séance, de revenir sur cette opération.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - L’intention est de répartir proportionnellement les levées ; mais comme elles seront plus on moins promptes selon la position des classes, on prendra d’abord la partie proportionnelle des quatre premières et on fera ensuite l’opération sur les classes de 1830 et 1831. On suivra les règles de la justice.

M. Rogier. - Je crois qu’il est bon de s’expliquer franchement devant la chambre.

Il est possible que le gouvernement n’appelle pas les 30,000 hommes. qu’il n’en appelle que 18 mille. La section centrale a voulu donner au gouvernement ceux qui seraient plus faciles à lever et aussi les hommes qui peuvent donner les meilleurs services. C’est dans les classes anciennes : ils sont plus âgés, plus exercés au maniement des armes. Il n’y a pas d’injustice à agir ainsi, car les hommes des quatre classes qui seront levés, appartiennent au premier ban, et tous, depuis le premier jusqu’au dernier, pourraient être levés sans qu’on en vînt aux milices de 1830 et 1831. Ainsi la loi en prenant proportionnellement sur toutes les classes, est un adoucissement à la situation des gardes civiques.

M. Milcamps. - Messieurs, il me paraît que l’on n’a pas entendu l’objection faite par M. Leclercq. Je suppose que le gouvernement veuille appeler immédiatement quatre mille hommes d’après le dernier paragraphe de l’article 2, il pourrait les prendre sur deux classes. Dans le sens de l’honorable M. Leclercq, le gouvernement devrait les prendre sur toutes les classes. Il me semble que cela serait aussi plus juste et on pourrait rédiger le second paragraphe de manière que la levée proportionnelle ait lieu.

M. Ch. de Brouckere. - Un orateur, membre de la section centrale, a dit qu’il fallait parler avec franchise à la chambre : le ministre de la guerre et moi osons, il me semble, parler avec franchise.

Dans la section centrale, nous n’avons voulu qu’empêcher le retard de la levée. Il s’agit de pouvoir faire une levée immédiate ; or, elle ne peut se faire que sur les quatre classes anciennes. Dans le projet primitif, il était dit que les plus jeunes partiraient les premiers ; nous avons laissé le système, parce que les contrôles ne sont pas prêts. Le ministre de la guerre vient de nous dire qu’on ferait les levées proportionnellement sur les quatre classes anciennes, et que pendant ce temps-là on préparait ce travail sur les deux classes de 1830 et 1831.

Mais si vous voulez vous prescrire la règle proposée par M. Milcamps vous ne pourrez arriver au résultat demandé.

M. Rogier. - Je n’ai pas eu l’honneur de prendre une part active aux délibérations de la section centrale ; mais d’après ce qui a été dit par le ministre de la guerre, il a été arrêté que les hommes seraient pris sur les quatre classes les plus anciennes, afin d’avoir plus promptement les hommes les plus propres au service.

M. Ch. de Brouckere. - C’est votre avis.

M. Leclercq. - J’ai fait une observation sur l’obscurité de la loi. Les observations présentées par l’honorable rapporteur prouvent que la rédaction n’est pas claire ; il faut qu’elle le soit quand il s’agit d’imposer des charges publiques, il faut qu’aucune espèce d’arbitraire ne puisse se glisser à la faveur d’un sens ambigu. Un honorable membre vient de me remettre un amendement qui remplit ma pensée.

« La même proportion sera suivie si l’on appelle moins de 30,000 hommes sous les armes. Néanmoins le gouvernement est autorisé à commencer par telle classe qu’il jugera convenable. »

M. Dumortier. - Le gouvernement, en appelant une armée de réserve, a pris une attitude conforme au vœu de la nation ; on a dit qu’il y avait urgence ; s’il y a urgence, vous devez donner au gouvernement le moyen de créer une armée de réserve sur-le-champ ; si vous le forcez à prendre dans toutes les classes en même temps, comme il faut encore plus de six semaines pour pouvoir lever des hommes sur les classes de 1831 et 1830, vous ne pourrez lever aucun homme. La section centrale a voulu donner la possibilité de mettre des hommes sous les armes dans dix jours.

Il n’y a qu’une question à décider : veut-on une armée de réserve dans six semaines ou sous peu de jours ?

M. Gendebien. - Lorsqu’il s’agit de demander au peuple le plus pénible des sacrifices, le législateur doit prendre la peine d’être clair et surtout d’être juste. Il faut que le gouvernement ne puisse pas abuser de l’instrument que nous lui donnons.

Je sais qu’il y a urgence et je déplore l’aveuglement du ministère qui a attendu jusqu’au dernier moment pour demander les sacrifices qu’on était prêt à lui donner il y a quinze mois comme actuellement. Tout en cherchant à parer un défaut de prévoyance du ministère, ne nous écartons pas des règles de la justice, et nous nous en écarterions si nous laissions l’article 2 tel qu’il est présenté.

Le gouvernement a besoin d’hommes. Il y a quatre classes sur lesquelles il est possible de commencer immédiatement la levée ; je demande que l’on fasse l’appel en même temps sur toutes les six classes et que les levées se fassent en commençant par les plus faciles, afin de pouvoir habiller, enrégimenter successivement les hommes. Quand tous seront appelés il n’y aura pas d’injustice. Seulement les uns seront plus tôt arrivés que les autres. Il faut retrancher le dernier paragraphe, il est inutile. Je ne puis voter la loi sans ce retranchement. Restez dans les bornes tracées par la nature des choses ou ma conscience législative ne peut admettre la loi.

Si l’on veut un amendement, on peut adopter celui présenté par un de nos collègues, avec une légère modification. Je désirerais que l’on mît : « la même proportion sera suivie s’il est appelé moins de 30,000 hommes ; néanmoins le gouvernement peut commencer par telle classe qu’il voudra sans s’écarter de la proposition ci-dessus. »

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je vois que le fond des demandes est que la répartition ou que l’appe1 soit proportionnel sur toutes les classes. Si vous avez besoin de dix mille hommes sur-le-champ, appelez-en quinze mille ; vous aurez de suite les dix mille hommes, et les cinq mille autres viendront après. Telle a toujours été l’idée du gouvernement d’appeler en même temps toutes les classes et de lever d’abord les classes qui sont prêtes les premières.

M. Dumortier. - Si vous retranchez le dernier paragraphe de l’article, vous forcerez le gouvernement à lever dans toutes les classes simultanément et vous ne pourrez avoir un homme avant six semaines. Vous reconnaissez sans doute que les levées des classes de 1830 et 1831 ont besoin d’un travail préparatoire. Les amendements ne tendent qu’à gêner.

Les hommes qui font partie du premier ban, sont à la disposition du gouvernement ; le gouvernement, s’il le veut, peut les appeler à chaque instant ; ainsi donc on n’aggrave pas le sort des miliciens des classes de 1826, 1827, 1828, 1829.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je demanderai la lecture de l’amendement.

M. le président fait lecture des amendements de MM. Leclercq et Gendebien.

M. Rogier. - Je combattrai l’amendement s’il est appuyé !

M. le président. - L’amendement de M. Gendebien est-il appuyé ?

M. Gendebien. - Ce n’est pas le mien, c’est celui de MM. Dumont et Leclercq.

M. Rogier. - Les hommes de 1829 à 1826 ne s’appartiennent plus, ils appartiennent au gouvernement, tous les dimanches ils s’exercent ; eux et leurs familles s’attendent à les voir partir ; tandis que les hommes de 1830 et 1831 ne s’attendent pas à être appelés. Il n’y aurait aucun inconvénient à laisser l’article tel qu’il est, le gouvernement prendra proportionnellement sur toutes les classes ; je ne crois pas que l’article offre de danger, il faut bien laisser de la latitude au gouvernement.

M. Leclercq. - Les observations de M. Rogier sont plutôt dirigées contre le projet que contre l’amendement.

On vous a dit qu’avec l’amendement on ne pourrait pas avoir des hommes sur-le-champ. Supposons que le gouvernement ait besoin de quinze mille hommes ; il les répartit proportionnellement sur toutes les classes, il appelle les quatre classes les plus anciennes ; il lui arrive de suite dix mille hommes qu’il équipera, et pendant cette opération les autres arriveront.

M. Dumont. - Je crois que la discussion est oiseuse. De quelque manière que nous adoptions l’article, soit avec l’amendement soit sans l’amendement, son sens sera toujours le même. Le principe de l’article 2, c’est que les classes seront appelées dans la proportion qu’il indique. Le gouvernement ne peut s’écarter de cette proportion. Si le gouvernement a besoin de 18,000 hommes, il ne pourra pas les prendre sur quatre classes seulement. Il en lèvera d’abord les deux tiers sur les classes les plus anciennes ; il les organisera en attendant la levée du dernier tiers.

Si on veut admettre l’amendement de M. Rogier, il faut changer l’article.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, il n’est pas à craindre que le gouvernement prenne la levée entière des hommes sur les quatre classes les plus âgées ; la disposition de l’article 2 est extrêmement claire : la seule autorisation donnée au gouvernement, c’est de commencer la levée par les classes de 1826, 1827, 1828 et 1829, en prenant 4,000 hommes sur chacune des deux premières, 5,000 hommes sur chacune des deux autres, en attendant l’exécution des opérations nécessaires pour lever 6,000 hommes sur chacune des classes de 1830 et 1831.

La disposition du paragraphe final a été suffisamment expliquée par M. le rapporteur de la section centrale.

Reste à examiner si l’amendement proposé doit procurer quelque avantage aux miliciens ; je ne le crois pas.

La pensée qui a dominé la section centrale est que la levée doit comprendre un contingent urgent et un contingent moins urgent. Le contingent urgent doit être pris parmi les classes anciennes, parce que les opérations sont prêtes ; Le contingent le moins urgent et éventuel doit être pris sur les deux classes les plus jeunes, parce qu’il reste des opérations lentes à effectuer.

Maintenant, si la loi est adoptée telle que la section centrale la propose, le contingent le plus urgent va être réparti entre les quatre classes anciennes, et le reste sera pris sur les classes de 1830 et de 1831.

Je ne vois pas la nécessité d’indiquer en même temps le contingent urgent et le contingent qui l’est moins ; je demanderai l’adoption pure et simple de l’article tel qu’il a été rédigé ; parce que l’amendement proposé aurait pour effet d’obliger le gouvernement à frapper dès maintenant les classes de 1830 et 1831, dont cependant la levée est moins urgente.

M. Leclercq. - Il y a réellement contradiction : un membre dit que l’amendement est conforme à l’article, un autre dit que l’amendement retarderait l’exécution de la levée. L’article est donc obscur. L’amendement est bon parce qu’il est juste. Le gouvernement est autorisé à lever une armée de 30,000 hommes ; il peut en lever 12,000 par exemple ; alors les 12,000 hommes peuvent être pris sur les quatre premières classes.

- Une voix. - C’est ainsi que l’on l’entend.

M. Leclercq. - Si c’est comme cela qu’on l’entend, c’est une injustice ; on ne peut pas faire porter la levée sur 4 classes seulement. Ces considérations me semblent prouver que l’amendement est bon en lui-même. Il n’est donc pas inutile.

M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, je n’ai pas dit que l’amendement fût inutile, je reconnais même l’esprit d’équité qui l’a dicté, et qui ne se trouve pas dans la loi ; mais d’après moi, l’amendement serait dangereux à adopter, car il mettrait le gouvernement dans l’impossibilité de faire la levée.

En effet, je suppose qu’on ait besoin tout de suite d’une réserve de 10,000 hommes, où les prendra-ton ? Dans les classes de 1826 à 1829, parce que pour ces classes le travail est prêt. On fera aussitôt le travail, pour opérer la levée du reste, mais lorsque les opérations préliminaires seront faites, je suppose que le gouvernement s’aperçoive que les 10,000 hommes lui suffisent ; d’après le projet il pourra arrêter les opérations, et s’en tenir à ces 10,000 hommes. Par l’amendement, au contraire, il serait obligé de continuer la levée dans toutes les classes, celles de 1830 et 1831 incluses, en sorte que par votre système d’équité, vous enlevez à leurs familles et à leurs travaux des hommes dont l’armée n’a pas besoin, et vous grevez le trésor de toute la dépense de l’entretien et de l’équipement de ces hommes.

La section centrale a reconnu l’équité qu’il y aurait à faire les choses comme le veut l’entendement, mais elle a dû céder aux difficultés d’exécution et aux inconvénients graves qui en résulteraient.

M. Gendebien. - On reconnaît la justice de notre amendement ; dès lors il faut que l’on ait de fortes raisons pour l’écarter, et je ne sais s’il peut jamais exister de bonnes raisons pour écarter une disposition de loi fondée sur la justice.

Il est reconnu que les premiers hommes seront exclusivement pris sur les quatre premières classes, et d’après la répartition que l’on propose, on avoue qu’on a déjà levé sur ces classes plus d’hommes que sur les deux autres. (Non ! non !) C’est un fait avéré, messieurs, puisque sur l’année 1830, on n’a pris que 8,000 hommes tandis que sur les autres on a pris un nombre beaucoup plus considérable. Maintenant dans ces classes il y a beaucoup plus d’hommes mariés que dans les autres ; je ne vois pas que ce doive être là un motif de faire porter sur elles le poids principal de la levée. Notre amendement rend toutes clauses égales.

Mais, dit-on, vous rendez impossible l’exécution de la loi ; si le gouvernement a besoin de 10,000 hommes sur-le-champ, vous le mettrez dans l’obligation d’en appeler 30,000 à la fois. Messieurs, que le gouvernement commence par appeler sur toutes les classes les hommes disponibles et par portions égales, je veux dire d’après les proportions établies ; quand les premiers seront arrivés, qu’il les habille, les équipe, les exerce, et, en attendant, les autres arriveront. On n’improvise pas l’équipement, l’habillement de plusieurs milliers d’hommes. Si vous faites cela en six semaines ce sera beaucoup et dans six semaines les autres hommes arriveront et ils iront très bien avec de bons cadres. D’ailleurs dans les régiments il y a toujours des dépôts ; et bien ! les hommes derniers arrivés resteront au dépôt, ils s’y instruiront pour partir plus tard. Si vous ne prenez pas sur toutes les classes, le ministère avec son imprévoyance ordinaire, ne fera pas les opérations sur les classes de 1830 et 1831.

Je persiste à penser que le dernier paragraphe de l’article est inutile, dangereux même, et je crois que l’amendement proposé par M. Leclercq et par moi, est ce que vous pouvez adopter de plus juste et de plus facile à exécuter.

M. Dumortier. - Il me semble, messieurs, que dans cette discussion on ne se pénètre pas assez d’une chose ; c’est que la loi met 30,000 hommes à la disposition de gouvernement, et qu’il peut les lever tous s’il le veut ; il y a peut-être justice à ne faire supporter la levée que par portions égales dans les diverses classes, mais assurément il n’y a pas abus de la part du gouvernement à ne pas le faire. (Si ! si !) Au moyen de l’amendement présenté, si le gouvernement n’a besoin que de 10,000 hommes, il faudra qu’il en lève 30,000, de manière que sans utilité, vous aurez arraché à l’agriculture, aux travaux industriels 20,000 hommes et vous aurez grevé le trésor de toutes les sommes nécessaires à leur habillement, à leur équipement et à leur entretien. Je vous le demande, un pareil amendement est-il acceptable ?

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, j’appuie les observations de l’honorable préopinant et du rapporteur de la section centrale, qui vous ont très bien démontré les inconvénients que présenterait l’adoption de l’amendement. Je n’ajouterai qu’un mot, c’est qu’immédiatement après la promulgation de la loi, rien n’empêche qu’on ne commence les opérations préparatoires sur les classes de 1830 et 1831 ; c’est même de rigueur si on veut pouvoir utiliser les hommes appartenant à ces classes ; mais pourquoi mettre dans la loi qu’on sera forcé de faire marcher ces deux classes et jeter ainsi l’inquiétude parmi les hommes qui la composent, lorsqu’en définitive il est possible qu’on puisse se passer d’eux. Il me semble, messieurs, qu’il suffit d’adopter le principe de l’article 2, et qu’il faut s’en rapporter au gouvernement du soin de l’exécuter.

M. Jullien. - Messieurs, lors de la discussion générale, j’ai demandé ce qu’on entendait dans l’article 2 par les mots « miliciens disponibles, » on n’a pas répondu alors à mon interpellation et aujourd’hui on n’y a pas répondu davantage ; doit-on entendre par miliciens disponibles tous les hommes qui, ayant été désignés pour le service actif, se sont trouvés en dehors du contingent appelé ?

Et bien, s’il en est ainsi, voici ce qui va arriver : il va s’en trouver une grande quantité qui seront tout à fait incapables de servir à cause de leurs infirmités, et en voici la raison. Lorsque le tirage fut fait, on savait à peu près d’avance dans chaque localité jusqu’à quel numéro on arriverait après le conseil de révision. Ceux qui ayant porté de hauts numéros et qui par leurs infirmités savaient qu’ils étaient incapables de servir, ne se sont pas donné la peine de se présenter au conseil, et de cette manière ils ont été comptés comme valides. Vous aurez donc des bossus, des bancals. (Rire, rumeurs, interruption et signes de dénégation.) Oui, messieurs, voilà les hommes qu’on vous livrera, parce qu’il n’en restera guère d’autres.

Si ces hommes pouvaient se présenter encore devant un conseil de révision pour faire constater leurs infirmités, je n’aurais rien à dire, mais je lis dans le paragraphe de l’article 5 une disposition qui me semble exclure cette idée : « Ceux d’entre eux, dit ce paragraphe, qui, postérieurement à la clôture de la session annuelle des conseils cantonaux, auront acquis des titres à l’exemption accordée par la loi du 22 juin 1831, seront admis à faire valoir leurs droits devant les députations des états. » Je demande maintenant ce qu’on fera de ceux qui n’auront pas réclamé avant la clôture des conseils cantonaux.

M. Ch. de Brouckere. - L’article 5 n’a rien de commun avec les miliciens, il ne concerne que la garde civique. C’est l’article 6 qu’il faut consulter pour les premiers. Voici ce qu’il porte : « Quant aux miliciens des classes de 1830 et de 1831, les conseils de milice créés pour la levée de 1832, seront convoqués pour procéder à l’examen de leurs réclamations » ; de plus à l’article 14 se trouve cette disposition : « seront observées et exécutées, pour la présente levée, les dispositions des lois des 8 janvier 1817 et 17 avril 1820, pour autant qu’il n’y est pas dérogé par les articles précédents, » c’est-à-dire que tous les miliciens de 1830 et 1831 comparaîtront devant les conseils de milice, où ils pourront faire valoir en vertu des lois précitées tous les motifs d’exemptions.

Quant aux hommes des autres classes, on ne demande que ceux qui sont inscrits actuellement sur les registres du premier ban de la garde civique, et ceux-là n’ont pas d’exemption à faire valoir ou n’en avaient pas au 1er janvier, sans quoi ils ne seraient pas inscrits. Nous ajoutons de plus que ceux qui auront acquis depuis de nouveaux motifs d’exemption, seront admis à les faire valoir. Voilà l’explication que demandait M. Jullien.

M. Goethals. - Messieurs, le préopinant vient de répondre d’une manière suffisante à l’interpellation de M. Jullien, du moins pour la première partie...

M. Van Meenen. - Je demande la parole pour une motion d’ordre ; nous nous écartons tout à fait de l’objet en discussion. Nous en sommes à l’article 2 du projet, et par anticipation on porte la discussion à l’article 5.

M. le président. - Pardon, c’est bien sur l’article 2 que portait l’interpellation de M. Jullien.

M. Van Meenen. - Vidons d’abord la discussion sur l’amendement de M. Gendebien.

M. Goethals. - Je renonce pour le moment à la parole, je la demanderai plus tard quand on aura prononcé sur l’amendement.

M. Jullien. - Messieurs, j’ai attaqué l’article 2 par la tête et ces messieurs l’ont attaqué par la queue. (On rit.)

M. de Brouckere m’a donné des explications qui sont bonnes, très bonnes pour les miliciens de 1830 et de 1831, mais il ne m’a pas répondu pour ce qui concerne les miliciens des classes antérieures.

M. Fleussu. - Je demande la parole.

M. Jullien. - Qu’est-ce que M. Fleussu veut me répondre ?

M. Fleussu. - Je vous répondrai par l’article 5, qui a décidé la question.

M. Jullien. - Mais non, il ne la décide pas.

M. Ch. de Brouckere. - L’article 5 dit : « Tous les miliciens des classes de 1829, 1828, 1827 et 1826 qui sont actuellement inscrits sur les registres du premier ban de la garde civique, (ce qui veut dire tous les miliciens des classes de 1826, 1827, 1828 et 1829 qui au 1er janvier n’auront pas eu de motifs d’exemption à faire valoir) concourront à la formation de la réserve ; » le deuxième paragraphe de cet article porte : « Ceux d’entre eux qui, postérieurement à la clôture de la session annuelle des conseils cantonaux, auront acquis des titres à l’exemption, (c’est-à-dire que ceux qui alors n’auront pas fait valoir les motifs d’exemption) accordés par la loi du 22 juin 1831, seront admis à faire valoir leurs droits devant la députation des états ». Je demande si cet article ne dit pas que tout homme ayant des motifs d’exemption pourra les faires valoir ? Après cela l’article 6 dit la même chose. Il n’y a donc et ne peut y avoir le moindre doute.

M. Goethals. - Je demande la parole.

M. le président. - Vous y avez renoncé deux fois.

M. Goethals. - J’y’avais renoncé parce qu’on avait dit que la discussion sur l’amendement de M. Gendebien serait vidée d’abord.

L’honorable M. Jullien a très bien dit, quand il a fait remarquer qu’il avait attaqué l’article 2 par la tête, tandis que les autres orateurs l’ont attaqué par la fin. M. de Brouckere a très bien répondu sur la deuxième partie d’abord, et maintenant sur la première. Cependant, pour lever toutes les difficultés, au lieu de commencer l’article 2 par ces mots : « Sont appelés à faire la réserve tous les miliciens restés disponibles, » je proposerai de dire : « Sont appelés, etc., tous les hommes appartenant aux classes de milice de 1826, 1827, etc. » C’est une légère modification, mais qui suffit, je crois, pour lever toutes les difficultés.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je crois que pour satisfaire M. Jullien, il faudrait retrancher de l’article les mots « restés disponibles. » J’avais eu moi-même l’intention de proposer d’abord cette suppression, il me semble en effet que ces mots sont inutiles et qu’ils pourraient jeter quelque obscurité dans la loi, parce qu’on entend par milice disponible un homme sur trois cents âmes de population, d’après la loi de 1818.

M. le président. - C’est l’amendement de M. Goethals.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Il y a cette différence, que je laisse subsister le mot « miliciens. »

M. Goethals. - J’ai dit : « Les hommes appartenant aux classes de milice.

- On demande la clôture, elle est prononcée.

M. le président. - Je vais mettre aux voix la suppression demandée par M. le ministre de l’intérieur.

M. Rogier. - Il est impossible de laisser l’article ainsi rédigé. Entendra-t-on par le mot seul de miliciens, tous ceux appartenant aux classes de 1830 et de 1831 ? L’article serait moins clair, ce me semble.

M. Ch. de Brouckere. - Il importe fort peu que l’on retranche les mots « restés disponibles, » ou qu’on les maintienne, parce que l’article 5 donne une explication suffisante sur ce qu’on doit entendre par le mot miliciens. Cependant l’article était beaucoup plus correct dans sa rédaction primitive.

M. Destouvelles.- Dans toutes les lois sur la milice on trouve les mots « restés disponibles ; » ce sont des mots en quelque sorte sacramentels.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Puisqu’on est d’accord sur le sens de l’article, je retire mon amendement.

M. le président. - Reste celui de M. Goethals.

M. Goethals. - Je ne tiens pas à ce qu’on le mette aux voix puisque les explications dans lesquelles on est entré de part et d’autre donnent la portée de l’article.

M. le président. - Je vais mettre successivement aux voix les deux amendements de M. Gendebien, dont l’un consiste dans la suppression du dernier paragraphe de l’article 2, et l’autre dans une rédaction différente.

La suppression est mise aux voix et rejetée ainsi que la rédaction du dernier paragraphe.

Article 3

« Art. 3. Le nombre d’hommes à fournir par chaque province, pour les levées qui seront ordonnées par le gouvernement, sera réparti proportionnellement à leur population, en faisant néanmoins sur celle de chaque province la déduction du montant de la population des cantons ou communes dont le premier ban de la garde civique est en activité de service ; ces cantons ou communes ne concourront pas aux levées autorisées par la présente loi. »

M. le président. - M. Rogier a proposé sur cet article l’amendement suivant :

« Pour former la base de cette répartition, seront comptés avec les 30,000 hommes dont la levée est autorisée par la présente loi, les 20,000 hommes de garde civique déjà mis en activité ; de telle manière que chaque province contribue dans la même proportion à la réserve de 50,000 hommes.

« Sera déduit du contingent de chaque province le nombre d’hommes qui font partie des bataillons ou fractions de bataillons de garde civique actuellement en activité de service. »

M. Rogier. - Messieurs, l’amendement que l’assemblée avait bien voulu me permettre de développer à l’avant dernière-séance n’a pas eu l’avantage d’être agréé par la section centrale. Malgré tout le désir que j’avais d’abréger la discussion du projet, je le crois trop important et trop équitable, pour ne pas le présenter à la chambre tout entière. Je l’ai déjà développé précédemment, j’aurai par conséquent peu de mots à ajouter.

Le contingent général extraordinaire pour tout le royaume est de 50,000 hommes. De ces 50,000 hommes on calcule que 20,000 ont déjà été fournis pour la mobilisation d’une partie du premier ban de la garde civique. Reste à lever 30,000 hommes et à les répartir entre toutes les provinces. Je demande que l’on parte de la base de 50,000 hommes, que ce nombre soit réparti dans toutes les provinces en raison de la population de chacune, et que ce qu’elles ont fourni en gardes civiques mobilisés soit compté en déduction des miliciens à fournir pour la réserve.

Si on n’adopte pas mon amendement, qu’arrivera-t-il ? Il est des provinces qui ont fourni au-delà de leur contingent eu égard à leur population. Une nouvelle répartition va frapper sur les cantons non mobilisés, et il arrivera que telle province qui sur 50,000 hommes n’en devrait que 4,500 par exemple, en aura fourni 6,000, 1,500 de plus. Je sais qu’on me répondra qu’il ne faut pas se laisser guider ici par l’esprit provincial ; mais je le demande à tous ceux qui m’écoutent, quel est celui qui, représentant d’une province, sait que par une disposition de loi, cette province va être grevée au-delà de ce qu’elle doit ; quel est celui, dis-je, qui ne s’empresserait de prendre sa défense ? J’ignore s’il y a plus d’une province qui se trouve dans ce cas ; j’ignore si d’autres se trouvent dans le cas d’avoir fourni au-delà de leur contingent ; s’il en est ainsi, je parle pour toutes ces provinces. Remarquez, messieurs, que depuis un an ces provinces sont grevées ; il serait juste d’établir une compensation aujourd’hui et c’est là le but de mon amendement ; il n’a pas été accueilli par la section centrale, j’espère qu’il le sera par la chambre.

M. Ch. de Brouckere. - La section centrale a examiné l’amendement du préopinant, elle n’a pas cru devoir l’accueillir, et en voici les motifs.

L’honorable membre a dit qu’on ferait une levée de 50,000 hommes. Non, messieurs, on ne fait qu’une levée de 30,000, et on ne la fait que de ce nombre, parce qu’il y a déjà 18,000 gardes civiques sous les armes. Si nous commencions la création de l’armée, on n’entendrait pas parler de garde civique mobilisée, et je concevrais la répartition proposée par l’honorable membre ; mais aujourd’hui la chose est impossible parce qu’il ne faut pas désorganiser les 18,000 qui sont déjà sous les drapeaux. Maintenant que veut-on ? Que ce soit la province, et non pas le canton qui a fourni le contingent de garde civique, qui soit dégrevé, c’est-à-dire, qu’on veut faire du royaume une espèce de fédération, chaque province fournissant un contingent, sans s’embarrasser s’il a frappé sur telle ou telle partie de la province. Ce n’est pas ainsi que les choses doivent se faire. Si on répartit le contingent entre les provinces, c’est parce que cette répartition est plus commode, l’administration de chacune d’elles étant mieux à même que personne de faire la sous-répartition, qu’il s’agisse d’une levée d’hommes ou qu’il s’agisse d’une contribution en argent ; mais c’est comme si le gouvernement lui-même faisait la répartition entre les cantons et les communes.

Or il était juste que les cantons et les communes qui ont vu leurs gardes civiques mis en disponibilité, fussent dispensées de fournir encore un contingent pour l’armée de réserve ; il ne fallait pas moissonner leur population entière. Voyez au contraire où nous conduirait l’amendement ? Je suppose, que dans la province d’Anvers, je choisis celle-là comme je pourrais faire de tout autre, je suppose, dis-je, que dans la province d’Anvers, la garde civique sous les armes appartienne au canton de Malines, qui touche un canton de Turnhout. Voulez-vous que le canton de Turnhout parce qu’il se trouve dans la même province que Malines, ne fournisse qu’un homme sur quatre, tandis que le canton de Hasselt, qui touche aussi au canton de Turnhout, en fournira quatre, parce qu’il appartient à une province différente ? Nous avons pensé que cela n’était pas possible et que l’équité exigeait que l’on tînt compte aux communes et aux cantons de ce qu’ils avaient fourni en garde civique mobilisée et nous avons dit : toutes les communes qui n’ont pas fourni des hommes à la garde civique mobile en fourniront à la réserve. Je vote pour le rejet de l’amendement.

M. Goethals. - Et moi je viens appuyer l’amendement de M. Rogier, qui est conforme à toute espèce de répartition, soit pour des levées d’hommes, soit pour des levées d’argent ; en effet, si déjà un grand nombre de cantons ont leurs hommes sous les armes, il est certain que ces cantons où les fabriques, où les travaux de l’agriculture emploient beaucoup de bras, il y en a disette maintenant et on est obligé d’aller en emprunter aux cantons voisins. Il y a dans la même province des cantons qui sont éloignés de 20 lieues, dit-on ; oui, mais il y en a qui ne sont distants que d’une lieue et qui souffrent du départ des hommes du canton limitrophe ; il me paraît donc juste de ne pas considérer les cantons en particulier, mais la province pour fixer le contingent. Je ne sais pas quel est le nombre de gardes civiques qui est parti dans ma province, mais je sais que plusieurs cantons sont en souffrance faute de bras, et qu’ils sont obligés d’aller recruter des ouvriers dans les cantons voisins. (Aux voix ! Aux voix !)

- L’amendement de M. Rogier est mis aux voix et rejeté.

L’article 3 est ensuite mis aux voix et adopté.

Article 4

« Art. 4 (proposé par M. Rogier.) La répartition du contingent assigné à la province sera faite par les états députés, entre les communes de la province dont les gardes civiques ne sont pas mis en activité. »

M. Fallon. - Je demande la parole non pas pour combattre l’article, mais pour combler une lacune que j’y remarque : on ne dit pas sur quelle base la répartition sera faite par les états députés : M. le rapporteur pourrait-il nous dire si c’est eu égard à la population ?

M. Seron. - Ça va de soi.

M. Ch. de Brouckere. - C’est eu égard à la population.

M. Fallon. - Il faut en dire quelque chose, sans cela vous verrez la loi exécutée ici d’une manière, et là d’une autre.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - L’article est calqué sur les bases de l’article 3 ; on s’en réfère à la loi sur la milice, pour la manière dont se fera la répartition ; par conséquent il n’y a pas de difficulté, car la répartition par les états provinciaux se fait à raison de la population.

M. Verdussen. - Je propose de rédiger l’article ainsi : la répartition du contingent assigné à la province sera faite, d’après les mêmes bases par les états députés, entre les communes, etc. ; » alors toute difficulté sera levée.

M. Fallon. - Maintenant que nous sommes d’accord sur ce point, je ferai remarquer qu’il pourra se présenter un inconvénient assez grave : telle commune qui devrait fournir deux ou trois hommes pour son contingent, pourra n’en avoir aucun de disponible ; c’est ce qui arrive souvent pour la milice,

M. le président met aux voix l’amendement de M. Verdussen ; il est adopté.

- L’article 4 amendé est ensuite adopté.

Article 5

« Art. 5. Tous les miliciens des classes de 1829, 1828, 1827 et 1826, (qui sont actuellement inscrits sur les registres du premier ban de la garde civique), concourront à la formation de la réserve ; ils seront appelés par ordre d’âge, pour chaque classe, dans chaque commune, en commençant par les plus jeunes.

« Ceux d’entre eux qui, postérieurement à la clôture de la session annuelle des conseils cantonaux auront acquis des titres à l’exemption accordée par la loi du 22 juin 1831, seront admis à faire valoir leurs droits devant les députations des états.

« Ceux qui voudront se faire remplacer, s’adresseront également à la députation des états, qui statuera sur l’admission des remplaçants. »

M. le président. - Il y a quatre amendements, le premier est de M. Jacques, le second de M. Gendebien, le troisième de M. Liedts, le dernier de M. Goethals.

M. Jacques. - Je propose l’adoption des articles 3, 4 et 8 de mon projet imprimé, en remplacement de l’article 5 du projet de la section centrale, ce qui entraînerait la suppression des articles 6, 11, 12 et 13 de ce projet.

Voici le texte de ces articles.

« Art. 3. Restent exemptés sans examen ultérieur :

« l° Ceux qui ont obtenu l’exemption définitive de la milice ;

« 2° Ceux qui ont obtenu l’exemption de la milice pour un an lors des opérations de la levée de 1832 ;

« 3° Les miliciens des classes antérieures à 1830 qui ne font pas actuellement partie du premier ban de la garde civique. Néanmoins jusqu’au 31 juillet 1832, la députation des états, soit d’office, soit à la demande des intéressés, désigneront pour le service, à moins que l’exemption ne soit acquise d’un autre chef, ceux de ces miliciens qui se seraient soustraits à l’inscription pour le premier ban ou qui en auraient été exemptés, soit sur de faux motifs, soit sur des motifs qui ne procurent pas l’exemption de la milice.

« 1° Les miliciens qui justifieront de leurs droits à l’exemption conformément aux lois sur la milice ;

« 2° Les miliciens mariés avant le 10 juin 1832, et ceux dont la première publication aurait été faite le même jour au plus tôt, pourvu que le mariage ait lieu au plus tard le 10 juillet 1832 ;

« 3° Les miliciens qui se trouvent en activité de service comme remplaçants. »

« Art. 8. L’examen des volontaires, des réclamations et des remplaçants aura lieu aux époques à fixer par le gouvernement, savoir :

« a) Pour les miliciens des classes antérieures à 1830 devant les députations des états.

« b) Pour les miliciens de 1830 et 1831 devant les conseils de milice dont les opérations seront divisées en deux sessions. La première sera consacrée à l’examen des volontaires et des réclamations, et la seconde à l’examen des remplaçants ainsi que des affaires non terminées dans la première.

M. le président. - M. Gendebien propose de mettre après les mots : « seront appelés, » ceux-ci : « par ordre des numéros qu’ils ont obtenu au tirage au sort pour la milice. »

M. Gendebien. - Il me semble que énoncer la proposition, c’est en démontrer toute la justice, je ne conçois pas comment on a pu prendre un autre système d’appel, et j’attendrai à cet égard les explications de la section centrale ; elle doit nous dire comment on a pu changer l’ordre d’appel des quatre classes de miliciens des années 1826, 1827, 1828 et 1829.

Ces quatre classes sont composées d’individus munis chacun d’un numéro ; il y a un droit acquis à chacun de ces individus par le tirage au sort ; pour quel motif priverez-vous de ce droit acquis ? Maintenant à quoi bon parler de l’âge ; ils sont tous de la même année. Je crois que ce peu de mots suffira pour vous déterminer à adopter mon amendement.

M. le président. - La parole est à M. Liedts, qui propose l’amendement suivant : « Tous les miliciens des classes de 1829, 1828, 1827 et 1826 qui, au premier avril 1832, se trouvaient inscrits sur les registres du premier ban de la garde civique, concourront, etc. »

M. Liedts. - Vous voyez, messieurs, que mon amendement consiste à substituer aux mots « qui sont actuellement inscrits, » ceux-ci : « qui étaient inscrits au 1er janvier 1832 ; » en voici les motifs.

D’après l’article 3 que vous venez d’adopter les communes et cantons dont le premier ban est mis en activité ne concourent pas à la réserve ordonnée par la présente loi. Si maintenant vous laissiez subsister la rédaction de l’article 5, voici comment les miliciens des classes de 1829 à 1826 auront la faculté de se soustraire à la levée autorisée par la présente loi. Dans la prévision que la loi sera acceptée et avant qu’elle soit mise en vigueur, ils se feront rayer des registres du premier ban de la garde civique dans la commune qu’ils habitent en ce moment et se feront inscrire sur les registres de la garde civique dans une ville ou commune dont le premier ban a été mis en activité. Si vous voulez éviter cette fraude, il faut nécessairement prendre pour point de départ les registres faits au 1er janvier 1832 ; sans cela la loi sera éludée par tous ceux qui le désireront.

M. le président. - Voici les amendements présentés par M. Goethals. « Paragraphe additionnel à l’article 5. Ajouter : « de même ceux qui auraient à faire valoir des droits légalement acquis, pourront les présenter devant lesdits conseils.

« Dernière phrase : Dire : « seront admis à faire valoir leurs droits devant les conseils de milice qui seront convoqués pour en connaître. »

« Dernier paragraphe. Ceux qui voudront se faire remplacer s’adresseront également auxdits conseils de milice qui statueront sur l’admission des remplaçants.

M. Goethals. - Je ne conçois pas comment on fera présenter les motifs d’exception devant les états députés ; sera-ce en forme de mémoire, en personne ? Dans l’un ou dans l’autre cas, il en résultera un retard dans l’exécution de la loi, et des frais et des démarches pour les réclamants.

Cet amendement tend absolument à alléger pour le public les peines qu’il faut prendre pour présenter des exemptions de service. C’est dans ce but que je demande que les réclamants se présentent au chef-lieu de l’arrondissement au lieu d’aller au chef-lieu de la province. Aux chefs-lieux de canton l’autorité peut avoir plus aisément les renseignements qui seraient nécessaires.

Il sera désagréable à beaucoup d’individus d’aller avec des remplaçants au chef-lieu de la province. Si le remplaçant ne peut être admis on aura fait des frais inutiles, et de plus c’est augmenter la besogne des conseils de milice.

M. le président. - L’amendement de M. Jacques est-il appuyé par cinq membres ; en est-il de même des amendements de MM. Gendebien, Liedts, Goethals ?

- Des membres se lèvent pour appuyer tous ces amendements.

M. Ch. de Brouckere. - Il m’a été impossible d’examiner l’amendement de M. Jacques ; il ne m’a été remis que ce matin à midi. Il y dans cet amendement une partie inexécutable. Il a parlé des frères ; les lois sont là pour faire droit. La partie de l’amendement qui est inexécutable rentre dans l’amendement de M. Gendebien. Il était plus juste sans doute d’appeler les hommes par ordre de numéros ; mais il est impossible de procéder ainsi pour les hommes des provinces du Luxembourg et du Limbourg. Pour le Limbourg les listes sont à Maestricht ; les autres sont à Luxembourg.

L’amendement de M. Goethals est impraticable parce que pour les classes de 1830-1831, tous les cas de réclamation sont à produire. Il y a 6,000 hommes pour une classe et 4,000 hommes pour l’autre. Les conseils de milices seront en permanence pendant six semaines. Il ne faut pas les surcharger davantage. C’est au chef-lieu de la province que se font les réclamations pour les exemptions et les remplacements ; les exemptions seront rares puisque les hommes de 1826 à 1829 ont été examinés. Nous sommes restés dans les errements de la loi sur la milice autant qu’il a été possible. Au reste je ne m’oppose pas à aucun amendement.

M. Gendebien. - Je crois qu’un léger changement à mon amendement le fera passer. Pour les provinces du Limbourg ou du Luxembourg les registres doivent se trouver dans les communes. Il faut mettre dans mon amendement : « Néanmoins pour les communes où les registres manqueraient, il sera procédé par rang d’âge. »

M. Goethals. - Je veux répondre quelques mots au rapporteur de la section centrale. On écarte mon amendement pour ne pas surcharger les conseils de milice, parce qu’ils auront à examiner les réclamations de 1830 et 1831 ; mais il y a deux mois qu’ils sont occupés de ce travail, et il doit être achevé. Je sais très bien que lorsqu’on fait des tirages supplémentaires, ce sont les états députés qui décident des exemptions, parce qu’alors les conseils de milice ne sont pas assemblés. Mais quand ils sont assemblés, il sera plus facile pour l’administration et moins onéreux pour les réclamants, de s’adresser à ces conseils.

M. Thienpont. - Il faut que les miliciens soient présents, quand un milicien fait des réclamations.

M. Jullien. - Messieurs, je demande qu’on discute les amendements les uns après les autres. Quand on discute cinq ou six amendements à la fois, comment voulez-vous qu’on s’y reconnaisse ? Je demande la priorité pour l’amendement de M. Gendebien, qui me paraît le plus juste.

M. Jacques. - Je ne m’oppose pas à ce que M. Gendebien ait la priorité, mais si vous adoptez cette disposition il faudra en adopter une autre.

M. Rogier. - Dans le cas où l’amendement de M. Gendebien aurait la priorité, je demanderai la parole pour le combattre.

- La chambre donne la priorité à l’amendement de M. Gendebien.

M. Rogier. - L’amendement de M. Gendebien donnerait lieu à beaucoup d’inconvénients. La loi veut faciliter les nouvelles levées, et il retarderait toutes les opérations. Il changerait la base. On a reconnu que les contrôles de la garde civique serviraient à former la répartition ; la recherche des numéros serait une opération bien plus longue.

M. Leclercq. - Je crois qu’on doit avoir égard aux inconvénients ; mais il faut aussi avoir égard à la justice. Les numéros, en se donnant un peu de peine, occasionneront un retard d’un jour ou deux. Les hommes qui sont dans une classe sont du même âge à un mois près. Puisqu’on les appelle comme miliciens il faut suivre les lois sur la milice.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs l’injustice signalée par plusieurs orateurs est plus apparente que réelle. D’après la loi sur la milice l’appel des miliciens ne peut jamais dépasser la proportion de un sur trois cents. Or, le tirage n’a lieu que pour compléter le contingent prescrit par la loi, et si vous adoptez les amendements proposés vous appliqueriez ce tirage à un contingent plus fort que celui de la loi. Le contingent disponible pour 1827 n’est que de (erratum au Moniteur du 26 juin 1832) 1,500 hommes, et cependant on peut lever 4.000 hommes sur cette classe ; ainsi pour lever 4,000 hommes, vous appliquerez à 2,500 hommes de cette classe une loi qui ne leur est pas applicable.

Mais la section centrale se trouvant entre deux systèmes différents a dû prendre un terme moyen qui fût applicable à toutes les classes : elle a pris pour base l’âge, parce que le travail se trouvait prêt et qu’il suffit de faire l’appel pour avoir des hommes.

M. Gendebien. - Il me semble que l’on veut méconnaître les principes de justice et d’équité qui forment la base de mon amendement. Pourquoi les règles de la milice ne s’appliqueraient-elles pas ? Vous ne pouvez plus suivre d’autres règles ; tous les miliciens savent dans quel ordre ils partiront ; vous ne pouvez changer cet ordre qui est un droit.

M. Jacques. - Messieurs, pour s’opposer à la partie de mon amendement qui se rapporte à la proposition de M. Gendebien, on dit que dans deux provinces ces registres n’existent pas. Et d’abord ces registres existent dans les communes, ensuite si on prend l’âge pour les hommes dont l’âge n’est pas constaté, il faudra donner au bourgmestre le droit de leur assigner un âge et il y aura arbitraire.

M. Dumortier. - Si on a préféré le rang d’âge, c’est parce que pour les provinces du Limbourg et du Luxembourg, les registres n’étaient plus en possession de l’autorité. Je demande que M. le ministre s’explique sur ce point.

L’âge a quelque chose d’arbitraire, mais le sort est également arbitraire. Il y a des personnes nées le même jour ; mais elles ne sont pas nées à la même heure ; on pourra donc toujours leur donner un ordre relativement à leur naissance.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, il est certain que les listes officielles dressées en vertu de la loi sur la milice ne sont pas au pouvoir des autorités provinciales du grand-duché du Luxembourg et du Limbourg. Cependant il est possible qu’on puisse se procurer encore des extraits de ces listes auprès des administrations communales, mais c’est un fait que je ne puis assurer.

Quelque base qu’on prenne, il y aura un certain arbitraire, le tirage au sort indûment appliqué à toute la levée aussi bien que l’âge, est une règle arbitraire. Au surplus le pouvoir législatif est maître de déterminer la règle à suivre pour la levée des hommes.

M. Jullien. - Messieurs, quand on veut éviter un inconvénient il arrive souvent qu’on tombe dans un autre. On a voulu se sauver de l’article 122 de la constitution et on est tombé dans les lois sur la milice. Puisque vous voilà tombés dans ces lois il faut en subir toutes les conséquences, vous ne pouvez pas sortir de là.

Or, il est incontestable, comme on vous l’a déjà fait remarquer, que les numéros du tirage donne à chaque milicien un droit acquis, celui de ne marcher que suivant l’ordre de ces numéros ; les faire marcher dans un autre ordre, c’est commettre une injustice criante. Vous dérangez des conventions, des contrats qui ont été faits pour des substitutions ; vous savez qu’on substitue un numéro à un autre, on en fait un échange, de manière à ce qu’un milicien parte pour un autre si le numéro échangé est atteint ; eh bien, messieurs, on a calculé son existence, ses moyens, son état sur les chances plus ou moins grandes qu’on a d’être appelé au service ou de ne l’être pas, et vous allez renverser tout cela

Ah ! dit un préopinant, on a adopté ce mode, parce qu’il rend la levée plus facile, plus prompte. En vérité, messieurs, c’est une chose admirable, que pour épargner du temps on aille prendre un homme pour un autre, et obliger à partir celui qui aurait le droit de rester chez lui. C’est comme si ayant un débiteur, vous alliez appréhender au corps le premier venu parce qu’il serait plus rapproché que votre débiteur ; la chose serait tout aussi juste dans un cas que dans l’autre. Voilà comment on peut répondre à votre argument.

Une objection plus sérieuse a été faite, c’est qu’il existe deux provinces où il n y a plus de contrôle ; il me semble que M. Jacques a déjà répondu d’une manière assez satisfaisante, en disant qu’il devait exister un double des listes dans les communes. Mais je suppose que ces listes n’existent pas, est-ce une raison, parce que vous êtes forcés de commettre une injustice pour ces provinces de l’étendre à toutes les autres ? Ce serait une raison pour appliquer notre article au Limbourg et au Luxembourg, mais pas ailleurs.

Du reste quand on parle de la plus grande facilité qu’il y aurait à faire partir les miliciens par rang d’âge, je crois au contraire qu’il y aura beaucoup plus de difficulté. Les contrôles sont faits pour la garde civique là où habitent les individus qui en font partie. Beaucoup de ces individus ont quitté leur commune pour aller dans une autre où ils étaient moins connus. Ces individus quitteront de nouveau ces communes quand ils verront que la levée approche ; et comme on n’aura pas pris leur signalement, et qu’ils se garderont de dire le lieu où ils se seront transportés, on ne saura seulement pas nous dire où ils sont. Au lieu qu’en allant consulter les registres du tirage, vous ne manqueriez aucun milicien. J’appuie donc l’amendement de M. Gendebien.

M. Osy. - J’appuie aussi l’amendement de M. Gendebien, mais je ne saurais en faire autant de son sous-amendement, car il serait à craindre que dans le Limbourg et le Luxembourg certains bourgmestres ne fassent disparaître les contrôles pour favoriser tels ou tels individus.

M. Gendebien. - J’avais d’abord proposé mon sous-amendement, mais je ne l’ai pas déposé, et j’y renonce par la raison donnée par M. Osy.

- L’amendement de M. Gendebien est mis aux voix et adopté.

La discussion s’ouvre sur l’amendement de M. Jacques.

M. Jacques. - Il conviendrait, je crois, de diviser le vote par parties, de manière que d’abord on mette aux voix le numéro 1 de l’amendement. Cette partie de mon amendement est indispensable si on ne veut pas violer les droits acquis. Du reste tout mon article est destiné à faire suite à l’amendement de M. Gendebien que vous venez d’adopter.

M. Dumortier. - Il me semblerait plus méthodique que l’on discutât les divers paragraphes de l’amendement de M. Jacques, sauf à voter séparément sur chacun d’eux.

M. le président. - Les amendements de M. Jacques forment un système complet.

M. Jacques. - Ils forment un système complet, c’est vrai, mais chaque paragraphe traite d’un cas tout à fait distinct, en sorte que s’il s’élevait une discussion sur le premier paragraphe, il vaudrait mieux l’évacuer avant de passer aux autres.

M. Dumont. - Je ne suis pas très familier avec les lois sur la milice, c’est pourquoi je me permettrai de faire une question à l’honorable M. Jacques, qui me paraît les entendre très bien. Les exemptions pour les miliciens sont également applicables à la garde civique. (Signes de dénégation). Si dans la milice un jeune homme est appelé, qu’il ait un frère ayant servi et maintenant libéré du service, il sera exempté. Dès lors le garde civique dans un cas semblable obtiendra également son exemption, ainsi votre paragraphe premier est inutile.

M. Jacques. - Je vais répondre à l’honorable membre. La première loi sur la garde civique établissait effectivement cette exemption ; mais dans la deuxième loi on a dit que l’exemption ne serait accordée que si le frère de l’appelé était actuellement et en personne sous les armes ; tandis qu’un milicien est exempté par cela seul qu’il a un frère libéré du service.

M. Verdussen. - Si j’ai bien compris M. Jacques, son paragraphe 1 est inutile, car je vois, article 14 : « Seront observées et exécutées pour la présente levée, les dispositions des lois des 8 janvier 1817 et 17 avril 1820, pour autant qu’il n’y est pas dérogé par les articles précédents. » Or, certes quand on applique aux miliciens de la réserve ces deux lois, les exemptions qu’elles prononcent leur sont évidemment applicables.

M. Jacques. - J’aurais besoin d’une nouvelle lecture de l’amendement de M. Gendebien pour répondre à M. Verdussen.

M. le président fait cette lecture.

M. Jacques. - C’est tout (oui !) mais on le fait précéder du paragraphe premier de l’article 5 (oui ! oui !) ; dès lors je crois ma disposition nécessaire pour éviter toute fausse interprétation.

M. Dumont. - Si le paragraphe est admis, je conçois que celui qui sera déjà exempté par la libération de son frère, continuera de jouir de l’exemption ; mais en sera-t-il de même de celui qui n’aura pas encore réclamé, parce que le congé définitif de son frère sera tout récent ?

M. Jacques. - Je répondrai à cette objection par l’article 4 que je propose et qui porte : « seront exemptés les miliciens qui justifieront de leurs droits à l’exemption, conformément aux lois sur la milice. »

M. Dumont. - En ce cas le paragraphe premier est tout à fait inutile.

M. Fallon. - Il y a moyen d’accorder toutes les opinions, ce serait de supprimer du paragraphe premier de l’article les mots : « qui sont actuellement inscrit sur les registres du premier ban de la garde civique. »

M. Dumont. - Les motifs qui ont fait admettre ces mots dans l’article 5 sont pris de ce que pour accélérer la levée on voulait profiter des opérations faites pour l’organisation du premier ban.

M. Gendebien. - Messieurs, il est fâcheux qu’on n’ait pas su d’abord ce qu’on voulait, car si l’on avait dit : le contingent de l’année est augmenté de 30,000 hommes à prendre sur telle et telle classe, dans 24 heures on aurait pu avoir la loi, et après quinze jours de discussion on ne serait pas obligé de revenir au point de départ. Or je crois maintenant que c’est ce qu’il y a de mieux à faire ; qu’on demande une levée de 30,000 hommes en augmentation du contingent de l’armée ; que l’on emploie pour régulariser les opérations les jours et les nuits s’il le faut, et avec l’activité que je me plais à reconnaître à M. le ministre de la guerre, et dont il a donné des preuves incontestables après la retraite de Moscou, il atteindra plus facilement au but qu’on se propose, qu’avec une loi métis qui est embrouillée de lois sur la garde civique, de lois sur la milice, et dont le ministre aura beaucoup plus de peine à se tirer, que pour faire une loi toute nouvelle. M. le ministre qui devra concourir à cette loi travaillera de son côté et éperonnera les employés de son administration.

La loi est urgente, il faut qu’on travaille sans relâche et qu’on ne craigne pas un peu de fatigue. La nation n’est pas sur un lit de roses, les employés du gouvernement ne doivent pas y être non plus.

M. Dumortier. - L’embarras vient, messieurs, de ce qu’on mêle des choses tout à fait distinctes. Nous en étions sur la levée des hommes et on vient nous proposer des cas d’exception qui ne peuvent s’appliquer qu’aux articles 14, 15 et 16 du projet. Ce qu’il y a de fâcheux dans tout cela, c’est que tous les amendements n’aient pas été réunis à la section centrale, qui aurait pu les coordonner avec le projet. Le mieux serait, je crois, de continuer l’examen du projet de loi et de renvoyer les amendements à la section centrale, qui nous ferait son rapport quand viendrait la discussion des articles 14 et 15. Du train dont nous allons il y en a pour trois jours sans doute avant que nous n’arrivions à ces articles, ainsi nous avons tout le temps.

M. Goethals. - Puisqu’on n’a pas saisi l’amendement, je pense qu’en ajoutant un paragraphe à l’article, on peut atteindre le but de M. Jacques, qui est que celui qui aura des motifs d’exemptions puisse les faire valoir ; je propose en conséquence l’addition suivante à l’article 5 : « de même ceux qui auraient à faire valoir des droits légalement acquis, pourront les présenter devant lesdits conseils. »

M. Jacques. - Puisqu’on n’a pas assez examiné les amendements que j’ai fait imprimer et distribuer en même temps que le rapport, il me semble que pour ne pas perdre le temps en vaines discussions, on pourrait renvoyer la discussion à lundi. (A demain ! à demain !)

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - On s’éloigne de plus en plus du but qu’on voulait atteindre. Nous voulions atteindre les quatre classes antérieures à 1830 qui sont formées en garde civique ; ces individus sont susceptibles d’être appelés d’un moment à l’autre, ils sont prêts à marcher, ils s’y attendent, nous voulions les prendre sans avoir recours aux longues opérations qu’exigerait toute autre marche.

M. d’Elhoungne. - Messieurs, la discussion devient de plus en plus obscure et tout le monde sent le besoin d’y mettre fin, car il n’est pas possible de la suivre plus longtemps.

Il me semble qu’en décrétant une levée de 30,000 hommes comme l’a proposé M. Gendebien, toutes les difficultés qui nous arrêtent disparaîtraient. Le projet pourrait exiger tout au plus 4 ou 5 articles, tandis que celui-ci se complique de lois sur la milice et la garde civique de telle manière qu’il est impossible à l’assemblée de se rendre compte de la discussion. Il y a donc nécessité de la suspendre et de renvoyer le projet à la section centrale, en la priant de nous présenter un projet dans le sens que l’a indiqué l’honorable M. Gendebien. Il est certain sans cela que plus nous irons, moins nous nous entendrons, avec cette foule d’amendements qui finiront par faire du projet une loi monstrueuse et inexécutable.

M. Dumont. - Si on renvoyait les amendements proposés aujourd’hui à la section centrale, ce serait à n’en plus finir. Vous avez fait cela une fois, rien n’empêcherait après un nouveau rapport de voir surgir de nouveaux amendements, et on ne peut dire où l’on s’arrêterait ; je crois donc qu’au lieu de renvoyer à la section centrale, il vaudrait mieux prendre un parti à l’égard des amendements de M. Jacques.

- On entend encore sur la question de savoir si on continuera ou non la discussion M. F. de Mérode, M. Goethals, M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux), M. Gendebien et M. Mary.

- Enfin la chambre décide que les nouveaux amendements seront imprimés et distribués et que la discussion continuera demain.


Nom des membres absents sans congé à la séance de ce jour : MM. Angillis, Barthélemy, Cols, Dams, de Foere, Delehaye,de Meer de Moorsel, de Robaulx, Gelders, Hye-Hoys, Jaminé, Legrelle, Nothomb, Pirson, Ullens, Van Innis.